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Full text of "Traité de viticulture et d'oenologie. Tome second, oenologie"

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TRAITÉ 

VITICULTURE 

ET 

D'OENOLOGIE 

PAR C. LA DRE Y 

Professeur à la Faculté des Sciences de Dijon 
DEUXIÈME ÉDITION 

CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE 



TOME SECOND 

ŒNOLOGIE 



PARIS 

F. SAVY, LIBRAIRE-ÉDITEUR 



TRAITÉ 

DE VITICULTURE 

ET D'ŒNOLOGIE 



Les personnes qui liront avec soin le présent volume 
consacré à l'étude de l'œnologie et constateront les 
lacunes qu'il présente, comprendront les motifs du 
retard apporté à sa publication ; j'aurais voulu donner 
sur cette matière un travail plus complet et c'est pour 
cela que j'en avais ajourné la rédaction, mais ne pou- 
vant attendre plus longtemps j'ai dû me décider à 
écarter bien des questions dont la discussion rentrait 
dans le programme que j'avais arrêté. 

Quelques mots sont nécessaires pour faire com- 
prendre la portée de cet ouvrage et exposer le but que 
je me suis proposé d'atteindre en l'écrivant. 

Un fait considérable s'est produit, il y a quelques 
années, dans cette partie des sciences appliquées qui 
concerne les objets relatifs à l'alimentation et particu- 
lièrement les liqueurs fermentées. A des observations 
approchées, devenues tout à fait insuffisantes pour 



VI AVANT - PROPOS • 

étendre nos connaissances, on a substitué l'application 
rigoureuse des méthodes scientifiques, seules capables 
d'éclairer d'un jour nouveau un ensemble de phéno- 
mènes soupçonnés seulement ou mal établis jusque-là. 

Les importants travaux de M. Pasteur sur les fer- 
mentations et sur les nombreuses questions qui s'y 
rattachent dans le domaine de la physiologie, sont 
aujourd'hui le point de départ obligé de toutes les 
études à entreprendre sur tous les sujets qui en dé- 
pendent. La nature propre de ces actions, entrevue par 
quelques auteurs, complètement méconnue par d'autres, 
est désormais parfaitement démontrée et ne peut être 
mise en doute. Les objections formulées par les parti- 
sans des théories qu'on a cherché à opposer à ces idées 
ont été réfutées victorieusement, et une légion déjeunes 
observateurs s'est chargée d'élucider tous les points de 
détails qu'il importait de dégager et d'éclaircir dans cet 
ensemble si complexe et si étendu. 

L'étude chimique, jusque-là dominante dans ces ques- 
tions, est devenue seulement l'auxiliaire et la compagne 
des études physiologiques qu'on ne peut en séparer, 
puisqu'une fermentation se présente avec tous les ca- 
ractères d'un acte vital accompli par un être organisé 
et vivant, \ ayant sa place marquée dans la série des 
êtres végétaux ou animaux. 

Il suffira de parcourir la table des matières traitées 
dans ce second volume, pour reconnaître que la vinifi- 
cation presque tout entière repose sur des opérations 
de fermentation. Nous y trouvons d'un côté une opé- 
ration capitale qu'il faut provoquer quelquefois, suivre 



AVANT- PROPOS. VJI 

et développer dans toutes ses phases ; d'un autre côté 
des fermentations qu'on doit empêcher pour assurer la 
conservation du produit obtenu, et, par conséquent, si 
les fermentations ne constituent pas toute l'œnologie, 
elles en forment la majeure partie, et dans toutes les 
périodes de la fabrication des vins, il faut compter avec 
ces opérations. 

En même temps qu'il faisait connaître la véritable 
nature de ces phénomènes, dont le rôle est si com- 
plexe et si universel, M. Pasteur s'est trouvé con- 
duit à toucher à toutes les questions accessoires qui se 
présentent dans l'étude des vins et des autres liquides 
fermentés, et il apportait clans ces recherches spéciales 
la rigueur sans laquelle on ne peut obtenir aucun ré- 
sultat exact. 

Mais si l'œnologie a fait d'importants progrès par 
suite de la détermination des caractères véritables de 
la fermentation, des recherches d'une autre nature ont 
eu également les plus heureuses conséquences sur son 
avenir et ses développements. 

Si l'on réfléchit en effet à la constitution du vin, 
composé multiple et très complexe, dérivé d'un produit 
végétal par des actions purement physiologiques, on 
comprend sans peine que nos connaissances sur la 
nature et la qualité de ce liquide ne pourront que 
gagner aux découvertes qui seront faites sur ses divers 
éléments et sur les actions que ces éléments peuvent 
exercer les uns sur les autres. 

Dans cet ordre d'idées, nous devons citer les nom- 
breuses recherches entreprises depuis plusieurs années 



VIII AVANT-PROPOS. 

par M. Berlhelot, et qui sont résumées dans ses ré- 
centes publications sur la synthèse et sur la mécanique 
chimique. 

Avant Lui, la reproduction de composés organiques 
par le seul jeu des forces chimiques était un fait excep- 
tionnel; aujourd'hui ce qui constitue l'exception, c'est le 
petit nombre de ces corps échappant encore à la loi de 
formation synthétique au moyen des éléments et des 
forces mises en usage pour la reproduction des compo- 
sés minéraux. 

L'identité du mode de génération de tous les compo- 
sés quels qu'ils soient étant démontrée, il restait à 
établir les principes qui président à tous ces phéno- 
mènes, lesquels principes sont nécessairement les 
mêmes dans tous les cas, et doivent reposer unique- 
ment sur la mesure du travail moléculaire accompli 
dans les réactions. 

Pour y arriver, M. Berthelot a eu besoin de se pro- 
curer par l'expérience une foule de données qui man- 
quaient complètement ; il a fallu également vérifier et 
contrôler bien des faits dont l'expression numérique 
n'offrait pas un degré de précision suffisant et dans ces 
nombreuses observations les séries de composés qui 
jouent un si grand rôle dans la constitution des liqueurs 
fermentées et particulièrement des vins ont souvent dû 
intervenir. 

Aussi M. Berthelot, tant dans ses études générales 
que dans les applications qu'il a dû faire à plusieurs 
points de vue, a été conduit à traiter un grand nombre 
de questions se rattachant à l'histoire de ces liquides, 



AVANT-PROPOS. IX 

et les résultats qu'il a déjà publiés sur ce -sujet auront 
dans l'avenir les plus heureuses conséquences, et pour 
le perfectionnement des méthodes, et pour la connais- 
sance de propriétés dont quelques-unes avaient été 
entrevues sans avoir pu être étudiées suffisamment. 

En même temps de nombreux travaux théoriques et 
analytiques étaient entrepris dans un grand nombre de 
vignobles, et la plupart étaient dirigés et exécutés avec 
le même esprit de rigueur scientifique qui avait trop 
souvent manqué à des recherches de ce genre. 

En présence de ces résultats déjà importants, il im- 
portait de bien caractériser cet état nouveau de la 
science œnologique, et de faire ressortir tout l'intérêt 
qui s'attache aux recherches entreprises dans cet ordre 
d'études, dont les difficultés ne sont pas aussi grandes 
qu'elles peuvent le paraître au premier abord. 

La pratique, désormais mieux éclairée, s'appuyera 
sur des données plus certaines. Les procédés d'expéri- 
mentation, qui doivent rester à la portée de tous, ga- 
gneront en précision, sans rien perdre du côté de la 
simplicité, et nous trouverons naturellement l'occasion 
de développer les conditions diverses de leur applica- 
tion dans la 4 e édition de l'Art de faire le vin. 

On comprendra facilement que dans cette étude j'ai 
dû me restreindre sur plusieurs points pour ne pas 
donner à ce Traité une étendue trop considérable et 
pour rentrer dans le cadre que je m'étais tracé en 
commençant sa publication. 

Les lacunes que j'ai laissées sur bien des sujets 
intéressants, je chercherai à les combler par la suite ; 



X AVANT-PROPOS. 

à mesure que de nouvelles observations augmé.ï erônt 
nos connaissances et viendront éclaircir ce qui est 
encore obscur sur un grand nombre de points relatifs 
à l'histoire du vin. 

Je me suis attaché à rester dans les limites que j'ai 
indiquées dans l'introduction placée en tète du premier 
volume. Ce n'est pas un traité complet que j'offre aux 
viticulteurs et aux personnes qui s'occupent d'œnologie, 
mais plutôt un programme de ce traité mis au cou- 
rant, pour cette seconde partie, de toutes les théories 
nouvelles et des applications auxquelles elles ont déjà 
donné lieu. 

Ce volume comprend l'élude générale de toutes les 
questions qui forment l'objet des dix dernières leçons 
de la Chimie appliquée à la Viticulture et à V Œno- 
logie. Les nombreuses leçons que j'ai faites à la Faculté 
de Dijon depuis vingt ans sur les matières qu'elles 
embrassent, m'ont préparé à les exposer de manière 
à en rendre l'intelligence facile à tous ceux qui vou- 
dront s'instruire sur cet intéressant sujet. 

Je terminerai par quelques réflexions sur un point 
que j'annonçais en publiant le premier volume. J'avais 
songé à joindre à cette deuxième partie un aperçu his- 
torique sur les progrès accomplis depuis la seconde 
moitié de ce siècle dans les différentes branches de la 
viticulture et de l'œnologie. 

Je me contenterai de ce que je viens de dire sur le 
caractère actuel des études œnologiques, le moment 
serait mal choisi pour entrer, relativement à la viticul- 
ture, dans des détails historiques, où la phase cruelle 



AVANT-PROPOS. XI 

que nous traversons et qui est loin d'être épuisée, de- 
vrait être discutée et appréciée, ce qui ne pourrait se 
faire sans de grands développements. 

Depuis 1872, il a été accompli des progrès considé- 
rables dans l'étude de la maladie produite par le Phyl- 
loxéra, et ceux-là seuls qui ont sérieusement étudié la 
question savent quels efforts il a fallu faire pour arriver 
au point où nous en sommes. 

La connaissance de l'insecte, qui est la cause unique 
du mal, est à peu près complète aujourd'hui, et si l'é- 
tude des moyens à employer pour conserver les Vignes 
dans les contrées envahies laisse encore à désirer, on 
peut affirmer que cette conservation est assurée par- 
tout où les intéressés voudront bien concourir d'une 
manière efficace à la destruction du fléau. 

La première condition qu'ils doivent remplir, c'est 
de croire à l'existence du mal, à sa gravité exception- 
nelle, et en présence des désastres qui déjà couvrent 
une partie si considérable de notre territoire viticole et 
s'étendent d'une manière continue, on se demande si 
vraiment il peut exister encore des vignerons incré- 
dules ou indifférents. Malheureusement ce n'est que 
trop réel, et cet état de choses ne semble se modifier 
dans chaque contrée qu'après la consommation presque 
entière de la ruine à laquelle on refusait, malgré 
des avis réitérés, de donner la moindre créance. 

En 1875, j'ai réuni dans un volume spécial, à la 
portée de tous les propriétaires, les faits nombreux 
qui se rattachent à l'étude de la maladie. Maintenant 
comme à cette époque, malgré l'extension nouvelle que 



X I, AVANT PROPOS. 

l'on signale chaque année, je ne désespère pas du 
succès ; mais pour y arriver, il faut le concours de 
tous, et je ne saurais trop répéter cette vérité qui n a 
pas besoin de discussion et de développement. 

Le seul moyen de s'assurer ce concours, c'est de 
propager et de répandre partout les connaissances in- 
dispensables, de détruire les préjugés, d'initier les 
propriétaires elles vignerons à tout ce qu'ils doivent 
savoir pour apprécier leur situation et bien com- 
prendre le mode d'action des procédés que la science 
leur propose, ainsi que des mesures qu'elle leur con- 
seille, pour les garantir de l'invasion et en détruire les 
effets funestes. 

Sur ce point comme pour tout ce qui se rattache a 
l'étude du vin, nous arrivons à la même idée que j'ai 
souvent développée dans cet ouvrage et qui doit en être 
le fruit et la conséquence. Répandre parmi les viti- 
culteurs et les négociants les notions indispensables 
pour étendre leur instruction professionnelle, seul 
moyen d'accroître leur bien être et de les prémunir 
contre les accidents et les désastres. 



Dijon, le S décembre 1879. 



DEUXIÈME PARTIE 



ŒNOLOGIE 



CHAPITRE PREMIER 



L E VIN 

L'œnologie, comme son nom l'indique, est la science 
du vin ; elle complète au point de vue de l'histoire na- 
turelle de la Vigne l'étude de la viticulture, et elle doit 
lui succéder, puisqu'elle prend pour sujet de ses opéra- 
tions le raisin, à la production duquel nous conduit la 
culture de la Vigne. 

La vendange est pour ainsi dire la transition entre 
ces deux parties d'un même sujet ; elle termine les opé- 
rations annuelles de la culture, et commence celles de 
la vinification, le raisin étant, immédiatement après 
avoir été coupé, porté au pressoir ou dans la cuve, 
suivant l'espèce de vin que l'on veut obtenir. 

A partir de ce moment, se succède une longue série 
de manipulations qui aboutissent, au bout d'un temps 

1 



2 ŒNOLOGIE. 

plus ou moins long', à nous donner ce liquide clair et 
limpide, qui constitue le vin et qui joue un si grand 
rôle dans notre alimentation. 

Ces opérations sont très multiples et très complexes, 
et le vigneron a besoin d'en connaître avec détails l'ori- 
gine et la cause, afin de Lien se rendre compte de leur 
action, de leur Lut, et des conditions dans lesquelles 
elles doivent être accomplies. 

Lorsqu'on les étudie clans leur ensemble, et surtout 
lorsqu'on cherche à expliquer Futilité et le mode d'ac- 
tion de chacune d'elles, on reconnaît, dans les réactions 
si diverses qui les caractérisent, l'effet d'une préoccu- 
pation constante et comme la conséquence d'une idée 
unique et dominante. Cela tient à ce que toutes les opé- 
rations qui constituent la vinification, c'est-à-dire la 
préparation des vins et leur conservation, se rapportent 
à un seul ordre de phénomènes variables avec le temps, 
mais toujours semblables quant à leur nature et leurs 
caractères généraux ; ils constituent ce qu'on appelle la 
fermentation. 

L'œnologie tout entière est un des côtés de l'étude des 
actions spéciales désignées sous ce nom; c'est l'applica- 
tion au produit d'une plante déterminée et dans un but 
également bien défini de ces questions générales qui 
s'imposent comme terme et conclusion de l'étude de tous 
les êtres vivants, qu'ils appartiennent au règne végétai 
ou au règne animal. 

Le point de vue auquel nous nous plaçons immédia- 
tement, pour arriver à nous rendre compte du sujet que 
nous avons à traiter, est donc très élevé, puisqu'il touche 



LE VIN. 3 

aux problèmes les plus ardus de la nature vivante : il 
paraîtra peut-être à beaucoup de personnes, nous écar- 
ter du résultat que nous nous proposons d'atteindre. 
Nous croyons au contraire que nous parviendrons plus 
sûrement à notre but, en empruntant de suite à ces 
idées générales les notions qui vont nous permettre de 
faire ressortir le caractère fondamental de la vinifica- 
tion, et en signalant tout d'abord la liaison qui existe 
entre les réactions qui se produisent pendant son accom- 
plissement, et les lois naturelles qui président à la dé- 
composition et à la destruction de tous les êtres orga- 
nisés. 

Par là, nous arriverons à établir sans difficulté la 
ressemblance qui existe entre la fermentation première 
qui se manifeste dans les cuves ou les tonneaux et trans- 
forme le moût du raisin en vin, et les autres fermenta- 
tions qui peuvent se produire ultérieurement au sein 
de ce liquide, et sont les causes de ses altérations ou de 
ses maladies. 

En même temps, nous pourrons comprendre facile- 
ment en quoi toutes ces fermentations se ressemblent, 
et en quoi elles différent des actions du même genre, qui 
affectent les autres produits de la végétation ou même 
les organes des animaux après la cessation de la vie. 

L'attention des vignerons a été souvent appelée sur 
toutes ces analogies, on a cherché à leur faire com- 
prendre la nature de la fermentation vineuse et des 
autres fermentations qui peuvent se développer dans la 
suite au sein du vin. Cette étude conduit naturellement 
a l'explication des opérations ordinairement usitées 



4 ŒNOLOGIE. 

dans tous les vignobles, et à l'intelligence des moyens 
rationnels proposés pour en améliorer les produits et 
prévenir leurs altérations. Mais ces opérations sont 
encore mal comprises, les moyens d'amélioration dont 
l'application serait si facile sont inconnus des uns, peu 
appréciés et trop rarement appliqués par les autres, et 
cet état de choses provient uniquement de ce que les 
théories qui nous en dévoilent le mode d'action et l'effi- 
cacité, ne sont ni assez vulgarisées, ni suffisamment étu- 
diées par ceux qui sont le plus intéressés à les con- 
naître. 

Dans les conditions ordinaires de la vie des plantes, 
le Lut final et naturel de leur végétation est la produc- 
tion et la maturation du fruit, dont un des éléments 
essentiels, la graine, est destiné à assurer leur repro- 
duction. 

Le fruit mûr se détache de la plante qui l'a produit, 
et il tombe à terre, ou bien, s'il s'agit de plantes culti- 
vées, il est récollé par l'homme qui en utilise certaines 
parties et réserve les graines pour les confier au sol en 
temps opportun et reproduire la plante mère. 

La graine de la Vigne formée par les pépins que ren- 
ferment les baies du raisin, n'est que très rarement 
employée pour propager la Vigne, et surtout pour peu- 
pler nos vignobles; nous avons à notre disposition, pour 
arriver à ce résultat, des procédés plus rapides et plus 
sûrs. Cependant, ce moyen pourrait parfaitement réus- 
sir, on a fait souvent des semis de Vignes et les Vignes 
sauvages qui peuplent certaines forêts dans l'ancien et 



LE VIN. 5 

le nouveau monde, n'ont pas d'autre mode de repro- 
duction et de dissémination. 

Les raisins, fruits charnus et nutritifs, sont utilisés 
comme aliments par l'homme et les animaux. Ceux 
qui tombent sur la surface du sol, après l'achèvement 
de leur maturité, ne tardent pas à s'altérer et à se 
pourrir. La pulpe charnue disparaît sous l'influence de 
ces altérations, la graine persiste seule, plus ou moins 
enterrée, et elle attend dans ces conditions, le moment 
favorable à sa germination. 

Ceux de ces fruits qui restent sur les sarments sans 
être cueillis et sans tomber, s'y dessèchent et s'y altè- 
rent également; ils finissent par ne plus contenir d'in- 
tact que la graine elle-même, qui arrive seule à la 
surface du sol par suite de son isolement des matières 
qui l'enveloppaient dans la grume au moment de sa 
maturité. 

Lorsque le raisin sert de nourriture aux animaux ou 
à l'homme, la graine échappe le plus souvent aux mo- 
difications que subissent les autres parties de chaque 
grume, et lorsqu'elle n'a pas été brisée ou altérée, 
c'est encore au sol qu'elle revient naturellement pour 
remplir la fonction à laquelle elle est appelée par son 
essence. 

Mais souvent aussi, l'homme n'utilise pas immédia- 
tement les raisins qu'il a recueillis; il peut pendant 
quelque temps, et même pendant plusieurs mois, les 
conserver intacts par des procédés particuliers; d'autres 
fois il assure leur conservation en les desséchant, et en 
les privant de l'eau dont la présence est nécessaire pour 



6 ŒNOLOGIE. 

amener leur altération. Il atteint également le même 
but en préparant par la cuisson et l'addition de cer- 
taines substances de nouveaux produits désignés sous 
le nom de conserves ou de confitures, et destinés à 
l'alimentation. 

Toutes ces préparations ne sont pas encore le vin, et 
ne lui ressemblent pas. et il est très probable que leur 
emploi a précédé l'apparition de ce liquide dont la pro- 
duction a dû être bien postérieure à l'usage des autres 
formes sous lesquelles a été d'abord utilisé le fruit de la 
Vigne. 

Il nous serait difficile de faire l'histoire des diffé- 
rentes phases par lesquelles est passée dans l'origine, 
la préparation avec le raisin de cette liqueur fermentée 
qui constitue le vin; le hasard a eu très probablement 
une grande part dans la production des premiers faits 
qui ont conduit l'homme à celte découverte, et ce n'est 
que peu à peu qu'il est arrivé, comme en toutes choses, 
à perfectionner les résultats obtenus d'abord. 

Lorsque la Vigne existait seulement à l'état sauvage, 
l'homme a pu n'en utiliser les fruits qu'à l'état frais ou 
sous forme de conserves ; plus tard, quand il a cultivé 
la terre, la Vigne a dû attirer son attention par la beauté 
de ses fruits et les services qu'ils pouvaient lui rendre. 
D'un autre côté, la culture de cette plante a dû rendre 
ces fruits plus nombreux, et en même temps plus sa- 
voureux et plus agréables. 

Les avantages d'une boisson rafraîchissante et douce, 
dans les climats chauds, l'ont naturellement conduit à 
exprimer le jus du raisin et à utiliser ce fruit sous cette 



LE VIN. 7 

nouvelle forme. Nécessairement, il a dû arriver qu'une 
partie de celte boisson a fermenté plus ou moins avant 
d'être complètement employée, et la saveur nouvelle 
de la liqueur a frappé les premiers observateurs de ce 
phénomène. 

Ce qui n'avait été d'abord qu'un accident s'est fré- 
quemment reproduit, et peu à peu l'observation a mul- 
tiplié les essais de fabrication de celle liqueur douce et 
sucrée au moment de sa préparation, puis excitante et 
joignant un agrément et un parfum nouveaux à la 
saveur encore douceâtre qu'elle avait conservée. 

Un autre accident a pu également, en exagérant et 
dépassant ce premier effet, produire dans certaines 
circonstances un liquide d'une saveur piquante, acide 
et désagréable, qui n'était plus que du vinaigre. 

Le vin avait été obtenu, mais il s'était promptement 
dénaturé, et au bout de très peu de temps, il pouvait 
devenir tout à fait impropre à l'usage auquel on l'avait 
destiné. Ainsi, en même temps qu'il commençait à sai- 
sir les moyens de préparer cette nouvelle boisson, 
l'homme s'est trouvé aux prises avec les difficultés 
qu'il devait surmonter pour assurer sa conservation. 

L'abondance du raisin l'avait amené à le transformer 
en boisson, l'altération naturelle de cette liqueur lui 
avait donné le vin qui, lui-même en s'altérant, lui avait 
fait découvrir le vinaigre. 11 fallait trouver le moyen de 
conserver ce vin obtenu par une première altération du 
jus de raisin, et l'empêcher de subir cette seconde alté- 
ration qui le transformait en vinaigre. 

Le problème de la vinification tout entière s'est donc 



8 ŒNOLOGIE. 

présenté de lui-môme, et nous retrouvons facilement la 
succession des diverses questions que l'homme a dû se 
poser et résoudre par cette suite de tâtonnements et 
d'expériences nécessaires pour arriver à un résultat qui 
nous paraît, après qu'il a été découvert et bien constaté, 
tout simple et tout naturel. 

Transformer en vin le jus du raisin, empêcher ce vin 
de s'altérer à son tour, et permettre sa conservation 
pour l'utiliser à mesure des besoins une fois qu'il a été 
obtenu , tel est donc le problème qui s'est imposé dans 
l'antiquité aux premiers vignerons, et qu'ils sont arrivés 
à résoudre à force de soins et de tentatives répétées. 

Dans cette découverte, comme dans toutes celles du 
même genre que nous offrent les premiers âges de 
l'humanité, le hasard ou plutôt les mille accidents qui se 
produisent à chaque instant dans toutes nos opérations 
usuelles, ont joué certainement un grand rôle et amené 
les premiers résultats; puis, l'observation raisonnée et 
attentive est venu tirer parti de ces données d'abord 
vagues et incertaines, et une nouvelle industrie a été 
créée et définitivement consacrée. 

Nous n'entrerons pas dans de plus grands détails sur 
les origines et la découverte du vin, d'autant plus que 
nous en sommes réduits sur ce point à des conjectures ; 
le seul fait certain et attesté par toutes les traditions, 
c'est que l'agriculture, dont les premiers travaux se 
perdent dans la nuit des temps, a eu d'abord pour 
principal objet : la culture des céréales et celle de la 
Vigne. 

Le vin est aussi ancien que le pain, nous trouvons les 



LE VIN . 9 

traces de leur existence aux premiers âges du monde, et 
nous voyons ces deux aliments figurer ensemble dans 
les sacrifices. 

Nous lisons dans le neuvième chapitre de la Genèse : 
« Noë commença à cultiver la terre et planta la Vigne. 
Et ayant bu du vin, il s'enivra. » Plus loin, le quator- 
zième chapitre du même livre fait mention du vin en 
ces termes : « Et Melchisédech, roi de Salem, offrant 
du pain et du vin (car il était sacrificateur du Dieu sou- 
verain), bénit Abram, etc. » 

Nous aurions un plus grand intérêt à suivre et à 
étudier aux époques moins anciennes, et chez les diffé- 
rents peuples, l'état de l'art de la vinification, ses pro- 
grès, la découverte successive des nombreux faits qui 
s'y rattachent et des substances importantes qui se trou- 
vent dans le raisin, et se transforment pour produire le 
vin; mais pour remplir convenablement un pareil pro- 
gramme, il nous faudrait plus de place que nous n'en 
pourrions consacrer à cette digression et nous devons 
nous contenter de ces réflexions succinctes, et tout à 
fait sommaires sur l'histoire de la Vigne et du vin. 

Celte étude serait cependant très propre à faire ressor- 
tir le point principal que nous avons signalé tout à 
l'heure ; elle nous montrerait que l'histoire du vin et de 
sa préparation n'est autre chose que l'histoire de la 
fermentation. Toutes les fois que les phénomènes dési- 
gnés sous ce nom ont donné lieu à de nouvelles obser- 
vations, l'étude du vin en a été très souvent le point de 
départ, et les conséquences des théories auxquelles les 
observations ont pu conduire, se sont toujours traduites 

4. 



10 ŒNOLOGIE. 

par des applications aux opérations diverses qui sont 
pratiquées dans la vinification. 

Ajoutons seulement qu'aujourd'hui, comme dans les 
siècles anciens, le raisin est utilisé à l'état frais au 
moment de sa maturité, et plus tard, après sa dessic- 
cation ou à l'état de conserve. D'un autre côté, le jus 
qu'il fournit peut être consommé de suite ou conservé 
par différents procédés, et le vin est une des formes 
sous lesquelles a lieu cette conservation. Cette forme 
est de toutes la plus importante; elle nous offre un 
grand nombre de variétés qui donnent naissance à des 
vins de caractères, très différents et que nous aurons à 
distinguer dans la suite; mais tout d'abord, nous n'au- 
rons en vue qu'une seule espèce de vin, celle qui est la 
plus répandue, celle qui constitue le vin de table, le 
vin rouge, le vin en un mot, boisson ordinaire de 
l'homme dans tous les pays du monde, qu'il soit pré- 
paré sur place ou apporté par le commerce. 

Il nous suffit d'indiquer pour le moment le nom des 
autres vins, de citer les vins blancs, les vins de liqueurs, 
les vins mousseux, etc., pour faire comprendre que 
si nous ne devons pas les comprendre dans notre pre- 
mière étude, nous aurons à y revenir et à les étudier 
avec détails , pour bien établir leurs caractères et les 
particularités de leur préparation. 

Nous aborderons donc de suite notre sujet tel que 
nous venons de le circonscrire et nous allons tracer dans 
une revue sommaire, l'ensemble des opérations en 
usage aujourd'hui dans les différents vignobles, pour 
l'obtention du vin. Nous les énoncerons dans l'ordre où 



LE VIN. 11 

elles se succèdent depuis la vendange jusqu'au moment 
où le vin est livré à la consommation. La conclusion, de 
cette première étude nous montrera ce que nous aurons 
à faire pour la compléter. 

La préparation du vin commence à la vendange; on 
désigne ainsi la récolte du raisin arrivé à sa maturité, 
et son transport de la Vigne dans la vinée, appelée éga- 
lement cuverie, parce que c'est là que sont rangées les 
cuves qui doivent recevoir le raisin. 

À son arrivée dans la cuve, le raisin doit être écrasé; 
il est essentiel que chaque baie soit ouverte pour laisser 
répandre de suite le jus qu'elle contient, de telle sorte 
que les raisins qui remplissent une cuve constituent 
une masse homogène, composée par les parties solides 
baignant au sein du liquide, que l'on désigne sous le 
nom de moût. 

On comprend que si certains raisins sont altérés, 
pourris, ils doivent être séparés avec soin; d'autres 
pourront également, être mis à part à cause de leur dé- 
faut de maturité. 

Cette séparation des raisins suivant leur degré de 
maturité, se fait souvent dans la Vigne même : on pro- 
cède alors à la récolte en plusieurs fois, en ne cueillant, 
à chaque passage que les fruits parfaitement mûrs, et 
en laissant encore pendant quelques jours ceux qui 
pourront s'améliorer sous l'influence de la chaleur et 
du soleil. 

Il est une autre opération importante qui doit précé- 
der, lorsqu'on y a recours, la mise en cuves, c'est 



12 ŒNOLOGIE. 

Pégrappage, c'est-à-dire la soustraction totale ou plus 
souvent partielle de la grappe. 

Dans les conditions les plus ordinaires, tous les élé- 
ments qui constituent le raisin sont laissés dans la cuve 
après l'écrasement des grumes; souvent cependant on 
enlève après cet écrasement une portion de la grappe, 
afin de diminuer dans le vin la proportion des subs- 
tances, que cette grappe peut abandonner au liquide 
pendant son séjour dans la cuve. 

Ainsi, ces premières opérations comprennent la ven- 
dange, avec ou sans triage des raisins, soit à la Vigne, 
soit au moment de la mise en cuve, l'écrasement des 
grumes, que Ton appelle foulage, et un cgrappage ordi- 
nairement partiel, lequel se pratique en même temps 
que le foulage. 

La masse ainsi obtenue est placée dans la cuve, et on 
l'abandonne à elle-même pendant un certain temps 
pour qu'elle puisse subir une transformation, dont nous 
avons à préciser maintenant les caractères, et à faire 
ressortir toute l'importance. 

Après son introduction et son tassement dans la 
cuve , la masse de la vendange , car ce mot est éga- 
lement employé pour désigner le produit de la ré- 
colte, est inerte et tranquille, elle est à la température 
de l'air ambiant, et ne nous offre aucun mouvement, 
aucun signe d'une réaction intérieure. 

Bientôt ces conditions se modifient, un dégagement 
de gaz se manifeste par places, puis devient général sur 
toute la surface. On entend à l'intérieur un bouillonne- 
ment qui est la conséquence de ce dégagement et toute 



LE VIN. 13 

la masse prend part à une réaction qui va pendant 
quelques jours en augmentant. La température s'élève 
sensiblement au sein du liquide, et on exprime le nou- 
vel état de choses qui s'est manifesté en disant que la 
cuve bout et fermente. 

En même temps, la saveur sucrée du moût diminue 
et fait place à une saveur nouvelle due à l'apparition 
de substances particulières qui n'existaient pas aupa- 
ravant. Le liquide, presqu'incolore au moment de la 
mise en cuve, se colore de plus en plus, la portion 
solide, soulevée et soutenue par le gaz qui se dégage, 
se réunit à la partie supérieure et y constitue ce qu'on 
appelle le chapeau. 

Cette effervescence, signe apparent de la réaction 
qui s'est produite, après avoir atteint son maximum 
d'intensité, reste stationnaire, puis diminue et s'arrête 
tout à fait; le dégagement du gaz cesse et la masse 
redevient tranquille et calme comme auparavant. 

C'est cette phase de la préparation du vin qui cons- 
titue ce qu'on appelle la fermentation. Si on étudie avec 
soin les différents faits qui la caractérisent, on recon- 
naît que le gaz qui s'est dégagé est de l'acide carbo- 
nique, qu'en même temps il s'est formé au sein du 
liquide une certaine quantité d'alcool accompagné 
d'autres substances qui, comme l'alcool, n'existaient 
pas dans le moût. Si la saveur sucrée et la densité du 
moût ont diminué, on peut constater que cela tient à la 
disparition du sucre. De plus, il est facile de recon- 
naître, au moyen du microscope, qu'il s'est développé 
dans toute la masse une multitude de cellules très pe- 



14 ŒNOLOGIE. 

tites, présentant tous les caractères d'un végétal orga- 
nisé se multipliant par voie de bourgeonnement, et dont 
on ne trouvait pas trace dans le jus du raisin avant son 
introduction dans la cuve. 

Au bout d'un temps plus ou moins long, la réaction 
tumultueuse, qui s'est manifestée sans qu'on ait rien fait 
pour la provoquer, diminue, puis s'arrête entièrement 
et ne donne plus aucun effet sensible. Alors on mélange 
de nouveau d une manière intense, par un foulage, 
toutes les parties liquides et solides de la vendange. Le 
liquide est ensuite séparé jusqu'à épuisement par voie 
de décantation, et le résidu solide est porté sur la maie 
du pressoir, où on le soumet à une forte pression. 

La nouvelle portion de liquide qui en résulte est mé- 
langée à la première, et le tout sert à remplir les ton- 
neaux préparés pour cet objet. Ce qui reste porte le 
nom de marc; nous verrons plus tard à quel usage et 
comment on l'utilise. Quant au liquide, il constitue le vin, 
dit nouveau, liqueur trouble dans laquelle se reproduit 
souvent, pendant les premiers jours, mais avec une 
moindre intensité, l'effervescence observée dans la cuve. 

Ce dernier mouvement cesse bientôt à son tour, 
l'écume qui existait à la surface du liquide et apparais- 
sait à l'ouverture des tonneaux se dissipe, et ces vases 
peuvent être remplis et fermés. 

Ici s'arrête la première phase de la préparation du 
vin, dont les opérations se suivent d'une manière con- 
tinue, et dans laquelle nous distinguons nettement trois 
parties, la vendange, la cuvaison ou fermentation et la 
séparation du liquide fermenté. 



LE VIN. 15 

Ce liquide fermenté qui est le vin, est abandonné à 
lui même dans les tonneaux et y prend la température 
de la cave, qui est ordinairement basse; il laisse alors 
déposer les parties solides entraînées à la décantation et 
au pressurage, et qui constituent la lie : par cette éli- 
mination, il s'éclaircit lentement et finit par devenir 
tout à fait limpide. 

Quand tout ce dépôt s'est accumulé au fond du ton- 
neau, on procède au soutirage, opération qui consiste à 
transvaser dans un autre tonneau bien propre la par- 
tie éclaircie qui est au-dessus du dépôt, et dès lors, le 
vin ordinaire se trouve prêt à entrer dans la consom- 
mation. On petit, suivant sa nature et sa qualité, le 
garder plus ou moins longtemps, pourvu qu'on ait soin 
de maintenir toujours pleins les vases qui le renfer- 
ment, et de le garantir des causes qui peuvent l'altérer 
et principalement de l'influence de l'air. 

Sans cette précaution, le vin produit par la fermen- 
tation qui s'est opérée dans la cuve subirait bientôt, par 
suite de l'action de l'air, une nouvelle fermentation 
qui l'aigrirait et le transformerait en vinaigre. 

La fermeture des tonneaux, le remplacement fré- 
quemment répété du liquide perdu par Tévaporatïon em- 
pêchentce résultat fâcheux; et, grâce à ces soins, le vin 
peut attendre, souvent longtemps, le moment propice 
pour son emploi, et alors non-seulement il conserve sa 
saveur et toutes ses qualités, mais au contraire celles ci 
s'améliorent avec le temps d'une manière très sen- 
sible. 

Tel est l'ensemble des opérations qui constit.u5nt la 



16 ŒNOLOGIE. 

vinification, réduites à leur expression la plus simple, 
et si nous avons omis de parler dans cet aperçu suc- 
cinct de plusieurs manipulations utiles et même très 
importantes, celles que nous avons décrites suffisent 
pour donner une idée très nette et très exacte de la 
pratique ordinaire suivie dans la préparation du vin. 

Nous y voyons comme opération dominante la fer- 
mentation qui s'opère dans la cuve, et comme préoccu- 
pation unique, après la mise en tonneaux, la soustrac- 
tion du vin aux causes qui pourraient l'altérer et le 
dénaturer en y produisant une nouvelle fermentation, 
celle qui conduirait à la formation du vinaigre. 

Ainsi se trouve justifiée l'observation que nous avons 
faite en commençant, à savoir que la fermentation qui 
s'empare de la vendange après qu'elle a été déposée 
dans la cuve, constitue le phénomène le plus impor- 
tant de la vinification. Tout vient converger vers ce 
fait capital, et les meilleures conditions que puisse rem- 
plir le raisin au point de vue de la proportion de ses 
éléments, c'est que ceux-ci satisfassent le mieux aux 
exigences de la fermentation, de sorte que cette 
réaction s'accomplisse rapidement et vivement. Mais 
quand les effets qu'elle doit produire sont obtenus, une 
autre action du même genre, nous pouvons même dire 
d'autres actions qui sont aussi des fermentations sont 
à craindre, et ce que nous faisons dans cette nouvelle 
période de la préparation du vin a pour but unique de 
nous en garantir. 

Aussi devons-nous chercher à établir très nettement 
quel est le caractère de cette fermentation qui fait le 



LE VIN. 17 

vin, quels sont les rapports, les ressemblances, aussi 
bien que les différences qui existent entre cette opéra- 
tion et les autres fermentations dont quelques-unes 
même, nous le reconnaîtrons bientôt, pourraient, si 
nous n'y prenions pas garde, se manifester dans cer- 
tains cas avant la fermentation que nous appellerons 
normale et l'entraver ou même l'empêcher. Dans cette 
étude que nous nous proposons de faire aussi complète 
que possible, nous grouperons autour du sujet princi- 
pal, et à mesure que l'occasion s'en présentera, les 
questions pratiques qui se rattachent aux différentes 
manipulations usitées dans les caves, de manière à en 
faire ressortir le but et le mode d'action. 

Mais avant de commencer cette étude nous complè» 
terons ces réflexions générales sur le vin en revenant 
sur un point que nous avons déjà indiqué précédem- 
ment, et qui va nous conduire à comprendre la liaison 
existant entre la fermentation du moût et une foule 
d'autres phénomènes, que nous voyons se passer jour- 
nellement autour de nous. 

Le vin n'est pas un produit naturel, en ce sens qu'il 
n'est pas une des manifestations d'un phénomène 
vital et organique de la Vigne accompli pendant la du- 
rée de sa végétation. La vie de cette plante aboutit 
seulement à la production du fruit qui est le raisin. 

Si le fruit arrivé à sa maturité sert à reproduire la 
Vigne, la graine seule constituée par les pépins est 
utile pour ce résultat, les autres parties ligneuses et 
charnues du raisin s'altèrent et se décomposent, elles 



18 ŒNOLOGIE. 

se dessèchent ou se pourrissent ; ces deux circons- 
tances peuvent même se manifester à la fois, et toute 
trace de ces organes disparaît au bout d'un certain 
temps. 

Si le raisin est consommé comme aliment, soit par 
l'homme, soit par les animaux, c'est la partie charnue 
qui est utilisée dans le travail delà digestion; que cette 
partie soit absorbée à l'état frais ou qu'elle soit préa- 
lablement desséchée et qu'elle ait subi une préparation 
quelconque. 

Mais si le raisin est d'abord écrasé, et si la masse 
quel qu'en soit le volume est abandonnée à elle-même, 
nous rentrons alors dans une condition générale que 
nous voyons se produire fréquemment autour de nous, 
nous avons une masse végétale, humide, soustraite à 
l'action de la vie qui dirigeait les modifications des or- 
ganes qui constituaient les raisins lorsque ceux-ci étaient 
attachés à la plante. Cette masse est dès lors soumise 
aux mêmes lois que tous les organes d'origine végétale 
ou animale, lorsqu'ils sont séparés de l'être auquel ils 
avaient appartenu. 

Or, que voyons-nous dans ces conditions ? Les orga- 
nes isolés ou en masse subissent le même sort que 
l'être entier après sa mort ; ils s'altèrent, se décompo- 
sent et finissent à la longue par disparaître complète- 
ment. Les mêmes phénomènes nous sont présentés 
par les liquides séparés des parties solides qui les 
accompagnaient, que ces liquides sous le nom de sève, 
de sang, de lait etc., soient étudiés dans l'état où ils se 
trouvaient pendant la vie, ou bien que nous les pre- 



LE VIN. 19 

nions sous forme de jus ou de sucs obtenus par la 
pression des organes solides, ou par toute autre 
méthode. 

La seule différence qu'il y ait entre les produits orga 
nisés que l'on peut préparer de la sorte, tient à leur 
plus ou moins grande altérabilité, qui fait qu'ils con- 
servent pendant des temps très variables leurs quali- 
tés premières. Les uns se décomposent et se dénatu- 
rent tout de suite, les autres sont susceptibles d'une 
conservation quelquefois assez longue. 

Le moût du raisin isolé, la masse entière de la ven- 
dange mélangée et écrasée n'échappent pas à ces lois. 
Une fois séparée du cep, la matière, qui forme les rai- 
sins, de quelque manière que ceux-ci soient traités, est 
vouée à la destruction. Des végétations cryptogamiques 
s'en emparent bientôt, désagrègent et dénaturent les 
tissus aux dépens desquels elles vivent, et par des sim- 
plifications successives, elles ont mission de ramener 
la constitution de leurs éléments à celle des matériaux 
purement minéraux qu'une végétation nouvelle utili- 
sera plus tard. C'est cette destruction inévitable qui 
commence et s'opère sur place, lorsque le raisin blessé 
dans certaines parties sous l'influence de conditions 
météorologiques défavorables, pourrit et se décompose 
avant d'être récolté. 

Les procédés suivis dans la fabrication du vin n'ont 
pas pour résultat de supprimer ces lois naturelles et 
les tendances qui en sont la conséquence; seulement 
ils en régularisent les effets dans un sens bien défini, 
qui est caractérisé par la production des phénomènes 



20 ŒNOLOGIE. 

de fermentation qui s'accomplissent dans la cuve. Ces 
phénomènes spéciaux que nous aurons à étudier et à 
définir, et dans lesquels nous reconnaîtrons les résul- 
tats constants et prévus de la culture rationnelle de 
certaines espèces végétales bien définies, aboutissent 
après cette première période d'altération du jus du 
raisin à la formation du vin; le sucre qui existait 
dans le moût disparait, l'alcool accompagné d'autres 
substances prend sa place dans le nouveau liquide, et 
de l'acide carbonique se dégage pendant l'opération. 

Cet acide carbonique provenant des éléments cons- 
titutifs du raisin s'échappe de la masse et en se mêlant 
à l'atmosphère, va s'y réunir à celui qui s'y trouve 
déjà et participe dès ce moment aux phénomènes natu- 
rels qui s'y accomplissent d'une manière constante. 

Mais là ne doit pas et ne peut pas s'arrêter la dé- 
composition du moût ; la liqueur alcoolique qui s'est 
formée d'abord, si elle était privée des soins néces- 
saires pour sa conservation, subirait bientôt à son tour 
une décomposition nouvelle. Supposons le vin aban- 
donné à lui-même comme nous avons fait pour le 
moût, et l'alcool va disparaître pour faire place à l'a- 
cide acétique, la saveur vineuse qui a succédé à la 
saveur sucrée sera elle-même remplacée par une sa- 
veur acide, on n'aura plus du vin, mais du vinaigre. 
D'autres genres d'altération pourront également se 
produire avec des caractères spéciaux, et entraîner la 
perte plus ou moins complète de toutes les qualités 
que nous recherchons dans les vins. Ces résultats qui 
sont les conséquences de la nature même de ces liqui- 



LE VIN. Zi 

des, le vigneron doit les empêcher à tout prix s'il 
yeut conserver le vin qu'il a obtenu et l'utiliser tout 
entier sous cette forme. 

On peut se rendre compte de tout ce cortège d'opé- 
rations successives en abandonnant à l'air du vin 
récemment préparé. Des végétations désignées sous le 
nom de Heurs, se montreront d'abord à la surface, et 
plus tard le vin se convertira en vinaigre, puis l'éva- 
poration constante de la partie aqueuse augmentera 
peu à peu la densité de la masse et diminuera son 
volume; de nouvelles végétations de nature très diver- 
ses s'y développeront, plus tard des petits animaux 
reconnaissants à leurs mouvements spontanés y vi- 
vront à leur tour, et nous assisterons à la production 
de ces phénomènes particuliers qui caractérisent les 
putréfactions et se terminent en définitive par la des- 
truction complète de la matière organique primitive. 

Comparons cet ensemble de faits avec ce qui se 
passe pour les matières végétales ou animales aban- 
données à elles-mêmes au contact de l'air, et nous 
reconnaîtrons que toutes se comportent de la même 
manière. 

La fermentation qui s'est développée dans la cuve et 
qui a fait le vin n'est donc que la première phase de 
transformations analogues, différentes quant à leurs 
résultats et à leurs causes, mais qui appartiennent 
toutes à un ensemble de réactions semblables, les- 
quelles ne sont que des fermentations d'un autre 
genre. 

Le premier effet de ces nouvelles fermentations 



22 ŒXOLOGIE. 

sera de détruire le vin dont elles modifient profondé- 
ment les qualités dès qu'elles apparaissent ; de là, la 
nécessité qui s'impose au vigneron de les éviter soi- 
gneusement. 

Ainsi l'art de faire le vin repose tout entier sur l'éta- 
blissement régulier et normal d'une fermentation pre- 
mière qui commence l'altération naturelle du moût; 
pour que l'on obtienne du vin, il faut que cette fer- 
mentation se manifeste avant toute autre altération, mais 
les résultats qu'elle fournit ne deviennent assurés qu'à 
la condition qu'on empêchera la production des fer- 
mentations qui sont toutes prêtes à lui succéder aussitôt 
que les effets de la première seront complets. 

Toutes ces réflexions nous montrent très nettement 
ce qu'est le vin, quelle est son origine et comment il 
peut se détruire et s'altérer. Une première fermenta- 
tion le produit, de nouvelles fermentations tout aussi 
naturelles que la précédente peuvent lui enlever ses 
caractères et ses propriétés ; on doit donc produire et 
favoriser l'une, il faut au contraire empêcher les au- 
tres. L'étude que nous allons faire de la fermentation 
nous permettra d'éclairer et de développer cette pre- 
mière donnée, en même temps qu'elle nous donnera 
l'explication des manipulations pratiquées sur le vin 
pendant sa formation, et dans cette seconde période de 
la vinification, dans laquelle on a pour but unique d'as- 
surer sa conservation. 



CHAPITRE II 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 



Pour bien nous rendre compte de la nature de ces 
opérations que l'on désigne sous le nom de fermenta- 
tions, et dont nous venons de faire ressortir toute l'im- 
portance dans le sujet qui nous occupe, nous ne pou- 
vons mieux faire que de décrire l'une d'elles avec 
détails, et d'analyser tous les phénomènes qu'elle offre 
à notre étude. Nous choisirons comme exemple celle 
que l'on appelle la fermentation alcoolique; outre que 
c'est la mieux connue et la mieux étudiée de toutes les 
fermentations, elle nous intéresse tout particulièrement, 
car nous reconnaîtrons que celle qui se manifeste dans 
les cuves et qui détermine la production du vin est une 
des variétés de cette fermentation spéciale. 

Prenons une dissolution de sucre dans l'eau, deux 
litres, par exemple, contenant environ 20 0/0 de sucre, 
et délayons dans ce liquide une petite quantité, quelques 
grammes, de cette substance que Ton peut se procurer 



24 ŒNOLOGIE. 

dans toutes les brasseries, et que l'on désigne sous le 
nom de levure de bière. 

Nous emploierons pour cette expérience, le sucre en 
masse, que Ton désigne dans le commerce sous le nom 
de glucose ou sucre de pommes de terre, et nous pren- 
drons la levûre de bière à l'état de pâte molle, bien 
propre, parfaitement fraîche et provenant d'un brassin 
normal et régulier. 

La liqueur trouble ainsi obtenue sera introduite dans 
un flacon, de la capacité de trois ou quatre litres, que 
nous fermerons avec un bouchon de liège traversé par 
un tube recourbé. 

Au moment de sa préparation, un pareil mélange que 
nous supposerons à la température de 25° environ, ne 
présentera aucun phénomène apparent, seulement il est 
trouble parce que la levûre que nous y avons introduite 
est disséminée et suspendue dans toute la masse, elle 
ne s'y dissout pas. 

Mais au bout de très peu de temps, nous verrons s'y 
produire des symptômes faciles à constater, et qui 
seront les conséquences et la preuve évidente de réac- 
tions dues au contact des substances que nous avons 
mises en présence. 

Pour bien nous en rendre compte, nous adapterons 
au tube qui traverse le bouchon un second tube deux 
fois recourbé, venant s'ouvrir sous l'eau et disposé pour 
recueillir le gaz qui pourra se dégager. 

A l'aide de ces indications et du dessin de la figure 
ci-contre, chacun peut facilement reproduire cette expé- 
rience et en suivre les différentes périodes. 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 2& 

Nous verrons bientôt des bulles de gaz se réunir à la 
surface du liquide, et y produire une couche d'écume; 
un dégagement de gaz, d'abord très lent, se fera dans 
l'éprouvette, ce dégagement sera continu, très régulier; 
et il ira eu augmentant, à partir du moment où il aura 
commencé. 




Le gaz qui se dégage dans cette expérience est de 
l'acide carbonique; on l'obtiendra dans les premiers 
moments mélangé avec l'air de l'appareil, puis quand 
celui-ci aura été complètement chassé, ce gaz sera tout 
à fait pur, et on pourra constater ses caractères et ses 
propriétés. 

C'est un gaz incolore, plus dense que l'air, un peu 



26 ŒNOLOGIE. 

soluble dans l'eau à laquelle il communique une sa- 
veur piquante, incapable d'entretenir la combustion des 
corps, éteignant au contraire d'une manière complète les 
corps enflammés que l'on plonge dans son intérieur; 
ce gaz, de plus, n'est pas combustible, et il donne avec 
l'eau de chaux un précipité blanc que l'on peut redis- 
soudre au moyen d'une nouvelle quantité du môme 
gaz; il est également complètement absorbable par une 
dissolution de potasse caustique ; à tous ces caractères, 
nous reconnaissons l'acide carbonique. 

En même temps, si on examine ce qui se passe dans 
la liqueur, outre le dégagement du gaz que l'on voit 
s'élever dans toute la masse par petites bulles, on pourra 
constater deux faits très importants : 

1° La proportion de sucre que l'on a dissoute dans le 
liquide ira en diminuant; on le reconnaîtra à l'affaiblis- 
sement de la saveur sucrée, à la diminution de la den- 
sité de la dissolution, à la quantité moins grande de 
résidu solide que le liquide filtré laisse après son éva- 
poration, et mieux aux résultats fournis par les ana- 
lyses successives de ce liquide au point de vue de 
sa teneur en sucre. 

2° Si la saveur sucrée a diminué, une autre saveur 
tout à fait nouvelle apparaît dans la liqueur, elle est 
liée à la formation d'une substance qui n'existait pas 
dans le mélange au moment de sa préparation, et qui 
se produit en même temps que l'acide carbonique. La 
distillation du liquide après l'opération permet d'isoler 
ce nouveau composé et de reconnaître que c'est de 
l'alcool. 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 27 

D'après ces renseignements, que tout expérimentateur 
peut vérifier, nous pouvons déjà caractériser d'une 
manière très nette les modifications qu'éprouve dans sa 
composition le mélange que nous avons préparé. 

Le sucre disparaît et il se forme en même temps de 
l'acide carbonique qui, étant gazeux, se dégage et 
de l'alcool qui, étant liquide, reste dans la dissolution. 

Ajoutons tout de suite que l'alcool n'est pas le seul 
composé nouveau que l'on trouve dans cette liqueur; 
en l'analysant complètement on y reconnaît encore une 
petite quantité de glycérine et d'acide succinique qui 
se sont, comme l'alcool, formés pendant l'opération aux 
dépens du sucre. 

L'action dont nous venons de décrire les principaux 
résultats visibles et faciles à constater, commence, 
avons-nous dit, très peu de temps après le mélange de 
la dissolution sucrée et de la levure de bière. Elle 
marche régulièrement et d'une manière continue en 
allant toujours en augmentant pendant un temps assez 
long; on s'en assure par l'examen du dégagement du 
gaz que permet de suivre le petit appareil que nous 
avons représenté (page 25) . 

Mais plus tard, après 24 ou 30 heures, quelquefois 
davantage, le dégagement de gaz diminue, et finit même 
par s'arrêter tout à fait. La mousse, qui s'était amonce- 
lée sur le liquide dans la partie vide du flacon, se désa- 
grège et disparaît, puis, le liquide qui était jusque-là 
resté trouble, comme au moment du mélange, s'éclair- 
cit, la levûre de bière restée en suspension pendant 
toute la durée de Faction se dépose, en vertu de sa 



28 ŒNOLOGIE. 

densité, et se réunit au fond du vase en une masse 
compacte. 

Dans les faits que nous venons de décrire nous ne 
trouvons rien qui nous fasse comprendre comment 
cette levure intervient dans leur accomplissement, et 
cependant nous savons qu'elle doit y jouer un rôle 
important, car sans elle aucune action ne se serait pro- 
duite. La dissolution sucrée abandonnée seule à elle- 
même, dans le flacon, n'aurait présenté aucune des 
modifications que nous avons reconnues. Si le sucre a 
disparu, s'il s'est formé à ses dépens de l'acide carbo- 
nique, de l'alcool et d'autres substances, c'est sous 
l'influence de cette levûre de bière ; et cette influence, 
il nous reste à la caractériser. 

L'observation des fails visibles et palpables pour ainsi 
dire au moyen de l'analyse chimique est impuissante 
pour nous faire connaître la nature du rôle de la levûre. 

En effet, celle-ci est une matière épaisse, visqueuse, 
insoluble dans l'eau, très altérable lorsqu'elle est hu- 
mide ; sa composition la rapproche des matières albu- 
minoïdes, elle contient de l'azote. 

Si dans l'expérience précédente, telle que nous l'a- 
vons décrite, nous déterminons combien nous en avons 
pris pour faire notre mélange, nous en retrouverons, 
l'opération terminée, à peu près autant, et elle aura 
conservé le même aspect ; de plus, aucune des sub- 
stances nouvelles qui se sont produites ne contient de 
l'azote. Rien dans tous ces faits ne vient donc nous 
éclairer sur la part que cette substance a prise dans la 
production du phénomène. 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 

Mais il n'en est plus de même si nous examinons 
cette levûre au moyen du microscope. Au contraire, 
cette observation va nous éclairer complètement sur sa 
nature, et par suite sur son mode d'action. 

La levûre de bière observée au microscope se pré- 
sente comme un amas de globules presque de mêmes 
dimensions, de forme ovoïde très régulière, tantôt iso- 
lés, tantôt réunis par groupes plus ou moins nom- 
breux. Chacun de ces globules constitue une petite 
vésicule, une cellule à parois distinctes et remplie 
d'un liquide, au sein duquel se trouvent le plus ordi - 
nairement des granulations très apparentes et très net- 
tement visibles. 

Il suffit pour constater ces faits de placer une petite 
quantité de levûre délayée préalablement dans l'eau 
entre deux plaques de verre, et d'examiner cette prépa- 
ration après l'avoir placée sur le porte-objet du 
microscope. 

Lorsque l'on étudie par ce procédé, qui n'offre aucune 
difficulté, des globules de levûre disséminés dans un 
milieu sucré au sein duquel s'accomplissent les phé- 
nomènes que nous avons décrits tout à l'heure, on voit 
très souvent sur les bords de ces globules des proémi- 
nences de grosseur variable, les unes sont très petites, 
d'autres atteignent presque les dimensions des globu- 
les ordinaires et isolés. 

Si les globules soumis à l'observation sont dans un 
milieu sucré, on peut, en prenant les dispositions con- 
venables pour le développement de ces proéminences, 
s'assurer que ce sont autant de petits bourgeons qui 

2. 



30 ŒNOLOGIE. 

grossissent successivement et finissent par atteindre les 
dimensions de la cellule-mère, sur laquelle ils ont pris 
naissance. 

Ces nouveaux globules se détachent quelquefois et 
s'isolent de ceux qui les ont formés, d'autres fois ils 
restent adhérents, présentent d'autres bourgeons qui 
se développent à leur tour, et constituent au bout d'un 
certain temps une série de cellules juxtaposées de 
mêmes dimensions ressemblant assez à ces ramifica- 
tions, que présentent certaines végétations cryptoga- 
miques. 

La fis ure de la page suivante donne l'ensemble d'une 
série de cellules vues au microscope, les unes isolées, 
les autres ramifiées à divers états de développement, de 
manière à donner une idée exacte et complète de leur 
nature, et de leur mode de multiplication. 

Lorsque l'on observe au moyen du microscope, les 
modifications que subissent les globules de levure de 
bière au sein d'une dissolution sucrée, on trouve que 
les uns sont translucides, ne paraissent pas contenir 
de granulations, d'autres offrent beaucoup de granula- 
tions. Celles-ci paraissent se développer et augmenter 
avec l'âge des globules ; elles deviennent plus nom- 
breuses et plus apparentes à mesure que les globules 
perdent leur activité. Les globules transparents au 
contraire sont les plus propres au bourgeonnement, et 
par conséquent cette formation de nouveaux bourgeons 
constitue la manifestation apparente de la végétation 
de ces globules et assure leur reproduction et leur 
multiplication. 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 0% 

La conséquence à laquelle nous sommes naturelle- 
ment conduits par l'étude et l'observation des globules 
de levure de bière, c'est que cette dernière matière est 
formée par une accumulation d'êtres organisés, vi- 
vants, très simples et excessivement petits qui végè- 




tent, se développent et se multiplient par voie de 
bourgeonnement au sein d'une liqueur sucrée. 

L'action que nous avons déterminée par le mélange 
d'une certaine quantité de cette levûre avec une disso- 
lution de sucre, n'est donc pas une réaction chimique 
ordinaire, dans laquelle le simple contact de diverses 
substances provoque dans des conditions déterminées 
dos changements dans leur composition. Le phéno- 



32 ŒNOLOGIE. 

mène que nous avons analysé nous apparaît comme 
plus complexe, d'un ordre plus élevé el présentant d'au- 
tres caractères que les actions chimiques. 

La levûre est un être organisé, vivant, et les chan- 
gements chimiques que nous observons dans le milieu 
au sein duquel cet être peut se développer et se multi- 
plier, sont les conséquences de son action vitale. Il y a 
là un acte physiologique accompagné de la modifica- 
tion chimique des éléments qui y prennent part. 

Nous aurons à revenir sur l'histoire botanique de la 
levûre et nous chercherons à préciser d'après les ob- 
servations les plus récentes, la place qu'elle occupe 
dans le règne végétal. Pour le moment, nous nous 
occuperons seulement de sa nature chimique et des 
différents éléments dont elle se compose. 

On la regardait autrefois comme une substance ana- 
logue aux matières albumineuses dont elle semble se 
rapprocher par sa composition élémentaire ; mais d'a- 
près ce que nous venons de voir, il faut renoncer à pou- 
voir la considérer comme un composé chimique 
défini. 

L'analyse permet en effet de reconnaître que si la 
levûre contient une forte proportion de matière azotée 
ayant la même composition que l'albumine, elle ren- 
ferme en même temps une certaine quantité d'autres 
substances telles que de la cellulose, des matières 
grasses et des matières minérales. 

Ces différentes substances se trouvent réunies dans 
les proportions suivantes, pour former la levûre de 
bière supposée sèche : 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 33 

62,73 
29,37 



f\0 70 

Matière azotée 



Cellulose . 

Matières grasses 2,10 

Matières minérales 5,80 

100,00 

La cellulose constitue les parois des globules, les 
autres substances se trouvent en dissolution dans le 
liquide intérieur ou forment les granulations. 

Nous devons compléter les indications résultant de 
cette analyse générale, par une étude détaillée de 
quelques-unes des substances que nous venons de citer. 

Ainsi, on peut séparer et analyser à part la cellulose, 
les matières azotées, et les matières minérales qui ne 
sont autre chose que les cendres laissées par la com- 
bustion de la levûre. 

Nous donnerons d'abord les chiffres fournis par la 
cellulose de la levûre, et ceux qui représentent la com- 
position générale de la cellulose, conformément à la 
formule adoptée; la différence entre ces chiffres est 
très faible, eu égard à la difficulté de purifier complé- 
| tement cette cellulose fournie par la levûre : 

CELLULOSE 

de la levûre ordinaire 
de bière 

Charbon. . . . 45,5 44,5 

Hydrogène. . . 0,9 6,2 

Oxygène. . . . 47,6 49,3 

100,0 100,0 



34 ŒNOLOGIE. 

La matière azotée, séparée de la cellulose, offre une 
composition qui se rapproche beaucoup de celle de 
l'albumine. 

Quant aux cendres laissées par la combustion de la 
levure, leur proportion s'est élevée dans deux analyses 
complètes à 7,51 et 7,65 pour cent du poids de la le- 
vûre. La composition de ces cendres a donné les résul- 
tats suivants dans les deux cas : 

Acide phosphorique. . . . 41 ,8 39,5 

Potasse 39,5 28,3 

Phosphate de magnésie. . 16,8 22,6 

Phosphate de chaux. ... 2,3 9,7 

Ainsi, le résidu minéral laissé par l'incinération de 
la levure, constitue une portion notable de son poids, 
et ces cendres sont formées par des phosphates alcalins 
et terreux. 

Tous ces détails joints à l'observation microscopique 
des globules de levure, et à l'examen de leurs modifi- 
cations, de leur accroissement, établissent nettement le 
caractère de cette substance. Ce n'est pas un composé 
chimique défini, mais c'est un organisme vivant, d'une 
très grande simplicité, pouvant croître, se développer, 
se multiplier et se reproduire lorsqu'il est placé dans 
un milieu convenable. 

C'est la végétation de cette petite plante qui déter- 
mine, dans le milieu où elle vit, un changement de com- 
position qui, malgré la petitesse des êtres qui le pro- 
duisent, devient bientôt très sensible à cause du 



LÀ FERMENTATION ALCOOLIQUE. 35 

nombre considérable d'individus disséminés dans ce 
milieu et prenant part à l'action. 

Lors donc que l'on mélange de la levure de bière à 
■une dissolutiou sucrée, la décomposition du sucre qui 
contient cette dissolution, est une conséquence de la 
vie des globules qui constituent la masse delà levure; 
il faut admettre que le sucre passe, par voie d'endos- 
mose, du milieu dans l'intérieur des globules, et que les 
substances nouvelles, dans lesquelles il se transforme 
par suite de la vie de ces derniers, sont sécrétées par 
chaque cellule vivante et restituées au milieu. 

La composition chimique de ce milieu se trouve donc 
modifiée; il contenait d'abord du sucre, plus tard, ce 
qui manque de ce corps est remplacé par de l'alcool, 
de la glycérine et de l'acide succinique ; l'acide carbo- 
nique formé en même temps, se sépare à cause de 
( son état gazeux, aussitôt que le milieu en est saturé. 

Cette analyse, déjà assez complète des différentes 
parîies de l'expérience que nous avons installée, et qui 
consiste à mélanger tout simplement de la levûre de 
bière avec une dissolution de sucre, nous permet de 
nous rendre compte de tous les phénomènes que nous 
avons décrits, mais il est facile en même temps, de re- 
connaître que les circonstances, dans lesquelles nous 
nous sommes placés, si elles permettent de bien carac- 
tériser le phénomène, et d'en suivre les manifestations 
au moyen d'une expérience très simple et mise à la 
portée de tous les observateurs, ne sont pas favorables 
au développement régulier et normal de la végétation 
de là levûre. 



36 ŒNOLOGIE. 

Pour constituer un milieu remplissant toutes les con- 
ditions exigées, et dans lequel de la levûre de bière 
déposée, pourrait vivre, se développer et se multiplier 
normalement, il ne suffit pas de prendre une dissolu- 
tion de sucre. 

Il faut que le milieu préparé pour cette opération, 
contienne tous les principes dont la levûre a besoin 
pour s'accroître et renouveler son organisme; le sucre, 
d'après ce que nous avons vu par son mode de décorn- 
position est un élément essentiel ; il peut encore servir à 
produire la cellulose des nouveaux globules et la ma- 
tière grasse, mais il faut de toute nécessité lui ajouter 
une substance contenant de l'azote, puis des matières 
minérales, et notamment des phosphates. 

Nous nous trouvons ainsi conduits à pouvoir indiquer 
avec exactitude, comment on devra procéder pour orga- 
niser une fermentation alcoolique marchant régulière- 
ment, et devant aboutir à une multiplication rapide et 
facile à constater de la levûre employée. 

On préparera une dissolution de sucre, on y ajoutera 
une matière azotée soluble , analogue à l'albumine 
ou même un sel ammoniacal, puis du phosphate de 
potasse ou des cendres provenant de la combustion de 
la levûre elle-même ; dans la liqueur ainsi formée on 
déposera une petite quantité de globules de levûre bien 
frais et non altérés. Le tout sera exposé à une tempé- 
rature d'environ 25°. 

Bientôt on verra se manifester tous les symptômes 
que nous avons précédemment décrits. L'action, d'abord 
très lente, ne tardera pas à augmenter, puis elle devien- 



LA FERMENTATION ALCOOLIQUE. 37 

dra active et générale, un gaz incolore se dégagera, ce 
sera de l'acide carbonique; le sucre disparaîtra, il se 
formera clans la liqueur de l'alcool, de la glycérine, de 
l'acide succinique. La levure, de son côté, ira en aug- 
mentant, l'observation microscopique permettra de con- 
stater son activité vitale par la présence de nombreux 
bourgeons. Puis, quand l'action diminuera et s'arrêtera 
même par suite de la trop faible proportion ou de l'ab- 
sence des matériaux nutritifs nécessaires, la levure se 
précipitera, et il sera facile de reconnaître que cette sub- 
stance est beaucoup plus abondante que celle qui avait 
été introduite dans le milieu pour commencer l'action. 

Nous nous contenterons pour le moment de cette 
analyse générale des faits que permet la discussion de 
l'expérience que nous avons installée d'abord d'une 
manière assez grossière, puis avec plus de précision à 
la suite d'une première discussion. Bientôt nous aurons 
à revenir sur l'étude détaillée de chacune des questions 
que nous offre cette opération, tant au point de vue 
chimique que sous le rapport des actions physiolo- 
giques qui se rattachent à la vie de la levûre, et à la 
multiplication des globules qui la constituent. 

La description que nous avons donnée comprend 
tout ce qui doit rentrer dans un énoncé sommaire des 
phénomènes que nous avons à constater dans cette fer- 
mentation spéciale; son nom de fermentation alcoolique 
provient de ce que dans cette opération, la production 
de l'alcool est le fait le plus important : c'est du reste 
la formation de ce produit que l'on a surtout en \ue 
clans les applications industrielles de cette feimentation. 

3 



38 ŒNOLOGIE 

Nous verrons également que la productipn de l'alcool 
est le fait dominant de la variété de cette fermentation 
qui donne naissance au vin par suite de la transfor- 
mation du jus du raisin. 

La fermentation alcoolique est donc un acte vital, 
physiologique, consistant dans la végétation d'un être 
particulier, la levure de bière; l'action chimique qu'elle 
détermine est la conséquence de la vie de cette levûre 
au sein d'un liquide où le sucre domine. 

Le sucre qui se modifie et se transforme dans cette 
action est souvent appelé substance fermentescible; 
la levûre, être organisé qui est la cause de cette trans- 
formation est ordinairement désignée sous le nom de 
ferment. 



CHAPITRE III 



LES FERMENTATIONS EN GENERAL 



Pour passer de la définition de la fermentation alcoo- 
lique basée sur l'examen et l'interprétation des expé- 
riences et des observations que nous venons de décrire, 
à l'explication et à l'intelligence de ce que nous devons 
entendre par fermentation en général, nous n'aurions 
que peu de chose à ajouter, et si nous entrons dans 
quelques détails à ce sujet, c'est pour ne rien laisser 
d'obscur dans l'idée que l'on doit se faire de ce 
phénomène si important dans toute la vinification. 

Toutes les fois qu'un certain nombre d'êtres organi- 
sés vivent au sein d'un milieu limité et non renouvelé, la 
conséquence de leur vie, de l'accomplissement régulier 
de leurs fonctions et de leur multiplication se traduit 
rapidement par une modification chimique de ce milieu. 
C'est là un fait constant dont quelques exemples nous 
donneront une intelligence complète. 

Supposons un milieu gazeux, une atmosphère limi- 



40 ŒNOLOGIE. 

tée et de composition bien connue, introduisons dans 
ce milieu des animaux qui puissent y vivre et aban- 
donnons-les pendant quelque temps. Nous constate- 
rons bientôt par l'analyse de ce milieu, qu'il a perdu 
quelques-uns de ses éléments en totalité ou en partie, 
à leur place se trouvent d'autres produits qui n'y exis- 
taient pas auparavant ou dont la proportion aura aug- 
menté s'ils s'y trouvaient déjà avant l'expérience. Ce 
changement de composition est dû à l'exercice desfonc 
tions organiques des êtres qui ont été introduits dans 
le milieu ; ces êtres ont absorbé certaines substances, 
se les ont assimilées, ils en ont exhalé ou sécrété d'au- 
tres, et la modification chimique observée est le résul- 
tat immédiat de l'échange qui a eu lieu entre les êtres 
vivants, et le milieu dans lequel ils ont vécu. 

Lorsque l'espace est limité et que par suite de cet 
échange, il devient impropre à entretenir la vie des 
êtres qu'il renferme, ceux-ci dépérissent plus ou 
moins promptement et meurent. 

. Des faits analogues se produiront si le milieu est li- 
quide au lieu d'être gazeux, réchange se fera dans les 
mêmes conditions et conduira aux mêmes résultats. 

Dans les milieux solides on peut faire les mêmes 
observations, s'ils sont convenablement appropriés 
pour que certains êtres puissent y vivre et s'y dévelop- 
per. Une terre ou un sol peuvent ainsi être modifiés 
par les mêmes causes dont nous venons de voir le 
mode d'action dans les milieux liquides et gazeux. 
Nous pouvons facilement nous rendre compte de ces 
faits en observant l'influence des vers sur la terre ara- 



LES FERMENTATIONS. 4l 

ble, de plus les terres que l'on utilise pour la fabrica- 
tion des poteries, et qui acquièrent avec le temps des 
propriétés qu'elles n'avaient pas et qu'on recherche 
dans leur emploi industriel, doivent ces propriétés 
nouvelles à des phénomènes du même genre se pro- 
duisant souvent pendant une longue suite d'années, et 
même pendant plusieurs siècles. 

Quels que soient du reste les êtres que l'on observe, 
qu'ils appartiennent au règne animal ou au règne vé- 
gétal, on arrive aux mêmes conclusions. L'exercice des 
fonctions vitales, au sein du milieu dans lequel des êtres 
vivants sont plongés, amène toujours, en même temps 
que la continuation de la vie de ces êtres, des modifica- 
tions chimiques dans le milieu où ils vivent. 

.Gela bien établi, admettons qu'il s'agisse d'êtres très 
petits, microscopiques, végétaux ou animaux, tous ces 
phénomènes n'en existeront pas moins et se produi- 
ront avec les mêmes caractères et les mêmes résul- 
tats. Si ces êtres échappent par leur petitesse à notre 
observation directe, leur nombre considérable multi- 
pliera dans une proportion très grande les effets pro- 
duits par chacun d'eux, l'action vitale pourra échap- 
per à un examen superficiel ou ne nous paraître 
qu'accessoire, et nous serons naturellement conduits à 
nous préoccuper presqu'uniquement de l'action chimi- 
que qui n'en est que la conséquence, et cela arrivera 
d'autant plus aisément que c'est en vue de produire 
cette action chimique, que nous avons recours à la ma- 
nifestation de ces phénomènes physiologiques difficiles 
à bien expliquer et souvent à constater. Nous nous 



42 ŒNOLOGIE. 

trouvgns alors dans le cas de ces actes vitaux dont 
l'ensemble, cause première et résultat, constitue ce 
que nous appelons une fermentation. 

Nous arrivons ainsi à la définition des fermentations 
envisagées d'une manière générale; ce sont des actes 
vitaux, dus à des êtres vivants, très petits, produisant 
dans un milieu une modification chimique de ses élé- 
ments. L'être qui les détermine se développe et se mul- 
tiplie, en même temps qu'il amène un changement 
dans la composition du milieu au sein duquel il vit, ou 
bien fermente, ce qui exprime ici la même chose. 

Dans le cas de la fermentation alcoolique que nous 
avons étudiée, l'être qui la provoque et la produit et 
dont la levûre de bière, qui nous a servi de point de dé- 
part, n'est qu'une agglomération, est une forme, un état 
particulier d'un végétal très simple d'organisation, 
appartenant comme nous le verrons bientôt au groupe 
des Champignons. La condition normale de son déve- 
loppement, tel que nous l'avons exposé, est qu'il soit 
plongé au sein d'un liquide contenant du sucre, des 
matières azotées et des phosphates. 

Les autres substances accompagnant ces dernières 
peuvent influer sur la production et l'activité du phé- 
nomène, elles pourront intervenir elles-mêmes et ap- 
porter dans la réaction des changements plus pronon- 
cés; nous verrons même que quelques composés ont la 
propriété de l'entraver, de l'arrêter complètement, 
exerçant ainsi une action toxique sur l'être qui était 
destiné à s'y développer. 

Nous nous bornerons à cette indication générale de 



LES FERMENTATIONS. 43 

ce que nous entendons par fermentation, elle suffit 
pour faire comprendre la nature de ces phénomènes : 
nous aurons pour celles qui jouent un rôle dans la 
vinification à rechercher quelle est la nature, quelle 
est l'origine de ces êtres fonctionnant comme fer- 
ments ; mais de même que pour nous rendre compte 
des conséquences d'un phénomène physiologique nous 
n'avons pas besoin de connaître les êtres qui le pro- 
duisent, il est inutile que nous sachions quelle est la 
nature de ceux qui déterminent les fermentations 
pour pouvoir caractériser ces opérations au point de 
vue des actions chimiques qui en résultent. Il nous suf- 
fit de savoir d'une manière générale que ces êtres, tout 
petits qu'ils sont, ont leur place dans le cadre des deux 
règnes, et que les lois qui régissent tous les êtres vivants 
leur sont complètement applicables. 

La théorie que nous venons d'exposer est si simple 
et si naturelle, elle rend si bien compte de tous les faits 
observés, qu'on peut se demander pourquoi des auteurs 
très sérieux l'ont combattue et refusent de l'accepter, 
en niant le rôle que jouent les êtres microscopiques 
que l'on rencontre dans les liquides en fermentation. 

La cause en est que l'on confond sous le nom de fer- 
mentations des actions bien différentes et bien distinc- 
tes, en réunissant à celles que nous venons de chercher 
à caractériser, d'autres phénomènes dans lesquels au- 
cun être vivant n'intervient pour provoquer les chan- 
gements qui s'accomplissent dans les milieux où ils se 
produisent. 

Naturellement l'explication de ces réactions pu- 



44 ŒNOLOGIE. 

rement chimiques doit différer de celle des phé- 
nomènes plus complexes que nous avons décrits 
sous le nom de fermentations, et c'est à tort que Ton 
désigne quelquefois ces réactions par la même dénomi- 
nation. Aussi a-t-on cherché à les distinguer en don- 
nant à ces dernières le nom de fermentations indirec- 
tes ou de pseudofermentations, et en appelant ferments 
solubles les substances qui les provoquent, pour éviter 
qu'on ne les confonde avec les véritables ferments, qui 
seraient toujours des êtres organisés et vivants. 

Nous croyons qu'il serait bien préférable de réserver 
uniquement le mot fermentation, pour exprimer les 
actions que nous avons définies, et où la vie intervient 
comme cause d'un mouvement chimique ; tous les fer- 
ments seraient alors des êtres organisés et vivants. 

Nous aurons du reste à revenir bientôt sur les phé- 
nomènes que présentent les pseudofermentations, et 
nous chercherons également à les caractériser, cela nous 
permettra de compléter l'étude des vraies fermenta- 
tions, par l'examen des diverses théories qu'on a pro- 
posées pour les expliquer. 

Mais nous pouvons dès maintenant montrer d'une 
manière très nette, que ces phénomènes diffèrent essen- 
tiellement des fermentations et ne sauraient, sous au- 
cun rapport, être confondus avec elles ; ils constituent 
des faits purements chimiques, et ne sont accompagnés 
d'aucun acte physiologique. 

On sait que l'air comprimé à un certain degré, tue 
rapidement les animaux et les végétaux, et M. Paul 
Bert a montré que cette action générale était due non 



LES FERMENTATIONS. 45 

à la pression de l'air considéré comme agent physico- 
mécanique, mais à la tension de l'oxygène comprimé; 
de telle sorte, que l'oxygène pur, à la pression normale, 
donne les mêmes effets que l'air sous cinq atmosphères 
de pression, et que l'action de dix atmosphères d'air 
pouvait être remplacée par celle de deux atmosphères 
d'oxygène. 

Sous cette influence de l'oxygène à forte tension, les 
actions chimiques corrélatives du mouvement vital, sont 
ralenties et peuvent même être arrêtées complètement, 
suivant le degré de la tension. 

Or, des expériences directes ont établi que cette 
influence s'exerçait également sur toutes les fermenta- 
tions, et avait pour effet de les empêcher en tuant le 
ferment. Le retour à la pression normale ne suftit pas 
pour permettre à la fermentation de s'établir, si on a 
soin d'écarter l'introduction de nouveaux ferments 
dans le milieu fermentescible. 

Pour ne citer qu'un exemple emprunté au sujet 
qui nous occupe, nous rapporterons le fait suivant : 

Si on sème à la surface du vin de petits êtres micros- 
copiques en état d'y vivre et de s'y développer en pro- 
duisant la fermentation acétique, puis qu'on soumette 
ce liquide à l'air comprimé, on reconnaît bientôt que 
ces moisissures, ces cellules mycodermiques, comme 
on les appelle souvent, sont tuées; elles tombent au 
fond et se mélangent au dépôt qui s'y trouve déjà. 
L'analyse chimique démontre que le liquide conserve 
la même richesse en alcool et en acide acétique, et s'il 
subit quelques modifications dues à l'action directe 

3. 



46 ŒNOLOGIE. 

de l'oxygène , aucune fermentation ne s'y déve- 
loppe. 

Si l'on ramène ce vin à la pression normale, et qu'on 
le conserve dans les conditions ordinaires, il demeurera 
sans altération tant qu'on n'y introduira pas de nouveaux 
éléments de fermentation. 

Les êtres microscopiques qui vivent et se développent 
pendant la fermentation, et sont le point de départ des 
actions chimiques qui en résultent, sont donc tués par 
l'action de l'oxygène à haute tension, exactement 
comme les êtres vivants de taille plus considérable et 
de structure plus complexe. 

M. Berta fait des expériences analogues sur les phé- 
nomènes que l'on désigne sous le nom de pseudofer- 
mentations, et il a étudié l'influence de la pression sur 
les substances qui les produisent. 

Cette influence est complètement nulle, elle n'enlève 
rien à l'activité de ces substances, et ne les empêche 
pas de déterminer, soit pendant qu'elles sont soumises à 
la pression, soit après, les réactions qui les caractérisent. 

Cette différence suffit pour montrer qu'on ne saurait 
confond! e les fermentations avec les actions chimiques 
qu'on en a rapprochées, et que les prétendus ferments 
solubles n'ont rien de commun avec les êtres organisés 
et vivants, qui seuls doivent conserver cette dénomi- 
nation de ferments. 

Comme conséquence importante des observations qui 
précèdent, nous ferons remarquer que la compression 
peut être employée utilement, soit pour arrêter les fer- 
mentations en tuant les ferments qui pourraient les 



LES FERMENTATIONS. 47 

produire, soit pour distinguer les fermentations des 
autres réactions que Ton serait tenté de confondre avec 
elles, lorsque la nature vraie d'un phénomène n'a pu 
être reconnue et constatée d'une manière certaine. 

Nous terminerons ces considérations générales surles 
fermentations, par cette observation, c'est que toutes 
les discussions auxquelles donnent lieu ces opérations, 
comme aussi la nécessité où nous sommes de les con- 
server et de les classer comme actions distinctes, pro- 
viennent de ce que nous ne connaissons que d'une ma- 
nière tout à fait imparfaite, les êtres infiniment petits 
qui les produisent. 

Il en est des théories sur les causes chimiques ou 
physiologiques des fermentations, comme de celles qui 
ont été successivement émises à propos des générations 
dites spontanées. Les limites assignées aux actions pour 
l'interprétation desquelles on faisait intervenir l'idée 
d'une génération spontanée se sont restreintes de plus 
en plus, à mesure que nos connaissances plus précises, 
permettaient d'expliquer les faits restés obscurs ou 
dont l'origine et la cause étaient mal connues et mal 
définies. Les mêmes changements ont déjà été observés 
et se manifesteront encore à propos des fermentations. 

Supposons que nous arrivions à bien connaître, sous 
tous les rapports, les êtres qui constituent les ferments, 
de manière à pouvoir les suivre clans leur développe- 
ment et leurs transformations, à nous rendre exacte- 
ment compte de leur origine, et à apprécier d'une 
manière précise leur mode de nutrition ainsi que les 
changements chimiques qui en sont les conséquences, 



48 ŒNOLOGIE. 

nous n'aurons plus dès lors dans l'histoire de ces êtres, 
qu'une série d'observations physiologiques bien définies 
et faciles à expliquer. Nous nous trouverons dans les 
conditions où nous sommes pour les études physiolo- 
giques correspondant aux fonctions organiques des 
individus d'un ordre supérieur. De l'exercice de ces 
fonctions, résultent une foule d'actions chimiques, de 
phénomènes physiques qui sont alors sous la dépen- 
dance de la vie, mais qui peuvent être produits ou obte- 
nus dans d'autres conditions, par suite de réactions où 
la vie n'intervient pas, et qui amènent cependant les 
mêmes résultats. 

De même nous reconnaîtrons que les résultats chi- 
miques qui sont sous la dépendance des fermentations, 
et qui sont la conséquence de l'exercice des fonctions 
vitales des ferments , peuvent également n'être dus, 
dans d'autres circonstances, qu'à des réactions purement 
chimiques, entre des substances plus ou moins ana- 
logues à celles que les ferments peuvent s'assimiler et 
modifier. 

Contentons-nous pour le moment, de ces réflexions 
qui sont bien suffisantes pour éclairer les études que 
nous avons à faire, afin de compléter ce que nous avons 
dit précédemment au sujet de la fermentation alcoo- 
lique. 



CHAPITRE IV 



ÉTUDE CHIMIQUE DE LA FERMENTATION 
ALCOOLIQUE 

(PREMIÈRE PARTIE) 

Le caractère chimique fondamental de la fermenta- 
tion alcoolique, avons-nous dit précédemment, c'est la 
disparition du sucre, et la formation à la place de cette 
substance d'une certaine quantité d'acide carbonique 
qui se dégage et d'autres produits qui restent dans la 
liqueur, et parmi lesquels domine l'alcool. Cette trans- 
formation du sucre en plusieurs autres composés cons- 
titue donc le phénomène chimique de cette fermenta- 
tion, abstraction faite de toute théorie destinée à 
l'expliquer. 

Or il est une loi bien établie en Chimie, c'est que, si 
dans une réaction certaines substances disparaissent, 
tandis que d'autres se forment à leurs dépens, il y a 
toujours égalité parfaite, en poids, entre les substances 
existant avant la réaction et celles que l'on retrouve 
après son accomplissement. 

On a dû naturellement chercher si cette loi est véri- 



50 ŒNOLOGIE. 

fiée dans le cas particulier qui nous occupe, et les 
résultats fournis tout d'abord par cette étude ont paru 
si Lien d'accord avec la théorie qu'ils ont été pendant 
longtemps admis sans contestation. Seulement cet 
accord n'était qu'apparent, et un examen plus appro- 
fondi des faits est venu montrer que les analyses qui 
semblaient l'établir étaient incomplètes et inexactes. 

Cette question, qui conduit à définir par une équa- 
tion très nette le mode de transformation du sucre dans 
la fermentation alcoolique, est assez importante pour 
que nous cherchions à l'éclaircir, de manière à ne lais- 
ser aucun doute entre les conséquences simples, mais 
erronées de l'interprétation ancienne, et les résultats 
certains et exacts, mais plus complexes, auxquels con- 
duisent les observations plus récentes. 

Ce qui nous frappe surtout foutes les fois que nous 
étudions une fermentation alcoolique, c'est la dispari- 
tion du sucre et la formation, à sa place, de l'acide car- 
bonique qui se dégage, et de l'alcool qui reste en 
dissolution dans le liquide. La constatation de ces faits 
suffit même pour permettre l'interprétation de tous les 
phénomènes observés dans les opérations industrielles 
et agricoles basées sur cette réaction. 

Pendant longtemps on a cru que cet acide carbonique 
et cet alcool étaient les seules substances formées aux 
dépens du sucre; on pensait en même temps que la 
totalité de ce sucre était employée à cette production 
d'alcool et d'acide carbonique. 

Ce phénomène du dédoublement du sucre était dès 
lors considéré comme tout à fait indépendant des autres 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 51 

réactions qui pouvaient se produire dans cette même 
liqueur par suite de l'intervention de ses autres 
éléments, et particulièrement de la matière azotée. 

La conséquence de cette hypothèse, c'est que le poids 
du sucre disparu pendant l'opération devait être préci- 
sément égal à la somme des poids de l'acide carbonique 
et de l'alcool formés. 

La comparaison de la composition du sucre d'une 
part, et de celle de l'alcool et de l'acide carbonique de 
l'autre, rend parfaitement compte de ce point de vue 
théorique, et cette circonstance a contribué à le faire 
admettre sans conteste. 

Si on prend en effet un poids de sucre égal à 180 
grammes, par exemple, on trouve que cette quantité de 
sucre contient exactement les mêmes éléments que 
ceux renfermés dans 88 grammes d'acide carbonique et 
92 grammes d'alcool. 

Cette idée est fidèlement traduite par l'équation qui 
permet d'établir le rapprochement entre la formule à 
laquelle conduit la composition du sucre, et celles qui 
représentent la composition de l'acide carbonique et de 
l'alcool. 

La formule du sucre que nous supposons dissous 
dans le liquide, est : 

G i2 H i2 0 t'; 

Celle de l'acide carbonique est CO 2 , et celle de 
l'alcool C 4 H 6 0 2 . 
Ces trois formules se prêtent à l'équation suivante : 

C i2 H i2 0 i2 _ 4C0 2 + 2C'H 6 0 2 , 



52 ŒNOLOGIE. 

c'est-à-dire que les éléments du sucre étant employés à 
former de l'acide carbonique et de l'alcool, peuvent, 
sans rien perdre et sans rien gagner, se transformer 
tout entiers en ces deux dernières substances. 

Si on évalue ce résultat en poids, on trouve, comme 
nous l'avons dit plus haut, que 180 grammes de sucre 
peuvent donner 88 grammes d'acide carbonique et 
92 grammes d'alcool ; on admettait donc que dans la 
fermentation alcoolique on obtenait ces deux corps, dans 
des proportions correspondantes aux nombres précé- 
dents pour 180 grammes de sucre disparus, ou ce qui 
revient au même, 

100 parties de sucre devaient fournir : 

48.8 d'acide carbonique 
et 51.2 d'alcool. 

Ce résultat théorique, longtemps admis sans contes- 
tation, avait du reste été vérifié par des expériences qui 
paraissaient faites dans des conditions d'exactitude ne 
laissant rien à désirer. En déterminant dans une fer- 
mentation les quantités d'alcool et d'acide carbonique 
formées aux dépens d'une proportion déterminée de 
sucre, on avait en effet obtenu des résultats qui avaient 
paru suffisamment rapprochés des précédents, pour 
confirmer pleinement les conséquences de la théorie. 

Ainsi, on admettait que les éléments du sucre ser- 
vaient uniquement et tout entiers à former de l'alcool 
et de l'acide carbonique. Ce dernier corps étant gazeux, 
se dégage; l'alcool, au sontraire, reste dans le liquide 
et lui communique sa saveur propre, en même temps 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 53 

que celle du sucre disparaît. Cette décomposition du 
sucre était supposée tout à fait indépendante des modi- 
fications que pouvait éprouver la levûre. 

Les expériences de M. Pasteur ont démontré que ces 
résultats étaient inexacts à deux point de vue ; il a en 
effet reconnu qu'il se produisait d'autres substances aux 
dépens du sucre, et que quelques-unes de ces substan- 
ces servaient au développement du ferment. 

D'abord l'acide carbonique et l'alcool ne sont pas les 
seules substances qui apparaissent en remplacement 
du sucre; on trouve en effet dans le liquide, après la 
fermentation, outre l'alcool, deux autres composés que 
nous avons déjà mentionnés en indiquant d'une manière 
générale les phénomènes de la fermentation alcoolique, 
ce sont la glycérine et l'acide succinique. La production 
de ces deux substances est constante, et par conséquent 
il nous faut dire déjà que le sucre se transforme en 
acide carbonique, en alcool, en glycérine et en acide 
succinique. 

Pour établir ce premier résultat, il a fallu démontrer 
par des analyses précises que le poids de l'acide carbo- 
nique et de l'alcool produits dans une fermentation 
était inférieur à celui du sucre disparu, puis constater 
la présence des deux autres composés et rechercher si 
leur poids représente exactement la différence observée. 

Bisons d'abord comment on constatera l'existence de 
ces quatre composés. L'acide carbonique étant gazeux, 
se dégage; on le recueille comme nous l'avons dit, et 
on vérifie ses propriétés. On séparera ensuite par la 
distillation l'alcool qui est volatil. 



54 ŒNOLOGIE. 

Quant aux deux autres substances, pour les mettre 
en évidence, on opérera de la manière suivante : 

On évaporera à une douce chaleur le liquide à analy- 
ser, après l'avoir préalablement filtré. Ensuite on divi- 
sera le résidu 'en deux parties. L'une sera traitée à 
diverses reprises par Péther, et la dissolution obtenue 
sera soumise à une évaporation spontanée dans une 
petite capsule. Bientôt on verra les parois de cette cap- 
sule se couvrir de cristaux d'acide succinique. 

L'autre partie sera traitée de la même manière par 
un mélange d'alcool et d'éther. La dissolution obtenue 
sera évaporée partiellement, puis saturée par l'eau de 
chaux, et, après évaporation complète, traitée de nou- 
veau par le mélange d'alcool et d'éther. Cette nouvelle 
dissolution, évaporée lentement, laisse pour résidu de 
la glycérine. 

M. Pasteur a trouvé pour 100 grammes de sucre 
disparus : 

Acide succinique, C 8 H 6 0 8 , Ogr.673 
Glycérine, G 6 H 8 0 6 , 3, 640 

4gr. 313 

Ce qui prouve bien que la glycérine et l'acide succi- 
nique proviennent du sucre et non de la levûre, c'est 
qu'il est possible d'installer des fermentations dans 
lesquelles les poids de la glycérine ou de l'acide succi- 
nique formés sont de beaucoup supérieurs au poids de 
la levûre employée dans ces opérations. 

Toutefois l'expérience a démontré que si Ton ajoute 
la somme de ces deux substances à celles fournies par 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 55 

l'acide carbonique et par l'alcool dans une même opé- 
ration, on obtient constamment un chiffre un peu infé- 
rieur à celui qui représente le poids du sucre disparu, 
ce qui conduit à penser que les éléments de ce sucre 
sont encore utilisés pour autre chose que peur la for- 
mation des quatre substances que nous avons citées. 
L'analyse suivante va du reste nous permettre d'évaluer 
la quantité de sucre employée à cet objet qu'il nous 
reste à déterminer, et qui est très faible par rapport à 
la proportion totale du sucre décomposé. 

L'expérience a porté sur 10 gr. 524 de sucre 
C* 2 H 12 0' 2 ; cette quantité de sucre, en se modifiant sous 
l'influence de la fermentation, a donné : 

Alcool absolu 5e r 100 

Acide carbonique 4, 911 

Glycérine 0, 340 

Acide succinique. ..... 0, 065 

10 416 

Avant de rechercher ce qu'est devenu le sucre qui 
n'a pas servi à former ces quatre substances, et dont la 
proportion s'élèverait à plus d'un gramme pour cent 
grammes de sucre, établissons le résultat qui ressort 
des chiffres précédents. 

D'après l'équation très simple que nous avons rap- 
portée, et que l'on considérait autrefois comme repré- 
sentant exactement la transformation du sucre, 100 
grammes de sucre devraient fournir : 

48.8 d'acide carbonique 
et 51.2 d'alcool; 



56 ŒNOLOGIE. 

il résulte, au contraire, de l'expérience précédente, que 
le même poids de sucre donne seulement : 

46.6 d'acide carbonique 
et 48.4 d'alcool, 

dont la somme correspond à 95 0/0 du poids du sucre. 
Sur les cinq pour cent qui manquent, la glycérine et 
l'acide succinique entrent pour 3.8 0/0, et par consé- 
quent il reste à trouver l'emploi de 1.2 0/0 du sucre 
disparu. 

Lorsque l'on admettait que la levûre de bière n'était 
qu'un composé chimique azoté qui se séparait et se 
précipitait dans la préparation de la bière, et jouissait de 
la propriété de provoquer la formation des substances 
nouvelles par son action sur la dissolution sucrée, la 
décomposition du sucre était considérée comme indé- 
pendante de celle que pouvait éprouver cette levûre. 
Cette conséquence n'est plus admissible, maintenant 
que nous connaissons la véritable nature de la levûre et 
son rôle physiologique. Cette substance doit trouver 
dans la liqueur qui fermente tous les éléments néces- 
saires à sa végétation et à son développement; et si la 
matière azotée que contient la dissolution est le princi- 
pal agent servant à fournir les matériaux qui existent 
dans les nouvelles cellules, le sucre peut leur céder 
ceux qui concourent à la formation de l'enveloppe de 
ces cellules, laquelle est constituée par la cellulose. 

On arrive ainsi, par une déduction théorique que 
l'expérience a pleinement confirmée, à reconnaître 
qu'une proportion de sucre qui s'élève à environ le cen- 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 57 

tième de son poids sert à produire la cellulose entrant 
dans les cellules nouvelles qui se forment pendant la 
fermentation. Tout se trouve donc coordonné dans ce 
phénomène pour constituer un fait physiologique unique 
et complexe qui influe, par suite de l'accomplissement 
d'un acte vital, sur la constitution chimique du 
milieu. 

La décomposition chimique du sucre, qui en est la 
conséquence, donne lieu au résultat suivant : 
100 parties de sucre G^H^O 12 fournissent : 

Acide carbonique 46.6 

Alcool 48.4 

Glycérine 3.2 

Acide succinique 6.6 

Cellulose et matières indéterminées. . 1.2 

100.0 

L'acide carbonique, l'alcool, la glycérine et l'acide 
succinique sont sécrétés par les cellules et se répandent 
dans le milieu ambiant; l'un d'eux, l'acide carbonique, 
étant gazeux, se dégage du liquide dès que celui-ci en 
est saturé; les autres restent en dissolution dans la 
liqueur où ils sont solubles, tandis que la cellulose 
participe à l'accroissement et au développement de la 
levûre, avec les autres substances contenues dans la 
liqueur qui fermente. 

Pour confirmer ces conséquences, nous rappellerons 
une des nombreuses expériences établies par M. Pasteur, 
et qui démontrent l'exactitude des faits que nous venons 
de rapporter. 



58 



ŒNOLOGIE. 



On a composé une liqueur contenant : 

1°. 10 grammes de sucre candi pur, 

2°. les cendres fournies par la combustion dans la 
moufle d'un fourneau de coupelle de 1 gramme de 
levûre, 

3°. 0? r 100 de tartrate d'ammoniaque, 

et des traces de levûre de bière bien lavée, de la gros- 
seur d'une tète d'épingle, à L'état frais et humide, per- 
dant 80 pour cent d'eau à la dessiccation. 

Le mélange ainsi formé a été introduit dans un vase 
rempli jusqu'au goulot et muni d'un tube à gaz plon- 
geant sous l'eau. 

Après vingt-quatre heures, la liqueur a commencé à 
donner des signes sensibles de fermentation par un 
dégagement de bulles microscopiques annonçant que le 
liquide était déjà saturé d'acide carbonique. 

Les jours suivants, le trouble de la liqueur a aug- 
menté progressivement, ainsi que le dégagement du 
gaz. Celui-ci a produit, à la surface libre, de la mousse 
qui a rempli le goulot. En même temps, le fond du vase 
s'est couvert peu à peu d'un dépôt où le microscope a 
fait distinguer des globules gonflés, translucides, non 
granuleux, au milieu desquels on distingue parfaitement 
les vieux globules à enveloppe épaisse, au contour gra- 
nuleux et jaunâtre. 

En faisant, dit M. Pasteur, cette observation à la 
lumière vive du gaz, les vieux globules se distinguent 
des jeunes infiniment plus nombreux, comme une 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 59 

bille noire placée au milieu de beaucoup de billes 
blanches. 

Ces globules nouveaux sont d'abord très ramifiés, 
accolés en chapelet et présentant de nombreux bour- 
geons. Peu à peu ils se dissocient, perdent leur appa- 
rence ramifiée et on n'y voit presque plus de bourgeons; 
ils deviennent en même temps granuleux comme les 
globules de levure de bière adulte et épuisée. 

Dans l'expérience que nous venons de rapporter, un 
sel ammoniacal, le tartrate d'ammoniaque était le seul 
aliment azoté offert à la levûre. La fermentation devient 
plus active si on remplace ce sel par une matière albu- 
minoïde convenable, prise dans l'état où cette matière 
existe dans certains organismes végétaux, tels que le 
moût du raisin, le jus de la betterave ; quant aux phéno- 
mènes généraux, ils sont exactement les mêmes que 
ceux que nous avons décrits, seulement l'apparition des 
premiers symptômes est plus rapide, et l'activité de 
la fermentation est plus grande. 

Dans cette étude chimique de la fermentation alcoo- 
lique, nous avions pour but de nous mettre en état de 
bien comprendre les modifications qui se produisent 
dans composition la du milieu, au sein duquel cet acte 
s'accomplit, et nous pouvons maintenant établir très 
nettement ce qui se passe à ce point de vue. 

Le principe essentiel, qui est le point de départ de ces 
modifications, est le sucre; nous avons donc une certaine 
proportion de cette substance en dissolution avant l'opé- 
ratioo, mais lorsque cette opération est terminée, ce 
sucre a disparu, il s'est transformé en d'autres com- 



GO ŒNOLOGIE. 

posés qui se sont produits avec ses propres élé- 
ments. 

A la place du sucre nous avons de l'acide carbonique, 
de l'alcool, de la glycérine, de l'acide succinique et de 
la cellulose, et le poids de ces différentes substances, 
accusé par l'analyse, reproduit exactement celui du 
sucre qui a servi à les former. 

L'acide carbonique s'est dissous dans le liquide, mais 
comme ce corps est gazeux et que sa solubilité n'est pas 
très grande, le liquide a été promptement saturé et la 
majeure partie du gaz produit pendant la fermentation 
s'est échappée dans l'atmosphère, et s'est mêlée à l'air 
qui le constitue. 

L'alcool, la glycérine et l'acide succinique se sont 
également dissous dans le liquide à mesure de leur for- 
mation, et ils y sont restés en vertu de leur état. Or, 
parmi ces substances, l'alcool est volatil, il bout à 78° 
lorsqu'il est pur, et comme la température des liqueurs 
en fermentation peut s'élever à 30° et même au delà, 
on s'est demandé si une partie de l'alcool ne pouvait 
pas se perdre en s'évaporant avec l'eau et avec l'acide 
carbonique. 

Cette idée dont il est facile de prévoiries conséquences 
pratiques, a été le point de départ de l'emploi d'un 
grand nombre d'appareils et de systèmes destinés à 
empêcher, pendant la fermentation qui produit le vin, 
l'évaporation des cuves, ou bien à laver l'acide carbo- 
nique qui se dégage, afin qu'il n'entraîne pas d'alcool. 

L'expérience a démontré que la proportion d'alcool 
entraînée par l'acide carbonique, était insignifiante et 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 61 

qu'on pouvait également négliger la perte par l'évapo- 
ration directe, surtout lorsque les conditions qui assurent 
une bonne et rapide fermentation sont remplies. 

Quant à la cellulose produite aux dépens du sucre, 
elle sert à former l'enveloppe des cellules du ferment à 
mesure de leur multiplication, elle figure donc dans le 
liquide fermenté à l'état de matière insoluble. 

Outre cet emprunt fait directement au sucre, le déve- 
loppement et la multiplication du ferment entraînent 
d'autres changements chimiques dans le milieu qui 
fermente, nous y reviendrons lorsque nous aurons étudié 
plus complètement le ferment lui-même au point de vue 
physiologique. 

Mais nous pouvons signaler dès maintenant d'autres 
modifications, qui peuvent être la conséquence de la pro- 
duction, au sein du liquide, des nouvelles substances que 
nous y avons reconnues. 

La nature de ce liquide n'est plus la même et par 
conséquent ses propriétés sont changées, ou tout au 
moins l'intensité de leur manifestation relativement à 
leur action dissolvante a dû varier, soit dans un sens, soit 
dans l'autre. 

Les liqueurs, soumises dans l'industrie et dans l'éco- 
nomie domestique à la fermentation alcoolique, ne sont 
pas en effet des mélanges comme ceux que nous sup- 
posions tout à l'heure, ne contenant que les matériaux 
nécessaires à la détermination de cette action; elles ont, 
en général, une composition plus complexe, et ren- 
ferment d'autres substances que celles qui prennent 
une part directe à la fermentation. 

4 



62 ŒNOLOGIE. 

Le composé qui doit jouer le plus grand rôle dans la 
production de ces modifications est, sans contredit, 
l'alcool dont le caractère comme dissolvant est très 
différent de celui de l'eau, et dont le poids dans le 
liquide fermenté atteint presque la moitié de celui du 
sucre qui a disparu, puisque nous avons vu que 100 
grammes de sucre donnaient plus de 48 grammes d'al- 
cool supposé pur et absolu. 

Les modifications dans la composition chimique d'un 
liquide fermenté dues à la présence de l'alcool, varie- 
ront nécessairement suivant la nature des substances 
préexistant dans ce liquide, ou des matières solides 
qui peuvent être mélangées avec lui, et nous devons 
nous contenter d'avoir indiqué cette cause de change- 
ment de composition d'une manière générale. 

Nous ajouterons seulement que dans le cas de la 
fermentation vineuse qui s'accomplit dans les cuves pour 
la préparation du vin, on en trouve deux conséquences 
bien faciles à constater et qui ont une très grande 
importance. 

Le bitartrate de potasse, appelé aussi crème de tartre, 
est un sel très abondant dans le jus de tous les raisins, 
on en trouve jusqu'à 8 ou 9 grammes par litre dans 
certains moûts, et cependant si on fait l'analyse des vins 
que ces moûts fournissent, on n'y rencontre plus guère 
que 2 à 3 grammes par litre de ce même sel. On peut 
donc se demander si sa diminution est due, comme celle 
du sucre, à une action spéciale du ferment. 

11 n'en est rien et ce phénomène tient seulement à ce 
que le bitartrate de potasse, très peu soluble déjà dans 



CHIMIE DE LA. FERMENTATION. bd 

l'eau pure, est encore bien moins soluble dansl'eau alcoo- 
lisée. Ce sel doit donc se séparer et se déposer en partie 
à mesure que la proportion d'alcool augmente par suite 
de la fermentation; de là l'origine delà formation du 
tartre que l'on retrouve dans les lies et sur les parois 
des tonneaux. 

La matière colorante du vin nous conduit à une obser- 
vation tout à fait inverse de la précédente. 

L'écrasement des raisins colorés donne lieu à un jus 
qui est presque incolore pour la plupart des cépages. 
Cela tient à ce que la matière colorante est contenue 
dans des cellules spéciales placées immédiatement sous 
l'épiderme des grumes, et tout à fait distinctes des cel- 
lules centrales contenant le jus sucré. 

Si la coloration du jus se produit pendant la fermen- 
tation, ce fait est dû au mélange intime de toutes les 
parties des grumes, produit par le foulage et l'écrase- 
ment des raisins, et à l'action dissolvante que le liquide 
exerce sur la matière colorante; dans cette réaction la 
présence de l'alcool influe notablement sur le résultat, 
car cette matière est d'autant plus soluble que la liqueur 
est plus alcoolique. 

L'alcool agit également pour augmenter la quantité 
clans le vin d'autres substances qui se trouvent dans les 
parties solides du raisin, telles que le tannin, les huiles 
essentielles ; et tous ces changements dans la compo - 
sition chimique du liquide accompagneront ceux qui ont 
été produits directement par la fermentation, et dont ils 
sont seulement la conséquence. 
Ainsi donc il ne faut pas négliger dans l'étude des 



64 ŒNOLOGIE. 

phénomènes chimiques qui s'accomplissent pendant la 
fermentation alcoolique ceux qui, sans être déterminés 
par cet acte lui-même, proviennent de réactions secon- 
daires qui se produisent entre certains éléments consti- 
tutifs du milieu, et les composés nouveaux qu'engendre 
la fermentation. 

Ces réactions sont même plus nombreuses et plus 
complexes que ne le ferait supposer l'indication précé- 
dente, dans laquelle nous n'avons parlé que de la disso- 
lution de la matière colorante et de la séparation du 
bitartrate de potasse. L'alcool en réagissant sur les 
acides libres du vin déterminera la production de com- 
posés nouveaux que l'on désigne sous le nom d'éthers, 
et dont nous apprécierons plus tard toute l'importance 
au point de vue de leur influence sur les qualités du vin; 
seulement l'effet de cette action ne se fait pas sentir 
immédiatement. 

Nous aurons également à revenir bientôt sur d'autres 
causes de modifications dans la composition chimique 
des liqueurs fermentées, et à rechercher quelle est l'ori- 
gine de certaines substances que l'on y rencontre, et dont 
nous n'avons pas eu à parler jusqu'ici, notamment de 
l'acide acétique et d'autres acides volatils ; les détails 
dans lesquels nous aurons à entrer relativement à la 
formation de ces substances, rie pourront être bien 
compris que lorsque nous aurons fait une étude com- 
plète de la levure, et que nous aurons des idées nettes 
sur sa nature et son mode d'action. 

Ainsi on voit combien nous sommes loin de cette 
idée simple, émise encore quelquefois d'une manière 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. bD 

générale et qui consiste à considérer le phénomène 
chimique de la fermentation alcoolique, et particulière- 
ment de la fermentation vineuse, comme se résumant 
dans la disparition du sucre et la formation des sub- 
stances qui prennent naissance à ses dépens. La modi- 
fication du milieu au sein duquel cette opération s'ac- 
complit, est beaucoup plus compliquée, et nous aurons 
encore bien des particularités à signaler pour permettre 
de l'apprécier d'une manière complète ; mais avant de 
compléter cette étude chimique, nous allons examiner 
le côté physiologique de la question en faisant l'histoire 
de la levure. 



4. 



CHAPITRE V 



ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE 
DE LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 



Cette étude doit comprendre l'histoire botanique du 
ferment désigné vulgairement sous le nom de levure 
de bière, et la description exacte des différentes variétés 
de ferments semblables connues et distinguées jusqu'à 
présent. Nous y joindrons les observations qui doivent 
compléter l'histoire de la fermentation, et qui ne peuvent 
être bien comprises que lorsqu'on a une idée très exacte 
de la nature des ferments. 

En effet, nous avons dû nous contenter, dans les 
considérations générales sur la fermentation alcoolique, 
de donner des indications sommaires sur la forme des 
cellules et la manière de les observer, afin- d'arriver à 
bien établir la nature vivante et organisée de ce produit. 
Les détails qui suivent vont confirmer ces premiers 
renseignements, et ne nous laisser aucun doute sur le 
caractère des phénomènes que nous avons décrits. 

Pendant longtemps on a hésité sur la place que la 



PHYSIOLOGIE DE LA FERMENTATION. 67 

levûre doit occuper dans la liste des végétaux ; les uns 
en ont fait un champignon dépourvu de mycélium, les 
autres une algue. 

Les observations récentes conduisent à admettre que 
cet être, sur la nature végétale duquel on ne saurait 
émettre aucun doute, doit être rangé parmi les champi- 
gnons, et on en a fait un genre particulier sous le nom 
de Saccharomyces. 

L'espèce la mieux connue et la mieux étudiée est celle 
qui constitue la levûre de bière : Rees l'a nommée 
Saccharomyces cerevisice. 

Les cellules de cette espèce sont rondes ou ovales ; 
dans leur plus grand diamètre elles ont de 8 à 9 mil- 
lièmes de millimètres. 

Elles sont formées par une membrane mince et élas- 
tique de cellulose non colorée, et un protoplasma inco- 
lore, tantôt homogène, tantôt composé de petites granu- 
lations. 

Dans ce protoplasma on observe une ou deux va- 
cuoles plus ou moins grandes contenant du suc cellu- 
laire. 

Les cellules sont ou isolées ou réunies deux à deux. 
Quelquefois on en voit un plus grand nombre accolées 
l'une à l'autre. 

Nous avons dit comment on pouvait observer leur 
mode ordinaire de développement et de multiplication. Il 
suffit de les déposer dans un liquide fermentesciblepour 
voir bientôt apparaître en un point de leur surface un 
renflement vésiculeux, quis'accroît et finit paratteindre 
la grandeur de la cellule-mère. Ces renflements se 



68 ŒNOLOGIE. 

montrent quelquefois sur deux points de la surface, de 
manière qu'une cellule sera remplacée par trois cellules 
semblables, le protoplasma de la cellule-mère s'étant 
divisé pour se répandre dans les cellules nouvelles. 

Lorsque celles-ci ont atteint la grandeur de la cellule 
primitive, elles s'étranglent à la base et se séparent. 

Une cellule peut ainsi produire, par le renouvelle- 
ment du même phénomène, plusieurs générations de 
cellules, mais comme cette production se fait aux dépens 
de son protoplasma, celui-ci finit par s'épuiser, il semble 
perdre la faculté qu'il possédait de donner lieu à des 
cellules nouvelles, et paraît se réunir en granules 
nageant au sein d'un liquide. 

La cellule primitive cesse alors de vivre, la mem- 
brane qui l'enveloppe se rompt et les matières qu'elle 
contient se répandent dans le liquide ambiant. 

Les jeunes cellules éprouvent à leur tour des modifi- 
cations semblables, et l'accomplissement de tous ces 
faits au sein d'un liquide fermentescible constitue la vie 
des cellules, et caractérise leur reproduction par voie 
de bourgeonnement. 

Cette multiplication par formation de nouveaux bour- 
geons n'est pas le seul mode de végétation et de repro- 
duction du Saccharomyces cerevisiœ, il serait insuf- 
fisant pour le caractériser, et ce sont les faits nouveaux 
appartenant à un mode de reproduction différent, qui 
ont permis de bien fixer sa place dans la série végé- 
tale. 

C'est en 1869 que Rees a découvert la fructification 
de la levure de bière et des ferments en général, c'est- 



PHYSIOLOGIE DE LA. FERMENTATION. 69 

à-dire la possibilité de leur reproduction au moyen de 
spores. Il faut, pour obtenir ce résultat, isoler la levûre 
de tout liquide fermentêscible, car, tant qu'elle est en 
contact avec ces liquides, la multiplication par voie de 
bourgeonnement est le seul phénomène possible. 

Si au contraire on prive brusquement la levûre de 
toute nourriture sucrée, et qu'après l'avoir lavée plu- 
sieurs fois avec de l'eau distillée, on l'expose à une 
atmosphère humide, ou plutôt qu'on la place sur une 
substance capable de lui fournir constamment de 
l'humidité, on arrive à déterminer un autre mode 
d'évolution, et au bout de quinze ou seize jours on 
obtient une abondante production de spores. 

Cette opération est délicate et réussit difficilement si 
on n'emploie pas toutes les précautions nécessaires, la 
levûre pouvant s'altérer et se putréfier avant que le 
résultat cherché ne soit obtenu. 

L'important c'est d'empêcher cette putréfaction en 
agissant rapidement et en soustrayant la levûre bien 
fraîche, bien lavée et maintenue humide au contact des 
poussières et des spores contenues dans l'atmosphère. 

Lorsqu'on suit dans ces observations les prescrip- 
tions données par M. Engel dans un travail fait en 1872 
sur les ferments alcooliques, on voit cesser brusque- 
ment les phénomènes ordinaires que présente la végé- 
tation de la levûre; les vieilles cellules, celles qui ne 
contiennent presque plus de protoplasma, périssent et 
tombent en détritus ; les autres, au contraire, celles qui 
étaient en pleine voie de multiplication s'agrandissent, 
les vacuoles contenues dans le protoplasma disparaissent, 



70 ŒNOLOGIE. 

et celui-ci se disperse uniformément dans le suc cellu- 
laire. 

Au bout de six à dix heures, on voit apparaître au 
milieu de ce protoplasma de deux à quatre îlots plus 
brillants et plus denses, autour desquels se rassemblent 
de fines granulations. Ces îlots se différencient de plus 
en plus et deviennent exactement sphériques. Plus tard, 
chacune de ces sphérules se revêt d'une membrane 
d'abord très fine ? mais qui s'épaissit peu à peu et offre 
l'aspect d'un double contour. 

La cellule qui a subi cette transformation contient 
ainsi de deux à quatre spores qui se touchent, présen- 
tant à leur point de contact une petite surface plane. 

On l'appelle alors une thèque, et celle-ci arrivée à 
maturité peut renfermer deux, trois ou quatre spores 
restant attachées entre elles pendant quelque temps, et 
constituant des dyades, des triades ou des tétrades. 

La forme des thèques varie suivant le nombre de 
spores qu'elles contiennent ; il en est de même de leurs 
dimensions qui sont de 10 à 15 millièmes de millimètres ; 
quant aux spores, leur diamètre est de 4 à 5 millièmes 
de millimètres. 

Si maintenant on place ces spores mûres dans un 
milieu fermentescible, elles s'y développeront et s'y 
multiplieront par voie de bourgeonnement, reproduisant 
tous les phénomènes que nous avons précédemment 
indiqués. 

Ces observations ont permis de se bien fixer sur la 
nature de la levûre de bière, et comme on a trouvé 
également les mêmes caractères aux autres variétés de 



PHYSIOLOGIE DE LÀ FERMENTATION. 71 

levûre produisant la fermentation alcoolique, tous ces 
êtres ont été rangés dans le genre Saccharomyces, que 
M. Engel définit ainsi : 

« Les Saccharomyces sont des champignons théca- 
« phores, simples, sans véritable mycélium. Les organes 
« végétatifs sont des cellules nées le plus souvent par 
« bourgeonnement de cellules semblables, et qui, se 
« détachant tôt ou tard de la cellule-mère, se multi- 
« plient de la même façon. Une partie des cellules 
« ainsi formées se transforme dans un autre milieu en 
« thèques sporifères nues ; spores uni-cellulaires au 
« nombre de 1 à 4 dans chaque thèque. La germi- 
« nation des spores reproduit directement des cellules 
« végétatives analogues à celles qui sont nées par bour- 
« geonnement. » 

Nous avons dit qu'on avait reconnu déjà et étudié 
plusieurs variétés de levûre constituant des espèces 
particulières, appartenant au genre que nous venons de 
définir. 

H nous paraît inutile de les décrire toutes, comme 
aussi d'insister sur certaines particularités que présente 
la levûre suivant le mode employé pour la fabrication 
de la bière, mais nous citerons celles qui paraissent 
jouer un rôle dans la préparation du vin. 

liées a décrit et distingué sous le nom de Saccharo- 
myces ellipsoïdeus, le ferment alcoolique ordinaire du 
vin, dont M. Pasteur avait déjà signalé les différences 
avec la levûre de bière proprement dite. 

Les cellules adultes de ce ferment ont une forme 
ellipsoïdale , elles ont 6 millièmes de millimètre de 



72 ŒNOLOGIE. 

longueur sur 4 à 5 de largeur, avec une vacuole 
ovale. 

Les phénomènes observés dans le bourgeonnement de 
ce ferment pendant la fermentation alcoolique et lors de 
la formation des spores, sont tout à fait identiques avec 
ceux que présente la levûre de bière. 

Rees cite également trois autres espèces de Saccharo- 
myces que l'on a rencontrées dans les vins, et dont les 
cellules offrent des formes plus ou moins allongées et 
des dimensions différentes; ce sont le S. Pastorianus, 
le S. exiguus, et le S. conglomeratus. Leurs caractères 
généraux sont les mêmes que ceux que nous avons 
décrits ; on les rencontre dans les moûts qui fermentent 
et à des époques diverses de la durée de la fermen- 
tation. 

Nous ne quitterons pas cette étude délicate sans par- 
ler d'un autre ferment alcoolique signalé par M. Engel, 
et qui n'appartient pas au genre saccharomyces comme 
les précédents, c'est le ferment apiculé qui serait, 
d'après cet auteur, un Protomyces sans mycélium, au- 
quel il propose de donner le nom de Carpozyma. 

Suivant M. Engel, toutes les fermentations de moûts 
de fruits sont provoquées par la végétation de ce ferment. 
C'est lui, sauf de rares exceptions, que l'on voit végéter 
en premier lieu. Ses cellules adultes et isolées se pré- 
sentent, sous forme d'un ellipsoïde dont le grand dia- 
mètre est ordinairement de 6 millièmes de millimètre, 
et le diamètre transversal de 3 : à chacune de leurs 
extrémités se trouve une saillie ou apicule qui donne 
à la cellule la forme d'un citron. 



PHYSIOLOGIE DE LÀ FERMENTATION. 73 

Lorsque ces cellules végètent au sein d'un liquide 
fermentescible, les cellules nouvelles apparaissent à 
l'extrémité des saillies et jamais sur d'autres points. 

Le plus souvent il en apparaît d'abord une sous la 
forme d'une petite sphère, et lorsque celle-ci a atteint 
la moitié de sa grandeur, une seconde se forme à l'ex- 
trémité opposée. D'autres fois, mais plus rarement, les 
deux cellules nouvelles, produites par une cellule-mère, 
apparaissent en même temps. 

Rees, qui a connu et décrit cette espèce de ferment, 
n'a pu arriver à le faire fructifier et à lui faire produire 
des spores. 

M. Engel a été plus heureux, seulement il a reconnu 
que le mode de fructification de ce ferment était tout à 
fait différent de celui que présentaient les espèces du 
genre Saccharomyces. Ses observations l'ont conduit à 
admettre une grande analogie entre les phases du déve- 
loppement de ses thèques, et les divers degrés de l'évo- 
lution des thèques du genre Protomyces. 

Ce genre de champignons comprend plusieurs 
espèces de cryptogames parasites se montrant sur les 
Parties vertes de diverses plantes phanérogames. Ils 
ont un mycélium composé de filaments minces, riche- 
ment mais irrégulièrement ramifiés, et qui occupent 
exclusivement les méats intercellulaires du parenchyme 
superficiel de la plante attaquée. 

Le ferment apiculé est, comme nous le verrons 
)lentôt > abondamment répandu sur toute espèce de 
fruits, seulement il n'a jamais été possible de recon- 
Uaître qu'à une certaine époque de sa vie, il vive 

5 



74 ŒNOLOGIE. 

en parasite et produise un mycélium comme les Pro- 
tomyces. 

L'ensemble de ces observations a conduit M. Engel 
à le considérer comme un Protomyces sans mycélium; 
il constituerait donc un genre nouveau qu'il a nommé 
Carpozyma (ferment des fruits). 

Voici les caractères qu'il donne de ce genre et de 
l'espèce unique formant le ferment apiculé : 

« Carpozyma. Cellules végétatives isolées, produi- 
« saut à leurs pôles des bourgeons qui se détachent 
« bientôt. Thèques sphériques, revêtues d'un péri- 
« thèque et hibernant. Développement des spores très 
« lent. Spores nombreuses. 

« Espèce unique, Carpozyma apiculatum, Engel; 
« cellules végétatives, ellipsoïdales terminées à leurs 
(X pôles par deux mamelons saillants qui les font res- 
« sembler à des citrons. » 

Ainsi les ferments que l'on rencontre dans les diffé- 
rents milieux au sein desquels se produit la fermenta- 
tion alcoolique, appartiennent au groupe des champi- 
gnons. Malgré la grande analogie qu'ils présentent 
dans leur forme générale et leur mode de développe- 
ment et de multiplication pendant cette opération, 
ils ne constituent pas une espèce unique, et même les 
différentes espèces que l'on a reconnues et étudiées 
jusqu'ici n'appartiennent pas à un seul genre. 

Les considérations qui précèdent viennent ainsi con- 
firmer l'idée que nous avons émise tout d'abord à la 
suite de notre première étude : les ferments qui pro- 
duisent la fermentation alcoolique sont des êtres vivants, 



PHYSIOLOGIE DE LA FERMENTATION. 75 

parfaitement définis, bien caractérisés, vivant aux 
dépens du milieu dans lequel ils sont répandus. 

Si des matières azotées et des sels sont indispensables 
pour le développement de leurs organes, il est une sub- 
stance dont la présence est nécessaire pour l'exercice 
de leurs fondions, d'où résulte leur multiplication, 
c'est le sucre. Nous sommes ainsi conduits à reconnaî- 
tre que dans une dissolution sucrée qui contient ces 
ferments, le sucre passe par endosmose dans l'intérieur 
des cellules qui les constituent, il y est modifié, trans- 
formé, comme tout élément introduit dans le corps d'un 
être vivant; quelques-uns de ses éléments servent, avec 
les substances qui l'accompagnent, à l'accroissement des 
cellules ; les autres sont de véritables produits de 
sécrétion qui repassent dans le liquide, où nous les 
retrouvons à la place du sucre qui existait primitive- 
ment et qui a été, par cette action, transformé et sim- 
plifié, comme le sont toutes les matières organiques 
dans les phénomènes généraux de digestion et de res- 
piration que nous offrent tous les êtres vivants. 

En cherchant à caractériser l'opération fondamentale 
qui détermine la production du vin au moyen des élé- 
ments contenus dans le fruit de la Vigne, nous avons dit 
que c'était la première phase de la destruction à laquelle 
sont voués tous les organismes après la cessation de la 
vie, et nous savons par l'observation journalière des 
phénomènes qui accompagnent cette destruction, qu'elle 
est l'œuvre de végétaux ou d'animaux très petits, 
souvent microscopiques, lesquels envahissant les êtres 
ttorts, vivent à leurs dépens, les désorganisent, les 



76 ŒNOLOGIE. 

simplifient et ramènent en définitive les matières orga- 
nisées à l'état Je combinaisons très simples, qui se 
mêlent à l'atmosphère ou au sol, et servent à leur tour 
à entretenir la vie chez des êtres semblables à ceux 
d'où elles proviennent. Le développement de cette idée 
mettrait en lumière une des lois naturelles les plus 
générales, qui assure la persistance et la continuité du 
phénomène vital à la surface de notre globe. 

Les détails dans lesquels nous venons d'entrer au 
sujet de la nature du rôle physiologique des ferments 
alcooliques la confirment d'une manière complète. 

Les différents tissus qui constituent le raisin et prin- 
cipalement ceux qui remplissent la grume sortent de la 
cuve tout à fait désorganisés; les éléments qui les com- 
posaient sont déjà diminués et simplifiés : une portion 
notable, qui équivaut en poids à près de la moitié du 
sucre qu'ils contenaient a été restituée à l'atmosphère 
à l'état d'acide carbonique ; de plus, pendant la durée 
de la fermentation, une certaine quantité d'eau s'est 
évaporée, et ces deux produits peuvent servir immédia- 
tement à entretenir la végétation des autres plantes. 
L'alcool lui-même, pour ne parler que du composé le 
plus important parmi ceux qui restent, est plus oxygéné 
que le sucre qui a servi à le produire; il y a donc déjà, 
par suite de cette première opération, simplification des 
matières préexistantes. Plus tard, nous aurons occasion 
de revenir encore sur ce point, et de montrer que les 
phénomènes qui devraient suivre naturellement, si on 
n'assurait pas la conservation du vin formé, continue- 
raient le même effet. 



PHYSIOLOGIE DE LA FERMENTATION. 77 

Quant à ce premier résultat, nous avons vu qu'il 
était dû à l'action d'êtres particuliers, de champignons 
microscopiques qui se développent au sein du liquide, 
s'en emparent pour ainsi dire et en déterminent les 
changements, par suite de leur vie et de l'exercice de 
leurs fonctions. 

Cette action terminée, si le milieu au sein duquel 
elle s'est produite était abandonné à lui-même, d'autres 
actions du même genre s'y développeraient à leur tour. 
La composition du milieu primitif est changée, la nature 
des êtres auxquels est dévolue la continuation des pre- 
miers phénomènes doit aussi changer, et si ce n'est pas 
le moment de poursuivre cette étude, ce que nous 
venons de dire suffit pour démontrer l'exactitude du 
point de vue auquel nous nous sommes placés afin 
de caractériser la fermentation première qui détermine 
la formation du vin. 

Le vin est donc le produit de cette première phase 
de destruction des tissus et des liquides qui constituaient 
le raisin, et nous comprenons plus nettement, d'après 
ce qui précède, que si on veut le conserver, ce sera à 
la condition d'arrêt* r ou tout au moins d'enrayer les 
autres phénomènes d'altération qui ne manqueraient 
pas de se manifester dans ce nouveau milieu pour ame- 
ner sa complète décomposition. 



CHAPITRE VI 



ÉTUDE CHIMIQUE DE LA FERMENTATION 
ALCOOLIQUE 

(DEUXIÈME PARTIE) 

L'ensemble de tous les faits que nous avons passés en 
revue nous permet d'établir nettement le caractère phy- 
siologique de la fermentation alcoolique, et de compren- 
dre l'origine des phénomènes chimiques qui en sont la 
conséquence, et que nous avons précédemment décrits. 

Mais nous avons déjà indiqué qu'à côté de ces phéno- 
mènes il y en a d'autres dont il ne nous est pas possible 
de rendre compte par les considérations que nous avons 
développées en examinant la décomposition du sucre. 
C'est ici le moment d'aborder ce nouveau côté de l'étude 
chimique de la fermentation alcoolique. 

Ainsi on rencontre constamment dans les liqueurs 
fermentées de l'acide acétique, et même d'autres acides 
analogues appartenant à la série des acides gras, tels 
que l'acide butyrique, l'acide valérianique, et nous avons 
à montrer non-seulement comment on peut reconnaître 



CHIMIE DE LA FERMENTATION 79 

la présence de ces acides, mais à rechercher quelle est 
leur origine, et par quelle action ils prennent naissance 
pendant la fermentation alcoolique. 

Relativement à l'acide acétique, nous savons déjà 
que ce corps peut se former au sein d'une liqueur al- 
coolique par suite de la production d'une nouvelle fer- 
mentation due à un ferment spécial, et dans laquelle 
l'alcool disparaît en produisant cet acide par voie d'oxy- 
dation; mais ce n'est pas de cette formation d'acide acé- 
tique que nous avons à nous occuper, nous supposons 
une fermentation alcoolique régulière dans laquelle il 
ne s'est développé aucune trace de ferment acétique et 
dans ce cas, on a reconnu qu'il s'y formait toujours une 
petite quantité de cet acide. 

Ce fait a été démontré d'une manière très nette par 
M. Béchamp non seulement dans les produits de fer- 
mentations artificielles déterminées dans des liqueurs 
préparées pour cet objet, mais dans des vins obtenus 
dans les conditions ordinaires. 

M. Béchamp formule ainsi le résultat de ses obser- 
vations : « L'acide acétique est un terme constant et né- 
« cessaire de la fermentation alcoolique, il n'est peut- 
« être pas le seul acide gras de la série qui prenne 
« naissance dans cette opération. » 

Les fermentations ont été établies avec du sucre de 
canne, de l'eau et de la levure en pâte, bien lavée; le 
liquide fermenté a donné à la distillation une liqueur 
acide qui a été saturée avec le carbonate de soude et 
a donné à la cristallisation de l'acétate de soude. 
19 kilogrammes de sucre de canne, en fermentant 



80 ŒNOLOGIE. 

sous l'influence de la levûre alcoolique, dans des con- 
ditions normales et à l'abri de l'air ont fourni des acides 
volatils capables de former 65 grammes de sel de soude 
cristallisé. 

L'analyse de ce sel a montré que son acide était prin- 
cipalement de l'acide acétique, le reste est constitué par 
d'autres acides gras volatils. 

Des vins nouveaux, fermentés à l'abri de l'air ont 
donné les mêmes résultats. On a saturé par le carbo- 
nate de soude le produit distillé de 80 litres de vin ré- 
cemment fait et on en a obtenu 300 gr. d'acétate de 
soude cristallisé. 

Déjà longtemps avant les observations faites récem- 
ment sur ce point, Tacide acétique avait été signalé 
comme un des produits de la fermentation alcoolique. 
Lavoisier avait reconnu ce fait , et on en trouve la 
preuve dans son mémoire sur la fermentation spiri- 
tueuse publié k la fin du tome troisième de ses œuvres. 

Dans l'indication du résultat obtenu par la fermen- 
tation d'un mélange d'eau, de sucre et de levûre, il dit : 
« La liqueur vineuse qui s'est formée, analysée avec 
« soin, n'est plus composée que d'eau, d'esprit de vin 
« et d'un peu d'acide végétal dans un état fort appro- 
« chant du vinaigre. Pour plus de simplicité je négli- 
« gérai cette petite portion d'acide qui peut êtreregar- 
« dée comme une quantité infiniment petite relative- 
« ment au surplus des matériaux qu'on obtient. Je 
« reviendrai d'ailleurs", dans la suite, à l'examen de 
« cette petite portion de vinaigre et je ferai voir que 
a sa formation est une suite nécessaire de l'opération, 



CHIMIE DE LA. FERMENTATION. 81 

a et qu'elle provient d'un reste d'oxygène qui n'a pu 
« entrer dans les autres combinaisons qui se sont 
« formées. » 

Ce passage établit que Lavoisier avait constaté la 
formation de l'acide acétique dans la fermentation 
alcoolique, mais l'explication qu'il donne à ce sujet ne 
nous éclaire nullement sur la cause qui détermine la 
production de cet acide. 

En dehors de toute étude spéciale des fermentations, 
nous devons ajouter que la distillation des liqueurs fer- 
mentées et particulièrement des vins, pour en extraire 
l'alcool qu'ils renferment, donne constamment un alcool 
qui est légèrement acide et si on recherche la cause de 
cette acidité on reconnait qu'elle est due à la présence 
d'acides de la série des acides gras, parmi lesquels 
domine l'acide acétique. Nous aurons à revenir sur 
ce point lorsque nous parlerons de l'analyse des vins. 

Mais il se pose ici une question très importante : d'où 
viennent les acides volatils qui se produisent pendant 
la fermentation alcoolique normale? 

Les travaux de M. Pasteur dont nous avons fait con- 
naître les résultats dans la première partie de cette 
étude sur les phénomènes chimiques de la fermentation 
alcoolique, démontrent très nettement que ces acides ne 
viennent pas du sucre. A la suite de ses recherches, 
M. Pasteur avait été amené à penser que ces acides pro- 
venaient non pas du sucre mais d'une altération de la 
levûre, et par les mots, altération de la levûre, il semble 
avoir eu particulièrement en vue la présence possible 
de levures filiformes qui accompagnent très souvent 

5. 



82 ŒNOLOGIE. 

la levure de bière. D'où il résulterait que la production 
d'acide acétique et des autres acides volatils serait un 
accident, un résultat d'une fermentation étrangère et 
non de la fermentation régulière et normale telle que 
doit la donner la levûre de bière pure, sans mélange et 
non altérée. 

. Pour nous rendre compte de l'origine de cet acide 
acétique et des autres acides qui l'accompagnent, il 
nous faut examiner les recherches spéciales faites par 
M. Duclaux pour la déterminer. Ces travaux ont par- 
faitement établi que l'acide acétique produit normale- 
ment dans une fermentation alcoolique ne provenait pas 
du sucre, comme nous le font déjà supposer, l'ensemble 
des observations que nous avons développées sur ce 
point, et les conséquences que nous en avons déduites; 
cet acide est formé directement par la levûre, c'est un 
résultat de la destruction des globules du ferment 
alcoolique. 

Revenons d'abord sur la marche à suivre pour 
mettre en évidence la présence de ces acides dans une 
liqueur fermentée, et en particulier dans un vin ré- 
cemment préparé. 

L'acide acétique est un acide volatil, il en est de même 
des autres acides gras qui se forment avec lui, on pourra 
donc les isoler par la distillation ; mais contrairement à 
ce qui a lieu pour l'alcool, le point d'ébullition de ces 
acides est plus élevé que celui de l'eau. L'acide acétique 
qui est le plus volatil, n'entre en ébullition qu'à la tem- 
pérature de 119°. Si donc on soumet à la distillation 
une liqueur alcoolique contenant un peu d'acide acé- 



CHIMIE DE LA FERMENTATION 83 

tique, les vapeurs qui vont se dégager entraîneront 
une partie de cet acide, que Ton retrouvera dans le 
liquide condensé ; il en restera bien une certaine 
proportion dans le résidu que l'on ne peut chauffer 
jusqu'à siccité sans craindre de le décomposer, mais 
il passera assez d'acide pour qu'on puisse constater sa 
présence. 

Le liquide distillé sera saturé par l'eau de chaux et 
on aura ainsi l'acide acétique à l'état d'acétate de chaux. 
Le sel de chaux recueilli et traité par l'acide sulfurique 
laissera dégager l'acide acétique que l'on reconnaîtra 
facilement à son odeur et à ses propriétés. 

Nous reviendrons sur ces opérations lorsque nous 
nous occuperons du dosage des acides à propos de l'ana- 
lyse du vin, et les détails dans lesquels nous entrerons 
à ce sujet nous montreront qu'il se forme non-seule- 
ment de l'acide acétique, mais d'autres acides analogues 
également volatils et appartenant à la série des acides 
gras, tels que l'acide butyrique et l'acide valérianique. 
Plus loin dans l'histoire chimique des substances qui se 
forment pendant la fermentation, nous entrerons dans 
les détails nécessaires pour faire connaître la nature de 
ces composés, et les relations qui les unissent dans une 
série définie et bien déterminée. 

Pour reconnaître l'origine de ces acides volatils, 
M. Duclaux a d'abord établi par plusieurs séries d'ex- 
périences que la levûre de bière, telle qu'on la trouve 
dans les brasseries, contient constamment de l'acide 
acétique et ensuite que la destruction des globules de 
cette levûre, sous l'influence de fermentations prolon- 



o4 ŒNOLOGIE. 

gées, déterminait toujours la production d'une certaine 
quantité de cet acide et de ses congénères. 

Signalons d'abord un fait important et qui confirme 
ce que nous avons dit de la nature organisée de la 
levure. 

Ce petit végétal vit et se développe normalement dans 
une liqueur sucrée pendant la fermentation alcoolique, 
mais admettons que le sucre vienne à manquer, soit 
complètement transformé et que cependant la levure 
qui a provoqué sa décomposition soit encore douée 
d'une grande activité. Avant de se détruire, cette levûre 
va porter cette activité sur elle-même, la fermentation 
continuera aux dépens de ses propres tissus, il se for- 
mera encore de l'alcool, il se dégagera de l'acide car- 
bonique, mais les globules s'altéreront et ce phénomène 
s'arrêtera bientôt pour céder Ja place à d'autres fermen- 
tations qui trouveront leur aliment dans les produits de 
décomposition -de la levûre elle-même. 

Prenons par exemple de la levure bien fraîche, la- 
vons-la à grande eau par décantation, puis abandon- 
nons-la à elle-même. On verra pendant les premiers 
jours se dégager des bulles d'acide carbonique, il se 
produira de l'alcool, les globules s'altéreront et dans le 
liquide on trouvera de l'acide acétique. 

Supposons d'un autre côté que dans un liquide con- 
tenant en suspension de la levûre fraîche, on ajoute une 
petite quantité de sucre. L'activité de cette levûre va 
bientôt absorber ce sucre et provoquer sa décomposi- 
tion. En l'examinant au microscope, on constate que 
presque tous les globules portent un petit bourgeon. 



CHIMIE DE LA FERMENTATION 85 

Bientôt le sucre aura disparu complètement, mais la vi- . 
talité des globules continuera, on verra les jeunes bour- 
geons grossir et vivre aux dépens des globules auxquels 
ils sont fixés. Malgré l'absence de sucre, les phéno- 
mènes qui caractérisent la fermentation continuent, et 
on reconnaît qu'il se forme dans cet intervalle une no- 
table quantité d'acide acétique. 

Pour bien faire comprendre ces importants résul- 
tats, nous croyons devoir citer une série d'expériences 
faites par M. Duclaux, et dont les conséquences sont 
d'une parfaite netteté. 

250 gr. de levure fraîche et bien lavée ont donné 
0 gr. 327 d'acide acétique. 

250 gr. de cette même levûre ont été mélangés avec 
50 gr. de sucre candi dans une quantité d'eau conve- 
nable. La fermentation s'y est développée rapidement et 
après sept heures de durée tout le sucre avait disparu. 
Cette circonstance est nettement indiquée par le dépôt 
de la levûre, qui reste suspendue dans le liquide tant 
qu'il y a du sucre. Cette opération a été arrêtée à ce mo- 
ment par la filtration du liquide qui a été immédiate- 
ment analysé, on y a trouvé 0 gr. 351 d'acide acé- 
tique. 

En même temps on avait mélangé avec la même 
quantité de sucre candi 250 g. de la même levûre, seule- 
ment au lieu d'arrêter cette troisième opération au mo- 
ment de la disparition du sucre on Ta laissée se prolon- 
ger après le dépôt de la levûre. Le dégagement du gaz 
a continué et on peut dans ce cas observer ce phéno- 
mène pendant plusieurs jours. La levûre examinée 



86 ŒNOLOGIE. 

après deux ou trois jours a changé d'aspect, les globules 
paraissent flétris, on n'y voit presque plus de vacuoles, 
la matière intérieure s'est condensée en petites granu- 
lations. 

Le liquide analysé à ce moment contenait 0 gr. 527 
d'acide acétique. 

Ces expériences montrent qu'il s'est formé seulement 
0 gr. 024 d'acide acétique pendant la fermentation ré- 
gulière, dans laquelle il a disparu 50 gr. de sucre, 
tandis qu'il s'en est produit 0 gr. 176 dans la continua- 
tion de la fermentation en l'absence du sucre, alors que 
cette action ne se produisait qu'aux dépens des globules 
et comme conséquence de leur décomposition, de leur 
propre altération. 

Nous pouvons donc conclure de là que dans toute 
fermentation il se forme de l'acide acétique, et que ce 
corps ne vient pas du sucre, mais est un produit de la 
décomposition des globules, décomposition qui est la 
conséquence de l'exercice du phénomène vital qui ca- 
ractérise la fermentation alcoolique. 

Ainsi, lors que dans une fermentation régulière, les 
globules de levûre vivent dans une dissolution de sucre 
aux dépens de cette dernière substance, il faut admettre 
que pendant cette réaction il y a des cellules qui après 
s'être reproduites un certain nombre de fois par voie 
de bourgeonnement viennent à s'épuiser et se décom- 
posent comme il arrive à tout être privé de vie. Seule- 
ment sous l'influence du mouvement actif produit en 
présence du sucre, la plupart des cellules conservent 
leur vitalité, la quantité de levûre augmente, la désor- 



CHIMIE DE LA. FERMENTATION 87 

ganisation, de laquelle résulte la formation de l'acide 
acétique, ne se produit que sur une petite échelle. Au 
contraire, si le sucre manque, si les nouveaux bour- 
geons ne vivent qu'aux dépens des cellules anciennes, 
celles-ci se détruiront en bien plus grand nombre et la 
proportion d'acide acétique augmentera considérable- 
ment. 

Ces détails nous dévoilent un côté nouveau de l'histoire 
de la fermentation alcoolique, et ils nous permettront 
de comprendre plusieurs observations faites pendant la 
période de la fermentation vineuse, qui s'accomplit dans 
les cuves ; nous verrons qu'ils éclairent également les 
phénomènes encore si obscurs de ces fermentations nou- 
velles qu'on appelle les maladies des vins. 

M. Duclaux a également étudié une autre face de la 
fermentation alcoolique qui sera certainement tout 
aussi féconde en résultats et en conséquences pratiques, 
nous voulons parler du rôle que jouent les matières 
azotées dans cette fermentation. 

Nous savons que la levure alcoolique, c'est-à-dire les 
cellules qui la constituent, renferme des matières 
azotées, et que pour rendre possible la multiplication de 
ces cellules, il est nécessaire que le liquide dans lequel 
s'opère la fermentation compte parmi les principes qui 
le composent des substances contenant de l'azote. 

Cette notion simple et précise est la conséquence de 
l'ensemble des faits que nous avons constatés, relative - 
ment à l'action de la levure et à sa nature. Elle est 
complètement opposée aux idées qui ont été admises 
pendant longtemps, et qui reposaient , comme nous 



88 ŒNOLOGIE. 

allons le voir, sur des expériences inexactes et incom- 
plètes. 

On disait que la levûre était une matière azotée dont 
la décomposition provoquait celle du sucre, et que l'azote 
du ferment détruit pendant cette action se retrouvait 
dans le liquide à l'état d'ammoniaque. 

Mais outre qu'il n'est pas possible de démontrer 
cette formation d'ammoniaque au sein d'un liquide en 
fermentation, les expériences de M. Pasteur prouvent 
au contraire que si un liquide sucré entre en fermenta- 
tion, l'ammoniaque qu'il peut contenir naturellement 
et l'ammoniaque que l'on peut y ajouter disparaissent 
par suite de la fermentation même, et les éléments de 
cette substance, sont employés à former la matière al- 
buminoïde existant dans les globules du ferment. 

Nous avons déjà cité l'expérience qui consiste à 
prendre une dissolution de sucre candi pur, à y ajouter 
un sel d'ammoniaque, par exemple du tartrate d'ammo- 
niaque et la matière minérale qui entre dans la com- 
position de la levûre, puis à semer dans ce milieu une 
quantité pour ainsi dire impondérable de globules de 
levûre fraîche. 

Dans ces conditions, les globules se développent, se 
multiplient, le sucre est décomposé, la matière miné- 
rale se dissout et s'assimile peu à peu, et l'ammoniaque 
disparaît. 

D'après ce que nous venons de rappeler, la matière 
albuminoïde nécessaire à la formation des nouveaux 
globules est évidemment formée aux dépens de l'ammo- 
niaque, seul composé azoté existant dans le mélange. 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 89 

Cette conséquence est forcée surtout depuis qu'il a été 
parfaitement démontré qu'il ne se dégageait aucune 
trace d'azote, ni à l'état d'azote libre, ni à l'état d'am- 
moniaque. 

M. Duclaux a en outre reconnu que si dans une ex- 
périence du genre de celle que nous venons de rappeler, 
on dose l'azote existant dans le sel ammoniacal intro- 
duit, puis l'azote de la matière albuminoïde formée 
sous l'influence de la végétation des globules, on trou- 
vera une égalité parfaite entre les deux résultats. 

Lorsque l'on suit la marche de fermentations ins- 
tallées avec l'addition d'un sel ammoniacal, on recon- 
naît que ce sel a une influence très marquée sur l'acti- 
vité du phénomène et sur la rapidité de l'opération. 
L'ammoniaque agit donc comme un véritable engrais 
azoté favorisant la végétation de la levûre. 

Cette remarque est importante si on la rapproche 
de ce fait bien connu de l'existence de sels ammonia- 
caux dans un grand nombre de jus sucrés, et particu- 
lièrement dans le moût du raisin. 

Si on examine à ce point de vue la composition des 
jus sucrés avant la fermentation et après leur conver- 
sion en vin, on trouve constamment dans le premier cas 
une proportion notable de sel ammoniacal qui a presque 
complètement disparu lorsque la fermentation est ter- 
minée. 

Le tableau suivant résume les résultats obtenus par 
M. Duclaux sur des raisins récoltés dans le vignoble 
d'Arbois (Jura). 

Les quantités de sucre et d'ammoniaque correspon- 



90 ŒNOLOGIE. 

dent à un litre de liquide ; pour l'ammoniaque contenue 
dans le liquide fermenté, A se rappporte au vin naturel, 
B à un vin obtenu par une fermentation faite au labo- 
ratoire. 

Tous les raisins sur lesquels ont porté ces expé- 
riences sont des raisins noirs excepté le naturé qui est 
un raisin blanc. 



NOMS 

des 
CÉPAGES. 



Enfariné 

Ploussard pur. . . . 

Ploussard 

Trousseau 

Pinot 

Naturé 

Ploussard avec quel 
ques naturés. . . 
Tous plants 

Id 

Id 

Id 

Id 

Id 



» 

223g r 2 
188. 8 
239. 4 
247. 5 
222. 2 

224. 0 

200. 0 

207. 4 
188. 8 
187. 6 

208. 0 
206. 0 



dans 
le moût. 



Qgrl201 
0. 0080 
0. 0088 
0. 0402 
0. 0721 
0. 0712 

0. 0396 
0. 0521 
0. 0613 
0. 0792 
0. 0643 
0. 0326 
0. 0754 



AMMONIAQUE 

dans 

le liquide fermenté 



B 



0.0020 

0.005 

0.0000 



0.0017 
0.0011 

id. 
0.0007 

id. 
0.0011 
0.0008 



0.0005 
» 
» 

0.0000 
» 

0.0014 
0.0023 



Il résulte de ces observations que tous les moûts exa- 
minés contiennent de l'ammoniaque, mais en propor- 
tion très variable. 

Dans tous, cette ammoniaque diminue considérable- 
ment pendant la fermentation, quelquefois même elle 
disparaît complètement. 

Des expériences faites avec des liqueurs préparées, 
montrent que l'ammoniaque ajoutée à un liquide con- 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 91 

tenant d'autres principes azotés augmente l'activité de 
la levûre en même temps qu'elle est aussi vite absorbée 
que s'il n'y avait pas d'autre matière azotée, il était donc 
curieux d'observer si des phénomènes analogues se 
produisaient avec des moûts de raisins. M. Duclaux a 
reconnu que dans le cas de la fermentation des moûts 
auxquels on avait ajouté du tartrate d'ammoniaque, 
l'absorption de cette base était considérable et produi- 
sait les mêmes effets que dans les liqueurs artifi- 
cielles. 

Tous ces faits relatifs au rôle que joue l'ammoniaque 
dans la fermentation alcoolique, et à la production d'a- 
cides gras résultant de cette fermentation, viennent cor- 
roborer la théorie que nous avons développée au sujet 
du caractère de cette opération dont les effets chimiques 
ne peuvent être séparés des phénomènes physiologiques 
qui les accompagnent et les déterminent. 

Ainsi dans une fermentation alcoolique produite par 
la vie et le développement végétatif de la levûre il nous 
fout distinguer deux choses : la nutrition et la multi- 
plication des globules de levûre aux dépens des ali- 
ments mis à leur disposition, la destruction et la décom- 
position de ces globules, quand après une série de re- 
productions par voie de bourgeonnement ils s'épuisent, 
perdent leur vitalité et s'altèrent comme tous les êtres 
qui ont cessé de vivre. Cette conclusion à laquelle nous 
nous trouvons logiquement conduits, confirme tout ce 
que nous avons dit de la nature physiologique du rôle 
de la levûre. 



92 ŒNOLOGIE. 

Du reste, les faits que nous étudions restent complè- 
tement dans les conditions générales des phénomènes 
du même ordre. En effet l'acide acétique est un des 
produits constants de la destruction de tous les végétaux, 
que celle-ci s'accomplisse par l'action de la chaleur, 
ou qu'elle soit le résultat de leur décomposition aux 
températures ordinaires. 

Aussi nous ne pouvons mieux terminer cette étude 
chimique et physiologique qu'en reproduisant les prin- 
cipaux caractères de la fermentation alcoolique, espèce 
particulière de plusieurs autres opérations du même 
genre. 

La fermentation alcoolique est l'ensemble d'une série 
de phénomènes physiologiques dus à la végétation d'un 
être particulier, que cet être soit la levûre de bière pro- 
prement dite, ou une des autres espèces de levûres 
présentant le même caractère. Cette végétation s'ac- 
complit au sein d'un liquide sucré, le sucre est donc 
l'aliment naturel delà levûre. Certaines substances dé- 
posées dans le milieu activent la végétation, d'autres la 
ralentissent et quelques-unes peuvent même, comme 
nous le verrons bientôt, l'arrêter complètement. 

La production de l'alcool est le fait chimique le plus 
apparent de cette fermentation, d'autres substances 
l'accompagnent et proviennent comme l'alcool de la dé- 
composition du sucre. 

Enfin les globules de levûre, après une série de re- 
productions accomplies dans les conditions normales, 
peuvent perdre leur vitalité et mourir plus ou moins 
promptement. Ce sont alors des êtres inertes, privés de 



CHIMIE DE LA FERMENTATION. 93 

vie et qui se décomposent comme tous les produits vé- 
gétaux. Les matières résultant de cette décomposition 
peuvent fournir des éléments pour entretenir la végé- 
tation des globules encore vivants et en même temps 
donner naissance à des substances particulières que l'on 
retrouve comme produits constants de fermentation en 
dehors de ceux que le sucre a fournis. 

L'addition d'un sel ammoniacal à une liqueur en 
pleine fermentation alcoolique active cette fermenta- 
tion; le sel ajouté agit exactement comme un engrais 
azoté dont la présence dans le sol favorise la végétation 
des plantes. 



CHAPITRE Vil 



ÉTUDE DES MATIÈRES QUI SE FORMENT 
PENDANT LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 

Nous avons fait connaître avec détails dans le pre- 
mier volume de cet ouvrage les matières organiques 
que l'on rencontre dans les différentes parties de la 
Vigne, et nous avons donné les caractères et les pro- 
priétés du sucre qui joue, comme nous venons de le 
voir, un si grand rôle dans la fermentation. Il nous 
reste pour compléter ces études, et confirmer les con- 
sidérations contenues dans les chapitres qui précèdent, 
à faire également l'histoire des substances qui, pendant 
cette opération, se forment soit aux dépens du sucre, 
soit par suite de l'altération de la levûre. 

La connaissance exacte de la nature et des propriétés 
de ces différents corps nous est du reste indispensable 
pour que nous puissions établir plus - tard la composi- 
tion des vins. 

Nous avons vu que si le sucre disparaît pendant la 
fermentation, il se produit à sa place de l'acide carbo- 



ACIDE CARBONIQUE. 95 

nique qui se sépare à cause de son état gazeux et en 
même temps de l'alcool, de la glycérine et de l'acide 
succinique qui étant liquides restent dans le vin, mé- 
langés à ses autres éléments ; le sucre participe en 
outre à la multiplication des cellules en leur fournis- 
sant la cellulose qui en forme l'enveloppe. 

Etudions successivement ces différents composés; 
nous examinerons ensuite quelles sont les substances 
dont la connaissance est nécessaire pour compléter 
cette première étude. 

ACIDE CARBONIQUE 

Quoique l'acide carbonique produit par la fermenta- 
tion se dégage presque en totalité et se mêle à l'air, sa 
présence dans le vin persiste en vertu de la solubilité 
propre de ce gaz, et nous avons souvent besoin de nous 
rappeler ses propriétés pour bien comprendre les phé- 
nomènes qui se produisent pendant la vinification, et 
pendant la conservation des vins. 

Cet acide carbonique est un gaz incolore et transpa- 
rent comme l'air ; il a une odeur légèrement piquante 
et une saveur aigrelette lorsqu'il estpur. S'il est mélangé 
à un autre gaz, à l'air par exemple, il perd son odeur 
et sa saveur. 

On comprend sans peine ce résultat, l'acide carbo- 
nique existe dans l'air, nos organes sont habitués à son 
contact et dans ces conditions il nous paraît inodore et 
insipide, mais dès que nous le respirons pur, la diffé- 
rence devient très sensible. 



96 ŒNOLOGIE. 

L'acide carbonique ne peut ni provoquer, ni entre- 
tenir la combustion ; au contraire les corps enflammés 
s'éteignent rapidement lorsqu'on les plonge dans ce gaz. 
Il est également impropre à entretenir la respiration 
des animaux et par conséquent il asphyxie ceux qui 
l'absorbent en trop grande quantité. Cependant l'acide 
carbonique ne paraît pas être délétère par lui-même, il 
asphyxie comme l'azote par privation d'oxigène. 

L'acide carbonique est plus pesant que l'air ; la den- 
sité de l'air étant représentée par 1, celle de l'acide car- 
bonique est 1,529. Il résulte de cette propriété, que l'a- 
cide carbonique étant plus lourd que l'air coule à tra- 
vers ce mélange gazeux, comme le ferait un liquide et 
s'il se produit dans un milieu, il gagne toujours les par- 
ties inférieures. 

Lors donc que du gaz acide carbonique se dégagera 
au sein d'une atmosphère tranquille, il ne s'élèvera pas 
à cause de sa densité, il ne se mêlera à l'air ambiant que 
très imparfaitement et si on suppose que ce dégagement 
ait lieu dans une espace limité, celui-ci sera bientôt 
rempli par l'acide carbonique, l'air ayant été chassé par 
ce gaz qui aura pris sa place en s'accumulant d'abord 
dans les régions inférieures. 

Supposons que dans une cave ou dans un lieu quel- 
conque, il y ait une source ou un écoulement d'eau, ce 
liquide remplira peu à peu la cave ; l'eau s'élèvera gra- 
duellement en déplaçant l'air jusqu'à ce qu'elle trouve 
une issue par la porte, ou par toute autre ouverture. 

Si nous imaginons une source d'acide carbonique 
dans les mêmes conditions, les phénomènes seront sem- 



ACIDE CARBONIQUE. 97 

blables, le gaz s'accumulera dans la cave jusqu'à la hau- 
teur des ouvertures par lesquelles il pourra s'échapper 
pour se répandre dans l'air ambiant. 

On comprend d'après cela les inconvénients que peut 
présenter le dégagement de l'acide carbonique dans un 
espace limité, et la nécessité d'aérer d'une manière con- 
venable les lieux où se produisent de grandes quantités 
de ce gaz. L'absence de précautions dans les différentes 
conditions qui peuvent se présenter a été souvent la 
cause d'accidents très graves. 

L'acide carbonique existe constamment dans l'air, 
mais il ne s'y trouve qu'en proportion très faible. L'air en 
contient de 4 à 6 dix-millièmes de son volume, c'est-à- 
dire que si Ton prend dix mille litres d'air, on pourra 
en extraire environ de 4 à 6 litres d'acide carbonique. 

Ce gaz peut cependant exister sans danger en quan- 
tité bien plus considérable dans l'air que nous respi- 
rons. Il n'est pas du tout nuisible à la dose de 4 à 5 pour 
100 ; les bougies s'éteignent dans l'air lorsque celui-ci 
contient environ 15 pour cent d'acide carbonique, et 
dans ces conditions l'homme peut encore vivre et respi- 
rer ; mais si la proportion d'acide carbonique s'élève à 
25 ou 30pour cent, l'air devient tout à fait irrespirable 
et un individu qui pénétrerait dans une atmosphère 
présentant cette composition tomberait rapidement as- 
phyxié. 

Dans l'indication de ces résultats, nous supposons 
que l'acide carbonique soit mêlé à l'air sans altérer les 
rapports existant entre l'azote et l'oxygène ; c'est du reste 
°e qui arrive dans les lieux où s'opère la fermentation. 

6 



98 ŒNOLOGIE. 

On comprend sans peine que l'influence de l'acide car- 
bonique serait plus promptement nuisible si celui-ci, en 
apparaissant dans l'air s'y était formé aux dépens de 
son oxygène. 

Un résultat pratique important ressort des faits que 
nous venons de signaler ; l'air vicié par la présence de 
l'acide carbonique est encore respirable lorsqu'il cesse 
de pouvoir entretenir la combustion des bougies. Il 
sera donc très utile, lorsqu'on voudra pénétrer dans un 
endroit suspect, de se faire précéder par une bougie 
allumée : si elle continue à brûler, on peut y pénétrer 
sans danger ; si la bougie s'éteint, c'est un avertisse- 
ment dont il faut tenir compte et qui indique qu'il y 
aurait un grand inconvénient à entrer dans ce milieu, 
avant d'en avoir chassé l'acide carbonique. 

La ventilation est le meilleur moyen de purifier les 
lieux où ce gaz s'est accumulé dans une proportion trop 
considérable. On peut encore mettre à profit la pro- 
priété dont jouit l'acide carbonique de se combiner avec 
la chaux. Il suffit pour arriver à ce résultat de projeter 
ou de déposer un lait de chaux sur une large surface 
dans les endroits qui contiennent ce gaz ; la chaux se 
combinant avec l'acide carbonique , ce corps sera 
promptement absorbé. Mais l'aération donnera des ré- 
sultats plus prompts et il faudra l'employer concur- 
remment avec le moyen précédent toutes les fois que 
cela sera possible. 

L'acide carbonique est assez soluble dans l'eau ; à la 
température et sous la pression ordinaires, l'eau dissout 
environ son volume de ce gaz. 



ACIDE CARBONIQUE. 99 

La quantité d'acide carbonique que l'eau peut dis- 
soudre augmente avec la pression ; mais quand on fait 
cesser Fexcès de pression, le gaz qui était dissous à la 
faveur de la différence se sépare et se dégage brusque- 
ment dans l'air. C'est à cette propriété que se ratta- 
chent les caractères des eaux gazeuses et des vins mous- 
seux. 

L'acide carbonique, avons-nous dit, existe constam- 
ment dans l'air ; absorbé par les plantes, il leur fournit 
son charbon, et les plantes laissent dégager l'oxygène. 
Lorsqu'on brûle dans l'air des tissus végétaux et ani- 
maux, le charbon que ces matières renferment se com- 
bine avec l'oxygène de l'air et donne de l'acide carbo- 
nique. Il se produit un phénomène analogue pendant la 
respiration, et l'oxygène de l'air forme, avec le charbon 
contenu dans les matières qui constituent nos organes, 
l'acide carbonique exhalé par les poumons. 

L'acide carbonique ne contient que du charbon et de 
l'oxygène, dans les proportions suivantes : 

Charbon. . . . 27,27 
Hydrogène. . . 72,73 

. 100,00 

Ce qui correspond à la formule : CO 2 

Les éléments de l'acide carbonique formé dans la 
fermentation alcoolique sont empruntés tout entiers au 
sucre, l'air extérieur n'intervient pas pour fournir une 
partie de l'oxigène. Sa production est le résultat d'une 
combustion intérieure à laquelle prennent part les élé- 



100 ŒNOLOGIE. 

ments du sucre seulement, et ce phénomène est la 
conséquence de la vie du ferment. 

Or quand du charbon brûle dans l'air et donne de 
l'acide carbonique, quand le charbon contenu dans le 
sang des animaux se combine avec l'oxygène de l'air 
pour donner également de l'acide carbonique, ces réac- 
tions sont accompagnées d'un dégagement de chaleur. 
Le même phénomène se produit quand les éléments 
d'une matière organique telle que le sucre réagissent 
l'un sur l'autre, de manière qu'il en résulte une sépa- 
ration d'acide carbonique et la formation d'autres subs- 
tances, et cette comparaison nous explique la chaleur 
dégagée par la fermentation. 

Cette élévation de température est très facile à cons- 
tater dans les cuves où s'opère la fermentation du moût 
du raisin, elle est en rapport avec l'activité de cette fer- 
mentation et on a pu dans certains cas observer dans la 
masse en fermentation des températures de 30, 35 et 
même 40°, alors que la température extérieure ne dé- 
passait pas 18 à 20°. 

Si l'on compare la composition du sucre et celle de 
l'acide carbonique on trouve que pour la même quantité 
de charbon, celui-ci contient beaucoup plus d'oxygène ; 
nous devons donc avoir dans les autres substances for- 
mées en même temps aux dépens du sucre, un résultat 
tout à fait inverse, c'est-à-dire que pour la même quan- 
tité de charbon, il y aura moins d'oxygène; de plus nous 
y retrouverons tout l'hydrogène du sucre, car l'acide 
carbonique n'en contient pas. 



ACIDE CARBONIQUE. -101 

Les détails dans lesquels nous venons d'entrer sur 
les propriétés de l'acide carbonique nous permettent de 
décrire très nettement ce qui doit se passer dans les 
cuveries pendant la fermentation. 

L'acide carbonique qui se dégage commence par dé- 
placer l'air contenu dans la portion vide de la cuve, 
puis il se déverse par dessus les bords, comme le ferait 
de l'eau. 

Cet acide va donc s'accumuler dans la partie infé- 
rieure de la cuverie, et y former une couche plus ou 
moins épaisse suivant la quantité de gaz dégagé, l'éten- 
due de la pièce et sa disposition. 

Ainsi la partie de la cuve qui ne contient pas de rai- 
sins sera remplie d'acide carbonique presque pur, et une 
forte proportion de ce gaz se trouvera dans les par- 
ties les plus rapprochées du sol, de manière à y cons- 
tituer une couche de gaz irrespirable, dont la hauteur 
variera suivant les circonstances. 

C'est dans cette double circonstance qu'il faut cher- 
cher la cause des accidents nombreux que Ton signale 
tous les ans pendant les vendanges, et qui proviennent 
de l'imprudence des vignerons chargés de pénétrer 
dans les cuves pour les opérations de foulage que l'on y 
pratique vers la fin de la fermentation. 

La connaissance des propriétés de l'acide carbonique 
permettrait d'aérer convenablement les cuveries et de 
mettre les vignerons à l'abri de tout danger ; malheu- 
reusement ce danger est augmenté par l'absence de toute 
mesure de précaution, et par des dispositions souvent 
fâcheuses, et à chaque nouvelle récolte, plusieurs vi- 

6. 



102 



ŒNOLOGIE. 



gnerons sont victimes de leur ignorance et des mau- 
vaises conditions dans lesquelles sont placés les appa- 
reils qu'ils emploient pour la fermentation. 



L'alcool est liquide à la température ordinaire ; à me- 
sure qu'il se forme au sein d'une liqueur en fermen- 
tation, il se mélange avec l'eau qu'elle contient et à la- 
quelle il est miscible en toutes proportions. 

Pour l'en séparer, il suffit de soumettre le liquide 
fermenté à la distillation, mais on ne recueille pas ainsi 
de l'alcool pur, on obtient seulement un mélange d'al- 
cool et d'eau. 

Complètement privé d'eau, l'alcool prend le nom 
d'alcool absolu, c'est alors de l'alcool pur ; sa densité est 
égale à 0,794 à la température de 15°, il entre en 
ébullition à 78° 4; on n'a pu jusqu'ici le refroidir assez 
pour le faire congeler. 

La composition de l'alcool supposé pur est représen- 
tée par les chiffres suivants : 



La formule est: G 4 H 6 0 2 ; on voit par conséquent 
qu'un équivalent d'alcool exige pour se brûler com- 
plètement, c'est-à-dire pour se transformer en acide 
carbonique et en eau, 12 équivalents d'oxygène. Ainsi 



ALCOOL 



Charbon. . . . 
Hydrogène . . 
Oxygène. . . . 



52,18 
13,04 
34,78 



100,00 



ALCOOL. 103 

pour brûler 46 gr. d'alcool absolu, il faut 96 gr. d'oxy- 
gène. 

Si par la distillation d'une liqueur fermentée, on 
recueille un liquide plus riche en alcool, et si par plu- 
sieurs distillations successives on peut avoir des mé- 
langes de plus en plus riches en alcool, il faudra em- 
ployer certaines précautions et des procédés particuliers 
pour obtenir de l'alcool absolu. 

Un mélange d'eau et d'alcool que l'on fait digérer 
avec de la chaux donne à la distillation un alcool ne 
contenant plus que quelques centièmes d'eau. Ce der- 
nier mélange soumis de la même manière à l'action de 
la baryte caustique donnera à son tour de l'alcool ab- 
solu par une nouvelle distillation. 

Dans ces opérations, la chaux et la baryte, employées 
à l'état d'oxydes anhydres se combinent avec l'eau mé- 
langée à l'alcool, et celui-ci distille seul. 

On reconnaîtra que l'on a obtenu de l'alcool réelle- 
ment pur en constatant qu'il entre en ébullition à 
78° 4 et distille tout entier à cette température ; de plus 
sa densité rapportée à 15° devra être égale à 0,79. 

L'alcool absolu abandonné à l'air en attire l'humidité. 
Il peut se dissoudre dans l'eau et se mêler avec ce li- 
quide, quelles que soient les proportions relatives d'eau 
et d'alcool. 

Les différents liquides alcooliques désignés sous le 
nom d'esprits, d'eaux-de-vie, de flegmes, sont des mé- 
langes en proportions variables d'eau et d'alcool ab- 
solu. 

Les eaux-de-vie contiennent environ 50 0/0 d ? al- 



104 ŒNOLOGIE. 

cool absolu; on appelle esprits les liquides qui en ren- 
ferment davantage, les flegmes au contraire sont moins 
riches en alcool que les eaux-de-vie. 

Tous les alcools que Ton rencontre dans le commerce 
ont été produits par la fermentation alcoolique d'une 
liqueur sucrée ; ils ont été ensuite séparés et concen- 
trés par la distillation. Les propriétés spéciales qui 
caractérisent et distinguent les différentes sortes d'es- 
prits et d'eaux-de-vie au point de vue de l'odeur, 
de la saveur, proviennent des matières volatiles odo- 
rantes qui ont pris naissance pendant la fermentation, 
ou qui existaient primitivement dans les liqueurs et qui 
se sont volatilisées en même temps que l'alcool. 

L'alcool brûle à l'air avec une flamme peu brillante; 
il se convertit dans cette combustion en eau et en acide 
carbonique, mais avec l'intervention de l'oxygène de 
l'air. La chaleur dégagée évapore l'eau qui se trouvait 
mélangée avec l'alcool, et le résidu est nul si l'alcool 
n'est pas trop étendu d'eau. 

L'alcool étendu peut, sous certaines influences pure- 
ment chimiques, absorber l'oxygène de l'air et se trans- 
former en un acide particulier, qui est l'acide acétique. 

Cette même transformation s'opère très rapidement 
si l'alcool est en présence d'un ferment spécial et de 
matières azotées pouvant servir au développement de ce 
ferment. Ainsi les liqueurs fermentées dans lesquelles 
il s'est formé de l'alcool par suite de la fermentation 
alcoolique peuvent dans des conditions favorables, 
éprouver une autre fermentation que Ton appelle la 
fermentation acétique : celle-ci est soumise aux mêmes 



ALCOOL. 105 

lois que la fermentation alcoolique et présente des ca- 
ractères analogues. Nous reviendrons plus tard sur 
cette fermentation spéciale, et déjà nous en avons en- 
trevu la nature, lorsque nous avons parlé des fermenta- 
tions en général. 

L'alcool, avons-nous dit, est produit par la fermenta- 
tion alcoolique d'une liqueur sucrée; jusqu'à ces der- 
nières années on n'avait obtenu ce liquide que par ce 
moyen, mais on a pu, tout récemment, former de l'al- 
cool en dehors de toute fermentation et nous devons si- 
gnaler ce fait pour compléter son histoire. 

On sait depuis longtemps que l'alcool peut, sous l'in- 
fluence de l'acide sulfurique concentré, se transformer, 
à l'aide de la chaleur, en eau et en un carbure d'hydro- 
gène appelé gaz oléfiant. 

M. Berthelot a résolu le problème inverse. Au moyen 
du gaz oléfiant, ou bicarbure d'hydrogène, il a fait de 
l'alcool. 

Le gaz oléfiant mis en présence de l'acide sulfurique 
est absorbé par celui-ci à la température ordinaire. 
Quand l'absorption est terminée, on étend l'acide sul- 
furique de cinq ou six fois son volume d'eau et on dis- 
tille ; on recueille alors de l'alcool présentant toutes les 
propriétés de l'alcool ordinaire. 

Cet alcool peut, à son tour, être transformé de nou- 
veau en gaz oléfiant, et avec ce dernier on peut régé- 
nérer de l'alcool. 

Cette formation d'alcool a lieu quelle que soit l'ori- 
gine du gaz oléfiant employé. Or ce composé existe 
parmi les produits de la calcination de la houille qui 



106 ŒNOLOGIE. 

constituent le gaz de l'éclairage ; il en résulte qu'en 
opérant sur ce mélange gazeux les réactions que nous 
venons d'indiquer, on devra obtenir de l'alcool. On peut 
en effet absorber au moyen de l'acide sulfurique le gaz 
oléfiant contenu dans le gaz de l'éclairage, et ce liquide 
étendu d'eau et distillé donne de l'alcool. 

Lorsqu'on mélange de l'eau et de l'alcool, il y a déga- 
gement de chaleur et contraction, c'est-à-dire que la 
température du mélange est plus élevée que celle des 
deux substances employées, et que le volume de ce mé- 
lange est moins grand que la somme des volumes des 
deux liquides. 

Si Ton mêle ensemble 

53,7 volumes d'alcool, 
et 49,8 id. d'eau, 

ce qui donne 103,5, on n'obtient que 100 volumes de 
liquide. 

Cette propriété des mélanges d'eau et d'alcool doit 
être prise en considération pour l'étude d'une question 
pratique très importante, celle de l'analyse des liqueurs 
alcooliques au point de vue de la quantité d'alcool que 
ces liqueurs contiennent. 

L'application de ces mêmes principes nous permettra 
de déterminer très facilement la richesse alcoolique 
des vins. 

' Nous reviendrons du reste sur plusieurs points de 
l'histoire de l'alcool à propos de son usage et de l'exa- 
men de toutes les questions qui constituent l'alcoo- 
métrie. 



GLYCÉRINE. 107 

L'alcool dont nous venons de faire connaître les di- 
vers modes de formation, et les principales propriétés, 
a été longtemps la seule substance désignée sous ce 
nom. Sa découverte est très ancienne, plusieurs auteurs 
l'ont attribuée à Arnauld de Villeneuve qui vivait à 
Montpellier vers la fin du xm e siècle. Mais il paraît con- 
stant qu'à cette époque ce corps était connu depuis 
longtemps, son origine doit se confondre avec celle de 
l'opération qui permet de le séparer, la distillation. 

On l'a appelé esprit- de-vin, quoiqu'on sut parfaite- 
ment l'extraire d'autres liqueurs fermentées différentes 
du vin. 

Son nom d'alcool signifie quelque chose qui brûle, et 
vient d'un mot chaldéen qui veut dire brûler, torréfier, 
il est synonyme de aqua ardens, eau ardente. 

Aujourd'hui le mot alcool désigne un ensemble de 
composés présentant entre eux une grande analogie et 
semblables à l'alcool que Ton obtient des liqueurs fer- 
mentées. A la fin de ce chapitre nous donnerons une 
idée de la nature de ces substances et nous indiquerons 
les plus importantes en même temps que nous ferons 
connaître leur ressemblance avec l'alcool du vin. 



GLYCÉRINE. 

La glycérine pure est un liquide légèrement sirupeux , 
incolore, soluble en toutes proportions dans l'eau et l'al- 
cool, insoluble dans l'éther. Elle est sans odeur et doit 
son nom à sa saveur douce et sucrée. Sa densité est 
é gale à 1,280. 



108 ŒNOLOGIE. 

Cette substance a été découverte en 1779 par Schéele 
qui lui donna le nom de principe doux des huiles ; M. 
Chevreul dans son travail sur les corps gras a montré 
le rôle qu'elle joue dans la constitution de ces composés, 
et plus tard M. Berlhelot a déterminé sa véritable 
nature. 

La saponification des corps gras met constamment 
en liberté de la glycérine, en même temps qu'il se pro- 
duit des acides gras qui se combinent avec la base em- 
ployée dans cette opération. Aussi c'est dans les ré- 
sidus de ces réactions qu'on va chercher la glycérine 
utilisée aujourd'hui en grande quantité dans l'industrie 
et en pharmacie. 

On emploie à cet effet les eaux qui ont servi à la 
saponification du suif à l'aide de la chaux, dans les fa- 
briques de bougies stéariques, et on extrait la glycérine 
qu'elles contiennent. 

Dans les végétaux, les huiles existent surtout dans 
les graines, on en trouve dans les pépins du raisin, 
et par conséquent une petite quantité de matière grasse 
doit exister dans le vin, il y a donc dans le raisin et dans 
le vin des substances pouvant donner par l'action des 
bases de la glycérine et des acides gras. 

Nous avons vu que la glycérine était un produit 
constant de la fermentation alcoolique. Cette substance 
est une de celles qui se forment aux dépens du sucre. 

Ajoutons que l'acide acétique et les acides volatils 
dont nous avons également indiqué la formation appar- 
tiennent précisément à la série de ces acides particu- 
liers que l'on appelle les acides gras et dont font partie 



GLYCÉRINE. 109 

les acides stéarique et margarique dont nous avons déjà 
parlé. (Voy. 1 er vol. p. 352.) 

Nous avons donné dans un chapitre précédent les 
résultats de l'analyse immédiate de la levure de bière 
et nous avons vu que dans cette substance supposée 
sèche il y avait plus de 2 °/ 0 de matières grasses. ("Voy. 
p. 33). Nous reconnaissons maintenant que cette levûre 
pendant son développement, trouve parmi les produits 
constants de la fermentation tout ce qu'il faut pour for- 
mer des matières de ce genre, de la glycérine d'une 
part, des acides gras de l'autre; nous aurons à revenir 
sur ce point en examinant les composés qui peuvent 
résulter de l'action des différentes substances contenues 
clans les vins. 

L'analyse de la glycérine pure donne les résultats 



suivants : 

Charbon 39.14 

Hydrogène . . . 8.69 

Oxygène 52.17 



100.00 

Sa formule est: G 6 H 8 0 6 . 

Si nous comparons ces nombres avec ceux qui re- 
présentent la composition du sucre, nous reconnaîtrons 
que la glycérine contient pour la même quantité de 
charbon et d'oxygène plus d'hydrogène que le sucre. 

Nous avons en effet : 

Sucre de fruits. Glycérine. 

Charbon. ... 72 72 
Hydrogène . . 12 16 
Oxygène ... 96 96 

180 ~Ï84 

7 



110 ŒNOLOGIE. 

Si donc le sucre peut se représenter par du char- 
bon, plus de l'eau, la glycérine le sera par du char- 
bon, plus de reau, plus de l'hydrogène, elle con- 
tient par conséquent les éléments du sucre plus de l'hy- 
drogène. 

L'action des acides gras sur la glycérine donne lieu 
à plusieurs combinaisons parmi lesquelles on retrouve 
toutes celles dont le mélange, en diverses proportions, 
constitue les corps gras naturels, solides ou liquides, 
d'origine animale ou d'origine végétale. 

ACIDE SUGGINIQUE. 

L'acide succinique doit son nom à son ancien mode 
de préparation, on l'a en effet obtenu pour la première 
Ibis par la distillation sèche du succin. Il existe dans 
certains végétaux en combinaison avec les bases. 

On le trouve particulièrement dans les résines des 
conifères. La matière que Ton désigne sous le nom de 
succin ou ambre jaune en contient une proportion très 
notable et on peut l'extraire de cette substance par l'ac- 
tion de la chaleur. 

Cet acide se produit encore dans plusieurs circons- 
tances très curieuses et dont quelques unes se rappor- 
tent à des fermentations spéciales. 

Ainsi lorsque l'on abandonne pendant plusieurs mois 
sous une couche d'eau, dans un vase couvert seulement 
d'un papier, le malate de chaux neutre et impur, tel 
que le fournissent les baies du sorbier, on voit bientôt 
des moisissures se développer dans la liqueur, et le 



ACIDE SUCCINIQUE. 111 

malate de chaux se recouvre de cristaux aciculaires qui 
sont des cristaux d'acide succinique. 

Ce même acide se forme également dans d'autres 
réactions analogues, déplus il fait partie de ce groupe 
nombreux d'acides qui prennent naissance dans l'action 
de l'acide azotique sur les acides gras. 

Dans cette réaction de l'acide azotique, les acides 
gras ordinaires, l'acide stéarique, l'acide margarique 
et l'acide oléique sont transformés en d'autres produits 
variables, quant à leur nature et leurs proportions, 
suivant les conditions dans lesquelles l'action s'est 
opérée. 

L'acide acétique et les autres acides gras volatils fi- 
gurent parmi ces produits ; d'autres acides peu volatils, 
parmi lesquels se trouve l'acide succinique, les accom- 
pagnent ordinairement, et on comprend dès lors com- 
bien sont complexes les résultats de cette oxydation. 

Lorsqu'il est pur, l'acide succinique se présente sous 
forme de cristaux incolores et transparents, sans odeur 
mais d'une saveur nauséabonde. Il est soluble dans 
l'eau, plus à chaud qu'à froid, très soluble dans l'alcool 
et très peu soluble dans l'éther. Il fond à 185° et bout 
à 235°. 

Cet acide, comme les deux corps précédents, contient 
du charbon, de l'hydrogène et de l'oxygène. Mais, con- 
trairement à ce que nous avons trouvé pour la glycérine 
et 1 alcool, si nous comparons sa composition à celle 
du sucre, nous trouvons que pour la même quantité de 
charbon et d'oxygène il contient moins d'hydrogène 
que le sucre. 



112 ŒNOLOGIE. 

C'est donc par rapport au sucre, un produit d'oxy- 
dation. 

Les nombres suivants représentent sa composition : 
Charbon. . . „ 40.68 
Hydrogène. . . 5.08 
Oxygène. . . . 54.24 

100.00 

Cette composition conduit à la formule : C 8 H 6 0 8 . 

CELLULOSE. 

* 

Pour achever l'examen des substances qui, pendant 
la fermentation alcoolique se produisent aux dépens du 
sucre nous aurions à étudier la cellulose. 

Nous avons déjà eu à nous en occuper dans la pre- 
mière partie (Voy. I e ' vol. p. 332) et nous avons signalé 
les transformations isomériques auxquelles elle donne 
naissance; nous nous contenterons de rappeler sa com- 
position et sa formule: 

Composition: Charbon . . 44.44 
Hydrogène . 6.18 
Oxygène . . 49.38 

100.00 

Formule : C 12 H 10 O 10 . 

Comme le sucre, la cellulose peut se représenter par 
du charbon, plus de l'hydrogène et de l'oxygène dans 
les mêmes proportions que dans l'eau ; seulement pour 
la même quantité de charbon la quantité d'eau est 
moindre, aussi nous savons que la cellulose peut être 



ACIDE ACÉTIQUE. 143 

transformée en sucre en devenant d'abord soluble par 
une modification isomérique, puis en absorbant deux 
équivalents d'eau. 

L'ancienne équation, si simple, mais approcbée seu- 
lement au point de vue de l'exactitude, par laquelle on 
représentait la décomposition chimique du sucre dans 
la fermentation alcoolique nous montrait ce dernier 
corps transformé en deux autres, l'acide carbonique, 
contenant les deux tiers de l'oxygène du sucre et pas 
d'hydrogène et l'alcool où se trouve tout l'hydrogène 
avec un tiers seulement de l'oxygène. 

Un rapprochement analogue peut être établi si on 
compare au sucre la glycérine et l'acide succinique : 
clans celui-ci il y a excès d'oxygène par rapport à l'hy- 
drogène et dans l'autre composé c'est le contraire, en 
comparant bien entendu les rapports de ces deux élé- 
ments à ceux qu'ils offrent dans le sucre. 

Enfin dans la cellulose ce rapport est le même que 
dans le sucre; il suffit pour obtenir cette dernière sub- 
stance que le sucre perde deux équivalents d'eau et on 
comprend cette action tout aussi bien que celle qui con- 
siste à transformer la cellulose en sucre par l'adjonction 
d'une certaine proportion d'eau. 

ACIDE ACÉTIQUE. 

Nous avons vu dans la seconde partie de l'étude chi- 
mique de la fermentation alcoolique, qu'en dehors des 
substances formées aux dépens du sucre, on devait con- 
sidérer certains acides volatils, comme étant également 



114 ŒNOLOGIE. 

des produits constants de cette fermentation quoi qu'ils 
ne proviennent pas du sucre; la production de ces 
acides est due à l'altération des cellules de levûre 
épuisées et cessant de végéter par suite de cet épui- 
sement. 

Le plus important de ces acides et le plus abondant 
dans les cas de fermentation normale est l'acide acétique. 
Nous ferons connaître d'abord ses propriétés et nous 
établirons sa composition, comme nous l'avons fait pour 
les substances que nous venons d'étudier. 

L'acide acétique est connu depuis un temps immé- 
morial sous le nom de vinaigre et nous avons déjà in- 
diqué comment à cet état il dérive de l'alcool par voie 
d'oxydation. Sa découverte et sa préparation à l'état 
de pureté datent seulement de la fin du siècle dernier. 

L'acide acétique pur est liquide au dessus de 17°; 
c'est un liquide limpide, incolore, d'une odeur très 
pénétrante et d'une saveur très acide, sa densité est 
égale à 1.063. A cet état il est fumant et produirait 
des ampoules sur la peau. 

Au dessous de 17° il est solide et il se présente sous 
forme de lames ou de tables transparentes d'un grand 
éclat; aussi pendant l'hiver ou bien lorsqu'on refroidit 
suffisamment un flacon contenant de l'acide acétique 
pur, il cristallise et se prend en masse, c'est pour cela 
qu'on appelle l'acide acétique jouissant de cette pro- 
priété acide acétique cristallisable. 

Il entre en ébullition à 118° et distille sans altération. 
Sa vapeur s'enflamme cà l'approche d'une bougie, et 
brûle avec une flamme bleue. 



ACIDE ACÉTIQUE. 115 

Cet acide se môle à l'eau en toutes proportions et nous 
pouvons faire ici la même observation qu'avec l'alcool, 
ce mélange est accompagné d'une contraction. La den- 
sité augmente par suite de cette contraction, et peut 
même devenir supérieure à celle de l'acide pur. 

Le mélange correspondant à la densité maximum con- 
tient 77.2 d'acide acétique et 22.8 d'eau. Il entre en 
ébullition à 101°, mais lorsqu'on le soumet à la dis- 
tillation, il passe d'abord un acide plus étendu, et à la 
fin de l'acide acétique pur. 

L'acide acétique est un composé ternaire contenant 
du charbon, de l'hydrogène et de l'oxygène dans les 
proportions suivantes : 

Charbon. . . . 40.00 
Hydrogène. . . 6.66 
Oxygène. . . . 53.34 

\ 00.00 

La formule admise pour représenter cette composi- 
tion est : 

Le mélange à densité maximum dont nous venons de 
parler correspond à la formule 

C*H''OM-2HO 

Les liquides employés dans les laboratoires, comme 
réactifs, sous le nom d'acide acétique sont des acides 
plus ou moins étendus d'eau. 

L'acide acétique pur ou cristallisable se prépare en 
faisant réagir l'acide sulfurique concentré sur l'acétate 
de soude desséché. 



116 ŒNOLOGIE 

L'acide acétique employé dans les arts, dans l'indus- 
trie ou dans l'économie domestique a deux origines bien 
distinctes, tantôt il est produit par l'oxydation des li- 
queurs alcooliques sous l'influence d'une fermentation 
spéciale, tantôt on l'obtient en l'extrayant des produits 
de la distillation du bois. 

Les acides étendus, plus ou moins purs, que l'on pré- 
pare par ces deux procédés, portent souvent le. nom de 
vinaigres, et on comprend dès lors le sens de ces déno- 
minations, vinaigre de vin, vinaigre de bière, vinaigre 
de bois. Les deux premiers sont produits par une fer- 
mentation, le troisième par l'action de la chaleur sur 
le bois, ce dernier a également été appelé vinaigre Mol- 
lerat, du nom de l'industriel qui a, dans nos pays, 
installé cette préparation en grand. 

L'alcool pur ne s'oxyde pas à l'air et par conséquent 
ne devient pas acide. Mais on peut obtenir l'oxydation 
de l'alcool, qui donne l'acide acétique, en dehors de 
toute fermentation. Il suffit, pour cela, de mettre l'al- 
cool en contact avec l'éponge ou la poudre de platine, 
il y a promptement absorption de l'oxygène de l'air avec 
dégagement de chaleur, et il se forme de l'acide acé- 
tique. 

Ce n'est pas le moment d'enfrer dans de plus grands 
détails sur la fermentation acétique, nous y reviendrons 
plus tard, nous n'avons pas non plus à décrire les pro- 
cédés employés pour la distillation du bois et la sépa- 
ration de l'acide acétique des produits que donne cette 
opération. Rappelons seulement que la décomposition 
par la chaleur des matières végétales donne constam- 



ACIDES GRAS. 117 

ment de l'acide acétique, comme aussi on en trouve tou- 
jours dans la décomposition de ces mêmes substances aux 
températures ordinaires ; nous avons rapproché ces 
faits de la production de cet acide dans la fermentation 
alcoolique. 



Nous savons qu'outre l'acide acétique il se forme 
également pendant la fermentation alcoolique d'autres 
acides volatils, et nous avons cité l'acide butyrique et 
l'acide valérianique sur lesquels nous aurons à revenir. 
Mais nous n'atteindrions pas le but que nous nous pro- 
posons en nous contentant d'indiquer sommairement 
les propriétés et la composition de ces acides, nous en- 
visagerons la question à un autre point de vue et nous 
établirons d'une manière générale la constitution de 
cette série d'acides que l'on désigne sous le nom d'acides 
gras et dont fait partie l'acide acétique. Les détails dans 
lesquels nous aurons à entrer plus tard justifieront com- 
plètement cette digression, ainsi que les considérations 
de même nature que nous aurons à présenter relative- 
ment à l'alcool et à d'autres composés analogues. 

On désigne sous le nom d'acides gras une série 
d'acides dont la composition rentre dans la formule gé- 
nérale 

C 2n H îo O\ 

la formule particulière de chaque acide s'obtient en 
donnant à n toutes les valeurs entières depuis l'unité. 

Le tableau suivant comprend la liste de ces différents 
acides volatils, nous y ajoutons les acides gras, plus 

7. 



118 ŒNOLOGIE. 

ordinairement connus sous ce nom et dont nous avons 
signalé le rôle dans la constitution des matières grasses 
naturelles ; nous donnons seulement les noms des acides, 
leur composition, et leurs points de fusion et d'ébulli- 
tion : 



Fusion. ÉbuUition. 



Acide formique. . . 




8° 


99° 


Acide acétique. . . 


C 6 H 6 0 4 


17o 


118° 


Acide propionique . 


G 6 H«0* 


—21° 


140° 


Acide butyrique . . 


C 9 H 8 0'< 


0° 


160" 


Acide valérianique . 


G<°H ,0 O'' 


» 


175° 


Acide caproïque . . 


C l2 H l2 0 5 


» 


205° 


Acide cenanthylique. 




10° 


224° 


Acide caprylique. . 


C ,0 H lC O l 


16° 


236° 


Acide pélargonique. 


G ,8 H l8 0* 


12°5 


264° 


Acide caprique. . . 


C*°H î0 CH 


27°2 


270° 


Acide laurique. . . 


G» V H 14 0 4 


43 ù 6 




Acide myristique. . 


G 28 H 28 0 4 


53»8 




Acide palmitique. . 


G 32 H 32 0 4 


62° 




Acide margarique. . 


C 3 ''fP''0'' 


60° 




Acide stéarique. . . 




69*2 




Acide arachique . . 


C 40 H*°O* 


75° 




Acide bénique. . . 




76° 




Acide hycnique. . . 


G :i0 FP°O ; 


77° 




Acide cérotique. . . 




78° 




Acide mélissique. . 


G 60 H G0 O ! 


91° 





Les premiers acides qui figurent sur cette liste sont 
liquides à la température ordinaire : jusqu'à l'acide 
valérianique inclusivement ce sont des liquides très 



ALCOOLS. 119 

fluides ; à partir de l'acide caproïque ils prennent l'as- 
pect huileux. 

Lorsqu'ils deviennent solides à la température ordi- 
naire, ils s'altèrent profondément quand on les distille 
en quantité notable. 

On voit comment les propriétés physiques de ces 
acides se modifient à mesure qu'on avance dans la série 
depuis l'acide formique jusqu'à l'acide stéarique. Des 
analogies du même genre se constatent dans l'ensemble 
de leurs caractères chimiques. 

Tous ces acides ont des odeurs caractéristiques : les 
unes aromatiques et agréables, les autres fortes et désa- 
gréables. Leur saveur, constamment acide, est éga- 
lement très variable. 

L'odeur de l'acide butyrique rappelle à la fois celle 
de l'acide acétique et du beurre rance, sa saveur est 
âcre et brûlante. 

L'acide valérianique aune odeur acide et persistante 
qui rappelle celle du fromage pourri, sa saveur est acide 
et piquante. 

De même qu'à propos de l'acide acétique nons avons 
eu à citer une série d'autres acides analogues, dont 
plusieurs l'accompagnent dans sa formation pendant la 
fermentation alcoolique, nous compléterons ce que 
nous avons dit dans ce chapitre sur l'alcool en mon- 
trant, comme nous l'avons déjà indiqué, qu'il existe 
également une série de composés analogues à l'alcool 
et présentant entre eux les mêmes ressemblances. Nous 
ajouterons qu'il y a entre les différents termes de ces 



1 ^ ŒNOLOGIE. 

deux séries des relations du même genre que celles que 
nous avons déjà constatées entre l'alcool ordinaire et 
l'acide acétique. 
Tous ces alcools ont une même formule générale: 

l'alcool que nous connaissons et dont nous venons de 
foire l'histoire, correspond à la valeur de n égale à 2, 
on obtient les autres en donnant à n d'autres valeurs 
comme nous l'avons fait pour les acides. 

Nous réunissons les plus importants de ces alcools en 
un tableau semblable à celui que nous avons donné pour 
les acides, l'alcool du vin que l'on a quelquefois appelé 
alcool vinique pour rappeler son origine n'est donc 
qu'une espèce particulière d'un groupe de corps auquel 
on donne le nom générique d'alcool. 

Fusion. Ébullilion. 



Alcool méthylique . 


G 2 H l 0 2 




66° 


Alcool éthylique ou 






vinique 


C l H 6 0 2 


» 


78° 


Alcool propylique . 


C 6 H s 0 2 




97° 


Alcool butylique . . 


G 8 H ,0 O 2 


» 


116° 


Alcool amylique . . 


C10H12Q2 


-20° 


430° 


Alcool caproïque. . 


C l2 H l4 0 2 


» 


158° 


Alcool œnanthylique 


CHH ,(i 0 2 


» 


475° 


Alcool caprylique. . 


C 16 H ,8 0 2 


» 


192° 


Alcool cétylique . . 


C32 H 3', 0 2 


50° 


344° 
» 


Alcool cérylique . . 


C 8 '<PP p O-2 


79° 


Alcool myricique. . 


G 60 PP 2 O'' 


88° 





ALDÉHYDES. 121 

Nous devons nous contenter pour le moment de ces 
indications et de ces rapprochements; lorsque nous au- 
rons à parler dans les développements qui vont suivre 
de quelques uns des corps que nous venons de citer, 
il suffira de se reporter aux tableaux que nous venons 
d'établir pour faire ressortir l'analogie de tous ces com- 
posés soit avec l'alcool soit avec l'acide acétique. 

Nous dirons cependant que plusieurs de ces alcools 
peuvent se former en petite quantité dans la fermenta- 
tion alcoolique des liqueurs sucrées; nous citerons 
notamment l'alcool amylique, appelé autrefois huile de 
pommes de terre, que l'on extrait principalement des 
eaux-de-vie de pommes de terré, de betteraves ou de 
marcs de raisin , en soumettant ces produits à la dis- 
tillation et en recueillant à part les dernières portions. 

Indiquons également une troisième série de com- 
posés parallèle aux deux précédentes et qui leur est 
intermédiaire, la série des aldéhydes. 

L'aldéhyde vinique a pour formule : C'ETO 2 . Ce 
corps, d'une odeur forte et suffocante, se trouve dans 
les vins en faible proportion, et il est facile d'expliquer 
sa formation si on compare sa composition à celles de 
l'alcool et de l'acide acétique. 

Cet aldéhyde résulte d'une oxydation incomplète de 
l'alcool, comme le montre la formule : 

C , 'H u 0 2 +20=C'H ; 0 2 4- t 2HO. 

L'oxydation de l'aldéhyde donnerait à son tour de 
l'acide acétique : 

C'H''0-4-20=C'H 1 0''. 



128 ŒNOLOGIE. 

La composition générale des aldéhydes que l'on peut 
comparer à celle des alcools et des acides gras, est 
représentée par la formule suivante : 

C*»H 2n 0 2 . 

Il existe donc un aldéhyde correspondant à chacun 
des alcools et des acides gras des deux séries précé- 
dentes. 

Le tableau suivant rapproche et met en évidence 
ceux de ces corps que nous avons plus particuliè- 
rement cités : 

Alcools. Aldéhydes. Acides. 

Série vinique . . C'<H°0 2 CTETO 3 C'H'O'' 
Série butyrique. C 8 H ,0 O 2 G 8 H 8 0 2 C 8 H 8 0 5 
Série amylique . C ,0 H <2 O 2 G l0 H ,0 O 2 C ,0 H ,0 O'' 

L'étude de la composition et de la formation des 
éthers complétera bientôt ces premiers renseignements, 
de manière à nous faire comprendre les réactions qui 
se produisent au sein du vin après la fermentation. 



CHAPITRE VIII 



ORIGINE DU FERMENT 
QUI SE DÉVELOPPE PENDANT LA FERMENTATION VINEUSE. 

Dans les études que nous venons de faire sur la fer- 
mentation alcoolique, nous avons supposé que Ton avait 
à sa disposition pour produire ce phénomène, d'une part 
un milieu liquide fermentescible, c'est-à-dire une dis- 
solution contenant du sucre, des matières azotées, des 
substances minérales et particulièrement des phosphates 
et de l'autre du ferment tout fait, c'est-à-dire des cellules 
susceptibles de se développer dans ce milieu. 

Le liquide étant placé dans un vase approprié à l'ex- 
périence que l'on veut faire, on y délaie du ferment ou 
bien, pour employer une expression consacrée et ren- 
dant parfaitement compte de ce qui se passe, on y 
sème une petite quantité de cellules de ce ferment. Ces 
cellules se trouvant dans des conditions favorables à 
leur développement, bourgeonnent et se multiplient, et 
on obtient, comme résultats de cette opération, tous 
les phénomènes que nous avons décrits. 



OENOLOGIE. 

I! existe plusieurs fermentations industrielles, pra- 
tiquées en grand et qui ne sont que la reproduction sur 
une échelle plus vaste du fait que nous venons d'indi- 
quer, nous en trouvons un exemple très frappant dans 
la fabrication de la bière. 

Le moût de bière, de la préparation duquel nous n'a- 
vons pas à nous occuper ici, constitue notre dissolution 
fermentescible; le levain que l'on y ajoute n'est autre 
chose qu'une certaine quantité de levûre provenant 
d une opération antérieure. Lorsqu'il a été bien mélan- 
ge avec le moût dans des conditions convenables la 
fermentation se développe et parcourt régulièrement 
toutes ses phases. Après son achèvement, on sépare le 
nouveau liquide de la levûre qui s'y trouve en suspen- 
du, et on obtient la bière toute faite, laquelle n'a plus 
besoin que de quelques manipulations simples pour 
pouvoir être livrée à la consommation. 

Les choses se passent tout autrement dans l'accom- 
plissement de cette fermentation qui se produit dans les 
cuves où l'on a introduit le raisin préalablement foulé, 
ou dans les tonneaux que l'on a remplis avec le jus du 
raisin écrasé et pressé immédiatement après la récolte. 

Dans ces deux cas le liquide, que l'on désigne égale- 
ment sous le nom de moût, correspond au moût de 
bière et à la dissolution sucrée, mais il n'y a ici rien 
qui ressemble à la mise en levain, à l'ensemencement 
de la dissolution. 

La masse de la vendange, dans le cas de la fermenta- 
tion dans les cuves qui donne le vin rouge, le moût 
séparé par le pressurage, dans celui de la fermentation 



ORIGINE DU FERMENT. 125 

en tonneaux qui donne le vin blanc, sont tout simple- 
ment abandonnés à eux-mêmes et au bout d'un temps 
plus ou moins long, sans qu'on ait rien ajouté, sans 
qu'on ait rien fait pour provoquer un changement quel- 
conque, la fermentation alcoolique s'y développe et pré- 
sente tous les caractères que nous connaissons. Puis, 
quand elle est terminée, nous y trouvons une quantité 
considérable d'une levûre semblable à la levûre de bière, 
levûre spéciale à cette opération particulière comme 
nous l'avons vu, mais levûre que nous n'avons pas 
ajoutée préalablement et dont nous n'avons jusqu'à 
présent nullement signalé la présence dans le raisin ou 
dans le jus que renfermaient les grumes. 

Citons une expérience très facile à faire et qui va nous 
édifier complètement sur ce point. 

Prenons avec une baguette de verre une goutte de 
moût récemment préparé, soit dans une cuve, soit dans 
un tonneau et examinons cette goutte de liquide au 
microscope, nous n'y trouverons pas de cellules de le- 
vûre; répétons cette même opération lorsque la fer- 
mentation est en voie de développement et nous trou- 
verons la goutte de liquide remplie de cellules en voie 
de bourgeonnement. 

Cette expérience peut être faile d'une manière encore 
plus concluante. 

Prenons du moût de raisin frais, ce que l'on appelle 
du vin doux, produit avec des raisins que l'on vient 
d'écraser. Filtrons sur un filtre de papier ce liquide qui 
est généralement trouble, puis mettons dans un flacon 
de verre le liquide parfaitement clair. A ce moment 



126 ŒNOLOGIE. 

l'observation microscopique ne nous y fera découvrir au- 
cime cellule; mais au bout de quelque temps nous 
verrons le liquide se troubler, des bulles de gaz s'en 
échapperont et viendront crever à la surface, la fermen- 
tation s'est emparée de la masse, et quand elle sera 
terminée, nous trouverons un dépôt formé par une cer- 
taine quantité de levure dont le microscope nous per- 
mettra de bien constater la nature. 

11 se présente donc ici une question nouvelle et tout 
à fait capitale, elle est relative à l'origine du ferment 
qui apparaît dans cette variété de la fermentation alcoo- 
lique servant à produire le vin, que l'on appelle quel- 
quefois la fermentation vineuse, et que nous devrions 
désigner sous le nom de fermentation alcoolique du 
moût de raisin. 

On comprend sans peine toute l'importance de cette 
question et la nécessité d'avoir des idées nettes et pré- 
cises sur tous les points qui s'y rattachent, aussi nous 
allons chercher à exposer aussi clairement que possible 
les faits qui nous conduisent à la solution de cet inté- 
ressant problème, en écartant la discussion des opinions 
diverses qui ont été émises sur ce sujet. Nous y re- 
viendrons après avoir établi la théorie qui nous paraît 
être la conséquence des faits observés et qui est, comme 
nous allons le voir, parfaitement d'accord avec les no- 
tions que nous avons développées sur la nature et les 
caractères de la fermentation alcoolique. 

Les ferments, dont nous avons à rechercher l'origine, 
étant des végétaux appartenant au groupe des champi- 
gnons, c'est dans l'histoire et la manière d'être de ces 



ORIGINE DU FERMENT. 127 

cryptogames particuliers que nous devons chercher 
l'explication des faits qui nous occupent. 

Sans tenir compte des nombreuses circonstances dans 
lesquelles l'industrie ou l'économie domestique con- 
servent et utilisent le ferment alcoolique, voyons ce qui 
se passe dans nos climats à propos du rôle de ce ferment 
dans la vinification. 

Chaque année, après une durée de végétation plus 
ou moins longue, suivant les conditions météorologiques, 
le raisin arrive à maturité, et à ce moment on le ré- 
colte pour le porter dans la cuve et en faire du vin. 

Le raisin, cueilli ou laissé sur le cep, peut se dessécher 
et se conserver longtemps; on favorise cette opération 
par des précautions longues et minutieuses qui montrent 
que, pour y réussir, il faut savoir se soustraire à toutes 
les causes d'altération auxquelles le raisin est exposé. 

En effet si on abandonne le raisin à lui-même on ne 
tarde pas à voir sur quelques grumes des traces de 
moisissures qui se développent en certains points où, 
par une cause quelconque et souvent sous l'influence 
d'un excès de maturité, un peu du liquide intérieur des 
grumes est venu s'extravaser au dehors ; quand on 
examine avec soin ce qui se passe, on reconnaît tou- 
jours que ces petits champignons apparaissent tout 
d'abord sur les points où existe quelque déchirure, 
quelque lésion, et à leur défaut au point d'attache de la 
grume avec le pédoncule qui la supporte. 

Ces petits ilôts de moisissures étant développés, ne 
tardent pas à s'accroître, à s'étendre, ils se rejoignent 
bientôt sur plusieurs grumes contiguës et finissent par 



1^8 ŒNOLOGIE. 

envahir le raisin tout entier, dont la substance est em- 
ployée à nourrir ces accumulations de champignons qui 
forment ce qu'on appelle la pourriture. 

On sait avec quelle rapidité, lorsque les conditions 
sont favorables, quand le temps est chaud et humide 
que le raisin est très mûr, cette pourriture se développé 
et ravage une Vigne tout entière, de manière à anéantir 
en quelques jours la majeure partie de la récolte. 

Ici nous n'avons aucune difficulté pour donner l'ex- 
plication complète des phénomènes observés. 

On voit les champignons naître à l'extérieur de la 
grume, pénétrer, par les fissures qui leur sont offertes 
dans le jus que cette grume contient, y implanter leur 
mycélium, en aspirer les sucs, puis prendre, grâce à 
cette nourriture et à l'action de leurs organes aériens, 
un développement et une extension rapides qui en- 
traînent promptement la destruction du tissu existant 
entre l'épiderme des grumes et les pépins. 

La constatation de spores de champignons à la sur- 
face des organes des végétaux et particulièrement des 
raisins est facile à faire, il suffit d'observer les pous- 
sées qui s'y trouvent et qu'on peut en séparer par un 
grattage superficiel ou par des lavages. L'origine des 
moisissures qui amènent la pourriture de ces raisins 
peut donc être vérifiée par une observation directe et 
chaque année nous ramène l'occasion de faire de sem- 
blables vérifications. 

Lorsque le raisin est complètement altéré, si on a 
aissé marcher l'envahissement de ces champignons, 
la grume devient sèche et vide, le tissu inférieur est 



ORIGINE DU FERMENT. 129 

détruit, les pépins sont libres et presque isolés. Les 
spores des champignons qui ont amené ce résultat se 
dispersent, se disséminent et quoiqu'il nous soit difficile 
d'en retrouver des traces lorsque l'abaissement de 
température vient arrêter leur développement, nous 
sommes assurés de les retrouver l'année suivante dès 
que la température et les conditions atmosphériques 
seront favorables à leur développement. 

Ces observations sont tout à fait conformes à celles 
que nous présentent un grand nombre d autres cham- 
pignons dans des conditions analogues. 

La Vigne nous offre également dans quelques unes 
de ses maladies et notamment dans celle produite par 
l'oïdium, qui est une espèce appartenant au groupe des 
champignons, des observations absolument identiques, 
et les faits qui se rattachent à l'apparition, puis à la 
disparition de ce cryptogame ne peuvent laisser aucun 
doute dans notre esprit. 

Or, que voyons-nous dans les phénomènes qui consti- 
tuent la fermentation vineuse ? 

Les études que nous avons faites de cette opération 
peuvent se résumer facilement. 

Les raisins sont mûrs, nous les écrasons, et nous les 
réunissons dans une cuve, un champignon particulier 
s'y développe bientôt, et ne tarde pas à envahir la 
masse tout entière. D'où vient-il? L'idée qui se pré- 
sente tout d'abord, c'est que son origine doit être exac- 
tement la même que celle de ces moisissures que 
nous avons vu tout à l'heure amener la pourriture de 
ces mêmes raisins, 



130 ŒNOLOGIE. 

Les conditions dans lesquelles nous plaçons les rai- 
sins ont changé, et de ce changement résulte une mo- 
dification profonde dans la nature de l'altération qu'ils 
éprouvent. Dans l'un des cas les raisins pourrissent 
dans l'autre ils fermentent ; dans les deux cas il se pro- 
duit une action physiologique qui tend au même résultat 
final, la destruction par voie de simplifications succès- 
sives du tissu et des matières contenues dans l'intérieur 
des grumes. 

Dans les deux cas également, les champignons qui 
par leur développement sont la cause des changements 
observés, ne sont pas produits par la végétation de la 
Vigne, ils ont une existence à part, leur origine est in- 
dépendante des phénomènes qui se sont accomplis pen- 
dant la vie du cep et la formation de ses différents or- 
ganes, exactement comme la mousse des arbres, et tous 
ces êtres qui apparaissent à la surface des végétaux 
ont une origine particulière, et ne sont pas engendrés 
par les plantes à la surface desquelles ils viennent vivre 
et dont souvent ils amènent la destruction, 

Nous sommes donc naturellement conduits par les 
raisonnements qui précédent à cette conséquence im- 
portante : c'est à la surface de la grappe du raisin, sur 
les grumes tout aussi bien que sur les pédoncules de la 
grappe que doivent se trouver les spores des champi- 
gnons qui après la mise en cuve, le foulage des raisins 
et le mélange de toutes ses parties développeront dans 
cette masse la fermentation alcoolique. Lorsque les rai- 
sins sont portés immédiatement sur le pressoir, une 
partie de ces spores est entraînée avec le liquide qui 



ORIGINE DU FERMENT. 131 

baigne et lave les éléments solides, et les phénomènes 
de fermentation se manifestent bientôt pour la même 
cause au sein du liquide après sa mise dans les ton- 
neaux. 

Il ne nous reste plus, pour continuer ces déductions 
et pour démontrer cette origine du ferment alcoolique 
dans la fermentation vineuse, qu'à faire voir comment 
des expériences directes, faites avec le plus grand soin 
ont permis de prouver l'exactitude de cette théorie 
d'une manière absolue. 

Il nous suffira pour établir ce résultat de rapporter 
les détails de l'expérience suivante faite par M. Pasteur. 

On opère sur du moût de raisin filtré, parfaitement 
limpide et porté pendant quelques instants àl'ébullition ; 
ce moût conservé dans des ballons convenablement dis- 
posés, dont nous reparlerons plus loin, peut rester par- 
faitement intact pendant des mois ou des années sans 
manifester aucun phénomène de fermentation. 

D'un autre côté on lave dans quelques centimètres 
cubes d'eau un fragment de grappe de raisin. On em- 
ploie pour cette opération un pinceau de blaireau très 
propre, et on rassemble dans l'eau de lavage toutes les 
poussières qui sont à la surface des grumes et sur le 
bois de la grappe. 

Si on examine au microscope l'eau de lavage ainsi 
obtenue, on reconnaît qu'elle tient en suspension une 
multitude de corpuscules organisés ressemblant soit à 
des spores de moisissures soit à des levûres alcooliques. 

Gela posé, voici comment M. Pasteur a procédé à 
l'expérience dont nous voulons examiner les résultats. 



132 ŒNOLOGIE. 

Il a préparé quarante ballons contenant du moût de 
raisin filtré et bouilli, et il a divisé les quarante ballons 
en quatre séries. 

Une première série de dix ballons a reçu quelques 
gouttes du liquide d'eau de lavage de la grappe de rai- 
sin, série A. 

Dans une seconde série de dix ballons, on a introduit 
quelques gouttes de ce même liquide, mais après l'avoir 
porté préalablement à l'ébullition, série B. 

Dans une troisième série on a fait passer une goutte 
de jus de raisin emprunté directement au liquide con- 
tenu dans l'intérieur des grumes, série C. 

Enfin les dix derniers ballons ont été conservés comme 
témoins avec leur moût filtré et bouilli, sans aucune 
addition, série D. 

On a ainsi quatre séries d'observations comparatives 
portant chacune sur dix ballons placés dans les mêmes 
conditions. 

Voici maintenant les résultats que donnent invaria, 
blementces quatre séries. 

Les ballons de la série A (moût filtré et bouilli, addi- 
tionné de l'eau de lavage des grappes de raisin) donnent 
heu après quarante huit heures, si la température est 
convenable à tous les phénomènes qui caractérisent la 
fermentation alcoolique, et peu à peu de la levûre se 
dépose sur les parois. 

Les ballons de la série B (moût filtré et bouilli, addi- 
tionné de la même eau de lavage, préalablement bouil- 
lie) ne donnent aucun signe d'altération, il en est de 
même des ballons de la série G (moût filtré et bouilli 



ORIGINE DU FERMENT. 133 

additionné d'une goutte de jus empruntée à la partie in- 
térieure d'une grume de raisin). 

Quant aux ballons de la série D, le moût filtré et 
bouilli qu'ils renferment et qui n'a reçu aucune addi- 
tion demeure sans altération. 

Le liquide des dix ballons de la série A a donc seul 
fermenté; les autres sont restés intacts, et ils peuvent 
être ainsi conservés pendant des années sans présenter 
aucune trace de fermentation alcoolique. 

De l'ensemble de ces observations nettes et précises, 
nous pouvons tirer les conclusions qui suivent : 

Le moût de raisin qui a été soumis à l'ébullition ne 
fermente pas, même au contact de l'air, lorsque celui- 
ci a été privé des germes qu'il contient ordinairement 
en suspension ; nous aurons à revenir sur cette consé- 
quence dans une étude ultérieure. 

Au contraire ce même moût bouilli entre en fer- 
mentation dès qu'on y introduit une petite quantité 
de l'eau de lavage obtenue en nettoyant la surface des 
grains de raisin ou de la grappe et en enlevant ainsi 
les corpuscules qui s'y trouvent. Cette eau de lavage 
contient donc des germes ou spores de levûre alcoo- 
lique. 

Mais ce même moût bouilli ne fermente pas lorsque 
l'on prend la précaution de faire bouillir cette eau de 
lavage avant de la mélanger au moût. L'ébullition a 
donc fait périr les germes de levûre alcoolique qu'elle 
contenait avant l'ébullition. 

Enfin ce même moût bouilli ne fermente pas davan- 
tage lorsqu'on y introduit une petite quantité du jus 

8 



434 ŒNOLOGIE. 

renfermé dans l'intérieur d une grume; ce jus ne con- 
tient donc aucun germe de levure alcoolique. 

Ces résultats peuvent se résumer dans les propositions 
suivantes : 

Dans la fermentation vineuse, si le jus du raisin con- 
tient tous les éléments nécessaires à l'entretien et au 
développement de la fermentation alcoolique que nous 
voyons se manifester dans les cuves pendant la prépa- 
ration du vin rouge ou dans les tonneaux pendant celle 
du vin blanc, la levûre qui détermine cette fermentation 
vient de germes ou spores situés à l'extérieur des 
grumes et déposés sur la surface de ces grumes ou des 
pédoncules du raisin. 

On comprend dès lors que nous n'ayons pas besoin, 
dans le cas de cette espèce de fermentation, de recou- 
rir comme dans la préparation de la bière à une mise en 
levain artificielle, c'est-à-dire à une addition de levûre 
provenant d'une opération antérieure. 

Le raisin porte avec lui tout ce qui est nécessaire à la 
production de la fermentation alcoolique; dans l'inté- 
rieur des grumes est le jus sucré qui doit nourrir et 
alimenter le ferment, lorsque celui-ci aura été mis en 
contact avec ce liquide ; les grumes que Ton écrase par 
le foulage, la grappe que l'on mélange dans la cuve 
avec le produit de cet écrasement sont recouvertes de 
poussières parmi lesquelles se trouvent des germes ou 
spores de levûres alcooliques. 

Lorsque le raisin est porté de suite au pressoir, et 
que le jus seul est introduit dans les tonneaux où s'opère 
alors la fermentation, il se mêle à ce jus pendant le 



ORIGINE DU FERMENT. 135 

pressurage une certaine quantité de ces poussières qui 
sont entraînées avec le liquide, restent en suspension 
dans sa masse et y font naître les phénomènes de la 
fermentation. 

Tous ces faits nous montrent donc que l'action des 
levures alcooliques et leur mode d'intervention dans les 
modifications qu'elles font subir au jus du raisin ren- 
trent complètement dans les lois générales auxquelles 
conduit l'étude des autres êtres de la classe des cham- 
pignons, et si par induction nous avons pu établir une 
théorie rendant compte de l'apparition du ferment, 
cette théorie est confirmée par l'observation et doit être 
considérée comme reposant sur des expériences directes 
et indiscutables. 

Du reste cette constatation de l'existence des germes 
de ferments alcool iques à la surface des grains de raisin 
ou des pécondules qui forment la grappe ne résulte pas 
seulement de l'expérience que nous avons rapportée, 
. nous avons cité celle-ci avec détails parce qu'elle per- 
met de bien établir les conséquences auxquelles nous 
voulions arriver pour nous rendre compte de l'origine 
du ferment dans la fermentation vineuse. 

Depuis longtemps déjà des observations analogues 
ont été faites. Dès 4860, nous trouvons dans un mé- 
moire inséré dans les Annales des sciences naturelles, 
un passage démontrant que la nature des poussières 
existant sur les fruits avait été parfaitement reconnue. 

« Si l'on racle, dit M. H. Hoffmann, avec un scal- 
« pel émoussé la surface d'une groseille et qu'on porte 
« sous le microscope ces râclures (qui sont blanchâtres) 



136 ŒNOLOGIE. 

« on y reconnaît au milieu de toute espèce de saletés 
« informes, de particules terreuses, etc., les mêmes 
« spores de champignons qu'on trouve dans le jus ex- 
« primé, seulement on les y voit en quantité incompa- 
« blement plus grandes. Elles sont les unes brunâtres, 
« les autres incolores ; ces dernières sont arrondies, 
« ovoïdes, un peu fusiformes ou cylindriques. La plu- 
« part d'entre elles sont semblables à des articles des 
« chapelets d'Oïdium, Monilia, Torula qui auraient 
« été détachés, emportés par le vent et qui se seraient 
« attachés au fruit, c'est-à-dire à des spores d'Hypho- 
6 mycètes. Quelques unes de ces spores sont déjà pour- 
« vues de courts filaments germinatifs. » 

Ce n'est donc pas seulement sur des raisins que de 
semblables constatations ont été faites, M. Engel cite 
également dans le travail dont nous avons déjà parlé 
un grand nombre de fruits à la surface desquels il a 
trouvé des germes de ferments alcooliques, et parmi 
ces ferments le plus fréquent est celui dont nous avons 
parlé sous le nom de ferment apiculé. 

M. Engel a examiné sous ce rapport des cerises, des 
groseilles, des fraises, des framboises, des prunes, 
des abricots, des pêches, des raisins, des poires, des 
pommes, et d'autres fruits. Les jus de tous ces fruits 
séparés par la pression ou obtenus par le simple écra- 
sement avec conservation du marc dans la masse pul- 
peuse , présentent les caractères de la fermentation 
alcoolique, et il n'est donc pas étonnant qu'on trouve 
à leur surface les ferments destinés à la produire. 
Mais il y a dans le passage d'Hoffmann que nous 



ORIGINE DU FERMENT. 137 

avons cité, comme aussi dans le mémoire de M. Engel 
des remarques spéciales qui doivent nous arrêter quel- 
ques instants. 

Hoffmann dit que l'on trouve à la surface des gro- 
seilles les mêmes spores de champignons que l'on ren- 
contre dans le jus exprimé, seulement on les y voit en 
quantité incomparablement plus grande. Engel a exa- 
miné dans ses recherches non seulement les matières 
enlevées par le grattage àla surface des péricarpes, mais 
une partie de la pulpe enlevée dans le voisinage des en- 
droits fissurés et le moût lui-même. 

De l'ensemble de ces observations, et de plusieurs 
autres constatations du même genre, il semblerait ré- 
sulter que s'il y a des germes de levure en quantité 
considérable à la surface des fruits, on peut encore en 
trouver, quoique dans une proportion beaucoup plus 
faible à l'intérieur même, au milieu de la masse qui 
renferme le moût. 

Cette circonstance semble être écartée par les résul- 
tats obtenus dans l'expérience précédemment décrite 
de M Pasteur (série G), cependant nous insistons sur 
ce point pour que l'on comprenne bien que si, dans 
certaines espèces de fruits, on trouve quelquefois dans 
la pulpe elle-même, des cellules identiques avec celles 
qui existent à leur surface extérieure on n'en doit pas 
faire un argument contre la théorie que nous admettons 
et qui fait venir ces cellules de l'extérieur. 

Nous avons vu que lorsque la pourriture envahit un 
grain de raisin, les moisissures qui la déterminent 
viennent de l'extérieur et ne pénètrent dans l'intérieur 

8. 



138 ŒNOLOGIE. 

du grain que par des fissures, ou bien elles s'y i m . 
plantent au travers de son épiderme, n'est-il pas possible 
que dans certains cas, et ce fait peut être beaucoup pl us 
fréquent avec les fruits d'une espèce qu'avec ceux d'une 
autre , ces spores trouvent moyen de pénétrer dans la 
pulpe intérieure et d'y séjourner sans s'y développer 
ou en n'y prenant qu'un développement incomplet, les 
réactions qui s'accomplissent sous l'influence de la vie 
ne constituant pas des conditions favorables à leur 
multiplication. 

Ainsi les circonstances qui assurent la production du 
ferment dans la fermentation vineuse, ne sont pas parti- 
culières au raisin, elles existent exactement semblables 
pour toutes les espèces de fruits dont les jus renferment 
les éléments susceptibles d'alimenter la fermentation 
alcoolique. 

Il est un autre ordre d'idées qui va nous permettre 
de pénétrer encore plus avant dans les conséquences 
de cette assimilation des levures alcooliques avec les 
autres espèces cryptogamiques étudiées depuis plus 
longtemps et mieux connues. 

On sait en effet que dans les phénomènes périodiques 
qu'offre dans nos climats la végétation des plantes, 
certaines espèces de champignons n'apparaissent à la 
surface des organes des végétaux qu'à une certaine 
époque déterminée surtout par la température. Pendant 
un temps variable on les voit se développer, se multi- 
plier avec plus ou moins de rapidité ou de vigueur, puis 
il arrive un moment où les conditions extérieures ne 
sont plus favorables à la continuation de leur existence 



ORIGINE DU FERMENT. 139 

et alors elles dépérissent, puis semblent disparaître 
d'une façon complète. On ne les voit plus, on n'en re- 
trouve plus jusqu'à l'année suivante ou elles reparaissent 
sans qu'on puisse déterminer d'une manière précise 
d'où viennent les germes nouveaux qui alors les ap- 
portent sur les nouvelles végétations. 

Un fait observé par M. Pasteur, en 1875, semble 
montrer que les germes qui sont en état de produire la 
levûre alcoolique ne se trouvent pas sur les diflérentes 
parties du raisin à toutes les époques de leur végétation. 
Voici comment l'auteur rend compte de cette obser- 
vation. 

« Le 25 juillet 187 5, dansles environs d'Arbois (Jura), 
« les raisins étaient encore verts, de la grosseur des 
« petits pois. Je me transporte dans une Vigne loin des 
« routes et des chemins, et là avec de fins ciseaux je 
« détache d'une grappe des grains de raisin que je 
« laisse tomber, munis de leurs pédoncules, dans des 
« tubes à moitié remplis de moût de groseilles, rendu 
« inaltérable par une ébullition préalable. Les tubes 
« refermés avec toutes les précautions convenables, 
« et à l'aide de bouchons de liège passés dans la flamme 
« de la lampe à alcool sont rapportés au laboratoire et 
« abandonnés. Les jours suivants on voit apparaître 
« des moisissures diverses dans la plupart de ces tubes, 
« mais aucun d'entre eux ne donne et n'a donné ulté- 
« rieurement la moindre apparence de fermentation. 
« A. ce moment de l'année les germes de la levûre 
« n'existaient donc pas encore sur le bois des grappes, 
( < ni sur les grains de raisin. » 



14 U ŒNOLOGIE. 

Au contraire si une expérience semblable est faite 
sur des raisins bien mûrs, on trouvera, comme nous 
l'avons dit, sur la surface des grains de ces raisins 
ainsi que sur le bois de la grappe des poussières ren- 
fermant des germes capables de produire des levûres 
alcooliques lorsqu'ils sont mélangés avec du moût. 

Lorsque l'on fait cette opération en introduisant dans 
le liquide fermentescible des raisins entiers , ou un 
assez grand nombre de grumes détachées, on voit tou- 
jours la fermentation se développer rapidement ; mais 
si l'on prépare une série de tubes contenant ce liquide, 
et qu'on ne laisse tomber dans chacun d'eux qu'une 
seule grume, on reconnaîtra que la fermentation se 
produira dans certains tubes, mais non pas dans tous. 

Cette observation démontre que ces germes de fer- 
ment n'existent pas nécessairement sur toutes les 
grumes; quelques-unes peuvent très bien n'en pas re- 
cevoir, et dès brs elles seront impropres à provoquer 
la fermentation. 

Ces faits ont été vérifiés par M. Pasteur au moyen 
d'un nombre considérable d'observations faites avec le 
plus grand soin. 

Nous citerons particulièrement les dernières expé- 
riences organisées dans le vignoble d'Arbois pendant 
le courant de l'année 1878. 

Le raisonnement qui a conduit à l'installation de ces 
expériences est le suivant : si la levûre ou les germes 
qui peuvent lui donner naissance n'apparaissent sur les 
grappes de raisins que lorsque ceux-ci approchent de 
leur maturité, il ne doit pas s'en trouver, comme nous 



ORIGINE DU FERMENT. 141 

venons de le voir, sur ces mêmes grappes alors qu'elles 
sont seulement à l'état de verjus. Dès lors en recou- 
vrant les pieds de Vigne, alors qu'ils ne portent que des 
verjus, par des serres hermétiquement closes et qui 
resteront ainsi jusqu'à l'époque de la maturité, il sera 
possible d'avoir, lorsque viendra le moment de la ven- 
dange, des raisins parfaitement mûrs, mais ne portant à 
la surface de leurs grumes aucun germe susceptible de 
donner naissance à de la levûre. 

Ces raisins recueillis et écrasés avec des précautions 
convenables ne devront pas donner lieu aux phéno- 
mènes ordinaires de la fermentation et ne produiront 
pas de vin. 

Au commencement du mois d'août 4878, un certain 
nombre de pieds fut donc ainsi enfermé dans des 
serres, et on s'est assuré qu'à cette époque les verjus 
qu'il portaient ne contenaient aucun germe de levûre. 

La même observation était faite sur les pieds voisins 
conservés à l'air libre et destinés à mûrir dans cet état 
sans être recouverts. 

Les raisins contenus dans les serres se sont trouvés 
mûrs le 10 octobre, et à cette époque, on fit des expé- 
riences comparatives et sur ces raisins et sur ceux qui 
étaient restés en plein air dans les conditions ordinaires. 

Tous ces derniers fermentèrent rapidement lorsqu'ils 
furent écrasés et abandonnés à eux-mêmes à la tem- 
pérature de 25 à 30°. Au contraire les raisins recueillis 
dans les serres et mis soigneusement à l'abri de l'inva- 
sion de tout germe venant du dehors ne donnèrent au- 
cun signe de fermentation. 



142 ŒNOLOGIE. 

M. Pasteur n'a pas manqué de compléter cette in- 
dication déjà si concluante par une série de vérifications 
des plus simples. 

Des grappes de raisins mûrs, cueillies dans les serres, 
ontétésuspendues pendant quelque temps aux branches 
des ceps de Vigne restés en plein air et après cette opé- 
ration, ces grappes écrasées ont présenté tous les phé- 
nomènes de la fermentation alcoolique, ce qui montre 
que pendant cette exposition à l'air dans une atmos- 
phère favorable, à la date du 15 octobre, elles avaient 
reçu à leur surface, par suite de cette exposition, des 
germes capables de provoquer et de développer la 
fermentation. 

L'ensemble de toutes ces observations permet donc 
d'établir nettement que les poussières existant sur les 
raisins ne renferment des spores de levûre alcoolique 
qu'à l'époque de leur maturité ; même à cette époque 
on reconnaît que toutes les grumes sont loin de porter 
chacune individuellement des germes de levûre, cer- 
taines d'entre elles peuvent être écrasées sans pour 
cela que leur contenu entre en fermentation. 

Nous devons également insister sur une autre con- 
séquence des expériences faites, c'est que ces germes 
de levûre ne gardent pas leur vitalité indéfiniment, lors- 
que les raisins mûrs ont été cueillis et conservés même 
dans les conditions les plus favorables. 

Des grappes de raisin sur lesquelles la présence des 
germes de levûre avait été constatée en grande quantité 
à la fin de septembre n'en ont plus présenté que très 
peu en décembre et janvier suivants, et les poussières 



ORIGINE DU FERMENT. 143 

ui y étaient répandues ont été reconnues tout à 
fait stériles à la fin de mars, au mois d'avril et plus 

tard. , , . 

Dans toutes ces recherches on a vu se développer 
tantôt le ferment apiculé , tantôt les différentes es- 
pèces de Saccharomyces dont nous avons parlé et 
nous verrons bientôt l'importance de tous ces faits 
peur la confirmation de la théorie que nous avons 
développée. 

Ces observations peuvent cependant paraître en 
désaccord avec des faits bien constants, faciles à repro- 
duire et qui démontrent la possibilité d'obtenir les 
phénomènes de la fermentation alcoolique avec des 
raisins conservés, comme aussi avec des liqueurs su- 
crées auxquelles on ajoute à toutes les époques delà 
végétation, des sarments, des feuilles de Vigne? 

Il nous sera facile de rendre compte de ces résultats 
en examinant ce qui se passe dans certains modes de 
fabrication de la bière. Nous avons déjà dit quelques 
mots de la marche suivie pour déterminer cette fermen- 
tation; mais on sait qu'il existe également un mode 
d'opération dans lequel la fermentation du moût de 
bière n'est pas provoquée par une mise en levain, 
ce liquide est abandonné à lui-même et, sans y rien 
ajouter, on attend que la fermentation s'y développe,, 
ce qui arrive constamment au bout de plusieurs 
jours. 

N'oublions pas que dans tous ces cas, et particulière- 
ment dans la fermentation avec des feuilles de Vigne et 
des liqueurs sucrées, on opère en grand sans prendre 



144 ŒNOLOGIE. 

pour l'isolement des liquides, le choix des feuilles, l'ap- 
propriation des vases qui les contiennent, la propreté 
des ustensiles de toute nature employés dans la fa- 
brication, toutes les précautions auxquelles on a recours 
dans une expérience rigoureuse portant sur de petites 
quantités de matières. Au contraire, dans les expé- 
riences précises que nous avons citées, on a eu soin 
d'écarter toute complication et toute cause d'erreur de 
manière à pouvoir arriver à des conclusions tout à fait 
rigoureuses. 

Ici nous devons avoir recours, pour expliquer l'appa- 
rition des phénomènes de fermentation, à l'intervention 
de l'air qui transporte et charrie des germes de toute 
nature enlevés aux corps sur lesquels ils ont pris 
naissance et cette explication devient toute naturelle si 
l'on songe à la dissémination que doivent présenter les 
germes de levûre alcoolique. Il suffit en effet de réflé- 
chir aux circonstances si multipliées dans lesquelles ces 
levures sont utilisées dans les grandes industries, dans 
une foule d'établissements plus modestes et aussi dans 
ces manipulations nombreuses qui s'exécutent partout 
d'une manière incessante sur des liqueurs qui ont subi 
la fermentation alcoolique et avec des vases de toute 
dimension, de toute nature qui ont renfermé ces li- 
queurs. L'usage journalier et si répandu de ces liqueurs 
et en particulier du vin, de la bière ainsi que des 
liquides qui les remplacent dans d'autres pays, nous 
démontre également cette diffusion ; et si nous avions 
besoin d'ajouter quelque chose à ces preuves de dissé- 
mination nous citerions une autre variété de la fermen- 



ORIGINE DU FERMENT. 



145 



tation alcoolique dont nous n'avons pas encore parlé, 
celle qui accompagne la fabrication du pain (1). 

On voit donc qu'au point de vue de la diffusion, à 
la surface du globe et surtout dans le voisinage des 
lieux habités, il n'est peut-être pas de germes dont les 
conditions de dissémination soient plus multipliées et 
plus générales que celles existant pour les spores qui 
donnent naissance aux levures alcooliques, et par con- 
séquent il n'est pas étonnant que leur apparition ait 
lieu si facilement et d'une manière aussi certaine dès 
qu'il se présente un milieu convenable pour les re- 
cevoir. 

Mais si cette diffusion rend compte des phénomènes 
observés dans certaines circonstances particulières, 
n'oublions pas que, pour le cas le plus général de la fer- 
mentation vineuse, le seul qui doive nous intéresser, la 
nature a tout préparé afin d'en assurer le développe- 
ment, aussitôt que la maturation du raisin a placé les 
éléments qu'il contient dans les conditions favorables à 
son accomplissement. Les grains du raisin mûr, les 
pédoncules et les rameaux qui servent h constituer la 
grappe, portent donc, à côté des germes d'autres moisis- 
sures, des spores de levure alcoolique, et si nous voyons 
trop souvent, lorsqu'une température chaude et humide 

(1) Engel a montré que la fermentation alcoolique dans la 
fabrication du pain était produite par une espèce particulière 
de Saccharouryces, bien caractérisée et bien distincte, donnant 
des spores dont le mode de germination est tout-à-fait analogue 
à celui des spores de la levûre de bière; il a donné à cette 
espèce le nom de Saccharomyces minor, à cause de la faible 
dimension de ses cellules, comparées à celles du S. cerevisiaî. 

9 



146 ŒNOLOGIE. 

fait éclater les grumes, ces moisissures les envahir 
et déterminer par leur développement rapide les phé- 
nomènes de pourriture qui désorganisent la pulpe et 
la détruisent, les levûres alcooliques doivent y produire 
en même temps cette altération particulière qui consti- 
tue la fermentation, mais celle-ci ne se manifeste alors 
qu'en très petite proportion, et ses effets sont bientôt 
masqués , étouffés et dénaturés par le développement 
des moisissures à végétation aérienne. 

Le point important, qui ressort de toute cette discus- 
sion, c'est que si le jus du raisin contient la matière fer- 
mentescible, le ferment est fourni par des végétations 
microscopiques dont on trouve les germes à la surface 
des différents organes des grappes de raisin arrivées à 
maturité. Le mode suivi pour la pratique de la fermen- 
tation vineuse dans les vignobles est donc ainsi pleine- 
ment justifié, et l'apparition des cellules de ferments 
qui paraissaient tout d'abord naître spontanément, se 
trouve complètement expliquée, elle a lieu naturelle- 
ment dans des conditions semblables à celles qui pré- 
sident à la production des autres végétations crypto- 
gamiques. 

Le raisin arrivé à sa maturité nous offre tout ce qui 
est nécessaire pour le développement de la fermentation 
alcoolique ; il y a dans le jus que les grumes contiennent, 
de l'eau, du sucre, des" matières azotées, des phosphates 
et à la surface des grumes se trouvent des spores pou- 
vant donner naissance à la levûre. 

L'écrasement des grumes qui précède ou accompagne 
la mise en cuve, a pour premier résultat de mélanger 



ORIGINE DU FERMENT. 14/ 

le jus de ces différentes grumes, de plus il détermine 
l'imprégnation de ce jus par les spores qui existaient à 
l'extérieur du raisin, sur l'épiderme des grumes et sur 
les pédoncules. 

Cette imprégnation a encore un autre résultat, c'est 
de soustraire les spores non susceptibles de donner 
naissance à des cellules de levure, à Faction de l'air, et 
d'empêcher ainsi le développement des moisissures qui 
déterminent la pourriture. 

Les germes de levûre, se trouvant dans des conditions 
favorables à cette végétation spéciale qui caractérise la 
fermentation alcoolique, ne tardent pas à se transfor- 
mer en cellules qui bourgeonnent et se multiplient 
rapidement, si les conditions de température sont rem- 
plies, c'est-à-dire si la température du milieu est de 
15 à 20°, et bientôt sous l'influence de cette action, la 
température s'élèvera dans le milieu. 

On comprend également pourquoi la fermentation se 
manifeste par centres isolés, par places circonscrites 
qui vont en s'élargissant et finissent par se réunir et par 
envahir la masse entière. 

En effet, lorsque cette masse est bien mélangée , et 
encore au repos, dès qu'une spore se trouve en état de 
végéter, de germer pour ainsi dire, elle se développe, 
la levûre qui en résulte se multiplie en ce point et 
s'étend de proche en proche dans le liquide, en for- 
mant autour du point de départ une sphère d'activité 
qui grandit et rejoint bientôt les parties actives pro- 
venant d'autres centres analogues, jusqu'à ce que le 
phénomène s'accomplisse généralement dans toute la 



i 



148 ŒNOLOGIE. 

masse. Aussi, lorsqu'on suit la marche de la fermenta- 
tion dans une cuve, on voit les bulles d'acide carbonique 
venir former en certains points des jets d'écume, et ce 
n'est que lorsque l'action est généralisée que ces îlots 
d'écume se réunissent et recouvrent toute la surface. 

L'acide carbonique, produit dès le commencement de 
la fermentation, sature d'abord le liquide, puis se dé- 
gage ; par sa présence il empêche complètement le 
développement des autres moisissures, et dès lors la 
seule action possible dans cette opération est la fer- 
mentation proprement dite, dont nous avons fait con- 
naître les résultats. 

A l'origine de cette fermentation , l'air se trouve en 
contact avec les grumes et avec le jus qui est exprimé 
par leur écrasement ; une petite quantité de cet air, et 
par conséquent d'oxygène, va donc se dissoudre dans 
le liquide et restera sous forme de bulles dans les in- 
terstices de la masse. Une partie de ce gaz est absorbée 
par la substance propre de la pulpe, comme suite aux 
phénomènes qui se produisaient lorsque les grumes 
étaient intactes et baignaient dans l'air. Nous verrons 
bientôt que cet air joue également un rôle important 
pour le développement des spores de la levûre. Mais on 
comprend qu'en admettant qu'il reste encore dans la 
cuve de l'oxygène libre lorsque les résultats de la fer- 
mentation commenceront à se manifester, le dégage- 
ment d'acide carbonique l'aura bientôt chassé, et la 
fermentation, dans la masse de la vendange sinon à la 
surface , continuera à s'accomplir à l'abri de l'air et 
par suite de l'oxygène. 



ORIGINE DU FERMENT. 149 

Les fermentations industrielles, celle qui donne nais- 
sance h la bière, celle qui détermine la production de 
l'alcool dans les distilleries avec le jus des betteraves 
ou les liqueurs provenant de la saccharification des 
matières amylacées, nous apparaissent dès lors avec 
leur véritable caractère. Il faut dans ces réactions deux 
choses, le milieu fermentescible et la levûre provenant 
d'opérations antérieures, à moins que les germes de 
levûre ne soient apportés par l'air. 

C'est, du reste, cette dernière influence qui a dû 
servir, dans l'origine, pour provoquer les premières 
fermentations de ce genre, alors que l'on ne connais- 
sait pas encore la possibilité de conserver le ferment 
produit pour l'employer dans de nouvelles réac- 
tions. 

L'introduction de la levûre constitue donc un véritable 
ensemencement, dans un sol convenablement préparé, 
de cellules vivantes qui se multiplient et se repro- 
duisent, et, lorsque ce sol particulier est épuisé par 
cette végétation, les cellules se séparent, elles sont 
mises de côté, et les substances qu'elles ont répandues 
dans le sol où elles ont vécu sont utilisées comme pro- 
duits et conséquence de la fermentation, c'est-à-dire 
de la vie des cellules. 

Dans la fermentation vineuse, l'ensemencement se 
fait naturellement, par suite de l'existence des spores 
de levûre alcoolique à la surface extérieure des grumes 
et de leur dissémination dans le milieu fermentescible 
qui est constitué par le moût du raisin. Le foulage 
ou l'écrasement des raisins amène ce résultat, et ces 



150 ŒNOLOGIE. 

réflexions nous montrent toute l'utilité et même la 
nécessité de cette opération. 

On comprend, en effet, que le jus de toutes les 
grumes non écrasées ne pourra entrer en fermentation 
régulière avec le reste du liquide, et si ce jus éprouve, 
comme nous le verrons bientôt, une modification par 
suite des conditions où il se trouve placé , cette action 
est due à une tout autre cause, et présente un caractère 
tout-à-fait différent. 

Lorsque le moût est séparé par la pression aussitôt 
après la vendange et isolé de la grappe et des autres 
parties solides du raisin, ce liquide doit entraîner avec 
lui une quantité suffisante des spores qui existaient à la 
surface des grumes , ces spores restent mélangées au 
liquide et s'y développent naturellement lorsque celui-ci 
est mis dans les tonneaux, en présentant les mêmes 
phénomènes que ceux observés dans les cuves. 



CHAPITRE IX 



INFLUENCE DES AGENTS PHYSIQUES 
ET DES COMPOSÉS CHIMIQUES 
SUR LA FERMENTATION 

Les fermentations étant le résultat de l'action d'un 
être organisé et vivant, on doit s'attendre à voir ces 
phénomènes soumis aux influences qui agissent ordi- 
nairement sur les fonctions vitales pour les suspendre, 
les arrêter ou en modifier les manifestations. 

On connaît depuis longtemps un grand nombre de 
faits qui justifient cette observation, notamment pour 
ce qui regarde spécialement la fermentation alcoolique 
et dans les manipulations pratiquées sur les vins, on a 
souvent utilisé les conséquences qui en résultent pour 
changer les conditions de leur préparation ou assurer 
leur conservation. 

Nous nous proposons d'examiner les circonstances les 
plus remarquables de ces actions diverses, afin de pouvoir 
donner une explication rationnelle des applications que 
l'usage a souvent consacrées, sans qu'on se soit toujours 
bien rendu compte de leur nature et des causes de leur 



152 ŒNOLOGIE. 

efficacité. Nous y trouverons du reste une confirmation 
nouvelle des idées théoriques que nous avons déve- 
loppées. 

Tous les êtres vivants sont soumis à l'influence de la 
température ambiante, et beaucoup ne peuvent accom- 
plir leurs fonctions que dans un certain intervalle 
thermométrique qu'il a été facile de préciser. 

La température la plus favorable à l'accomplissement 
des phénomènes de la vie dans les ferments alcooliques 
est de 25 à 30° ; les limites extrêmes entre lesquelles 
ils peuvent se manifester sont 3° et 35°. 

Ces ferments peuvent vivre à une température plus 
élevée et nous avons vu précédemment qu'on avait sou- 
vent constaté dans les cuves une élévation de tempéra- 
ture de 40°. Mais au-delà, les conditions paraissent 
moins favorables, et plusieurs auteurs ont pensé que la 
levure perdait complètement sa vitalité à une tempé- 
rature d'environ 60°. Il s'agit bien entendu de la levure 
humide, c'est-à-dire dans l'état où on l'emploie pour 
manifester son action. 

Gomme cela a été constaté pour beaucoup d'êtres très 
différents, la levûre desséchée avec précaution et à une 
température basse peut être ensuite portée à 100°, 
sans qu'elle perde son activité ; ramenée lentement à 
une température convenable et placée dans un milieu 
fermentescible, elle y produira tous les phénomènes de 
la fermentation. 

Il existe également une limite inférieure de tempéra- 
ture au dessous de laquelle la levûre devient inerte. 



INFLUENCE DE LA. TEMPÉRATURE 153 

On admet généralement, et l'expérience confirme 
tout à fait cette indication, que la fermentation alcoolique 
n'a Heu d'une manière régulière et dans les conditions 
normales qu'à partir de 8 à 10°, au-dessous elle ne se 
manifeste que faiblement. 

Le ferment peut cependant être porté à une tempéra- . 
ture beaucoup plus basse, et même au dessous de zéro, 
sans que sa vitalité soit détruite, mais ici comme dans 
le cas des températures élevées, il faut que le refroidis- 
sement soit produit avec beaucoup de lenteur et que 
l'on procède également d'une manière lente et progres- 
sive au réchauffement. 

Nous n'avons pas besoin d'insister pour montrer com- 
bien tous ces faits sont d'accord avec ceux que nous 
offrent toutes les plantes et les tissus végétaux dans leur 
manière de se comporter en présence des variations de 
température auxquelles on peut les soumettre. 

Comme conséquence pratique des indications qui 
précèdent, nous rappellerons que si on fait bouillir une 
liqueur contenant tous les éléments nécessaires pour 
l'établissement d'une fermentation régulière, celle-ci sera 
suspendue et ne se rétablira pas par suite du refroidis- 
sement du liquide. Il faudra de toute nécessité, pour 
que la fermentation se produise dans ce milieu, qu'on 
y introduise une nouvelle quantité de levure vivante. 

Cette influence de la température est la base des pro- 
cédés de conservation désignés sous le nom de procé- 
dés Appert, du nom de leur inventeur, et appliqués, 
dans l'industrie et dans l'économie domestique, à la 
conservation des liquides fermentescibles et à celle 

9. 



154 ŒNOLOGIE. 

d'une foule de matières organisées végétales ou ani- 
males. 

La température de l'ébullition de l'eau, facile à obte- 
nir et à régulariser, est "employée le plus ordinairement 
pour produire cette action, et l'expérience a montré 
qu'elle était suffisante dans la plupart des cas, seule- 
ment la durée de son application doit varier suivant la 
nature des substances qu'il s'agit de conserver. 

On observe cependant que cette température n'est 
pas suffisante pour les liquides à réaction neutre ou 
légèrement alcaline, elle donne au contraire de très 
bons résultats pour les liqueurs acides. 

Mais on comprend parfaitement que cette élévation 
de température de 100° ne sera pas toujours nécessaire. 
Supposons en effet qu'il s'agisse d'un liquide renfermant 
certaines substances, des acides, par exemple, capables 
de détruire et de désorganiser à une température plus 
basse les ferments ou leurs germes qui existent dans ce 
liquide. 11 suffira dès lors de porter ce liquide à la tem- 
pérature à laquelle cette action se manifeste et, dans ce 
cas, le milieu pourra être rendu inaltérable par voie de 
fermentation quoiqu'il ait été seulement porté à une 
température de 55 à 60°, et même quelquefois à une 
température un peu plus basse. 

Ces réflexions nous permettent de nous rendre 
compte de l'efficacité des procédés de chauffage préco- 
nisés par M. Pasteur pour assurer la conservation des 
vins, c'est-à-dire pour les préserver des fermentations 
ultérieures, causes de leurs maladies et de leurs alté- 
rations. 



INFLUENCE DES AGENTS PHYSIQUES 155 

On voit ainsi que tous les liquides qui contiennent des 
germes susceptibles de les décomposer, en s'y dévelop- 
pant, pourront être conservés par l'emploi de ce pro- 
cédé, pourvu qu'après avoir détruit par le chauffage les 
ferments préexistants, on empêche le retour d'autres 
germes pouvant produire les mêmes effets. 

On pourra conserver par ce moyen du moût de raisin, 
et empêcher sa fermentation ; de la même manière on 
assurera la conservation des vins tout faits en s'op- 
posait à la production de fermentations ultérieures. 

L'opération inverse est également possible et devra 
donner les mêmes résultats. Si on refroidit à une tem- 
pérature très basse un liquide contenant des germes 
d'altération, la vitalité de ces germes sera détruite et ce 
liquide sera susceptible d'une conservation indéfinie, si 
l'on a pu le soustraire à l'introduction des ferments 
dont la présence rendrait possible l'apparition d'une 
nouvelle fermentation. 

On a souvent parlé de l'influence de l'état électrique 
de l'air sur les fermentations et il était important de 
reconnaître si l'électricité exerçait une action sur la 
vitalité de la levûre et l'énergie de ses manifestations. 

M. Dumas, clans ses recherches sur la fermentation 
alcoolique publiées en 1872, et sur lesquelles nous aurons 
à revenir dans la suite de cette étude, a démontré 
qu'une série d'étincelles d'une puissante machine de 
Holtz, et aussi les étincelles obtenues à l'aide d'une 
forte machine de Ruhmkorff ne modifiaient en rien l'ac- 
tivité de la levûre de bière. 



156 ŒNOLOGIE. 

La levure était délayée dans l'eau et on a fait passer 
dans cette eau pendant une demie heure les étincelles 
de ces deux machines. La machine de Holtz employée 
fournissait pendant ce temps cinq à six mille étincelles 
de 2 ou 3 décimètres de longueur quand elles éclataient 
à l'air libre. 

La lumière a une influence favorable sur la marche 
des fermentations, au contraire ces sortes d'opérations 
se développent plus lentement dans l'obscurité. 

L'influence de la pression est également sensible, on 
diminue l'activité de la fermentation par une augmen- 
tation de pression, tout aussi bien qu'en faisant le vide 
au dessus des milieux fermentescibles. 

Dans le but de combattre certaines théories de la 
fermentation dont nous aurons à nous occuper bientôt, 
M. Dumas a établi par des expériences directes, que le 
mouvement de la fermentation ne pouvait se commu- 
niquer à distance et que des ébranlements extérieurs, 
tels que des vibrations sonores, n'exerçaient aucune 
influence sur ce mouvement. 

Une autre série d'influences, tout aussi intéressante à 
examiner, comprend l'action des produits chimiques, 
corps simples et corps composés, sur la levure et sur 
la marche de la fermentation qu'elle produit. 

On sait, en effet, que plusieurs substances mêlées à 
un liquide fermentescible peuvent tuer le ferment ou 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES lo7 

empêcher le développement de ses germes, et, de ces 
deux façons, arrêter toute fermentation. 

Ces réactions ont été utilisées pour conserver les 
matières susceptibles de s'altérer par voie de fermen- 
tation. 

Quoique nous n'ayons pas l'intention d'étudier ici les 
procédés pratiques employés pour la conservation des 
liquides ou des autres substances, nous dirons d'une 
manière générale que, lorsqu'on cherche à utiliser les 
conséquences de cette action, en les appliquant à des 
substances destinées à la consommation, les matières 
employées doivent satisfaire à certaines conditions qu'il 
ne faut jamais perdre de vue. 

Il faut de toute nécessité qu'elles soient inoffensives, 
et ne communiquent au produit auquel on les mélange 
ni odeur, ni saveur désagréables. Autant que possible 
il est à désirer que ces matières puissent être facilement 
éliminées après avoir produit leur action. 

Les arrêts de fermentation déterminés par l'action 
de l'acide sulfureux nous montrent parfaitement en 
quoi consiste cette influence, et l'opération du mutage 
n'est autre chose qu'une suspension de la fermentation 
produite par l'action de l'acide sulfureux sur le fer- 
ment. Mais, sans chercher à développer ce côté pra- 
tique de la question , nous croyons utile d'examiner 
quelle est l'action des corps simples, des acides, des 
bases et des sels sur la fermentation. Les recherches 
de M. Dumas, dont nous avons déjà parlé, nous four- 
nissent sur ce point des résultats importants. 

En commençant par les corps simples, nous y trou- 



IDG ŒNOLOGIE. 

vons une élude de l'action du soufre sur la fermentation 
qui est intéressante au point de vue de la vinification, 
car souvent, par suite de l'emploi de ce corps comme 
remède contre l'oïdium, il existe en certaine quantité 
dans les cuves pendant la fermentation vineuse. 

M. Dumas a reconnu que toutes les fois qu'on mêle 
à la levûre de bière du soufre en fleur, on voit appa- 
raître, avec l'acide carbonique produit par la fermenta- 
tion, quelques centièmes d'hydrogène sulfuré exhalant 
l'odeur d'oignon. La présence du soufre n'entrave pas 
sensiblement la marche de la fermentation, même 
quand sa proportion est égale à celle de la levûre 
supposée sèche. 

L'hydrogène sulfuré se manifeste dès l'apparition 
des premières bulles de gaz, le soufre par conséquent 
s'associe dès l'origine aux réactions du ferment. 

Le même effet se produit lorsqu'on mêle du soufre 
à une cuve de raisins ou que l'on introduit dans cette 
cuve des raisins qui ont été soufrés peu de temps avant 
la récolte et qui ont conservé sur leur surface quelques 
parcelles de soufre libre. 

L'action des acides sur la fermentation varie suivant 
leur proportion; les acides très étendus ne changent 
pas le pouvoir de la levûre, mais, s'ils sont ajoutés à 
dose élevée, ils le détruisent complètement. 

La levûre cle bière possède toujours une réaction 
acide, et il est facile de déterminer l'équivalent du titre 
acide de cette levûre normale. Cet état a servi de point 
de départ, et on a successivement ajouté à des fermen- 
tations régulières des proportions d'acide cle plus en 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES 159 

plus grandes pour comparer les effets obtenus dans 

chacun des cas. 

On reconnaît qu'à faible dose l'addition des acides 
n'exerce aucune influence, mais si on ajoute en acide 
nouveau, 100 fois l'équivalent de l'acide que contient 
la levure, la fermentation ne se manifeste plus. Cepen- 
dant, avec cette proportion, l'acide tartrique ne la 
supprime pas complètement, il a fallu 200 équivalents 
de ce dernier pour l'arrêter. 

Avec 10 équivalents d'acide, la fermentation se ma- 
nifeste, seulement elle devient tramante et s'arrête 
lorsqu'il reste encore dans le liquide de grandes quan- 
tités de sucre à l'état interverti. 

Comme il existe dans tous les moûts de raisin de 
l'acide tartrique libre ou à l'état de bitartrate de potasse, 
ainsi que d'autres acides, ces observations sont impor- 
tantes pour l'étude de la marche de la fermentation 
vineuse, suivant les proportions de ces acides. 

Aussi, nous croyons devoir reproduire le tableau 
suivant donné par M. Dumas et présentant les résultats 
de six expériences ayant porté sur les mêmes sub- 
stances, mélangées dans les mêmes proportions, et 
auxquelles on avait ajouté des quantités diverses d'acide 
sulfurique et d'acide tartrique. 

Le mélange normal était formé de 5 grammes de 
levure, 10 grammes de sucre et 25 grammes d'eau. 

Les six autres flacons contenaient les mêmes quan- 
tités de ces matières, de plus on avait ajouté à chacun 
d'eux des proportions variables d'acide sulfurique ou 
d'acide tartrique représentant 1 fois, 10 fois et 100 fois 
les quantités d'acide contenues dans la levure. 



160 



ŒNOLOGIE. 



ACIDE TARTRIQUE AJOUTÉ 


l 

o 

tC3 
CM 
bD 
<M 


fermentation 
ext*. faible, 

id. 

ne fermente 
plus, 
le sucre 
estinterverti. 


1 m 

/ cm 
( «M 
\ 0 


fermentation 
très faible, 

id. 
id. 


f 

CM 
6N 
O 
60 
O 


fermentation 
faible, 

id. 
id. 


ACIDE SULFURIQUE AJOUTÉ 


O 

bo 


pas de 
fermentation 

id. 

id. 

le sucre 
estinterverti. 


o 

îO 
Ci 


fermentation 
très faible, 

id. 

ne fermente 
plus, 
le sucre 
estinterverti. 


<o 

tJD 

o 


fermentation 
faible, 

fermentation 
id. 


MÉLANGE 

NORMAL 


fermentation 
vive, 

fermente 
encore, 

id. 


DATE 
de 

l'obserration* 


t .! .1 

Isa 

CM QO 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES 161 

L'aspect du tableau montre suffisamment l'influence 
de ces proportions d'acide sur les diverses opérations, 
et confirme les conclusions que nous avons précédem- 
ment énoncées. 

L'action des bases va également nous offrir des ré- 
sultats intéressants. M. Dumas a étudié la manière 
d'agir de la soude, de la potasse et de l'ammoniaque, 
l'influence a été la même, voici ce qui a été constaté 
pour l'ammoniaque. 

Les quantités d'ammoniaque ajoutées aux liquides 
en fermentation ont varié depuis 1 fois jusqu'à 24 fois 
l'équivalent de l'acide contenu dans la levure. 

Lorsque le liquide en expérience ne contient que 4 
fois autant d'ammoniaque qu'en exige la saturation de 
l'acide de lalevûre, la fermentation se manifeste pres- 
que aussi vite et marche presque aussi rapidement, au 
moins le premier jour, que dans les conditions nor- 
males. 

Si la dose d'ammoniaque s'élève à 8 et même à 16 
fois cette quantité , la fermentation se déclare plus 
lentement, mais après six heures, elle se manifeste 
et suit son cours. 

Quant au vase qui a reçu une quantité d'ammoniaque 
équivalant à 24 fois l'acide de la levûre, il n'a donné 
aucun signe de fermentation. 
Dans les premiers essais, on a reconnu que lalevûre 
' déposée au fond des vases avait, après quelques heures, 
repris son acidité ; dès le lendemain la liqueur elle- 
même était devenue acide d'une manière très marquée 
dans ceux qui contenaient 4, 2 et 3 fois la quantité 



162 ŒNOLOGIE. 

d'ammoniaque nécessaire à la saturation de l'acidité 
normale de la levure et légèrement acide dans le vase 
où la dose de cet alcali était portée jusqu'à 4 fois. 

Au delà de cette dose, les fermentations ont été très 
incomplètes; elles se sont terminées lorsqu'il restait 
encore beaucoup de sucre dans les liqueurs. 

M. Dumas en conclut que la levûre jouit du pouvoir 
de produire ou d'exhaler un acide qui neutralise les 
bases en contact avec elle, mais que ce pouvoir est 
limité. 

La même observation a été faite avec l'eau de chaux ; 
si on ajoute celle-ci en quantité égale à celle qu'exige la 
saturation de l'acide normal de la levûre, la fermenta- 
tion est à peine retardée et bientôt elle reprend sa 
marche ordinaire. 

Si au contraire on ajoute de la chaux éteinte ou de 
la magnésie calcinée en quantité égale à la moitié 
du poids de la levûre, il n'y aura pas de fermentation. 
Cette circonstance explique l'emploi de la chaux dans 
certains procédés industriels pour assurer la conserva- 
tion du sucre. 

Les expériences plus récentes que nous avons pré- 
cédemment décrites sur la formation de l'acide acé- 
tique sous l'influence de la décomposition de la levûre 
nous permettent d'expliquer ces phénomènes et de nous 
en rendre compte. 

En résumé on peut dire que les alcalis tendent à 
arrêter la fermen(ation, mais ne la suppriment qu'au- 
tant que leur dose est assez forte. 

M. Dumas a complété cette étude par l'examen de Tin- 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES 163 

fluence d'un certain nombre de sels sur l'activité de la 
levûre et sur les phénomènes de. la fermentation. 

Le carbonate de soude ajouté dans la proportion de 
10 grammes de ce sel pour 10 gr. de levûre dans 200 cc 
d'eau sucrée au dixième, n'a pas empêché la fermenta- 
tion; celle-ci a été terminée le quatrième jour et la 
liqueur ne contenait plus de sucre. Le sucre a fourni 6 
ou 7 fois la quantité d'acide carbonique nécessaire pour 
transformer le carbonate en bicarbonate et ce sel, une 
fois formé, n'a plus gêné la fermentation. 

Mais si, avec les mêmes doses que précédemment 
pour la levûre et le sucre, on ajoute 70 gr. de carbonate 
de soude, il n'y a pas de fermentation même après 
quatre jours et le liquide ne renferme pas trace de 
sucre interverti, tout le sucre de canne employé garde 
son état normal. Cependant dans ce cas, si la fermenta- 
tion avait eu lieu, tout le carbonate de soude aurait pu 
être converti en bicarbonate. Les carbonates alcalins 
peuvent donc empêcher la fermentation, mais seulement 
à dose très élevée. 

Quant aux carbonates terreux, ils n'empêchent pas 
la fermentation et il est facile d'expliquer ce qui se 
passe. 

Si l'on ajoute au liquide préparé pour la fermenta- 
tion, du sous-carbonate de magnésie, sel insoluble, 
mais capable de s'unira l'acide carbonique pour former 
un bicarbonate soluble, la fermentation s'effectue et il 
ne se dégage rien. 

La liqueur filtrée après la fermentation se trouble 
par lebullition; il se dégage de l'acide carbonique, et 



164 ŒNOLOGIE. 

il se produit un dépôt abondant de carbonate de magné- 
sie hydraté. 
La craie se comporte de la même manière. 
Quant aux autres sels leur action sur la levûre est 
très variable, et il est facile de l'étudier en délayant 
celle-ci dans les diverses solutions salines saturées; 
voici les faits constatés : 

Lorsque la levûre fraîche est délayée dans l'eau, elle 
ne perd aucun de ses caractères, reste en suspension 
dans le liquide et ne s'en sépare plus qu'avec lenteur. 

Si on remplace l'eau par une dissolution saline satu- 
rée, il peut arriver que la levûre présente exactement 
les mêmes phénomènes, et qu'elle agisse ultérieure- 
ment sur le sucre avec la même énergie que si elle avait 
été simplement délayée avec de l'eau. 

Dans d'autres cas, elle se contracte, se sépare plus 
promptement du liquide et ensuite ne produit sur 
le sucre aucune apparence de fermentation, quoiqu'elle 
en détermine l'interversion. 

D'autres fois elle se contracte, se sépare lentement de 
l'eau et demeure à la fois, impropre à déterminer la 
fermentation du sucre ou son interversion. 

Elle peut aussi se précipiter tout à coup au fond du 
liquide, comme le ferait un sable fin, et produire un dé- 
pôt qui prend l'aspect de la fécule rassemblée sous l'eau 
et qui crie comme elle sous le doigt. 

Enfin il arrive qu'elle caillebotte et se prend en gru- 
meaux cohérents qui se laissent difficilement écraser 
entre deux plaques de verre. 

Le sel qui respecte le mieux toutes les propriétés de 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES 165 

la levûre est le phosphate de soude ; une dissolution 
saturée n'en modifie pas l'apparence. Après trois jours 
de contact, si l'on ajoute une dissolution sucrée à ce 
mélange, la fermentation s'établit bientôt et suit sa 
marche comme si on avait opéré dans l'eau. 

Le sulfate de soude produit les mêmes effets, cepen- 
dant la fermentation tarde un peu à s'établir et marche 
avec un peu plus de lenteur. 

Les nitrates de soude et de potasse, le sel marin et 
le sel ammoniac, le sulfate d'ammoniaque, le sel de Sei- 
guette et l'acétate de potasse, après trois jours de con- 
tact de leur dissolution saturée avec la levûre, l'ont plus 
ou moins contractée. La contraction a paru surtout 
marquée dans le sel marin et dans le sulfate d'ammo- 
niaque. 

Le silicate depotasse,le stannate de soude et le borate 
de soude coagulent la levûre et lui font prendre immé- 
diatement l'aspect grumeleux du caséum coagulé ou du 
chlorure d'argent floconneux. 

L'action réductrice de la levûre se manifeste très 
vile sur les dépôts qu'elle forme dans une dissolution de 
molybdates ou de tungstates alcalins ; ils passent au 
bleu en quelques heures. 

En cherchant à expliquer le phénomène de la fer- 
mentation , nous avons dit que la dissolution sucrée 
devait passer dans les cellules de la levûre par voie 
d'endosmose, et que les produits résultant de la dé- 
composition du sucre devaient également revenir dans 
le liquide par une action inverse. 

M. Dumas dans ses observations sur l'action des sels 



166 ŒNOLOGIE. 

a constaté des phénomènes d'endosmose et d'exosmose 
qui jettent une grande lumière sur les fonctions de la 
levûre. 

« Qu'on place delà levûre de bière fraîche dans une 
dissolution saturée à froid de tartrate neutre de potasse, 
et l'on n'apercevra pas de changement ; qu'on soumette 
ensuite cette levûre, séparée de la dissolution saline, 
à l'action de l'eau sucrée, la fermentation s'établira 
presque instantanément et suivra son cours avec rapi- 
dité. Cependant le liquide dans lequel la fermentation 
s'est opérée présentera tous les caractères d'une disso- 
lution d'albumine ordinaire: coagulation par la chaleur, 
par l'acide nitrique, par l'alcool. Le coagulum albumi- 
neux sera blanc et pur, comme si la levûre de bière 
avait été frappée d'albuminurie par la présence du tar- 
trate neutre de potasse, le seul sel qui produit ce sin- 
gulier effet. 

« L'expérience n'offre rien de pareil, il convient de 
le remarquer, lorsqu'on met en présence à la fois, le 
tartrate de potasse, la levûre de bière, le sucre et l'eau; 
il faut donc en conclure que cette exsudation d'albu- 
mine est due au double mouvement résultant : 1° de 
l'absorption par les cellules du liquide salin , 2° du 
remplacement de ce liquide salin par le liquide sucré. 
Si, en abandonnant les cellules, le tartrate de potasse 
n'avait pas entraîné avec lui l'albumine qu'elles con- 
tiennent, on n'aurait rien aperçu et l'existence de ce 
double mouvement aurait échappé à l'observation. » 

Pour étudier l'influence des sels, ainsi mis en contact 
avec la levûre, sur la fermentation, M. Dumas a pré- 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES. 167 

paré, à l'abri de Faction des poussières de l'air, des so- 
lutions saturées à froid de chacun des sels. Ces solu- 
tions sont mélangées avec la levure dans les pro- 
portions de 30 ou 40 grammes pour un gramme de 
levûre. Après trois jours de contact, on décante la dis- 
solution saline et on la remplace par une solution de 
sucre pur, au dixième. 

Les expériences ont porté sur une cinquantaine de 
sels qui ont été classés dans les quatre catégories sui- 
vantes d'après les résultats obtenus dans des conditions 
absolument identiques et conformes aux indications 
que nous venons d'énoncer : 

1° Sels permettant la fermentation totale du sucre, 
plus ou moins rapide : 

Sulfate de potasse. 
Chlorure de potassium. 
Phosphate de potasse. 
Sulfovinate de potasse. 
Sulfométhylate de potasse. 
Hyposulfate de potasse. 
Hyposulfite de chaux. 
Formiate de potasse. 
Tartrate de potasse. 
Bitartrate de potasse. 
Sulfocyanure de potassium. 
Cyanoferrure de potassium, 
Cyanoferride de potassium. 
Phosphate de soude. 



168 ŒNOLOGIE. 

Sulfate de soude. 
Bisulfate de soude. 
Pyrophosphate de soucie. 
Lactate de soude. 
Phosphate d'ammoniaque. 
Sulfate de chaux. 
Chlorure de strontium. 
Alun. 

Sulfate de zinc. 
Sulfate de cuivre à 

40000 

2° Sels ne permettant qu'une fermentation du sucre 
partielle et plus ou moins ralentie : 

Bisulfite de potasse. 

Nitrate de potasse. 

Butyrate de potasse. 

Iodure de potassium. 

Arséniate de potasse. 

Sulfite de soude. 

Hyposulfite de soude. 

Hyposulfite de potasse. 

Borax. 

Savon blanc. 

Nitrate d'ammoniaque. 

Tartrate d'ammoniaque. 

Sel de Seignette. 

Chlorure de baryum. 

Protosulfate de fer à 

Protosulfate de manganèse à ^* 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES. 169 

3° Sels permettant une interversion plus ou moins 
avancée du sucre, sans fermentation : 

Azotite de potasse. 
Ghromate de potasse. 
Bichromate de potasse. 
Nitrate de soude. 
Sel marin. 
Acétate de soude. 
Chlorhydrate d'ammoniaque. 
Cyanure de mercure. 

4° Sels ne permettant ni interversion du sucre, ni 
fermentation : 

Acétate de potasse. 
Cyanure de potassium. 
Monosulfure de sodium. 

Ainsi, parmi les sels que nous venons de citer, il en 
est qui laissent la fermentation suivre son cours ordi- 
dinaire; d'autres la retardent et la rendent incomplète, 
le phénomène s'arrêtant lorsque la liqueur renferme 
encore beaucoup de sucre interverti; d'autres ne lui 
permettent pas de s'établir, quoique le sucre ait été 
partiellement interverti ; d'autres, enfin , non-seule- 
ment ne permettent pas à la fermentation de s'établir, 
mais s'opposent même à l'interversion du sucre. 

M. Dumas signale particulièrement le bitartrate de 
potasse comme favorisant jusqu'à un certain point la 
fermentation ; il insiste également sur l'influence des 
combinaisons sulfurées. 

10 



170 ŒNOLOGIE. 

Nous avons déjà fait connaître l'action du soufre qui 
fournit de l'hydrogène sulfuré en présence d'un liquide 
en fermentation par suite de l'action réductrice ou hy- 
drogénante de la levûre. 

Les sulfite et hyposulfite de soude, le sulfocyanure de 
potassium fournissent, par une fermentation qui tantôt 
s'arrête en chemin, tantôt se poursuit jusqu'à son 
terme naturel, une liqueur alcoolique contenant de 
l'aldéhyde. 

Avec l'hyposulfite de potasse, pendant tout le cours 
delà fermentation, il se dégage de l'hydrogène sulfuré 
mêlé à l'acide carbonique, phénomène que les sels pré- 
cédents ne présentent pas et le produit qui accompagne 
l'alcool à la distillation exhale l'odeur d'ail. 

Les sulfates ne produisent rien de semblable. 

On comprend facilement tout l'intérêt que présente- 
rait une étude semblable à la précédente dans laquelle 
on examinerait l'influence que peuvent avoir sur la 
levûre et sur la fermentation qu'elle détermine les 
substances que l'on désigne ordinairement sous le 
nom de substances organiques. Nous trouvons quel- 
ques observations sur ce sujet dans un mémoire de 
Liebig communiqué à l'Académie de Bavière en 1869. 

Dans ces expériences [on employait 5 gr. de sucre, 
autant de levûre de bière lavée et pure et on y mettait 
assez de liquide pour faire un mélange de 100 cC . 

Les substances essayées étaient ajoutées à ce mé. 
lange et on étudiait leur action en la comparant au ré- 
sultat obtenu avec un mélange resté sans addition, et 
servant de témoin. 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES. 171 

Les expériences ont porté sur le chloroforme, la 
quinine, la nicotine, la strychnine et l'acide cyanhy- 
drique ou prussique. 

Le chloroforme ralentit fortement la fermentation ; 
l'action de ce corps sur la levure est très énergique. 
Quelques gouttes introduites dans 100 cc de mélange 
fermentescible empêchent toute fermentation. 

La quinine ralentit également la fermentation lors- 
qu'on l'emploie en très faible proportion, et elle l'arrête 
complètement si la proportion ajoutée est plus grande. 
En ajoutant 0 gr. 2 de sulfate de quinine au mélange 
contenant 5 gr. de sucre on retrouve encore, après 
quarante huit heures, -4 gr. 75 de sucre tandis que les 
5 gr. étaient entièrement décomposés dans le mélange 
auquel on n'avait pas ajouté de sulfate de quinine. 

La nicotine en solution neutre parait favoriser la 
fermentation. On a employé 0 gr. 5 de chlorhydrate 
de nicotine, et après quatorze heures, le sucre décom- 
posé dans cette solution, comparé à celui du mélange 
témoin, était comme 11 : 10. La même accélération a 
été observée dans d'autres essais laissés plus longtemps 
en expérience. 

L'influence de la strychnine varie suivant la dose 
employée et aussi d'après la durée de son action. 

Un mélange auquel on avait ajouté de la strychnine 
donna dans les six premières heures bien plus de 
gaz que le mélange témoin, il écumait davantage et 
cette écume débordait par dessus le vase. 

Avec 0 gr. 01 de chlorhydrate de strychnine les 
quantités de sucre fermenté comparées à celles du té- 



172 ŒNOLOGIE. 

moin étaient après quatre heures comme 15 : 14 et 
après dix huit heures comme 24 : 24. 

Avec 0 gr. 10 du même sel, les quantités de sucre 
ont été après quatre heures comme 15 : 13, et après dix- 
huit heures comme 24 : 25.7. 

Il y a donc eu dans ces deux cas accélération au 
début et ensuite ralentissement. 

En forçant la dose, par exemple avec 0 gr. 20 de 
chlorhydrate, on obtient un ralentissement encore plus 
net, on a constaté 3 gr. 090 de sucre décomposé, alors 
que la quantité décomposée dans le mélange témoin 
s'élevait à 3 gr. 680. 

L'acide cyanhydrique ralentit et même supprime 
la fermentation à des doses excessivement faibles. 

On a employé 0 CC 3 d'acide étendu correspondant à 
0 gr. 018 d'acide anhydre, et au bout de seize heures, il 
y avait seulement 0 gr. 60 de sucre décomposé, tandis 
que dans le mélange témoin ce chiffre était de 3 gr. 40. 

Avec un peu plus d'acide on n'obtenait aucune trace 
de fermentation. 

En étudiant l'action de ce corps sur la levure on peut 
constater ce fait remarquable, c'est que de la levure 
laissée longtemps au contact d'un acide cyanhydrique 
assez fort produira une fermentation tout à fait normale 
dans l'eau sucrée, si on a soin préalablement de la dé- 
barrasser de toute trace d'acide par le lavage. 

Nous citerons également l'acide salicylique qui ,. à 
petite dose, empêche le développement de la fermen- 
tation; nous aurons, du reste, à revenir sur l'action de 
cet acide. 



INFLUENCE DES COMPOSÉS CHIMIQUES. 173 

L'ensemble de toutes ces observations nous fournit 
une nouvelle démonstration de la vérité de la théorie de 
M. Pasteur sur la vie des cellules de levûre, et nous y 
reviendrons lorsque nous examinerons les divers points 
de vue qui ont été opposés à cette théorie. 

« Les changements que les cellules de la levûre de 
bière éprouvent lorsqu'elles sont soumises à l'action 
des divers agents dont j'ai fait usage, dit M. Dumas en 
terminant son mémoire, ne peuvent guère laisser de 
doute sur le rôle de la levûre. Lorsque la fermentation 
est régulière ou même activée par l'intervention du 
bitartrate de potasse, les cellules de levûre sont nettes, 
bien circonscrites, remplies d'une matière plastique 
renfermant des corpuscules brillants très mobiles ; elles 
émettent des bourgeons nombreux. 

« La fermentation est-elle languissante, ce qui arrive 
sous l'influence des sels de fer et de manganèse, par 
exemple, les cellules de levûre paraissent contractées, 
framboisées, grenues, ridées, sans bourgeons récents. 

« La fermentation est-elle demeurée nulle, comme 
c'est le cas avec le cyanure de potassium ou avec de 
fortes doses d'acide ou d'alcali, les parois des cellules 
sont amincies, leur intérieur est diffus, les points 
brillants mobiles, et aucun bourgeon ne s'est déve- 
loppé. » 



10. 



CHAPITRE X 



THÉORIES DE LA FERMENTATION 



Dans l'exposé que nous venons de faire des phéno- 
mènes de fermentation et de leur application à la pré- 
paration du vin, nous avons admis un point de vue 
théorique dont nous avons cherché à démontrer l'exac- 
titude et par une étude d'ensemble et par la discussion 
des détails divers que nous avons eu à examiner. 

D'autres théories ont été proposées et soutenues pour 
expliquer l'origine et la nature de ces phénomènes, et 
nous sommes maintenant tout-à-fait en état de les com- 
prendre et de les discuter. 

Mais cette étude, si nous cherchions à la faire com- 
plète et si nous voulions présenter toutes les théories 
qui ont été publiées successivement sur ce sujet, nous 
entraînerait beaucoup trop loin. Nous nous contente- 
rons d'énoncer les faits les plus importants qui ont été 
récemment mis en avant et d'en examiner la valeur, 
cela nous permettra, s'il se présente quelques observa- 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 1/0 

tions qui s'y rattachent, de les signaler et d'en apprécier 
la signification et la portée. 

Dans les théories modernes sur la fermentation, nous 
trouvons deux points de vue différents : certains au- 
teurs, négligeant le côté physiologique de la question, 
considèrent la fermentation comme une action chimique 
indépendante, et dans laquelle la décomposition de la 
matière sucrée, par exemple, serait due à l'influence 
qu'exercent sur le sucre d'autres substances très alté- 
rables existant dans le liquide. 

D'autres admettent bien que la décomposition du 
sucre est la conséquence d'un phénomène physiolo- 
gique; mais ils considèrent le ferment qui détermine 
celte décomposition comme étant produit par la plante 
elle-même, dont les cellules peuvent, clans certaines 
circonstances, changer de rôle, devenir indépendantes, 
se transformer en ferments, sans qu'on ait besoin de 
faire intervenir, pour les produire, des germes exté- 
rieurs provenant de ferments ayant existé antérieu- 
rement. 

Nous examinerons successivement et très rapidement 
ces deux points de vue différents, en nous bornant à 
établir les observations qui démontrent l'insuffisance de 
ces théories et l'obligation où nous sommes, pour 
expliquer les faits, d'admettre la doctrine que nous 
avons développée. Nous verrons que cette doctrine 
peut seule nous satisfaire, lorsque nous tenons compte 
de toutes les causes d'erreur qu'il n'est possible d'évi- 
ter dans des études de ce genre qu'en employant une 
foule de précautions qui ont été trop souvent négligées. 



176 ŒNOLOGIE. 

Établissons d'abord la base de la théorie admise par 
Liebig, laquelle rentre dans la première catégorie. 

Sans nier la nature organisée de la levure, qu'il con- 
sidère comme un cryptogame plus ou moins développé 
Liebig considère la résolution de la matière fermentes- 
cible, c'est-à-dire du sucre, en composés plus simples, 
comme un phénomène de décomposition ayant lieu au 
contact du ferment et n'étant que la conséquence de 
l'altération de celui-ci. 

Si on conserve de la levure dans l'eau, elle se modi- 
fie et pourrit, en définitive, comme une matière ani- 
male. Ce phénomène a un commencement, une certaine 
durée et une fin ; cela suppose que les molécules de la 
levûre se trouvent dans un état d'ébranlement, de 
translation, c'est-à-dire de mouvement, dont la consé- 
quence est la formation à ses dépens d'autres composés 
plus simples qui, à l'abri de l'air, ne se modifient pas 
davantage; dans le cas où le mouvement déterminé 
prend fin, il s'établit un équilibre. 

Ce mouvement est tout-à-fait indépendant de l'inter- 
vention d'autres corps ; on observe en outre qu'un 
grand nombre de substances, mises en contact avec la 
levûre, éprouvent un changement dans la disposition de 
leurs atomes, qui consiste en ce qu'ils donnent nais- 
sance à de nouveaux produits : le sucre, par exemple, 
se comporte exactement comme s'il était une partie 
constituante de la levûre ; il se manifeste un change- 
ment dans l'arrangement. des atomes du sucre par suite 
de son contact avec cette levûre. 
Les sucs végétaux et les sécrétions animales, comme 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 177 

le jus de raisin, le lait, la bile, l'urine, contiennent deux 
espèces de substances différentes sous le double rap- 
port de leurs propriétés et de leur composition ; les unes 
sont putrescibles, les autres sont incapables d'éprouver 
seules une métamorphose semblable à celle que pré- 
sentent les matières spontanément putrescibles. 

Dans la décomposition de ces liquides organiques 
abandonnés à eux-mêmes, on constate ce fait remar- 
quable que les deux espèces de substances disparaissent 
en même temps; on voit donc se métamorphoser à la 
fois la partie putrescible et les parties imputrescibles 
qui, sans la présence de la première, se fussent conser- 
vées sans altération. 

Les substances putrescibles peuvent donc déterminer 
la métamorphose d'un grand nombre de corps, lorsque 
ceux-ci sont mis en contact avec elles au moment où 
elles se putréfient. 

Toutes les matières imputrescibles sont dites fer- 
mentescibles lorsqu'elles possèdent la propriété de se 
décomposer par le contact d'un corps en putréfaction : 
la décomposition qu'elles éprouvent s'appelle fermen- 
tation; le corps en putréfaction qui la détermine est le 
ferment. 

Tous les corps susceptibles de se putréfier deviennent, 
en se putréfiant, des ferments, c'est à-clire qu'ils ac- 
quièrent dans cet état la faculté d'exciter la fermenta- 
tion dans un corps fermentescible ; et les ferments con- 
servent leur efficacité jusqu'à ce que la putréfaction 
soit arrivée chez eux à son terme. 

Quant aux êtres vivants, soit végétaux, soit animaux, 



178 ŒNOLOGIE. 

que l'on voit se développer et vivre au sein des liquides 
pendant la fermentation, leur existence n'a aucune in- 
fluence sur ce phénomène qui est, par sa nature, pu- 
rement chimique. 

Nous trouvons cet exposé de la doctrine de Liebig 
sur la fermentation dans ses Lettres sur la cliimie, qui 
datent de 1844, et dans un Mémoire puhlié en 1871 
dans les Annales de cliimie et de physique; l'auteur 
dit, dans ce dernier travail, que, sans s'occuper du 
phénomène physiologique, il a cherché à ramener l'acte 
chimique de la décomposition du sucre à une expres- 
sion simple , comprenant tous les phénomènes ana- 
logues. 

Le but de cette dernière publication était de com- 
battre la théorie de M. Pasteur, dont il donne cette dé- 
finition. 

« M. Pasteur envisage la fermentation de la manière 
suivante : ce L'acte chimique de la fermentation est es- 
« sentiellement un phénomène corrélatif d'un acte vital, 
« commençant et s J arrêtant avec ce dernier. Il pense 
« qu'il n'y a jamais fermentation alcoolique sans qu'il 
«. y ait simultanément organisation , développement, 
« multiplication des globules, ou vie poursuivie, com- 
« binée de globules déjà formés. » 

Nous trouvons une expression très nette de la pensée 
de Liebig dans ce passage de son dernier mémoire : 

<c II pourrait se faire que la seule corrélation entre 
l'acte physiologique et le phénomène de la fermentation 
fût la production dans la cellule vivante, de la substance 
qui , par une vertu particulière analogue à celle 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 179 

qu'exerce l'émulsine sur la salicine et l'amygdaline, 
déterminerait la décomposition du sucre en d'autres 
atomes organiques ; l'acte physiologique , dans ce cas, 
serait nécessaire pour la production de cette substance, 
mais n'aurait pas d'autre rapport avec la fermentation.» 

Ainsi dans cette théorie, les ferments sont des com- 
binaisons instables, en cours de destruction, dont les 
ébranlements se communiquent aux composés voisins 
et entraînent la séparation de leurs éléments. 

Ce phénomène serait dès lors exactement semblable 
à celui produit par un corps explosif, qui, au moment 
où il détonne, peut entraîner et provoquer la décom- 
position d'autres corps voisins. Cette action s'exerce 
sur certains corps et pas sur tous, de même une ma- 
tière qui s'altère et se décompose au sein d'un liquide 
agit sur d'autres substances en dissolution dans ce 
liquide, et détermine leur décomposition sans avoir au- 
cune influence sur d'autres matières également dis- 
soutes, mais qui restent inertes en présence du fer- 
ment. 

Nous n'avons pas à citer d'expériences spéciales pour 
combattre cette théorie, il nous suffit de nous reporter 
àtoutceque nous avons dit sur l'ensemble des fer- 
mentations que nous avons étudiées. Le point de dé- 
part inexact de la théorie de Liebig procède de la con- 
fusion qu'il fait entre tous les phénomènes qu'il réunit 
sous le nom de fermentation. L'action de la diastase sur 
l'amidon, celle delà synaptase sur l'amygdaline et bien 
d'autres, seraient suivant lui des fermentations au même 
titre que la fermentation alcoolique et il a cherche à 



480 ŒNOLOGIE. 

faire rentrer dans une explication unique, dans une 
même idée théorique des phénomènes, qui doivent être 
complètement séparés, attendu qu'ils nous offrent des 
caractères tout, à fait différents. 

Pour ne laisser aucun doute à ce sujet, nous entre- 
rons plus loin dans quelques développements sur ces 
fermentations indirectes, ces pseudofermentations, 
comme on les a appelées quelquefois, et nous montre- 
rons toute la différence qu'il y a entre les ferments chi- 
miques, dits ferments solubles, et les véritables fer- 
ments, vivant et se multipliant comme tous les vé- 
gétaux. 

Déjà, en parlant des expériences de M. Paul Bert 
sur la pression, nous avons pu établir cette différence 
d'une manière très nette. 

Admettre l'existence des ferments vivants, suivre leur 
développement et considérer les phénomènes chimiques 
qui accompagnent leur végétation comme étant la con- 
séquence de l'action d'une substance particulière que ces 
êtres au raient la propriété de sécréter , c'est une hypothèse 
tout à fait gratuite que rien ne justifie, qui n'explique 
rien et qui ne permet pas de rendre compte de tout cet 
ensemble de faits qui constituent la fermentation et 
dont nous avons développé les points les plus impor- 
tants dans le cas particulier de la fermentation alcoo- 
lique. 

A la suite de cet exposé nous citerons rapidement 
l'opinion émise et soutenue par Berzélius, qui attribuait 
les phénomènes de fermentation à l'action d'une force 
particulière qu'il avait appelée force catalytique. 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 181 

(( La force catalytique, d'après Berzéhus, consiste en 
ce que des corps peuvent par leur simple présence et 
non par leur affinité, réveiller les affinités assoupies 
et déterminer les éléments d'un corps composé à se 
grouper de manière à produire une neutralisation élec- 
tro-chimique plus complète. » 

Cette force intervient dans les conditions les plus 
diverses. Son résultat principal est de remplacer des 
combinaisons instables par des composés plus stables. 
Tantôt la première combinaison perd quelques uns de 
ses éléments : tel est le cas de l'eau oxygénée qui perd 
de l'oxygène pour se changer en eau ; tantôt elle en 
gagne : tel est le cas de l'amidon qui s'empare de 
l'eau pour se changer en sucre; tantôt enfin elle se 
modifie, sans perte ni gain de substance : tel est le 
cas du sucre de fruits qui se dédouble en alcool et en 
acide carbonique par la fermentation. 

« Un grand nombre de questions, dit Berzélius, pour- 
raient être posées au sujet de la force catalytique, mais 
il nous suffit pour le moment d'avoir prouvé son exis- 
tence par un grand nombre d'exemples. » 

La force catalytique inventée pour rendre compte 
de phénomènes réunis, malgré leur diversité, à cause 
de certaines ressemblances et surtout de la difficulté 
qu'on éprouvait à les expliquer, doit être complètement 
abandonnée, et il faut chercher pour chaque ordre de 
faits à les interpréter d'après leur nature, leurs carac- 
tères et les conditions dans lesquelles ils se pro- 
duisent. 

On faisait intervenir autrefois la force catalytique 

11 



182 ŒNOLOGIE. 

pour expliquer l'action exercée par le platine et les 
corps poreux sur les gaz et les vapeurs combustibles en 
présence de l'oxygène ou de l'air. On sait maintenant 
que ces corps jouissent de la propriété de condenser 
l'oxygène et de l'offrir aux corps combustibles dans un 
état très favorable à la combinaison cherchée, dès lors 
la force catalytique devient inutile et les résultats obte- 
nus s'expliquent naturellement. 

L'existence et les fonctions organiques des ferments 
doués de vie nous rendent compte de toutes les cir- 
constances des fermentations, il n'est donc plus néces- 
saire de recourir, pour les expliquer, à cette même force 
catalytique. 

M. Dumas a parfaitement établi dans le passage 
suivant de son mémoire sur la fermentation alcoolique 
l'idée qui doit résulter de la discussion de ces différentes 
observations. 

« La théorie des fermentations ne doit pas être en- 
visagée comme susceptible d'être ramenée à une expli- 
cation unique. 

c Si l'on appelle ferments : la diastase, la pepsine, 
la synaptase et les corps analogues, il est évident que 
leur action est indépendante de la vie et qu'ils n'offrent 
aucun des caractères des corps véritablement organisés, 
vivant ou ayant vécu. 

« Si Ton circonscrit les phénomènes de la fermenta- 
tion à ceux que M. Pasteur désigne sous le nom de fer- 
mentations proprement dites, ils sont indubitablement 
liés à la présence de certains êtres microscopiques, or- 
ganisés et vivants. 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 183 

« Dans ce dernier cas, il est vrai, on a 70uîu attribuer 
à ces êtres vivants le rôle d'appareils sécréteurs de 
diastases ou de synaptases qui, épanchées dans le liquide 
où ils vivent, produiraient les fermentations observées 
sur les corps que ce liquide tient en dissolution, mais 
aucune expérience n'a , jusqu'ici, donné à cette opi- 
nion le caractère ou même l'apparence d'une vérité 
acquise. » 

Voyons maintenant quelles sont les observations sur 
lesquelles on se fonde pour nier la filiation qui existe 
entre les ferments qui apparaissent au sein d'une li- 
queur fermentescible , et les productions antérieures 
de même nature qui ont joué le même rôle et pro- 
duit pendant leur végétation des phénomènes iden- 
tiques. 

Nous prendrons pour base de cette discussion les 
faits mis en avant et discutés par M. Frémy dans divers 
mémoires et dans son ouvrage sur la génération des 
ferments. 

Nous rappellerons d'abord que, dans tout ce qui pré- 
cède, nous avons admis avec M. Pasteur, que les 
ferments sont des êtres microscopiques qui dé- 
rivent constamment de parents semblables à eux, et 
lorsqu'ils déterminent les opérations que nous dési- 
gnons sous le nom de fermentations, ils ont une origine 
indépendante des tissus et des organes de la plante dont 
ils modifient quelques-uns des éléments par suite de 
l'exercice de leurs fonctions. 
M. Frémy pense au contraire que les milieux orga- 



184 ŒNOLOGIE. 

niques sont doués d'une force végétative qui leur per- 
met, au contact de l'air et par l'action de l'oxygène, de 
créer des ferments sans l'intervention des germes 
atmosphériques. 

Cette théorie est désignée par son auteur sous le nom 
d'hémiorganisme, les substances qui engendrent les 
ferments sont des corps hémiorgcmisés, c'est-à-dire 
ayant une organisation incomplète. 

Les milieux organiques, le jus du raisin et des autres 
fruits, par exemple, auraient donc la faculté d'engendrer 
les ferments, et ceux-ci ne se rattacheraient nullement à 
l'existence d'êtres semblables, antérieurs à eux et qui se 
reproduisent quand ils se trouvent dans des conditions 
favorables à leur développement. 

Pour discuter cette affirmation citons une des expé- 
riences de M. Pasteur en supposant que le liquide em- 
ployé est le moût de raisin, pour ne pas sortir de notre 
sujet. 

Nous prenons un ballon à col droit et nous y intro- 
duisons du moût de raisin récemment obtenu par pres- 
sion et qui entrerait rapidement en fermentation, si on 
l'abandonnait à lui même. 

Le liquide est alors porté à l'ébullition, mais avant 
on a eu soin d'étirer à la lampe le col du ballon, de ma- 
nière à lui donner la forme indiquée par la figure 2 
de la page suivante. 

Lorsque le liquide est en ébullition et que la vapeur 
sort par l'extrémité ouverte A, on ferme cette ouver- 
ture avec une petite bourre d'amiante préalablement 
passée dans la flamme d'une lampe à alcool. 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 



185 




186 ŒNOLOGIE. 

Dans ces conditions on laisse le ballon se refroidir, 
l'air qui rentre par suite de ce refroidissement traverse 
la bourre d'amiante, y dépose les germes qu'il peut 
contenir, de sorte qu'aucune poussière suspendue dans 
l'atmospbère ne pourra venir se mettre en contact avec 
le liquide du ballon. 

Le liquide ainsi traité est devenu complètement inal- 
térable, la fermentation ne s'y développera pas, et des 
ballons préparés par cette méthode depuis quinze ans 
contiennent encore aujourd'hui un liquide intact et 
parfaitement limpide. 

Si une opération est faite dans un ballon à col droit, 
fîg. 1 et qui reste tel, le liquide, malgré l'ébullition, ne 
tardera pas à s'altérer et il entrera bientôt en fermen- 
tation. De plus, si on prend un ballon à col étiré et re- 
courbé, contenant depuis longtemps un liquide qui ne 
s'altère pas et qu'on détache la partie supérieure du 
ballon comme nous l'avons indiqué dans la fig. 3, on 
verra bientôt des organismes se développer dans ce 
liquide exposé à l'air. 

Dans la théorie que nous admettons, tous ces faits 
s'expliquent nettement, les germes que la liqueur con- 
tenait ont été tués par l'ébullition, et il ne peut rien s'y 
développer après cette action, à moins que l'air n'ap- 
porte de nouveaux germes. 

M.Frémy répond à ces expériences que si les liquides 
contenus dans les ballons à col sinueux n'éprouvent plus 
d'altération après leur ébullition, ce n'est pas parce 
qu'ils ont été mis à l'abri des germes de ferment par la 
disposition du col, mais parce que le liquide organisé qui 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. lo/ 

produisait les ferments a été modifié par l'ébullition, 
ou bien parce que la composition de l'air des ballons a 
elle-même été changée par suite de cette opération. 

Cette dernière explication n'est pas admissible, car 
l'expérience démontre que la composition de cet air 
reste la même que celle de l'air ambiant. 

Quant à la première, elle est également rendue sans 
valeur par ce fait que ce liquide, dont, la force produc- 
trice a été anéantie par l'ébullition, redevient actif dès 
qu'il est mis en communication directe avec l'air exté- 
rieur ; il faut donc admettre que celui-ci renferme et 
apporte tout ce qu'il faut pour donner naissance aux 
ferments que l'on voit s'y développer, et qui n'appa- 
raissent pas tant qu'on a soin de priver l'air de tout 
germe et de toute poussière pouvant en contenir. 

Les ballons à col sinueux sont très fréquemment 
employés pour les expériences de ce genre, le tampon 
d'amiante dont nous avons parlé et qui sert à tamiser 
l'air, n'est même pas nécessaire. La forme du col est 
telle, que les poussières de l'air ne peuvent pas tomber 
dans le liquide, elles s'attachent aux sinuosités du col, 
et si, par suite des variations de température, de l'air 
extérieur s'introduit dans le ballon, il y arrive débar- 
rassé des poussières et des germes qu'il renferme. 
La figure 4 de la planche précédente nous représente 
la forme exacte d'un ballon dont le col a été étiré à la 
lampe, on comprend que cette forme peut être variée 
à l'infini par l'opérateur. 

Une démonstration de l'hémiorganisme a paru résul- 
ter de l'existence de ces fermentations que les fruits 



188 ŒNOLOGIE. 

sucrés éprouvent lorsqu'ils sont plongés dans l'acide 
carbonique et qui ont été étudiées par MM. Lechartier 
et Bellamy. 

M. Frémy a désigné cette fermentation sous le nom 
de fermentation intracellulaire, elle n'a pas lieu tant 
que le fruit peut absorber de l'oxygène, mais elle se 
manifeste dès que l'oxygène entourant le fruit est 
absorbé et que celui-ci se trouve au sein d'une atmos- 
phère ne contenant que de l'acide carbonique. 

D'après les observations de M. Frémy, il y aurait des 
cellules de levûre dans les fruits ayant ainsi fermenté ; 
les opérations ont porté sur des poires, des raisins, des 
cerises et des groseilles, et la conclusion qu'il formule 
est la suivante : 

. « Tous ces f ™ts, une fois soustraits à l'influence de 
l'oxygène, ont éprouvé la fermentation intracellulaire ; 
ils ont donné naissance à de l'acide carbonique et à de 
l'alcool ; en examinant les sucs après la fermentation, 
j'ai toujours constaté dans ces liquides la présence de 
ferments organisés. » 

Nous verrons tout-à-l'heure ce qu'il faut penser de 
cette dernière assertion, parlons d'abord de la réaction 
elle-même. 

Le fait de l'existence de ces phénomènes de fermen- 
tation dans les fruits mûrs soustraits à l'action de l'oxy- 
gène est parfaitement exact. 

MM. Lechartier et Bellamy ont. reconnu que si l'on 
place un fruit bien mûr dans un flacon fermé par un 
bouchon muni d'un tube destiné au dégagement du 
gaz, l'oxygène contenu dans le flacon est bientôt 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 189 

absorbé, remplacé par de l'acide carbonique, et alors il 
s'établit dans l'intérieur du fruit une espèce de fermen- 
tation de laquelle résultent, aux dépens du sucre, de 
l'alcool et de l'acide carbonique. 

Si on met le fruit dans un flacon préalablement 
rempli d'acide carbonique, cette fermentation intra- 
cellulaire se produit immédiatement. 

Ces phénomènes s'expliquent facilement; les fruits 
arrivés à maturité continuent à vivre après avoir été 
cueillis, et pour ce fonctionnement organique, que tant 
de faits consîatent, l'intervention de l'oxygène de l'air 
est nécessaire. Les changements qui se produisent alors 
dans les fruits continuent ceux qui se sont accomplis 
pendant la période delà maturation et offrent les mêmes 
caractères. 

Dès que le fruit ne trouve plus d'oxygène, son acti- 
vité vitale se modifie, et alors, par suite de l'absence de 
ce gaz, le sucre est décomposé et il se produit de l'al- 
cool et de l'acide carbonique. 

Nous ne voyons là rien qui puisse infirmer la théorie 
que nous avons soutenue et qui fournisse une preuve 
en faveur de l'hémiorganisme. 

Mais nous devons ajouter qu'il y a dissidence com- 
plète entre les observations faites par les partisans des 
deux théories , et les conséquences qu'il convient de 
tirer de cette fermentation intracellulaire, pour expli- 
quer l'origine des ferments. 

M. Frémy dit, dans la conclusion que nous avons 
précédemment citée, avoir toujours constaté dans les 
sucs des fruits, après cette fermentation, des ferments 

11. 



190 ŒNOLOGIE. 

organisés. M. Pasteur et MM. Lechartier et Bellamy 
déclarent au contraire n'avoir jamais pu reconnaître 
dans l'intérieur de ces fruits la présence de cellules de 
levure. 

Des expériences nouvelles ayant pour but de trancher 
cette importante question ont été reprises récemment 
par MM. Chamberland et Joubert, elles ont été faites 
sur des groseilles, des cerises et des prunes. Toutes les 
précautions ont été prises pour examiner le suc de ces 
fruits } après la fermentation intracellulaire, sans y 
introduire aucune trace de germes ou de poussières 
extérieures; et, dans aucune de leurs nombreuses pré- 
parations, ces auteurs n'ont pu découvrir des cellules 
de levure de bière. 

M. Chamberland, dans une thèse sur ce sujet pré- 
sentée récemment à la Faculté des Sciences de Paris, 
discute avec détails toutes ces expériences et explique 
les causes de l'inexactitude de la conclusion à laquelle 
est arrivé M. Frémy. 

« La principale cause d'erreur dans les expériences 
de M. Frémy, dit M. Chamberland, vient de la durée 
pendant laquelle les fruits sont restés plongés dans l'a- 
cide carbonique. 

« M. Frémy dit en effet qu'il a examiné les cerises 
contenues dans le flacon plein d'acide carbonique, envi- 
ron un mois après la mise en expérience. 

« Or, après ce temps, la pellicule d'un certain nom- 
bre est déchirée, et par conséquent du jus sucré s'était 
répandu sur les fruits et avait fermenté. 

« L'expérience ne doit pas être prolongée au-delà de 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 191 

deux ou trois jours, et il n'y a aucun inconvénient à la 
faire cesser après ce temps, car la fermentation intra- 
cellulaire se produit immédiatement lorsque le fruit 
est plongé dans l'acide carbonique ou dans un gaz autre 
que l'oxygène, et par conséquent le ferment alcoolique 
devrait apparaître aussi immédiatement. A plus forte 
raison devrait-il se trouver très développé au bout de 
deux ou trois jours et surtout de quatre ou cinq. » 

L'indication que nous avons donnée de la cause de 
la fermentation intracellulaire, conduit à cette consé - 
quence, c'est que cette fermentation doit se produire 
encore lorsque le fruit est plongé dans un liquide, et en 
particulier clans un liquide sucré. Ce fait est très exact 
et il est facile de le vérifier. 

Partant de là, M. Chamberland a installé un certain 
nombre d'expériences qui mettent complètement en 
défaut la théorie de l'hémiorganisme, laquelle conclut à 
la formation des ferments dans l'intérieur des cellules. 

Nous transcrivons le détail de ces expériences : 

a Mettons dans un grand nombre de tubes à essai 
contenant, du moût de raisin bouilli, un seul grain de 
raisin, une seule cerise, une seule fraise, etc. ; au 
bout de quelques jours, lorsque la fermentation intra- 
cellulaire se sera produite, enlevons le bouchon qui 
ferme les tubes, écrasons les fruits à l'aide d'une 
baguette de verre passée dans la flamme (la baguette 
étant différente pour chacun des tubes), puis remettons 
le bouchon. 

a Voici ce que l'on constate : dans plus des trois 
quarts des tubes, il n'y a pas de fermentation et le 



192 ŒNOLOGIE. 

liquide reste sucré ; dans quelques uns la fermentation 
se produit. » 

Ainsi sur vingt-quatre tubes dans chacun desquels 
on avait mis un grain de raisin, la fermentation se 
manifesta dans trois seulement. 

Or, d'après la théorie de l'hémiorganisme,la fermen- 
tation aurait dû se manifester dans tous les tubes. I] 
n'est donc pas exact de dire que la fermentation intra- 
cellulaire donne lieu à la production de cellules de fer- 
ment. 

Les résultats obtenus s'expliquent au contraire dans 
la théorie de M. Pasteur. 

Nous avons vu en effet qu'il y avait des germes de 
ferment à la surface des fruits sucrés arrivés à leur 
maturité, mais malgré leur diffusion, ces germes n'exis- 
tent pas nécessairement à la surface de tous les fruits 
et surtout de toutes les grumes dans le cas du raisin. 

Si la grume mise en expérience ne porte pas de 
germes, la fermentation intracellulaire se produira, 
mais le moût dans lequel elle baigne ne fermentera 
pas. Si au contraire cette grume porte des germes, il y 
aura à la fois fermentation intracellulaire et fermenta- 
tion du liquide. Dans ce dernier cas le liquide fermente 
souvent avant qu'on écrase la grume, et sans même 
que la pellicule soit déchirée, ce qui montre bien que 
les germes sont extérieurs. 

Rappelons-nous le procédé employé par M. Pasteur 
pour obtenir des raisins mûrs ne portant à leur sur- 
face aucun germe de ferment alcoolique. Avec ceux-ci* 
l'expérience sera concluante, car dans aucun cas la 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 193 

fermentation intracellulaire n'amènera comme consé- 
quence la production de la fermentation alcoolique, ce 
qui prouve suffisamment qu'il ne s'est pas développé de 
ferment pendant cette fermentation intracellulaire. 

Les fruits ne sont pas les seuls organes qui présen- 
tent ces phénomènes de fermentation intracellulaire; 
M. Pasteur a montré que les feuilles et tous les organes 
végétaux se comportent comme les fruits. 

Ajoutons que cette action est complètement arrêtée 
lorsqu'on détruit la vie des cellules, en plaçant celles-ci, 
qu'elles appartiennent à des fruits ou à tout autre or- 
gane, dans de l'acide carbonique auquel on a mêlé des 
vapeurs toxiques, telles que celles de chloroforme, 
d'éther, de sulfure de carbone. Dans ce cas, la vie des 
cellules est éteinte et la formation d'alcool et d'acide 
carbonique n'a plus lieu. 

Cette fermentation intracellulaire ne détermine au- 
cune altération dans la structure des cellules. M. Mûntz 
a, en effet, reconnu qu'on pouvait la provoquer en en- 
veloppant d'une atmosphère privée d'oxygène une 
plante fixée au sol, et celle-ci reprend sa vie normale 
lorsqu'on la replace dans les conditions ordinaires de 
son existence. 

Avant de conclure, résumons d'après les énoncés 
donnés par M. Frémy, la base de sa théorie. 

« Les raisins n'empruntent jamais à l'atmosphère la 
levure qui détermine la fermentation alcoolique du 
moût, lorsque ces raisins sont écrasés et abandonnés au 
contact de l'air à une température de 20 à 25°. La levure 
est produite par le raisin lui-même. 



194 ŒNOLOGIE. 

« Le ferment alcoolique du raisin a deux origines : 
il peut provenir soit de la pulpe, soit du suc du fruit. 

« Lorsqu'on détache du grain de raisin la pellicule 
qui le recouvre, on trouve dans les cellules épidermi- 
ques du fruit une quantité innombrable de petits granu- 
les organisés qui, au contact de l'air, se transforment en 
ferment alcoolique du raisin. 

« Le suc du fruit peut également produire du fer- 
ment. Ce suc filtré ne présente, il est vrai, aucun cor- 
puscule organisé, mais il contient une substance plas- 
matique vivante qui, en s'organisant au contact de l'air, 
peut engendrer le ferment alcoolique. » 

L'ensemble de toutes les observations que nous 
avons présentées depuis le commencement de cette 
étude, et les expériences spéciales que nous venons de 
rapporter nous paraissent démontrer l'inexactitude de 
cette théorie, tout s'accorde au contraire avec l'idée 
que nous avons adoptée et qui peut se résumer en quel- 
ques mots : 

« Les cellules de levure qui déterminent la fermen- 
tation alcoolique du moût de raisin proviennent de ger- 
mes existant dans l'air ou à la surface extérieure des 
grains et de la grappe. » 

Les observations qui précèdent, tout incomplètes 
qu'elles sont, nous permettent donc d'établir les con- 
séquences suivantes : 

1° On n'explique rien en faisant intervenir, pour ren- 
dre compte des phénomènes de fermentation, une force 
particulière de contact, telle que la force catalytique. 

2° Rien n'autorise à admettre qu'il se forme, sous 



THÉORIES DE LA FERMENTATION. 195 

l'influence des êtres microscopiques vivant dans les 
liqueurs en fermentation, des matières analogues à la 
diastase et qui agiraient sur le sucre de fruits comme 
cette substance agit sur l'amidon ; cette décomposition 
du sucre étant alors tout à fait indépendante de la vie 
des cellules de ferment. Plus loin nous serons conduits 
à reconnaître la possibilité d'une action de ce genre, 
mais nous verrons qu'elle est limitée et ne s'étend pas 
au phénomène de la fermentation proprement dite. 

3° Les ferments organisés qui déterminent la fermen- 
tation alcoolique des jus sucrés ne proviennent pas de 
l'intérieur des fruits par suite d'une modification des 
éléments organiques qui s'y trouvent. 

La conclusion, que nous avons à déduire de cette 
étude des théories proposées pour expliquer les phé- 
nomènes de fermentation, est donc la confirmation des 
idées que nous avons développées et qui seules se trou- 
vent être conformes avec l'ensemble .de tous les faits 
chimiques et physiologiques que nous avons énoncés. 



CHAPITRE X I 



LES FERMENTATIONS INDIRECTES 



Nous avons trop souvent cité les phénomènes que 
l'on désigne sous le nom de fermentations indirectes ou 
pseudofermentations, pour ne pas entrer dans quelques 
détails à ce sujet, afin de mieux faire ressortir les dif- 
férences qu'elles présentent avec les fermentations pro. 
prement dites. Nous trouverons, du reste dans cette 
élude, des faits du plus haut intérêt pour l'explication 
de plusieurs opérations pratiques de la vinification. 

Dans les fermentations vraies, les ferments sont des 
êtres organisés, vivants; pour les autres, les ferments 
sont des composés chimiques définis, on les a nommés 
souvent ferments indirects, ferments solubles. 

Ces ferments sont nombreux et le mode d'action de 
chacun d'eux sur des substances déterminées constitue 
une espèce dans ce genre particulier de fermentations. 

Quant à leur origine, tous ces ferments dérivent direc- 
tement d'organismes vivants, ils prennent naissance au 
sein de ces organismes. 



LES FERMENTATIONS INDIRECTES. 197 

Au point de vue de leur composition, nous pouvons 
dire, d'une manière générale, que ce sont des substances 
qui se rapprochent des matières albumineuses ; ces fer- 
ments renferment toujours du charbon, de l'hydrogène, 
de l'oxygène et de l'azote. 

Ils n'offrent aucune trace d'organisation, ce sont des 
matières amorphes, qui à l'état sec se présentent sous 
forme pulvérulente. 

Ils sont solubles dans l'eau, et sont précipités de 
leurs solutions par l'alcool et l'acétate de plomb. 

On les obtient au moyen de réactions chimiques 
exercées sur les produits organisés qui les renferment. 
La grande difficulté de leur purification consiste dans 
la séparation de la matière albumineuse qui les accom- 
pagne constamment. 

Gomme les matières albumineuses de diverses ori- 
gines, ils donnent, à l'analyse élémentaire, des diffé- 
rences assez faibles, et desquelles on ne peut tirer 
aucune conclusion, parce qu'on n'est jamais assuré de 
les avoir à un état parfait de pureté. 

Ce qui les distingue et les caractérise, c'est leur ori- 
gine et leur activité chimique. 

Cette activité est intimement liée avec la tempéra- 
ture, elle croit avec celle-ci, mais elle s'arrête dans le 
voisinage de 100°, avant la température d'ébullition de 
l'eau, Sous ce rapport, on voit qu'ils ne ressemblent 
pas complètement aux ferments organisés. 

Nous avons déjà parlé, à propos des expériences de 
M. Paul Bert, de la différence que présente l'action de 
la pression sur les ferments solubles et les ferments 



198 ŒNOLOGIE. 

organisés. Il y a un autre point de vue qui établit éga- 
lement une distinction importante entre ces deux espè- 
ces d'agents, c'est celui qui résulte de l'action des com- 
posés chimiques que nous avons étudiée avec détails 
pour ce qui regarde la levure. 

M. Bouchardat a examiné l'influence d'un grand 
nombre de composés chimiques sur la diastase, ferment 
soluble qui provoque la information de l'amidon en 
sucre. Il a reconnu que beaucoup -de composés qui 
s'opposent à la production delà fermentation alcoolique 
n'empêchaient nullement la manifestation des pro- 
priétés spéciales de la diastase. 

Il cite notamment l'acide cyanhydrique, les sels mer- 
curiels, l'éther, l'alcool, la créosote, les essences de 
térébenthine, de citron, de girofle, de moutarde qui 
anéantissent ou ralentissent la fermentation alcoolique, 
et qui sont sans influence sur la diastase. Au contraire 
d'autres substances, telles que l'acide citrique, l'acide 
tartrique qui n'agissent que faiblement sur la fermenta- 
tion alcoolique pour la ralentir, arrêtent complètement 
Faction de la diastase sur l'amidon. 

Les expériences de M. Dumas, que nous avons pré- 
cédemment citées, nous montrent également un même 
composé agissant différemment sur le fait propre de la 
fermentation alcoolique et sur le phénomène de l'inter- 
version du sucre que nous serons conduits à rattacher 
aux fermentations indirectes. 

M. Dumas a particulièrement insisté sur l'action 
du borax sur la diastase et les autres ferments ana- 
logues, et nous avons encore sur ce point à signaler 



LES FERMENTATIONS INDIRECTES. 199 

une différence du même ordre avec le ferment al- 
coolique. 

Ainsi nous avons vu qu'après un contact de trois 
jours d'une solution de borate de soude avec la levure 
de bière, celle-ci pouvait encore, mais avec lenteur, 
provoquer la fermentation alcoolique, au contraire cette 
même solution neutralise complètement l'action de la 
diastase, de la synaptase et de la myrosine. 

Les ferments solubles agissent sur diverses classes 
de composés organiques, leur mode d'action est presque 
toujours le même, c'est un dédoublement plus ou 
moins complexe, le plus souvent accompagné d'une 
hydratation. 

Plusieurs de ces actions peuvent être également 
produites par l'action d'un composé chimique autre 
que le ferment qui la détermine. Ainsi l'action de la 
diastase sur l'amidon est semblable à celle que Ton 
obtient au moyen d'un acide tel que l'acide sulfurique 
étendu d'eau. 

Ces ferments solubles que Ton extrait des organis- 
mes vivants, y existent tout faits et agissent certaine- 
ment pendant la vie des plantes ou des animaux pour 
produire au sein des organes des actions semblables à 
celles auxquelles ils donnent naissance lorsqu'ils sont 
isolés. On sait par exemple le rôle qu'ils jouent parti- 
culièrement dans les phénomènes de germination. 

On admet généralement que l'activité des ferments 
solubles n'est pas illimitée ; toutefois elle s'exerce sur 
un poids relativement considérable de la substance fer- 
mentescible par rapport à celui du ferment employé. 



200 ŒNOLOGIE. 

M. Berthelot, a montré que le ferment^extrait de la 
levure, dont nous parlerons bientôt, pouvait intervertir 
jusqu'à cent fois son poids de sucre. 

On n'a cependant rien de bien précis à cet égard, et 
quelques auteurs regardent comme possible, dans cer- 
tains cas, Faction indéfinie d'un ferment soluble sur une 
substance fermentescible. 

Nous ne citerons qu'un seul exemple de l'action de 
ces ferments, c'est celle qu'ils exercent sur le sucre 
cristallisé que l'on extrait de la canne et de la bette- 
rave. 

La composition de ce sucre conduit, comme nous 
l'avons dit précédemment (voy. 1 er vol. p. 351), à la 
formule 

C 12 H H 0 H 

Or, dans toutes les observations que nous avons rap- 
portées sur la fermentation du sucre, nous avons tou- 
jours supposé que l'on agissait sur un sucre, ayant la 
même composition que le sucre de fruits ou le sucre 
de raisin, laquelle composition est représentée par la 
formule 

G 12 H 12 O 12 

C'est qu'en effet toutes les fois que le sucre fer- 
mente, on constate, quelle que soit l'origine du sucre 
employé que c'est sur un sucre ayant cette dernière 
composition que la réaction se produit. 

Lors donc que l'on a employé du sucre cristallisé 
C V2 PI U O 11 , cette substance doit éprouver d'abord une 
transformation, par voie d'hydratation, qui produit du 



LES FERMENTATIONS INDIRECTES. 201 

sucre ayant pour formule G 12 H 12 O 12 et que l'on appelle 
sucre interverti. 

La levure de bière détermine rapidement cette inter- 
version, et nous avons montré, dans l'étude de l'action 
des composés chimiques sur la levure, quelles étaient 
les circonstances dans lesquelles cette interversion pou- 
vait être empêchée. 

Ce phénomène de l'interversion du sucre qui peut 
être provoqué par l'action des acides étendus, est égale- 
ment produit sous l'influence des ferments solubles. 

Nous insistons sur ce fait pour bien montrer qu'on ne 
peut en faire un argument contre la théorie de la fer- 
mentation, telle que nous l'avons exposée et qu'elle 
résulte des travaux de M. Pasteur. 

De ce que les ferments solubles dérivent des orga- 
nismes vivants, nous devons naturellement en conclure 
que les ferments organisés qui sont des êtres vivants 
peuvent et doivent en produire. L'interversion du sucre 
de cannes sous l'influence de la levûre de bière est donc 
un fait normal qui ne contredit en rien la théorie. 

Dans la vinification, il arrive souvent que, par suite 
d'une maturité insuffisante ou de toute autre circons- 
tance, on éprouve le besoin d'augmenter par une addi- 
tion de sucre étranger la richesse saccharine du moût. 
On peut dans ce cas ajouter un sucre immédiatement 
fermentescible, pouvant par conséquent servir d'ali- 
ment à la levûre ; mais on emploie également le sucre 
cristallisé de cannes ou de betteraves que l'on préfère 
souvent à cause de la facilité de l'avoir à l'état de 
pureté. 



202 ŒNOLOGIE. 

Avant de fermenter, ce sucre se transforme en sucre 
analogue au sucre de raisin, il trouve pour cette modi- 
fication, dans le moût et dans le ferment déjà formé, des 
ferments solubles qui produisent rapidement ce résul- 
tat dont il est ainsi très facile de se rendre parfaitement 
compte. 

Ce fait de l'interversion du sucre cristallisé avant la 
fermentation est connu depuis longtemps, mais on l'at- 
tribuait à l'acidité de la levûre. 

M. Berthelot a démontré que ce phénomène était dû 
à l'action d'un ferment soluble spécial contenu dans les 
cellules de la levûre, il est tout-à-fait indépendant de 
l'état d'acidité ou de neutralité de la liqueur. 

On peut séparer ce ferment en lavant la levûre avec 
de l'eau, et l'eau de lavage séparée des cellules et neu- 
tralisée provoque énergiquement l'interversion du 
sucre. 

Ainsi dans la fermentation alcoolique provoquée par 
la végétation des cellules de Saccharomyces, le véritable 
aliment de ce ferment organisé est le sucre de fruits, tel 
qu'on le rencontre dans les fruits sucrés et acides, son 
activité se portera donc sur ce composé s'il en existe 
dans la liqueur. 

Dans le cas où ce sucre se trouverait mélangé avec 
du sucre de cannes, ou bien si cette dernière substance 
se trouve seule dans une liqueur renfermant tout ce 
qui est nécessaire d'ailleurs pour provoquer la fermen- 
tation alcoolique, le sucre cristallisé sera d'abord con- 
verti en sucre de fruits ou glucose par l'absorption d'un 
équivalent d'eau, et cette transformation sera produite 



LES FERMENTATIONS INDIRECTES. 203 

par l'action d'un ferment soluble répandu en petite 
quantité dans le milieu où baignent les cellules du fer- 
ment organisé. 

Ce ferment soluble sécrété par la levure présente 
tous les caractères des autres ferments du même 
genre, comme eux il est complètement neutralisé par 
une dissolution de borate de soude. 

M. Dumas a reconnu que si l'on place de l'eau 
sucrée et de l'eau de levûre dans un tube, et de l'eau 
sucrée avec de l'eau de levûre et une solution de borax 
dans un autre tube, le premier offrira bientôt des 
signes d'interversion, le second n'en manifestera point. 

Liebig a constaté que l'acide cyanhydrique n'arrêtait 
pas l'action de l'eau de levûre sur le sucre de cannes. 
Si on ajoute à de l'eau de levûre quelques gouttes 
d'acide cyanhydrique et une solution de sucre de cannes 
on trouve au bout de quelques heures qu'il s'est formé 
du sucre de fruits. 

L'acide cyanhydrique empêche l'altération de l'eau de 
levûre au contact de l'air. On sait que celte eau exposée 
à l'air, ne tarde pas à se troubler et laisse déposer un 
précipité blanc, floconneux, souvent même il se fait 
une pellicule à sa surface. Une trace d'acide cyanhy- 
drique met complètement obstacle à la production de 
ces phénomènes, l'eau de levûre peut alors être con- 
servée limpide pendant une semaine, et l'on n'y re- 
marque ni précipité, ni moisissure. 

Ces observations confirment ce que nous avons dit 
précédemment au sujet de l'action de l'acide cyanhy- 
drique sur la fermentation, elles établissent une diffé- 



204 ŒNOLOGIE. 

rence radicale entre l'influence de ce corps sur les 
ferments solubles et sur les ferments organisés. 

La formation, sous l'influence des cellules de levure, 
d'un ferment soluble , produisant l'interversion du 
sucre, a souvent été invoquée comme favorable à cette 
idée que la décomposition ultérieure de ce sucre ne 
serait que l'effet d'une action analogue. Des recherches 
récentes, dues à M. Cochin, ont montré directement 
qu'il n'existe aucun ferment alcoolique émanant de la 
levure. 

Pour cela, on a cultivé la levûre dans des milieux 
non fermentescibles, le liquide de culture a été ensuite 
filtré et on a étudié son action sur des solutions sucrées. 
M. Cochin a constaté dans ce liquide la présence du 
ferment soluble produisant l'interversion du sucre, 
mais il n'a pu y trouver aucune trace de ferment al- 
coolique, d'où il résulte que la fermentation qui porte 
ce nom est une conséquence directe et immédiate de la 
vie des cellules de levûre. 

Les détails dans lesquels nous venons d'entrer suffi- 
sent pour faire comprendre la nature des fermentations 
indirectes provoquées par les ferments chimiques dits 
ferments solubles. 

La vie des cellules qui végètent, se développent et se 
multiplient au sein d'un liquide de composition bien 
déterminée, nous offre au contraire un caractère tout 
différent, et si nous avions à tirer, de l'ensemble de 
toutes les considérations sur lesquelles nous nous 
sommes appuyés dans le cours de cette étude, une con- 
clusion relative à la dénomination et à la distinction de 



LES FERMENTATIONS INDIRECTES. 205 

tous ces phénomènes souvent confondus sous le nom de 
fermentations, elle nous conduirait non pas à réser- 
ver ce nom de fermentations aux opérations dues à l'ac- 
tion des ferments organisés, mais à l'appliquer unique- 
ment à celles que produisent les ferments chimiques. 

Les fermentations proprement dites sont du domaine 
de la physiologie, leur histoire n'est autre que celle du 
ferment végétant et vivant, de même que l'histoire des 
végétaux et des animaux d'ordre plus élevé, comprend 
celle de leurs fonctions et de toutes les conséquences 
qui en résultent au point de vue physique et au point 
de vue chimique. 



12 



CHAPITRE XII 



ACTION DE L'OXYGÈNE DANS LA 
FERMENTATION 

L'examen' des conditions diverses dans lesquelles 
s'opère la fermentation alcoolique conduit naturelle- 
ment à cette idée, que si cette opération se pratique le 
plus ordinairement sans l'intervention de l'oxygène de 
l'air, la présence de cette substance ne doit pas être 
défavorable à son accomplissement. 

Pour ne parler que de la fermentation du moût de 
raisin, que voit-on en effet dans la pratique de la vini- 
fication ? 

Le raisin cueilli est transporté à la cuverie, il est 
ensuite écrasé, foulé et introduit dans la cuve, où sou- 
vent, suivant la température, il peut rester plusieurs 
jours sans qu'il se manifeste de signes extérieurs de 
fermentation. 

Pendant tout ce temps l'air a libre accès et quand la 
fermentation aura commencé, ce gaz ne sera entière- 
ment chassé qu'après le dégagement d'une certaine 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 207 

proportion d'acide carbonique. Alors c'est bien à l'abri 
de l'air que la fermentation continue, surtout si la 
cuve n'est remplie qu'incomplètement et si une épaisse 
couche d'acide carbonique sépare la masse de la ven- 
dange de l'air extérieur. 

Cependant on ne voit pas que cette action soit ralen- 
tie, toutes autres conditions égales d'ailleurs, lorsque, 
la cuve étant pleine jusqu'au bord, l'air de l'atmos- 
phère reste constamment en contact avec la matière en 
fermentation. 

Si donc on étudie l'action de l'oxygène, soit sur la 
levûre, soit sur la marche de la fermentation qu'elle 
produit, comme nous l'avons fait pour les autres sub- 
stances, on arrive à cette conclusion, qu'à la suite de 
son exposition dans du gaz oxygène, la levûre conserve 
son activité, et que la fermentation ne serait pas empê- 
chée par le passage d'un courant d'oxygène au sein de 
la masse qui fermente. 

C'est en effet ce que M. Dumas a reconnu dans les 
expériences dont nous avons précédemment rendu 
compte , et si nous avons omis de parler de l'oxygène, 
c'est parce que nous nous proposions de revenir spécia- 
lement sur cette action. 

M. Dumas a procédé sur les gaz comme sur les autres 
corps, il a placé de la levûre de bière en bouillie épaisse 
dans des flacons pleins d'oxygène, d'hydrogène, d'azote, 
d'oxide de carbone, de protoxide d'azote, d'hydro- 
gène protocarboné, et après trois jours il a mis ces 
levûrcs dans une solution de sucre. La fermentation 
s'est établie comme à l'ordinaire et elle a suivi la même 



208 ŒNOLOGIE. 

marche régulière que celle qui était produite par de la 
levûre simplement exposée à l'air. 

La levûre qui avait séjourné dans l'hydrogène a 
semblé peut-être un peu plus paresseuse, et celle qui 
avait séjourné dans le protoxide d'azote un peu plus 
active. 

On a également constaté que la fermentation n'était 
pas troublée, lorsque dans un flacon qui renferme du 
sucre, de la levûre et de l'eau, on fait passer pendant 
vingt-quatre heures un courant lent d'oxygène ou un 
courant lent d'hydrogène. 

Lorsque Ton veut parler de l'influence de l'air sur la 
fermentation alcoolique , on cite volontiers les expé- 
riences de Gay-Lussac, dont la publication remonte 
à 1810. 

Gay-Lussac, dans son mémoire sur la fermentation, 
dit que l'on parait d'accord pour admettre que la fer- 
mentation peut commencer et continuer sans le secours 
d'aucun corps étranger et particulièrement du gaz 
oxygène. 

Cette affirmation était vraie à cette époque, mais 
bien longtemps avant on avait reconnu et admis la 
nécessité de l'intervention de l'air pour provoquer la 
fermentation des moûts contenus dans les fruits sucrés. 

M. Chevreul signale ce fait important dans un article 
relatif aux travaux de Stahl et inséré dans le Journal 
des Savants : 

« Sthal avait bien apprécié la triple influence de 
l'air, de l'eau, et d'une certaine température pour la 
fermentation. 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 209 

« Il devait à Bolm l'observation de la nécessité de 
l'air pour la fermentation du moût du suc de groseille, 
du jus de raisin, etc., car, hors du contact de l'atmos- 
phère, ces sucs ne fermentent pas. Cette observation 
qui remonte à Van-Helmont, et qui fut reproduite par 
Mayow, en 1G54, a été longtemps oubliée, car en 1810, 
Gay-Lussac la reproduisait comme nouvelle, et encore 
aujourd'hui peu de personnes savent qu'elle remonte à 
plus de deux siècles. » 

C'est qu'en effet, Gay-Lussac, après avoir déclaré 
qu'on n'admettait pas la nécessité de l'intervention de 
l'oxygène pour déterminer la fermentation, établit par- 
ticulièrement que la fermentation du moût de raisin ne 
peut commencer sans le secours de ce gaz. Cette dé- 
monstration était l'objet principal de son mémoire, et 
les expériences qu'il cite et dont il développe les consé- 
quences sont devenues classiques pour prouver cette 
intervention. 

Nous croyons devoir reproduire intégralement le 
récit donné par Gay Lussac de ses principales expé- 
riences, car nous aurons à en discuter les conditions et 
les résultats. 

« J'ai pris une bouteille de moût de raisin conservé 
depuis un an par les procédés de M. Appert, et parfai- 
tement limpide ; j'ai transvasé le moût dans une autre 
bouteille que j'ai bouchée exactement et je l'ai exposée 
à une température de 15 à 30°. Huit jours après, le 
moût a perdu sa transparence, la fermentation s'y est 
établie, et bientôt il s'est trouve changé en une liqueur 
vineuse, moussant comme le meilleur vin de Champa- 

12. 



210 ŒNOLOGIE. 

gne. Une seconde bouteille de moût conserve depuis' 
un an, comme le précédent, n'a présenté aucun indice 
de fermentation, quoique placée dans les circonstances 
les plus favorables pour la développer. 

« J'ai pris alors cette bouteille de moût de raisin et 
après avoir fait un trait profond au col, avec une lime, 
je l'ai renversée sur un bain de mercure, et j'en ai déta- 
ché facilement le col sans que le moût eût le contact de 
l'air. J'en ai fait passer une portion sur le mercure 
dans une cloche contenant une petite quantité de gaz 
oxygène et une seconde portion dans une autre parfai- 
tement purgée d'air. La première a fermenté en peu de 
jours, mais la seconde n'a présenté aucun indice de 
fermentation même au bout de quarante jours. En ab- 
sorbant, par la potasse, le gaz acide carbonique qui 
s'était dégagé pendant la fermentation de la première 
portion, il n'est resté qu'un résidu extrêmement faible: 
par conséquent le gaz oxygène que j'avais ajouté avait 
été absorbé en très grande partie. 

« Ces résultats prouvent manifestement que le moût 
conservé pendant longtemps ne peut point fermenter 
sans le contact du gaz oxygène. » 

Partant de ces observations, Gay-Lussac a été conduit 
à penser que le moût du raisin, récemment obtenu par 
l'écrasement des grumes, ne fermenterait pas, si on 
écrasait le raisin sans le contact de l'air, et pour le 
prouver il rapporte l'expérience suivante : 

« J'ai pris une cloche dans laquelle j'ai introduit de 
petites grappes de raisin, parfaitement intactes, et après 
l'avoir renversée sous le mercure, je l'ai remplie cinq 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 211 

' fois de suite de gaz hydrogène, pour chasser les plus 
petites portions d'air atmosphérique. Après cela, j'ai 
écrasé le raisin dans la cloche au moyen d'une tige de 
fer et je l'ai exposé à une température de 15 à 20°. 

« Vingt-cinq jours après, la fermentation ne s'était 
pas manifestée, tandis qu'elle s'était déclarée le jour 
même dans du moût auquel j'avais ajouté un peu 
d'oxygène. 

« Pour m'assurer que c'était à cause de l'absence de 
ce gaz que la fermentation ne s'était pas manifestée 
dans la première cloche, j'y ai introduit un peu d'oxy- 
gène et, peu de temps après, la fermentation a été très 
vive. J'ai remarqué dans ces deux dernières expérien- 
ces que l'oxygène était absorbé presque complètement, 
mais je ne puis affirmer s'il s'est combiné avec le car- 
bone ou avec l'hydrogène. 

« J'ai obtenu un volume de gaz acide carbonique 
cent vingt fois plus considérable que celui du gaz oxy- 
gène que j'avais ajouté au moût de raisin ; d'où il est 
évident que si l'oxygène est nécessaire pour commen- 
cer la fermentation, il ne l'est point pour la continuer; 
et que la plus grande partie de l'acide carbonique pro- 
duit est le résultat de l'action mutuelle des principes 
du ferment et de ceux de la matière sucrée. 

a Dans une autre expérience du même genre que la 
précédente, la fermentation s'est déclarée au bout de 
vingt et un jours, mais le raisin était très avancé. 
D'ailleurs une portion du même moût mise en contact 
avec un peu d'oxygène avait fermenté trente-six heures 
après avoir été préparé. Ainsi il est encore évident par 



212 ŒNOLOGIE. 

cette expérience, que le gaz oxygène favorise singuliè- 
rement le développement de la fermentation. » 

Examinons maintenant les conséquences qui ont été 
déduites des expériences qui précèdent. 

Il y a un fait qui ressort sans contestation des obser- 
vations nombreuses que nous avons rapportées, c'est 
que les cellules de levure de bière n'ont pas besoin 
d'oxygène pour végéter et se multiplier dans un milieu 
fermentescible. Il est facile du reste de le vérifier en 
faisant arriver, avec les précautions convenables, des 
cellules toutes faites, dans une dissolution contenant 
tous les éléments nécessaires pour la fermentation et 
que l'on a privée d'air par i'ébullition. 

Il faut donc expliquer pourquoi dans les expériences 
de Gay-Lussac et surtout dans la dernière qui parait 
faite avec tous les soins possibles, la présence de quel- 
ques bulles d'oxygène est indispensable pour provoquer 
la fermentation. 

M. Pasteur fait observer qu'il devait y avoir du fer- 
ment à l'état de germes, soit sur les parois de Féprou- 
vttte, soit dans les impuretés et les poussières dont le 
mercure est souillé, soit surtout à la surface des 
grumes. Il admet que sous l'influence de l'oxygène, ces 
germes qui, sans cette action, seraient restés inertes, se 
sont transformés en cellules de ferment, à peu près 
comme une graine, ne peut devenir plante nouvelle, 
ayant radicule et tigelle, bors de la présence de l'oxygène 
libre. 

Remarquons en passant que cette expérience de 
Gay - Lussac , interprétée d'après les connaissances 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 213 

que nous avons aujourd'hui, prouve très nettement 
qu'il n'y a pas clans le jus renfermé dans l'intérieur 
des grumes, de cellules de levûre toutes formées, car 
celles-ci se développeraient ef provoqueraient la fer- 
mentation, lors même que le jus aurait été écrasé à 
l'abri de l'oxygène. 

Mais si nous nous contentions de ces observations, 
qui peuvent être suffisantes pour donner l'explication de 
l'expérience de Gay-Lussac, nous n'aurions fait con- 
naître que très -imparfaitement la nature et l'importance 
des rapports de l'oxygène avec la levûre soit à l'état de 
germes, soit à l'état de cellules toutes faites. 

Disons d'abord que M. Pasteur a montré quelle était 
la véritable cause de la fermentation dans la première 
observation de Gay-Lussac rapportée plus haut, et qui 
consiste à transvaser le contenu d'une bouteille de 
moût de raisin conservé par la méthode Appert, et à le 
verser dans une autre bouteille que l'on ferme aussitôt 
avec soin. 

Si on fait cette opération en prenant toutes les pré- 
cautions nécessaires pour enlever les poussières qui 
recouvrent la bouteille, si notamment on passe dans la 
flamme d'une lampe à alcool la cordeline et la surface 
du bouchon, après avoir coupé toute la partie qui 
dépasse, si on a également soin de mettre la bouteille à 
remplir dans un bain-marie à 100° et de la renverser 
pour la faire refroidir, si on flambe minutieusement 
tous les objets employés pour l'expérience, on constate 
dans ces conditions que le moût transvasé reste parfai- 
tement intact. Au contraire, une autre bouteille du 



214 ŒNOLOGIE. 

môme moût, transvasée d'après les indications de 
Gay-Lussac seulement, a donné après quelques jours 
tous les indices de la fermentation alcoolique. 

La véritable influence de l'oxygène sur le dévelop- 
pement de la levure et sur la fermentation alcoolique a 
été signalée par M. Pasteur dès 1861, et depuis cette 
époque de nombreuses observations sont venues confir- 
mer ses premières indications. 

Le point capital de cette action est d'une grande 
netteté. 

La levûre toute formée peut bourgeonner et se déve- 
lopper dans un milieu convenable en l'absence com- 
plète d'oxygène ou d'air. Dans ce cas il se forme peu de 
levûre, et il disparaît une grande quantité de sucre. La 
fermentation marche régulièrement, mais lentement. 

Laissons toutes choses dans le même état, mais fai- 
sons intervenir l'air, en opérant par exemple sur une 
grande surface, la fermentation sera plus rapide, et, 
pour la même quantité de sucre disparu, il se sera 
formé beaucoup plus de levûre. La levûre absorbe 
dans ces conditions l'oxygène qui lui est offert, et elle 
se développe énergiquement. 

L'activité de cette levûre mise en contact avec une 
dissolution sucrée à l'abri de l'air sera plus grande que 
celle d'une levûre prise dans un milieu où elle aurait 
vécu dans ces mêmes conditions, c'est-à-dire en l'ab- 
sence de l'oxygène. 

Nous arrivons par ces considérations à pouvoir défi- 
nir et comprendre le rôle double que la levure de bière 
peut présenter dans son évolution biologique. 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 215 

La levure, comme toutes les plantes, a besoin pour 
vivre d'absorber de l'oxygène. 

Si ce gaz lui est fourni en nature, elle l'absorbe, 
dégage de l'acide carbonique et se développe rapide- 
ment, la levûre agit alors comme une moisissure. 

Si elle ne trouve pas d'oxygène libre, mais une sub- 
stance, telle que le sucre, qui puisse lui céder cet élé- 
ment, elle décomposera ce sucre, et parmi les résultats 
de cette action il y aura, comme dans le cas précédent, 
dégagement d'acide carbonique, la levûre alors agira 
comme ferment. 

L'état de ferment se présente donc avec un carac- 
tère particulier, et ce caractère réside dans la propriété 
de pouvoir vivre à l'abri de l'oxygène de l'air. 

« Le caractère ferment, dit M. Pasteur, n'est pas 
une condition de l'existence de la levûre. 

« La levûre est une plante qui ne diffère pas des 
plantes ordinaires, et elle ne manifeste son pouvoir de 
ferment qu'à cause des circonstances particulières dans 
lesquelles on la fait vivre. Elle est ferment ou elle ne 
l'est pas et après qu'elle a vécu sans montrer le moins 
du monde cette propriété, elle est toute prête à l'accu- 
ser quand on la place dans les conditions convenables. 

« La propriété ferment n'est donc pas inhérente à 
des cellules d'une nature spéciale. Ce n'est pas une 
propriété de structure permanente, comme par exem- 
ple celle d'être acide ou alcalin. C'est une propriété qui 
dépend de circonstances extérieures et d'un mode de 
nutrition de l'organisme. » 
Toutes ces considérations, qui confirment ce que 



216 ŒNOLOGIE. 

nous avons dit précédemment à propos de la fermen- 
tation dite intracellulaire , vont également nous per- 
mettre de nous rendre compte de phénomènes que l'on 
observe constamment clans la fermentation vineuse. 

Lorsque les raisins doivent être portés à la cuve, ils 
sont préalablement écrasés ou foulés, par cette opéra- 
tion le moût est largement mis en contact avec l'air et 
il en absorbe les éléments. Quoiqu'une partie de l'oxy- 
gène soit fixée par la substance propre de la pulpe, 
en vertu d'une autre action que nous examinerons plus 
tard, on comprend que cet oxygène va intervenir pour 
faire germer les cellules de levure, et qu'il restera 
encore une certaine quantité de ce corps à l'état libre, 
lorsque ces cellules développeront la fermentation 
alcoolique. La présence de cet oxygène augmentera 
l'énergie de la levûre formée et cette circonstance nous 
explique l'activité tumultueuse qui se manifeste dans 
les premiers temps de la fermentation. 

On sait aussi que si la fermentation tend à s'affai- 
blir dans une cuve, un nouveau foulage la ranime 
promptement, et, ici encore l'influence de l'air mis en 
contact avec la masse explique suffisamment la recru- 
descence de l'action qui s'était ralentie. 

Nous citerons dans cet ordre d'idées une pratique 
usitée dans quelques vignobles de la Lorraine , et dont 
l'efficacité doit être attribuée à la même cause. 

On commence par remplir la cuve, aux deux tiers 
environ, avec des raisins passés préalablement au fou- 
loir, puis on fait brasser la masse de la vendange, sans 
interruption pendant quarante-huit heures, avec des 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 217 

pelles en fer, dites pelles à brasser. Le brassage de 
50 hectolitres de vendange exige l'emploi de quatre 
hommes travaillant sans interruption pendant deux 
jours et deux nuits. Après cette opération , on aban- 
donne la masse à elle-même pendant douze heures 
environ, puis le liquide est soutiré dans des tonneaux 
où s'achève la fermentation. 

Sans parler de l'action de l'air sur les éléments du 
moût et particulièrement sur la matière colorante, il est 
certain que son influence s'exerce en même temps sur 
le développement du ferment dont l'activité est surex- 
citée par cette opération. 

Nous trouvons dans les idées que nous venons de 
développer l'explication des avantages différents que 
présentent les divers modes de traitement appliqués 
aux raisins avant leur mise en cuve. 

Tantôt on se contente de jeter dans la cuve les rai- 
sins apportés de la Vigne, puis on procède dans la cuve 
même à un foulage qui a pour effet d'en écraser plus 
ou moins complètement un grand nombre. 

D'autres fois on procède à un écrasement plus com- 
plet dans un fouloir, et toutes les parties de la masse 
écrasée sont mises en contact pendant un certain temps 
avec l'air extérieur. 

Enfin quelquefois les raisins sont apportés sur le pres- 
soir, là ils sont écrasés par des hommes munis de sabots, 
le jus s'écoule du pressoir et tombe dans un cuveau 
d'où il est transporté dans la cuve au moyen de hottes, 
le marc resté sur le pressoir y est ensuite porté lui-même 
de la même façon, et se mêle à la partie liquide. 

13 



218 ŒNOLOGIE. 

On comprend facilement que clans ces trois modes 
d'opérer l'aération est différente. Moindre dans le 
premier cas, elle est déjà plus complète dans le second 
et elle doit atteindre son maximum dans le j troisième, 
parce que le contact avec l'air est plus intime et plus 
longtemps prolongé. 

En procédant comparativement par ces différentes 
méthodes on reconnaît que l'activité de la fermentation 
est d'autant plus grande au début que l'aération a été 
plus complète, et on se rend très bien compte, par 
les observations qui précèdent, de l'action qu'exerce 
l'oxygène sur le développement des germes et sur la 
végétation des cellules. 

De cette étude de l'influence de l'oxygène sur la 
levûre résulte une conséquence importante, c'est que 
si la levûre formée en présence de l'air, ou ravivée 
dans son activité vitale par l'action de l'oxygène pré- 
sente un maximum d'énergie, il faut, pour utiliser 
cette condition spéciale au profit de la fermentation, 
suspendre complètement la fonction respiratoire di- 
recte, et faire agir cette levûre comme ferment, c'est- 
à-dire lui donner du sucre à l'abri de tout contact avec 
l'oxygène. Car autrement la levûre conservant la possi- 
bilité d'absorber l'oxygène libre cesserait d'agir comme 
ferment, et vivrait comme toutes les moisissures. 

L'oxygène peut donc être utile, mais il ne faut ni 
exagérer, ni rendre permanente son action, car la 
levûre ne devient ferment qu'en l'absence de ce gaz, et 
c'est dans cet état seulement que la fermentation 
qu'elle provoque s'exerce d'une manière normale. 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 219 

Nous avons déjà fait pressentir qu'en dehors de cette 
influence de l'oxygène sur la levûre et la fermentation, 
il y avait lieu d'envisager l'action de ce même corps 
à un autre point de vue, c'est-à-dire en tant qu'elle 
s'exerce chimiquement sur les parties constitutives 
du moût et plus tard sur les éléments du vin lui-même 
après la fermentation. Ce mode d'action est tout-à-fait 
différent du précédent, il a un caractère purement chi- 
mique, tandis que jusqu'à présent nous n'avons insisté 
que sur l'influence physiologique de ce gaz. 

Pour bien comprendre cette dernière influence, il 
nous faudra la diviser en deux temps, le premier est 
celui que nous venons d'étudier, le second aura trait 
au rôle de l'oxygène dans le développement des 
maladies des vins et particulièrement de l'acétifîca- 
tion. 

Quant à l'action chimique de l'oxygène tant sur le 
moût de raisin que sur le vin qui en résulte, nous nous 
réservons de l'examiner lorsque nous nous occuperons 
des questions relatives à la conservation des vins. 



CHAPITRE XIII 



ÉQUATION DE LA FERMENTATION 
ALCOOLIQUE 



Nous avons établi les différences qui existent entre 
les fermentations proprement dites provoquées par des 
êtres organisés et vivants, et les fermentations indi- 
rectes dues à l'action des ferments chimiques ou fer- 
ments solubles. 

Dans toutes ces dernières, le phénomène chimique 
qui est le résultat de la fermentation se traduit tou- 
jours par une équation entre les substances fermentes- 
cibles et les nouveaux composés qui résultent de l'ac- 
tion du ferment. La matière propre du ferment n'inter- 
vient pas dans cette équation. 

Ainsi dans la transformation de l'amidon ou de la 
fécule en sucre, si l'on n'envisage que le terme initial 
et le terme final de la réaction, on constate que, sous 
l'influence de la diastase, l'amidon a fixé les éléments 



ÉQUATION DE LA FERMENTATION. 221 

de l'eau pour se convertir en sucre, conformément à 
l'équation suivante : 

C'2H'°O i( M-2 HO=G ,2 H 12 0 12 . 

On a une équation tout-à-fait semblable pour rendre 
compte de la modification qu'éprouve le sucre de cannes 
lorsqu'il se change en sucre de fruits ou glucose avant 
la manifestation de la fermentation alcoolique : 

G ,2 H^O^-f-HO=G i2 H l2 0 12 . 

Des équations du même genre , plus ou moins com- 
pliquées , servent à rendre compte des transformations 
qui s'opèrent dans les autres fermentations présentant 
les mêmes caractères. 

Nous citerons comme exemple la réaction qui se 
produit entre l'amygdaline et l'émulsine appelée aussi 
synaptase. 

Ces deux substances se trouvent réunies dans les 
amandes amères, mais elles y existent dans des parties 
distinctes et dès lors ne peuvent réagir l'une sur l'autre. 
Si on broie les amandes amères et qu'on ajoute de l'eau 
au tourteau qui résulte de cette action, l'émulsine, qui 
est un ferment soluble , réagira sur l'amygdaline et 
celle-ci éprouvera une modification très-nette, suscep- 
tible d'être représentée par l'équation suivante : 

C 5 °H 2 ?Az0 22 4-4 HO = C l4 H 6 OM-C 2 AzH + 2 G ,2 H 12 0 12 . 

Amygdalino. Eau. Essence Acide Glucose. 

d'amandes cyanhydri- 
atncres. que. 



222 ŒNOLOGIE. 

Après cette réaction le tourteau d'amandes amèrcs 
donnera, à la distillation, de l'essence d'amandes 
amères, substance qu'il ne contenait pas toute formée 
avant la réaction qui lui a donné naissance. 

Les amandes douces ne produisent rien de semblable, 
et l'on s'explique ce fait en constatant qu'elles 
contiennent bien de l'émulsine, mais pas d'amygda- 
line. Si on arrose avec une dissolution d'amygdaline le 
tourteau d'amandes douces, il fournira ensuite à la dis- 
tillation de l'essence d'amandes amères. 

On obtiendra également cette réaction par l'addition 
de la synaptase à la dissolution d'amygdaline et par con- 
séquent sans faire intervenir directement les amandes. 

On voit que parmi les produits de décomposition de 
l'amygdaline figure l'acide cyanhydrique ; or on a re- 
connu qu'à la suite de l'injection dans les veines d'un 
animal d'une part de l'amygdaline dissoute, de l'autre 
de l'émulsine également en dissolution on provoquait 
une intoxication et la mort avec tous les symptômes de 
l'empoisonnement par l'acide cyanhydrique. 

Tous ces faits établissent nettement le caractère pure- 
ment chimique de ces fermentations indirectes ; on sait 
du reste que les réactions qui les caractérisent peuvent 
être obtenues en remplaçant le ferment soluble par les 
acides étendus, et en aidant leur production par une 
élévation de température. 

Nous trouvons curieux de rapprocher des faits qui 
précèdent l'énoncé de la théorie de la fermentation 
alcoolique proposée au commencement de ce siècle par 
Fabroni. 



ÉQUATION DE LA FERMENTATION. 



223 



D'après celte théorie, la fermentation était l'effet 
d'une action chimique réciproque de quelques substances 
contenues dans le raisin. Ces substances ne fer- 
mentent pas dans les grumes, parce qu'elles y sont ren- 
fermées dans des cellules distinctes, mais vient-on à 
rompre les parties qui les contiennent et à les mettre 
en contact, alors la fermentation se manifeste. 

Pour Fabroni, la fermentation et l'effervescence sont 
deux phénomènes analogues, qui dépendent de l'action 
réciproque de plusieurs substances en contact. 

On voit par ce rapprochement comment on était con- 
duit, par des ressemblances tout-à-fait superficielles et 
une étude incomplète des faits, à confondre des phéno- 
mènes essentiellement différents. Plus tard, en voulant 
également réunir dans un seul groupe et expliquer de 
la même manière toutes les fermentations, on avait cru 
voir une preuve de l'exactitude de ce point de vue dans 
la possibilité de représenter les résultats des fermenta- 
tions véritables par des équations semblables à celles 
que nous venons de citer. 

La fermentation alcoolique notamment conduisait à 
l'équation que nous avons déjà rapportée et que l'on 
considérait comme exprimant exactement le mode de 
décomposition du sucre : 



Les expériences de M. Pasteur ont démontré que 
cette équation n'était qu'approchée, puisque, outre l'a- 



C I2 H 12 0 12 



= 4C0 2 +2C 5 H 6 0 2 . 



Sucre 
de fruits. 



Acide Alcool, 
carbonique. 



224 ŒNOLOGIE. 

cide carbonique et l'alcool, il se forme en même temps 
et d'une manière constante, aux dépens du sucre, de la 
glycérine, de l'acide succinique et même de la cellu- 
lose. 

Nous sommes ainsi naturellement conduits à nous 
demander si, en tenant compte de la formation de tous 
ces composés, on peut établir entre le sucre et les pro- 
duits qui en dérivent une équation analogue aux précé- 
dentes et qui serait vérifiée toutes les fois que la fer- 
mentation alcoolique se développe. 

M. Pasteur, dans son mémoire sur la fermentation 
alcoolique, publié en 1860, avait cherché à formuler 
une relation entre le sucre et les autres produits de la 
fermentation, l'acide succinique et la glycérine, et il est 
arrivé à une équation très compliquée dans laquelle 
intervient l'acide carbonique et qui s'accorde assez avec 
les résultats de l'expérience. 

Mais dès cette époque M. Pasteur a montré toute la 
difficulté que présente la solution de ce problème : re-» 
présenter par une équation les phénomènes chimiques 
de la fermentation alcoolique. 

« Ce qui importe surtout, dit-il dans la discussion 
de cette question, c'est l'équation de fait, matérielle 
entre le sucre et la somme des principaux éléments. 

a Quant à l'équation chimique formulée en équiva- 
lents, est-il bien possible de l'établir pour un acte aussi 
compliqué? Au moment où il se fait de l'alcool, il se 
forme simultanément de l'acide carbonique, de l'acide 
succinique, de la glycérine, de la cellulose, de la matière 
grasse et sans doute beaucoup d'autres substances, peut- 



ÉQUATION DE LA FERMENTATION. 225 

être aussi essentielles que ces deux dernières à la vie 
des globules, et par suite au phénomène de la transfor- 
mation chimique du sucre, bien que leur poids total 
doive être extrêmement minime. » 

Les nombreux détails dans lesquels nous sommes 
entrés sur les différentes questions qui se rattachent à 
la fermentation alcoolique, nous conduisent à cette con- 
clusion, c'est que non seulement l'équation de cette fer- 
mentation doit être très- complexe et difficile, sinon 
impossible, à formuler, mais qu'elle est essentiellement 
variable avec les conditions dans lesquelles la fermenta- 
tion s'accomplit. 

« Chacune des fermentations produites par un être 
organisé, dit M. Pasteur, dans ses études sur la bière, 
a une équation que l'on peut établir d'une manière 
générale, mais qui dans le détail est assujettie aux 
mille variations que comportent les phénomènes de la 
vie. » 

Nous avons vu notamment que la fermentation alcoo- 
lique pouvait être provoquée par plusieurs espèces de 
levûre différentes. L'aliment sucré étant identique, il 
y aura nécessairement avec ces levûres diverses des 
équations qui ne seront pas les mêmes pour chacune 
d'elles. 

De même la levûre restant la même, si la constitu- 
tion du milieu où elle végète est changée, il y aura éga- 
lement des variations dans les résultats produits et dans 
les proportions des substances obtenues. 

Ces variations peuvent aussi avoir pour causes les 
conditions dans lesquelles s'opère la végétation de la 

13. 



226 ŒNOLOGIE. 

levure, suivant que celle-ci a lieu hors du contact de 
l'oxygène de l'air ou bien avec le concours de cet oxy- 
gène, dont l'action modifie l'énergie et l'activité vitale 
de la levure. 

C'est à ces diverses influences qu'il faut attribuer 
l'origine des nombreuses variétés de bière que l'on peut 
obtenir avec des moûts de compositions presque sem- 
blables, mais dans lesquels on fait intervenir diffé- 
rentes espèces de levûre , ou bien dans lesquels on 
change les conditions de végétation de la levûre. Par 
suite de ces circonstances le mode de manifestation 
de la fermentation alcoolique est modifié , quoique 
celle-ci conserve ses caraclères généraux. 

Nous devons avoir pour les vins des différences du 
même ordre ; ici le mode de production du ferment est 
à très peu près le même, seulement il y a des diffé- 
rences d'énergie tenant au climat, à la température, à 
l'intervention plus ou moins grande de l'air. 

Mais ce qui diffère surtout dans les divers vignobles, 
et aussi avec les années dans un même vignoble, c'est la 
composition du milieu fermentescible. 

Les jus sucrés fournis par un même cépage ne se 
ressemblent pas d'une année à l'autre, et ces variations 
sont encore plus sensibles si Ton compare entre eux les 
différents cépages. 

Il n'est donc pas étonnant que, dans ces conditions 
si variées, nous n'ayons pas des résultats identiques, 
pouvant se traduire par une formule unique et par un 
ensemble de propriétés exactement semblables. 

Au milieu de cette grande diversité domine tou- 



ÉQUATION DE LA FERMENTATION. 227 

jours l'idée générale qui caractérise la fermentation 
alcoolique au double point de vue chimique et physio- 
logique. 

"Vie, développement et multiplication de cellules végé- 
tales, bien définies quant à la place qu'elles occupent 
clans la série des êtres. 

Décomposition de la matière sucrée, et formation à 
ses dépens de produits divers parmi lesquels dominent 
l'alcool et l'acide carbonique. 

Quant à exprimer ce mode de décomposition par 
une équation invariable dans le premier terme de la- 
quelle nous mettrions un certain nombre d'équivalents 
de sucre, et dont le second terme comprendrait les dif- 
férentes substances provenant de sa décomposition, 
cela n'est pas plus possible que l'établissement d'une 
équation unique pour représenter les phénomènes de 
nutrition produits par la digestion d'un même aliment 
chez des animaux différents. 

Ces réflexions nous montrent encore une fois très- 
nettement ce qui caractérise les fermentations vérita- 
bles et ce qui les sépare des opérations confondues plus 
ou moins avec elles sous le nom de fermentations indi- 
rectes. 



CHAPITRE XIV 



CONSERVATION DES VINS 
PREMIÈRE PÉRIODE : MISE EN TONNEAUX 



L'étude que nous venons de faire des différentes 
questions qui se rattachent aux fermentations en général, 
et plus particulièrement à la fermentation alcoolique- 
nous a montré le rôle important que joue cette der- 
nière opération dans la préparation du vin, et nous a 
permis d'expliquer les modifications que subit le moût 
de raisin en se changeant dans ce nouveau liquide qui 
constitue le vin. 

Le vin, une fois obtenu, est mis dans des tonneaux, 
où on le conserve plus ou moins longtemps avant de le 
livrer à la consommation, ou de le placer dans de nou- 
velles conditions par la mise en bouteilles. 

Pendant cette période, le vin ne reste pas inactif et 
immobile comme un liquide de composition immuable 
et bien définie. Il est soumis à plusieurs opérations qui 
ont pour but d'assurer sa conservation et même de 
l'améliorer, et soit comme conséquence de ces opéra- 



CONSERVATION DES VINS. 229 

lions et des influences diverses qui en résultent, soit 
par suite de l'action réciproque des différents éléments 
du vin, celui-ci se modifie d'une manière continue et 
acquiert avec le temps des propriétés nouvelles. 

Ces réactions s'accomplissent dans tous les vins, 
quelle que soit leur qualité première, et il nous sera 
facile de les caractériser d'une manière générale. 

On peut du reste s'assurer de leur existence et des 
résultats qu'elles ont produits en comparant le vin 
nouveau, c'est-à-dire à l'état où il sort du pressoir, et 
le vin vieux ou plutôt le vin conservé depuis un temps 
plus ou moins long. 

Pour bien comprendre cette action complexe et mul- 
tiple, nous avons établi une division dans les phéno- 
mènes qui se produisent. Nous devrons distinguer 
notamment ce qui provient de l'action qu'exercent les 
uns sur les autres les différents éléments du vin ; et ce 
qui est dû à une influence extérieure, par exemple à 
celle de l'air et de l'oxygène qu'il renferme. 

Mais avant de caractériser et d'étudier ces deux ordres 
de phénomènes, nous devons revenir rapidement sur 
les différentes manipulations auxquelles les vins sont 
soumis depuis leur mise en tonneaux jusqu'à leur mise 
en bouteilles qui doit changer encore une fois leur con- 
dition d'existence. Cette période comprend la seconde 
partie de la vinification, la première se rapporte aux 
opérations qui se sont succédées depuis la vendange, 
jusqu'au moment de l'introduction du vin dans les ton- 
neaux. 

Ces dernières opérations ont été examinées précé- 



230 ŒNOLOGIE. 

demment et les détails dans lesquels nous sommes 
entrés sur la fermentation, nous ont permis de les 
expliquer et d'en faire connaître le but et la portée. 

Etudions maintenant ce qui va se passer lorsque le 
vin est fait et abandonné à lui même dans des condi- 
tions convenables. 

Les caves dans lesquelles les tonneaux sont disposés 
doivent être à une température basse et constante 
autant, que possible, le vin prendra bientôt cette tem- 
pérature; et les phénomènes de la fermentation cesse- 
ront de se produire et de se manifester dans ce liquide. 

La conséquence de cet état de choses va être l'éclair- 
cissement du liquide qui était d'abord plus ou moins 
trouble. Les parties solides qu'il tenait en suspension 
vont se déposer, promptement pour les matières les 
plus lourdes, plus lentement pour celles qui sont plus 
légères, et bientôt on aura dans chaque tonneau deux 
couches nettement distinctes. 

L'une supérieure, celle qui occupe le plus d'espace, 
est à peu près claire ; la partie inférieure est au con- 
traire boueuse, épaisse, elle constitue la lie dont la pro- 
portion avec le volume total varie suivant les vins et les 
années. Au commencement la séparation entre ces 
deux parties n'est pas parfaitement tranchée, mais la 
démarcation devient de plus en plus nette à mesure que 
le dépôt se tasse et que le liquide supérieur s'éclaircit. 

Mais pendant que cette séparation s'opère, par l'effet 
seul du repos et sans exiger aucun soin particulier, le 
vin doit être surveillé à un autre point de vue. 

Lorsque les tonneaux viennent de recevoir le vin 



CONSERVATION DES VINS. 231 

sortant du pressoir, on ne les remplit pas complète- 
ment et on ne les ferme pas immédiatement. 

Le vin est à ce moment à une température bien 
supérieure à celle des caves, cette circonstance et le 
mélange qui vient d'être fait par l'action de la presse de 
certaines parties ayant échappé à l'influence de la fer- 
mentation dans la cuve, entretiennent pendant quelque 
temps cette dernière opération, et le dégagement d'a- 
cide carbonique continue encore, quoique faiblement. 

Lorsque , par suite du refroidissement du liquide, 
toute réaction a cessé, on achève de remplir les ton- 
neaux, et on les ferme au moyen d'une bonde en bois 
entourée de linge. 

A partir de ce moment, il faut avoir soin de main- 
tenir les tonneaux constamment pleins, et on obtient 
ce résultat par une opération fréquemment répétée que 
l'on désigne sous le nom d'ouillage ou de remplissage, 
laquelle consiste à remplacer régulièrement, tous les 
quinze jours ou tous les mois, le liquide que le tonneau 
perd d'une manière incessante par suite del'évaporation. 

Il est facile de constater le fait de cette déperdition 
constante du vin renfermé dans un tonneau. Il suffit 
de vérifier ce tonneau, un mois environ après l'avoir 
rempli, on y trouve alors un vide de capacité variable 
avec l'âge du vin, la nature du tonneau et les condi- 
tions particulières que présente la cave. 

La conséquence de cette déperdition est la rentrée 
dans le tonneau d'une certaine quantité d'air, dont 
l'action sur le vin peut devenir nuisible dans beaucoup 
de circonstances. 



232 ŒNOLOGIE. 

Aussi doit-on avoir soin de procéder fréquemment au 
remplissage du tonneau par l'addition de la quantité de 
vin nécessaire pour obtenir ce résultat. 

Cette opération est très-simple, elle ne présente 
aucune difficulté, et la seule prescription à faire c'est 
de n'employer pour l'accomplir que du vin exempt 
de toute altération. 

La règle à suivre dans la pratique étant de main- 
tenir le tonneau toujours plein afin d'éviter l'acidifica- 
tion, il faut remplir d'autant plus fréquemment que 
l'évaporation est plus rapide et que les chances d'alté- 
ration sont plus grandes. 

Cette prescription n'est pas limitée aux premiers 
mois qui suivent la mise en tonneaux, elle doit être 
continuée avec le même soin pendant tout le temps que 
dure cette phase de la vie du vin. Les tonneaux qui le 
contiennent doivent toujours être maintenus pleins, et 
c'est à cette condition seulement d'un remplissage fré- 
quent que le vin pourra être conservé et s'améliorer 
par suite de cette conservation. 

Les recommandations que nous venons de faire rela- 
tivement au remplissage trouvent également leur appli- 
cation, lorsque les vins, au lieu d'être mis dans des 
tonneaux sont conservés dans des foudres de grande 
dimension. Dans ce cas on observe, en général, que le 
vin se fait moins vite, son amélioration marche moins 
rapidement. Bientôt nous nous rendrons compte de ce 
fait, qui se trouve lié à cet autre, c'est que la perte à 
réparer par l'ouillage est moindre pour la même quan- 
tité de liquide. 



REMPLISSAGE. 233 

Nous croyons devoir, à propos du remplissage, insister 
sur une particularité que les sommeliers connaissent 
parfaitement, mais dont ils ne se rendent pas compte 
très exactement. 

Nous avons dit que la meilleure condition à remplir 
dans une cave, c'était une température basse et cons- 
tante en toute saison, de 8 à 10° par exemple. Or il 
arrive souvent que la température des caves s'élève 
au-dessus de ce point pendant l'été, et qu'elle s'abaisse 
au contraire pendant l'hiver. On peut remédier à ces 
inconvénients au moyen de soupiraux convenable- 
ment disposés et faisant varier le mode d'aération. 

Lorsque les dispositions ne permettent pas le main- 
tien d'une température constante, il peut arriver pen- 
dant l'hiver, par suite d'un grand froid longtemps pro- 
longé, qu'elle s'abaisse jusqu'au voisinage de zéro, et 
dans ce cas il se présentera un phénomène curieux et 
qu'il est facile d'expliquer. 

A ce moment les tonneaux n'auront pas besoin d'être 
remplis, et même le liquide qu'ils contiennent aug- 
mentera de volume, sans cependant qu'on puisse assi- 
gner comme cause de cette action la production d'une 
fermentation dans l'intérieur de la masse. Gela tient au 
maximum de densité que l'eau présente vers la tempé- 
rature de 4°, le volume du liquide qui diminuait avec 
la température jusqu'à ce point, ira au contraire en 
augmentant dés que celle-ci s'abaissera au-dessous 
de 4°. 

Supposons par exemple que des tonneaux aient été 
remplis, alors que la température se trouvait de très- 



234 



ŒNOLOGIE. 



peu supérieure à 4% et que la température de la cave 
continue à s'abaisser. Le volume du vin va augmenter 
à mesure que cet abaissement aura lieu, et si on n'y 
prenait pas garde il pourrait en résulter des acci- 
dents. 

Il est facile d'éviter l'inconvénient que nous venons 
de signaler, et si nous insistons sur ce point, c'est pour 
montrer que l'augmentation du volume du vin, la 
pousse, comme on dit, n'est pas due dans ces conditions 
à un mouvement de fermentation dans l'intérieur du 
liquide. 

En dehors de ces remplissages nécessaires pour 
assurer la bonne conservation du vin pendant son 
séjour dans les tonneaux, il est une autre opération qui 
n'est pas moins utile mais qui ne demande pas à 
être pratiquée aussi fréquemment, c'est celle du souti- 
rage. 

Cette opération consiste à séparer la portion limpide 
du vin du dépôt qui s'est formé et réuni à la partie 
inférieure. 

On en comprend parfaitement la nécessité, dans les 
premiers mois qui suivent la mise en tonneaux, à cause 
de l'abondance de la lie qui s'est déposée et qui provient 
de toutes les parties solides entrainées au moment du 
décuvage et par suite de l'action du pressurage. 

Ordinairement ce soutirage, qui a pour effet d'enlever 
la lie formée principalement par le ferment qui s'est 
développé dans la cuve et par le tartre qui s'est déposé 
à la suite de la fermentation, a lieu vers la fin de l'hiver, 
avant le retour du printemps et par conséquent avant 



SOUTIRAGE. 235 

l'élévation de température qui pourrait avoir pour 
résultat d'y provoquer une action dont les suites ne 
seraient pas sans inconvénient. 

Ce que nous venons de dire suffit pour faire com- 
prendre la nécessité de ce premier soutirage et pour 
indiquer la limite extrême de l'époque à laquelle il faut 
y procéder. 

On comprend qu'il ne puisse y avoir à cet égard des 
règles fixes, certains vins plus précieux, plus délicats 
demanderont à être soutirés plus tôt ; mais en général 
on peut attendre jusque vers la fin de l'hiver. 

Lorsque l'on veut soutirer dès que le dépôt de la 
grosse lie est effectué, on fait cette opération dans le 
mois de novembre peu de temps après le refroidisse- 
ment du vin. Ce premier soutirage ne dispense pas de 
celui qui doit être opéré avant le retour du printemps. 

Ce que nous savons de la nature de la lie nous expli- 
que parfaitement les effets du soutirage et la nécessité 
de cette opération. 

La lie qui constitue ce premier dépôt dans les ton- 
neaux est abondante, elle est principalement formée 
par la levure qui s'est produite pendant la fermenta- 
tion, le sens donné à cette expression l'indique du reste 
très nettement. On dit lie de vin, comme on dit levure 
de bière, cependant la lie de vin ne contient pas seule- 
ment de la levûre, elle renferme d'autres composés qui 
se sont déposés par suite des changements survenus 
dans la composition du moût, par exemple du bitartrate 
de potasse. On y trouve également toutes les parties so- 
lides qui ont été entraînées lors de la mise en tonneaux. 



236 ŒNOLOGIE. 

Toutefois c'est la matière organisée, la levure qui 
domine dans ce dépôt ; quoique le sucre ait été détruit en 
grande partie par la fermentation dans la cuve, et par 
celle qui a continué encore pendant quelque temps 
après le mélange intime de toute la masse par le pres- 
surage , la levûre continue à vivre après qu'elle s'est 
déposée, seulement l'abaissement de température di- 
minue l'énergie de cette action qui est circonscrite à 
l'espace occupé par le dépôt. 

On comprend dès lors qu'il importe de séparer ce 
dépôt du reste du liquide, avant qu'une élévation de 
température amenée par le retour du printemps ne 
vienne augmenter l'activité du ferment qu'il contient, 
et ne détermine de nouveau, par les mouvements qui 
s'opéreront dans le liquide son mélange avec les parties 
supérieures. 

Nous n'avons pas à entrer ici dans les détails pra- 
tiques relatifs à l'opération du soutirage, il nous suffît 
d'avoir montré son mode d'action et la cause de son 
influence sur la conservation du vin. 

Seulement nous devons ajouter que ce premier sou- 
tirage n est pas le seul qui soit indispensable, cette ma- 
nipulationa besoin d'être renouvelée au moins une fois 
chaque année pendant tout le temps que dure le séjour 
du vin dans les tonneaux. Mais pour bien faire saisir 
quelle est la nature des réactions qui rendent nécessaire 
le renouvellement de cette opération, il nous faut in- 
sister sur une influence que nous n'avons pas fait 
ressortir suffisamment jusqu'ici. 

Après son introduction dans les tonneaux, si le vin 



SOUTIRAGE. 237 

s'évapore et diminue, ce qui exige son renouvellement 
fréquent, le vide qui tendait à se former a été rempli 
par une certaine quantité d'air et par conséquent d'oxy- 
gène dont on connaît l'action sur le vin. La quantité 
de liquide employé à ce remplissage pourrait nous don- 
ner une idée du volume d'air qui vient ainsi se mêler au 
vin et agir sur ses éléments dans un temps déterminé. 

Si nous suivons cette action sur un vin nouveau, 
nous verrons que, jusqu'au premier soutirage, il aura 
déjà absorbé un certain volume d'air, mais pendant 
la pratique de cette opération, il sera mis en contact 
avec l'air sur une large surface, et par conséquent l'ac- 
tion de l'oxygène sera augmentée, elle continuera à 
s'exercer après ce soutirage et pendant tout le cours de 
l'année qui va suivre. 

Toutes ces influences nous expliquent ce que nous 
allons trouver dans les tonneaux la seconde année, et 
vont nous rendre compte de la nécessité des soutirages 
ultérieurs. 

En effet lorsqu'un vin nouveau a été soutiré au mois 
de mars, c'est-à-dire débarrassé de sa lie, et remis 
dans des tonneaux préalablement lavés, on remplit ces 
tonneaux et on les ferme exactement ; puis *on les 
abandonne à eux-mêmes en ayant soin seulement de 
remplacer le vin perdu par l'évaporation. Alors on 
constatera qu'il se fera dans ces tonneaux un nouveau 
dépôt, moins abondant que le premier, mais cependant 
assez notable et bien suffisant pour provoquer l'altéra- 
tion du vin et pour le troubler tout au moins si ce 
dépôt n'était pas enlevé avec soin. 



238 ŒNOLOGIE. 

Ce dépôt est dû à la séparation des matières en sus- 
pension qui avaient pu être entraînées pendant le pre- 
mier soutirage, à la formation d'une nouvelle quantité 
de levûre produite par les fermentations qui se sont 
développées après cette opération, sous l'influence de la 
température, à la continuation de la précipitation du 
bitartrate de potasse, et aussi à l'action que l'oxygène 
de l'air introduit dans les conditions que nous venons 
d'énoncer a exercée sur quelques-uns des éléments du 
vin et notamment sur la matière colorante. 

Il faudra donc procéder à un second soutirage, et 
cette opération aura également lieu vers la fin de mars, 
pour les mêmes motifs que ceux qui avaient fixé le 
premier à cette même époque. 

Pour des vins précieux il sera même utile de faire 
dans l'année deux soutirages, un en mars, l'autre vers 
la fin de juillet ou dans le mois de septembre. 

Le même raisonnement nous montrera la nécessité 
de continuer cette série d'opérations les années sui- 
vantes, si le vin est plus longtemps conservé dans des 
tonneaux. 

Ainsi, en résumant les observations qui précèdent, 
nous vcryons qu'après la fermentation, l'être organisé 
qui s'est développé dans la masse de la vendange pen- 
dant cette réaction se dépose et constitue la lie; le rôle 
de ce ferment dans la préparation du vin est alors ter- 
miné et il faut s'en débarrasser. Le premier soutirage 
amène à peu près ce résultat, et donne un liquide pres- 
que limpide, toutes les matières déposées avec le fer- 
ment étant enlevées en même temps. 



SOUTIRAGE. 239 

Les autres soutirages complètent l'effet produit par 
la première opération en même temps qu'ils débar- 
rassent le vin des dépôts qui continuent à s'y former en 
vertu des actions multiples que nous avons énumérées. 

Toutes ces considérations nous montrent également 
que si, à une époque quelconque après sa préparation, 
le vin doit être transporté à une distance plus ou moins 
considérable, il faudra ne procéder à ce déplacement 
qu'après l'avoir soutiré, car le mélange du dépôt à la 
partie limpide pourrait ne pas être sans danger. 

Toutefois, cette dernière observation ne s'applique 
pas aux vins nouveaux. Ceux-ci peuvent sans incon- 
vénient être expédiés sur lie, comme on dit, c'est-à-dire 
sans soutirage préalable, pendant l'hiver qui suit la ré- 
colte. Lorsqu'ils sont arrivés à destination], on les des- 
cend dans une bonne cave, on les laisse reposer et on 
les soutire avant le retour du printemps. 

Les bons effets qui peuvent résulter de ce mélange 
du dépôt avec le vin dans ces conditions, sont même 
quelquefois provoqués dans les vignobles dans les 
mois qui suivent la vendange. On les obtient en rou- 
lant les tonneaux qui renferment les vins, et on a sur- 
tout recours à cette opération dans les années où la 
maturité a été parfaite, et par conséquent où Ton a 
opéré sur des moûts très riches en sucre. 

Les dispositions prises dans les caves pour le pla- 
cement des tonneaux contenant les vins rouges ne per- 
mettent guère d'avoir recours à cette pratique, à moins 
de circonstances particulières, mais elle est souvent 
usitée pour les vins blancs , qui sont ordinairement 



240 ŒNOLOGIE. 

conservés pendant quelque temps dans des celliers ou 
des magasins avant d'être descendus et placés dans les 
caves. 

Il nous reste encore à examiner plusieurs autres 
manipulations pratiquées sur les vins avant qu'ils ne 
soient livrés à la consommation, mais nous devons 
auparavant étudier avec détails les deux questions que 
nous avons posées au commencement de ce chapitre et 
qui sont relatives l'une à l'influence de l'oxygène con- 
tenu dans l'air, l'autre à l'action réciproque des diffé- 
rents éléments du vin pendant cette première période 
de sa conservation. 



CHAPITRE XV 



ACTION RÉCIPROQUE DES SUBSTANCES 
CONTENUES DANS LES VINS 



Nous ne pouvons comprendre Faction que les diffé- 
rentes substances contenues dans les vins peuvent 
exercer les unes sur les autres qu'après avoir fait con- 
naître la composition générale, la nature et le mode de 
formation de ces composés que l'on désigne sous 
le nom d'éthers et que nous avons cités après l'énumé- 
ration des caractères des différentes séries formées par 
les alcools, les acides gras et les aldéhydes. 

Les éthers sont des composés qui résultent de l'union 
des alcools, soit avec les acides, soit avec les aldéhydes, 
soit avec les alcools eux-mêmes. 

Les listes que nous avons données de ces différents 
corps nous montrent dès lors le nombre considérable de 
ces produits qu'il est possible d'obtenir, surtout si nous 
ajoutons que les acides, autres que les acides gras, peu- 
vent également former des éthers par leur action sur 
les alcools. 

14 



242 ŒNOLOGIE. 

Nous allons d'abord établir la composition et les 
caractères généraux des éthers et indiquer les lois qui 
président à leur production. 

Les plus importants de ces composés, surtout au 
point de vue particulier qui nous occupe, sont ceux que 
produit Faction des acides sur les alcools. 

Les alcools doivent être considérés comme des prin- 
cipes neutres qui peuvent s'unir directement avec les 
acides et les neutraliser en formant des éthers; cette 
union est accompagnée de la séparation des éléments 
de l'eau. 

De même qu'un oxyde métallique peut se combiner 
avec tous les acides pour donner une série de sels ayant 
tous la même base, de même un alcool peut s'unir avec 
les mêmes acides et donner une série d'éthers corres- 
pondants. 

Citons comme exemple l'acide acétique et la soude ; 
de leur combinaison résulte un sel, l'acétate de soude ; 
le même acide avec l'alcool éthylique ou vinique don- 
nera un éther qu'on appelle l'éther acétique, dont la 
composition est représentée par la formule 

C*H 3 0 3 , C'fFO, 

qui correspond à 

C 5 H 3 0 3 , NaO. 

Cette ressemblance des éthers avec les sels n'est pas 
cependant complète, car il existe de grandes différences 
entre ces composés, et les alcools ne doivent pas être as- 
similés d'une manière absolue avec les bases minérales. 

On sait notamment combien l'éther chlorhydrique 



FORMATION DES ÉTHERS. 243 

diffère des chlorures ordinaires et par ses propriétés 
physiques et par ses caractères chimiques. 

La différence essentielle sur laquelle nous insiste- 
rons, parce que nous aurons à en constater les effets, 
c'est que le concours du temps est nécessaire pour que 
la combinaison des acides avec les alcools se complète, 
ce qui n'a pas lieu dans la saturation des acides par les 
bases minérales. 

Ainsi mélangeons deux dissolutions contenant à équi- 
valents égaux de l'acide acétique et de la soude, aussi- 
tôt après le mélange il se sera formé de l'acétate de 
soude contenant tout l'acide acétique et toute la soude. 

Au contraire si nous faisons un mélange semblable 
d'acide acétique et d'alcool à équivalents égaux, dissous 
dans l'eau, ces deux corps n'agiront pas immédiatement. 
A la température ordinaire on n'observe pas encore 
d'action sensible au bout de quelques heures. 

La réaction s'opérera peu à peu, après une semaine 
7 à 8 centièmes d'acide seulement se trouvent changés 
en éther acétique. La combinaison continuera à s'ef- 
fectuer progressivement, pendant plusieurs années ; 
elle ne s'arrêtera pas, mais elle ira en se ralentissant. 

Lorsque Ton veut, dans les laboratoires, préparer 
l'éther acétique, on distille un mélange d'acétate de 
soude fondu et divisé et d'un liquide contenant de l'al- 
cool et de l'acide sulfurique concentré. Le produit est 
agité avec une solution concentrée de chlorure de cal- 
cium, renfermant un peu de chaux éteinte, puis on le 
rectifie après l'avoir fait digérer sur du chlorure de 
calcium sec. 



244 ŒNOLOGIE. 

On obtient ainsi un liquide incolore, d'une odeur 
agréable, qui bout à 74°. 

Nous avons vu, que par suite de la fermentation, il se 
formait dans les vins de l'alcool ordinaire qui était 
accompagné, mais en proportion très-faible, d'autres 
alcools, de plus il se produit dans cette même opération 
des acides tels que l'acide succinique, Pacide acétique 
et d'autres acides analogues à ce dernier. D'un autre 
côté les vins contiennent d'autres acides qui préexis- 
taient dans le moût du raisin, tels que l'acide tartrique, 
l'acide malique. 

Il y a donc dans le vin des alcools et des acides, et ces 
deux ordres de composés étant dissous dans la même 
liqueur .devront réagir les uns sur les autres, d'après 
les indications ;qui précèdent, et former des éthers, 
c'est-à-dire de nouveaux composés ayant des propriétés 
différentes de celles des corps qui leur ont donné nais- 
sance. 

Cette formation est soumise à la loi que nous avons 
énoncée relativement au temps, c'est-à-dire qu'elle 
n'aura pas lieu de suite ; la production des éthers pos- 
sibles dans un vin par suite des alcools et des acides 
que ce vin renferme ne se produira que lentement, elle 
mettra plusieurs années pour se compléter, et cette 
considération nous fait pressentir le rôle important que 
ces réactions doivent jouer dans les modifications de 
propriétés et les changements de qualité que les vins 
éprouvent avec le temps. 

Dès que l'alcool de la fermentation apparaît dans un 
moût acide, cette espèce d'action commence, elle doit 



FORMATION DES ÉTHERS. 245 

être très complexe, à cause de la composition très com- 
pliquée de ces liquides, et elle doit continuer ensuite 
d'une manière incessante apportant à chaque instant 
les modifications qui en sont le résultat. 

Cette action des acides sur l'alcool est sans contredit 
la plus importante, du moins au point de vue de la 
quantité, de celles qui se produisent entre les sub- 
stances dont nous avons constaté la présence et la for- 
mation dans le vin, et nous nous proposons de l'étudier 
avec détails, mais il en est d'autres qui, pour s'exercer 
sur des produits n'existant qu'en proportions très faibles, 
présentent néanmoins un grand intérêt et exercent sur 
les qualités des vins, notamment sur leur odeur et leur 
saveur, une influence considérable. 

Nous reviendrons plus tard sur ces réactions, et nous 
chercherons à faire ressortir les conséquences qu'il 
nous sera possible de déduire de l'ensemble de tous les 
faits constatés dans la mesure des connaissances que 
nous possédons sur ces différentes substances. 

M. Berthelot, après avoir étudié dans une longue 
série de recherches, les lois générales de la formation 
des éthers et les caractères de ces différents composés, 
s'est occupé de cette même formation dans les vins et 
les autres liqueurs alcooliques, nous allons résumer les 
principales observations qu'il a faites sur ce sujet , afin 
de bien établir les conséquences qui en résultent rela- 
tivement à l'action réciproque des substances normale- 
ment contenues dans les vins en faisant abstraction des 
causes de perturbation qui doivent être considérées 
comme accidentelles. 

14. 



246 ŒNOLOGIE. 

Les expériences de M. Berthelot conduisent aux 
conclusions suivantes : 

1° La formation des éthers s'effectue d'une manière 
nécessaire, par suite des actions réciproques qui se 
produisent directement entre les acides et les alcools. 
Ces actions sont aussi fatales et aussi régulières que les 
actions réciproques entre les acides et les bases; mais 
elles dépendent de données plus compliquées. Elles se 
distinguent surtout parce qu'elles sont subordonnées à 
l'influence diutemps ; 

2° La formation des éthers a lieu quelle que soit la 
quantité d'eau mise en présence ; 

3° Elle tend peu à peu vers un certain équilibre qui 
peut n'être atteint qu'au bout de plusieurs années; 
4° Cet équilibre est indépendant de la température • 
5° Il dépend des proportions relatives d'acide, d'al- 
cool et d'eau mises en présence. 

Dans l'étude spéciale consacrée à la formation des 
éthers dans les vins et les autres liquides alcooliques, 
M. Berthelot s'est proposé de déterminer cet état d'é- 
quilibre tel qu'il doit se produire dans ces sortes de 
liqueurs. Pour y arriver, il fallait d'abord écarter toute 
cause d'altération étrangère à cette formation, et 
supposer un vin conservé à l'abri de l'air dans un vase 
scellé à la lampe : ce vin ne devait contenir également 
aucune trace de ferment, ni de substance fermentes- 
cible. 

Imaginons donc un mélange d'alcool, d'acide et d'eau, 
dans lequel l'eau se trouve en grand excès, ce qui est 
le cas des liqueurs vineuses, l'expérience conduit dans 



FORMATION DES ÉTHERS. 247 

cette liypothèse à la démonstration de deux théorèmes 
sur lesquels il faut s'appuyer pour arriver à définir 
l'état d'équilibre. 

La quantité d'éther qui doit se formel' est sensi- 
blement proportiormelle au poids total de Vacide 
contenu dans la liqueur. 

Ainsi, par exemple, soit un mélange formé de 
90 parties d'eau en poids et 10 parties d'alcool ; si on y 
ajoute une certaine quantité d'acide, pas trop considé- 
rable, la huitième partie de cet acide se transformera 
peu à peu en éther ; cette proportion , un huitième, 
dépend du rapport qui existe entre l'alcool et l'eau, et 
change avec ce rapport. 

La quantité d'alcool qui entre en combinaison 
dépend seulement du rapport entre la somme des 
équivalents des acides et la somme des équivalents 
des alcools. 

Cette quantité est la même, qu'il s'agisse d'un sys- 
tème formé par un seul alcool et par un seul acide ou 
d'un système contenant plusieurs alcools et plusieurs 
acides. Ce principe a été établi par des observations 
faites sur des mélanges renfermant les acides acétique, 
succinique, tartrique , et les alcools éthylique , amy- 
lique, glycérique : acides et alcools qui existent dans les 
liqueurs fermentées. 

Au moyen de ces principes on pourra déterminer 



248 ŒNOLOGIE. 

l'état d'équilibre dans toute liqueur vineuse contenant 
des alcools, des acides et de l'eau, cette liqueur étant 
abandonnée à elle-même pendant un temps suffisant et 
soustraite à toute cause de changement autre que la 
réaction des acides sur les alcools. 

Examinons d'abord comment on peut déterminer, 
dans ces conditions, l'état d'une liqueur parvenue à 
l'équilibre d'éthérilîcation, ce qui revient à calculer la 
quantité d'éther qui s'y trouve, ou plus exactement le 
poids de l'alcool combiné aux acides. 

Trois données sont nécessaires d'après ce que nous 
venons de dire; le poids de l'eau, le poids équivalent 
des alcools, et le poids équivalent des acides libres. 
Ces déterminations se feront au moyen des méthodes 
que nous indiquerons plus loin pour doser l'eau, l'alcool 
et l'acide libre existant dans les vins. 

Dans le cas des vins on peut se borner à l'alcool 
ordinaire sans erreur sensible sur le résultat , alors le 
poids absolu de cet alcool est nécessairement propor- 
tionnel à son poids équivalent. 

M. Berthelot a donné des tableaux et des courbes 
permettant dans tous les cas de déterminer cet état 
d'équilibre relatif à l'éthêrification, en partant du poids 
équivalent de l'eau, du poids équivalent total des 
alcools, et du poids équivalent total des acides, mais 
pour simplifier cette étude il a formé le tableau suivant 
spécialement applicable aux liqueurs vineuses, il admet 
que le poids de l'alcool ne s'élève pas au-dessus de 
25 pour cent, et que le poids des acides demeure nota- 
blement inférieur à celui de l'alcool. 



FORMATION DES ÉTHERS. 



249 



Ethérification dans une liqueur parvenue à l'état 
d'équilibre. 



COMPOSITION DE LA. LIQUEUR 
Alcool 4- Eau =100 


COEFFICIENT D'ÉTHÉRIFICaTION 


EAU 


ALCOOL 


Alcool équivalent à 

l'acide total 
actuellement libre 
daus la 
liqueur = 100 


Poids proportionnel 
de l'alcool uni aux 
acides dans les éthers 
que renferme 
ladite liqueur. 


95 


5 


100 


8.5 


90 


10 


100- . 


14.5 


85 


15 


100 


20.5 


80 


20 


100 


26.0 


75 


25 


100 


32.0 environ 



La première partie de ce tableau donne le rapport de 
poids entre l'alcool et l'eau, en faisant abstraction des 
autres principes contenus dans la liqueur. Ces chiffres 
s'appliquent donc à l'eau et à l'alcool seulement, de 
plus ils représentent des rapports de poids ; il ne faut 
donc pas les confondre avec les degrés alcoométriques 
ordinaires qui représentent des rapports de volumes, et 
s'appliquent à la liqueur totale. 

La seconde partie exprime le rapport qui existe 
entre le poids de l'alcool équivalent aux acides actuel- 
lement libres dans la liqueur parvenue à l'état d'équi- 
libre, et le poids de l'alcool combiné aux acides dans 
les éthers que renferme cette liqueur. 



250 ŒNOLOGIE. 

Supposons un vin assez vieux pour être arrivé à 
l'état d'équilibre et renfermant sur 100 gr. : 

9 gr. d'alcool, 
81 gr. d'eau, 
plus 10 gr. de substances étrangères ; 
le titre acide de ce vin équivaut à 1 gr. d'acide suif ly- 
rique SO'>H (1). 

Le rapport entre l'eau et l'alcool calculé à raison de 
100 gr. d'eau, est 100 : 90, et le tableau nous donne pour 
ce rapport un coefficient d'éthérification égal à 14.5. 

Or 1 gr. d'acide sulfurique, équivaut à 0.94 d'alcool, 
puisque le rapport des équivalents de l'acide sulfurique 
et de l'alcool est 49 : 46, il faut donc prendre les 
14.5 centièmes du poids 0.94, ce qui donne 0.13, c'est- 
à-dire que le vin en question contient 0 gr. 13 d'alcool 
combiné aux acides à l'état d'éthers. 

Il y a par conséquent dans ce vin, 9 gr. d'alcool libre 
et 0 gr. 13 d'alcool combiné. 

M. Berthelot a donné une formule empirique résu- 
mant les résultats du tableau qui précède, cette formule 
est la suivante : 

2/=4.17A-h2.8. 

A représente le poids d'alcool correspondant à la 
seconde colonne du tableau, et y le coefficient d'éthéri- 
fication contenu dans la quatrième. 

Connaissant A, on calcule y et on en déduit comme 
précédemment le poids de l'alcool combiné. 

(1) Voyez plus loin dans les études analytiques la marche a suivre 
pour déterminer et évaluer le titre acide des vins. 



FORMATION DES ÉTHERS. 2ol 

Les observations qui précèdent servent à définir l'état 
d'équilibre qui s'établit avec le temps, et on comprend 
que les réactions qui le produisent doivent commencer 
avec la formation de l'alcool pendant la fermentation, 
de sorte que, pour un vin tout fait, présentant une 
richesse alcoolique et un titre acide déterminés, il 
n'existe pas d'état initial correspondant à cet alcool et à 
cet acide n'ayant pas encore réagi l'un sur l'autre. 

Nous pouvons cependant admettre cet état initial 
théorique, et en partir pour trouver l'équilibre qui doit 
se produire à la longue dans un pareil système. 

M. Berthelot a donné le tableau suivant duquel on peut 
déduire l'équilibre qui s'établira dans un liquide dont la 
composition est connue relativement au poids de l'eau, 
au poids de l'alcool, et au poids équivalent des acides. 



Ethérification dans une liqueur dans laquelle aucune 
réaction ne s'est exercée. 



COMPOSITION DE LA. LIQUEUR 
Alcool -f Eau =100 


ÉQUILIBRE D'ÉTHÉRIFIGATION 


EAU 


ALCOOL 


Alcool équivalent à 

l'acide total 
actuellement libre 
dans la 
liqueur = 100 


Poids proportionnel 
de l'alcool qui . 
doit se combiner aux 
acides pour 
former des éthers 


95 


5 


100 


8.0 


90 


10 


100 


12.5 


85 


15 


100 


17.0 


80 


20 


100 


21.1 

- 



252 ŒNOLOGIE. 

On peut également remplacer ce tableau par ] a 
formule : 

£=0.9B-+-3.5. 

dans laquelle B correspond au poids d'alcool contenu 
dans la seconde colonne et z est le chiffre repré- 
sentant l'équilibre d'éthérification. 

Les deux tableaux que nous venons de reproduire 
nous donnent donc deux limites entre lesquelles doit se 
trouver l'état de tous les vins et des autres liqueurs fer- 
mentées dans lesquelles l'action des acides sur les 
alcools a commencé à s'accomplir, sans être complète- 
ment terminée. Ils permettent de se rendre compte de 
la marche générale du phénomène dû à cette action en 
admettant que ces liquides soient, comme nous l'avons 
supposé, dégagés de toute influence perturbatrice et qu'il 
ne s'y produise aucune autre réaction que celle due 
à l'influence réciproque des acides et des alcools. 

Quoiqu'il en soit, cette action marchera graduelle- 
ment en tendant peu à peu vers la limite que nous 
avons définie. 

Pour donner une idée du temps nécessaire à l'ac- 
complissement de cette réaction, nous rappellerons 
qu'il résulte des expériences de M. Berthelot, que si on 
opère à la température ordinaire, sur l'alcool et l'acide 
acétique à équivalents égaux, les deux tiers de la quan- 
tité d'éther possible sont formés au bout de cinq à six 
mois, les cinq sixièmes après un an. Deux années 
n'ont pas suffi pour épuiser la réaction, cependant 
elle est alors bien près de son terme, les quinze 



formation des éthers. 253 

seizièmes de la quantité d'éther possible se trouvant 
réalisés. 

La combinaison se fait un peu plus rapidement avec 
les acides qui préexistent dans le moût, tels que les 
acides tartrique et malique et avec l'acide succinique, 
un des produits de la fermentation alcoolique. 

'Nous avons dit que l'équilibre vers lequel tend la 
formation des éthers était indépendant de la tempé- 
rature, mais la chaleur accélère cette formation et le 
froid la ralentit, la limite restant toujours la même. 

Cette indication de la marche générale de l'éthérifi- 
cation dans un vin, nous montre que l'acidité de ce 
liquide doit aller en diminuant par suite de cette réac- 
tion.. Ainsi, en deux ou trois ans, les vins perdent de 
un huitième à un sixième de leur acidité totale, suivant 
leur richesse en alcool, par le seul fait de la formation 
des éthers. 

L'étude que nous venons de faire, d'après les travaux 
de M. Berthelot, nous conduit donc déjà à d'impor- 
tantes conséquences au point de vue des phénomènes 
qui se passent pendant la conservation des vins, et ce- 
pendant nous sommes partis d'une hypothèse bien dif- 
férente des conditions réalisées dans la pratique. Ce 
que nous avons dit se rapporte à un vin qui, après la 
fermentation, serait filtré et renfermé dans des flacons 
immédiatement bouchés hermétiquement ou scellés à 
la lampe. 

Le vin est, comme nous le savons, conservé dans 
de tout autres conditions, et la proportion de ses élé- 
ments varie avec le temps par suite de plusieurs causes 

15 



254 ŒNOLOGIE. 

perturbalrices qui agissent sur lui d'une manière inces- 
sante. 

M. Berthelot a étudié l'influence de ces différentes 
causes au point de vue de la formation des éthers et 
nous devons entrer dans quelques détails à ce sujet 
pour compléter les renseignements qui précèdent. 
Seulement nous distinguerons dans toutes les causes 
de perturbation qui peuvent survenir, celles qui pro- 
viennent des réactions qui se passent naturellement 
dans les vins, par suite de leur composition, de leur 
mode de conservation et des manipulations qui sont 
pratiquées sur ces liquides et celles qui sont dues à des 
opérations ayant pour but de changer leur nature, et de 
les améliorer par l'addition de substances étrangères, 
ou l'emploi de procédés spéciaux ne rentrant pas dans 
la pratique ordinaire de la vinification. 

Nous nous réservons de revenir sur ce point lorsque 
nous décrirons ces procédés particuliers et de montrer 
l'influence qu'ils peuvent avoir sur la formation des 
éthers, cette influence sera dès lors mieux comprise et 
pourra être appréciée plus exactement. 

Quant aux causes perturbatrices qui résultent des 
opérations et des actions que nous avons précédemment 
étudiées, elles agissent d'une manière générale en 
accroissant ou en diminuant la quantité des alcools ou 
celle des acides, et leur influence peut être résumée 
très facilement. 

Toutes les fois que l'alcool ou l'acide augmente dans 
un vin, la proportion d'éther tend à augmenter, et la 
réaction destinée à produire ce résultat s'établit immé- 



FORMATION DES ÉTHERS. 255 

diatement. Si au contraire l'alcool ou l'acide diminue, 
la quantité d'éther, soit réelle, soit possible, doit égale- 
ment diminuer. 

M. Berthelot divise les différentes causes de pertur- 
bation dont il a étudié l'action en trois groupes : 

1° Influences qui tendent surtout à faire varier la 
proportion d'alcool ; 

2° Influences qui tendent surtout à faire varier la 
proportion d'acide ; 

3° Influences qui agissent directement sur les éthers 
eux-mêmes. 

Parmi les premières, nous devons placer la produc- 
tion d'alcool par suite du développement lent et régu-» 
lier de la fermentation qui ne s'est pas achevée complè- 
tement dans la cuve, développement qui est entretenu, 
comme nous le verrons bientôt, par la décomposition 
de composés naturels existant dans le moût et qui ne 
sont pas susceptibles d'éprouver immédiatement la fer- 
mentation. 

L'évaporation constante, qui se produit dans les ton- 
neaux par suite de la conservation du vin, diminue la 
quantité d'eau dans une proportion plus forte que celle 
de l'alcool, au contraire celle qui se produit par suite 
des soutirages élimine surtout de l'alcool qui est plus 
volatil, et dans ces deux cas il résulte une variation des 
proportions de cet élément. 

L'oxydation à laquelle le vin, comme nous l'avons vu, 
est exposé d'une manière constante, peut également 
influer sur la proportion d'alcool et par suite sur l'état 
d'équilibre del'éthérificatioh. 



256 ŒNOLOGIE. 

Quant aux influences rentrant dans le second groupe, 
nous les trouvons également dans la continuation des 
phénomènes de fermentation qui déterminent la for- 
mation de nouvelles quantités d'acides, et dans l'action 
de l'oxygène. 

Le dédoublement des composés dont nous venons de 
parler augmente aussi les acides libres, mais dans une 
faible proportion. 

Enfin la précipitation du tartre ou bitartrate de 
potasse diminue la proportion des acides par suite de 
la séparation de l'acide tartrique existant dans ce 
composé. 

Quant aux influences agissant directement sur les 
éthers eux-mêmes, nous nous contenterons de signaler 
la possibilité de leur existence par suite des fermenta- 
tions spéciales qui peuvent se développer dans les vins 
pendant le cours de leur conservation. 

Nous n'avons rien à ajouter aux considérations qui 
précèdent relativement aux circonstances qui déter- 
minent simplement une augmentation ou une diminu- 
tion dans la proportion des alcools et des acides, on 
comprend suffisamment quelle doit être la conséquence 
de ces modifications. 

Toutes les fois que la limite d'éthérification sera 
élevée,, il en résultera une accélération de l'action qui 
tendait à se ralentir, puis l'éthérification reprendra son 
cours normal et tendra régulièrement vers sa nouvelle 
limite. 

Au contraire , lorsque la limite d'éthérification est 
abaissée , cette action se ralentira si la limite vers 



FORMATION DES ÉTHERS. 257 

laquelle elle tendait n'est pas encore atteinte. Dans le 
cas où cette réaction serait alors terminée , une partie 
des éthers déjà formés sera décomposée jusqu'à ce que 
le nouvel équilibre soit obtenu. 

En parlant des phénomènes qui résultent de l'action 
de l'oxygène sur le vin, nous reviendrons sur l'influence 
de cette action qui se rattache spécialement à la forma- 
tion des éthers ; mais nous devons dès maintenant dire 
un mot de la nature et du dédoublement de ces com- 
posés particuliers auxquels nous avons fait allusion 
tout à l'heure. 

Le glucose ou sucre de raisin peut comme l'alcool 
former avec les acides des composés particuliers qui 
résultent de l'union directe de l'acide et du glucose 
avec élimination des éléments de l'eau ; ces composés 
présentent une très grande analogie avec les éthers. 

Gomme il existe dans le jus du raisin des acides 
libres et notamment de l'acide tartrique, il s'y formera 
des composés contenant le sucre et ces acides. 

Ces composés que l'on désigne sous le nom de 
glucosides présentent cette proprié té, c'est qu'ils ne 
peuvent fermenter sous l'influence de la levure comme 
Je glucose. Les produits de ce genre qui se trouvent 
dans le moût échappent donc à l'action de la fermen- 
tation et restent dans le vin. 

Mais plus tard ils se dédoublent, en fournissant du 
glucose libre et de l'acide tartrique ; celui-ci va dès 
lors augmenter la proportion d'acide et le glucose fer- 
mentera normalement en donnant une nouvelle quan- 
tité d'alcool. 



258 ŒNOLOGIE. 

Il est facile de se rendre compte de la cause qui 
détermine ce dédoublement des glucosides existant 
dans les vins, il suffit de se reporter à ce que nous 
avons dit précédemment sur l'action réciproque des 
alcools et des acides. 

Gomme dans le cas de ces derniers composés, les 
proportions relatives de glucose et d'acides existant 
dans le jus du raisin influent sur leur combinaison et il 
en résulte un état d'équilibre entre le glucose et les 
acides libres d'une part, et les glucosides ou le glucose 
combiné de l'autre. 

La participation du glucose à la fermentation qui 
s'opère dans la cuve détruit cet équilibre, et peu à peu 
avec l'intervention de l'eau , les glucosides vont se 
dédoubler, et mettre le glucose qu'ils contenaient en 
liberté. Cette action se produira lentement et elle est 
une des principales causes de la continuation de cette 
fermentation lente qui se fait dans les tonneaux. 

Cette étude que nous venons de faire de l'action 
qu'éprouvent les alcools et le sucre de la part des 
acides serait incomplète au point de vue de son influence 
sur le vin, si nous n'ajoutions un mot relativement à la 
glycérine dont nous avons signalé la production dans la 
fermentation et dont nous avons indiqué le rôle dans la 
constitution des matières grasses. 

La glycérine se combine aux acides exactement 
comme le sucre et les alcools, il y a également dans 
cette réaction élimination des éléments de l'eau, et les 
corps qui en résultent sont semblables aux étbers. Or 
les corps gras naturels figurent parmi ces composés, et 



FORMATION DES ÉTHERS. 259 

nous pouvons les définir très nettement en disant que 
ces corps sont des éthers résultant de l'action des acides 
gras sur la glycérine avec élimination d'eau. 

Cette définition, que nous sommes maintenant parfai- 
tement en état de comprendre, complète ce que nous 
avons dit précédemment sur ces composés. 

Nous aurons, comme nous l'avons dit plus haut, à 
revenir sur quelques points particuliers de l'étude 
générale que nous venons de faire, mais celle-ci est 
bien suffisante pour montrer toute l'importance des 
recherches de M. Berthelot et tout le parti qu'il sera 
possible de tirer des observations auxquelles elles 
donneront lieu pour l'explication des phénomènes si 
variés et si complexes qui s'opèrent au sein du vin 
après sa préparation. 



CHAPITRE XVI 



ACTION DE L'OXYGÈNE SUR LES VINS 



Nous avons vu précédemment que si les opérations 
pratiquées sur le vin après sa préparation, paraissent 
avoir pour but de préserver ce liquide de l'action de 
l'air et par suite de l'oxygène, l'influence de ce gaz 
n'en existe pas moins d'une manière constante, et doit 
avoir une grande part dans les modifications qui s'y 
produisent avec le temps. 

Dans cette action de l'oxygène, nous avons distingué 
deux parties, l'une physiologique, l'autre purement 
chimique, et déjà nous avons vu le rôle physiologique 
de l'oxygène dans la production et le développement du 
ferment. H semblerait dès lors que ce côté particulier 
de l'influence de ce gaz doit prendre fin avec la fer- 
mentation et qu'il n'y ait plus lieu dès lors qu'à tenir 
compte d'une action chimique. Mais il ne faut pas 
oublier que le vin, comme toutes les autres liqueurs fer- 
mentées, est susceptible de subir des altérations graves 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 261 

dues à des fermentations spéciales dans lesquelles 
l'oxygène joue un rôle très actif, et qui même ne peu- 
vent avoir lieu sans sa participation. 

C'est surtout pour éviter la production et pour empê- 
cher le développement de ces fermentations, que Ton 
conseille de maintenir les vins à l'abri de l'air, et que 
l'on prend contre cette action les précautions minu- 
tieuses que nous avons indiquées. L'air sous ce rapport 
agit d'abord par les germes qu'il peut apporter, puis 
il intervient par son action propre pour les développer 
et les nourrir. 

On comprend dès lors combien il serait dangereux à 
ce point de vue de conserver le vin dans des vases cons- 
tamment ouverts. Mais même avec des vases bien fer- 
més, l'air a toujours accès, seulement d'une manière 
limitée, et dans une faible proportion. Dans ces condi- 
tions l'oxygène est absorbé lentement, par petites quan- 
tités, les circonstances dans lesquelles a lieu son intro- 
duction excluent généralement l'intervention des germes 
que l'air transporte, et nous avons à montrer que dans 
ce cas son influence loin d'être funeste devient au con- 
traire très utile et même nécessaire. 

Négligeons donc complètement le rôle physiologique 
de l'oxygène et voyons comment on peut se rendre 
compte de son action chimique. 

Lorsque l'on examine, au point de vue des gaz qu'il 
contient, du moût de raisins mûrs récemment exprimé, 
on trouve que ces gaz ne contiennent pas d'oxygène. 
Le gaz obtenu est uniquement formé d'azote et d'acide 
carbonique. 

15. 



262 ŒNOLOGIE. 

L'analyse ne fera pas plus découvrir d'oxygène dans 
le gaz retiré d'un moût qui aura été conservé pendant 
quelques jours au contact de l'air, sans manifester les 
phénomènes de la fermentation. 

Dans ce cas il est bien évident que le moût exposé à 
l'air absorbe et dissout d'une manière incessante, de 
l'oxygène, mais il faut admettre que ce gaz, à mesure 
qu'il se dissout, se combine avec les matières oxydables 
que ce moût renferme. 

On peut facilement constater cette dissolution d'oxy- 
gène et apprécier la cause de sa disparition en agitant du 
moût rapidement au contact de l'air et en étudiant la 
nature du gaz qu'il renferme. 

Aussitôt après l'agitation , les gaz du moût con- 
tiennent de l'oxygène, dont la proportion correspond à 
celle de ce gaz dans l'air. Mais si on examine la nature 
de ces gaz après quelques heures , on trouve que la 
quantité d'oxygène a considérablement diminué. 

Lorsque cette influence de l'oxygène sur le moût est 
étudiée sur des moûts colorés, on n'observe aucun 
changement de coloration sensible, du moins lorsque 
cette action s'exerce dans les conditions ordinaires et 
pendant un temps assez court, mais si on opère sur des 
moûts de raisins blancs, ceux-ci se colorent promptement 
et passent au jaune. Dans tous les cas l'odeur du moût 
se modifie et cette action est en rapport avec l'absorp- 
tion et la fixation de l'oxygène. 

L'ensemble de toutes ces observations nous conduit 
donc à cette conséquence, c'est qu'il existe dans le 
moût des matières très oxydables, sur lesquelles se 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 263 

fixe l'oxygène à mesure que l'air est absorbé, et nous 
devons voir dans cette action, comme nous l'avons déjà 
fait remarquer, une suite naturelle des phénomènes 
d'oxydation qui s'accomplissaient au sein du jus du 
raisin pendant la vie et sous l'influence de la végé- 
tation. 

Ces mêmes substances se retrouvent dans le vin, et 
par conséquent ce liquide devra également absorber 
l'oxygène qui aura pu s'y dissoudre, et le faire dispa- 
raître lentement en vertu de l'oxydabilité de ses élé- 
ments. 

Aussi lorsque l'on extrait d'un vin conservé en ton- 
neaux et placé dans de bonnes conditions, les gaz qui se 
trouvent dans ce liquide, on n'y trouve également que 
de l'acide carbonique et de l'azote, sans trace d'oxy- 
gène. 

La présence constante de l'azote dans ces gaz nous 
prouve bien qu'il y a eu de l'air dissous dans le vin, et 
que l'oxygène de cet air a été absorbé par un fait 
d'oxydation. 

On a facilement la preuve de ces faits pour le vin, 
comme pour les moûts dont nous avons parlé tout à 
l'heure. 

Supposons un vin déjà vieux, ne contenant pas 
d'oxygène, soutirons-le et par conséquent exposons-le 
au contact de l'air. Aussitôt après l'opération, on y trou- 
vera de l'oxygène libre, tandis qu'au bout d'un certain 
temps, les gaz tenus en dissolution ne contiendront 
plus d'oxygène, mais seulement de l'acide carbonique 
et de l'azote. 



264 ŒNOLOGIE. 

Cette absorption de l'oxygène se constate également 
dans une autre circonstance, par exemple lorsqu'un 
tonneau plein de vin vient d'être vidé, le liquide enlevé 
est alors remplacé par de l'air contenant par consé- 
quent de l'oxygène et de l'azote. Si on ferme le tonneau 
dans ces conditions, on peut s'assurer au bout d'un cer- 
tain temps que l'air qu'il renferme perd son oxygène et 
bientôt il n'y aura plus dans le tonneau que de l'azote. 
L'oxygène aura été absorbé par les substances qui sont 
restées adhérentes à la surface intérieure du tonneau. 

On reconnaît que le gaz que ce tonneau renferme 
n'entretient plus la combustion, et on explique, par la 
réaction que nous venons d'indiquer, les accidents qui 
peuvent survenir, si on pénètre dans un foudre où cette 
absorption d'oxygène a eu lieu, sans avoir renouvelé 
Fair préalablement. 

L'absence d'oxygène dans un vin conservé et l'aération 
constante que ce liquide éprouve, comme nous l'avons 
vu, par suite des conditions dans lesquelles a lieu sa 
conservation, nous montrent que l'oxygène dissous se 
combine avec les éléments du vin à mesure qu'il est 
absorbé. Si maintenant nous montrons les inconvé- 
nients qui résultent de la présence d'une trop forte 
proportion d'oxygène dans le vin, nous aurons justifié 
complètement les pratiques usitées dans les vignobles 
et qui semblent partir de ce principe, qu'il faut donner 
constamment au vin un peu d'oxygène, mais qu'il faut 
éviter avec soin l'excès et la prédominance de cet élé- 
ment. 

Lorsque ce dernier résultat est produit, comme cela 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 265 

a lieu, par exemple, quand le vin est exposé à l'air 
dans un vase ouvert, il prend rapidement ce goût par- 
ticulier que Ton désigne sous le nom de goût à'évent, 
et cette altération doit être attribuée à l'absorption 
d'une trop forte proportion d'oxygène. Mais si on sup- 
prime la cause qui a déterminé cet état particulier, si 
le vin éventé est de nouveau remis à l'abri., de l'air, 
l'oxygène sera bientôt absorbé, et le liquide reprendra 
ses qualités premières , en offrant toutefois les modifi- 
cations qui doivent résulter de l'action de l'oxygène. 

Il faut en conclure que l'aération du vin doit être 
constante, mais très lente, une quantité déterminée 
d'oxygène produira un tout autre effet, suivant qu'elle 
aura été absorbée lentement, en plusieurs mois ou plu- 
sieurs années, ou bien qu'elle aura été absorbée brus- 
quement, c'est-à-dire en quelques heures. 

Cette action lente et continue de l'oxygène sur les 
éléments du vin, se produit donc d'une manière inces- 
sante pour modifier sa composition, faire disparaître en 
les oxydant et les précipitant certains principes, en un 
mot cette action fait vieillir le vin, elle est une des 
principales causes des qualités particulières du vin 
vieux, comparées à celle du vin nouveau. 

Mais cette action a son terme, elle ne doit pas être 
indéfiniment prolongée, elle finirait par user le vin et 
déterminer une diminution dans ses qualités dès que 
celles-ci sont arrivées à leur apogée. 

Nous comprenons dès lors pourquoi la conservation 
des vins en tonneaux, période pendant laquelle l'action 
de l'oxygène se manifeste d'une manière incessante ne 



Z0D ŒNOLOGIE. 

doit pas être trop prolongée. Aussi l'usage est de modi- 
fier ces conditions après quelques années, et alors le 
vin est mis en bouteilles. Nous verrons, lorsque nous 
parlerons de cet état nouveau, quelles sont les consé- 
quences de cette disposition, dans quelles conditions 
on doit y avoir recours et nous aurons alors à revenir 
sur l'influence de l'oxygène. 

Nous avons voulu dans ces considérations générales 
montrer quel était le rôle chimique de l'oxygène lors de 
la préparation du vin et pendant les diverses périodes 
de sa conservation, mais cette étude serait incomplète 
si nous n'ajoutions pas quelques détails sur des points 
particuliers dont quelques-uns ne pourront être exa- 
minés et bien compris que dans les chapitres suivants. 
Aussi nous la compléterons à mesure que l'occasion se 
présentera de faire ressortir cette influence dans un 
cas bien déterminé. 

Mais nous pouvons dès maintenant ajouter quelques 
renseignements à ce que nous avons dit de l'oxydation 
considérée comme agent de modification relatif à l'état 
d'équilibre qui tend à s'établir par suite de l'action 
réciproque des différents éléments du vin. 

Cette action de l'air ou plutôt de l'oxygène en dehors 
de toute fermentation est excessivement faible à ce 
point de vue, car elle ne s'exerce guère sur l'alcool, et 
n'apporte que des variations insignifiantes sur l'aci- 
dité. 

En exagérant les conditions qui déterminent cette 
action, M. Pasteur a montré qu'elle pouvait devenir 
considérable; il a cité l'exemple d'un vin exposé à la 



ACTION DE L'OXYGÈNE. 267 

lumière avec son volume d'air et qui a perdu en quatre 
mois 12 °/ 0 de son acidité totale. 

L'oxydation peut donner lieu à des composés nou- 
veaux qui entreront dans cet ordre de réactions. Ainsi 
pour ne parler que de ceux que nous connaissons déjà, 
les alcools peuvent sous l'influence de l'oxygène donner 
des aldéhydes, et on a constaté dans les vins la pré- 
sence de l'aldéhyde dû à l'oxydation de l'alcool ordi- 
naire. 

Or l'aldéhyde peut se combiner avec les acides et les 
alcools, avec séparation d'eau, et la formation de ces 
composés rentre dans celle des éthers et participe 
à la constitution de l'état d'équilibre d'éthérification. 

Il est également un autre point sur lequel l'action de 
l'oxygène a une grande influence, c'est la coloration, et 
à mesure que la matière colorante s'altère et se dépose 
par suite de son oxydation, la coloration du vin di- 
minue ou plutôt se modifie. 

Cet effet est considérablement augmenté par la 
lumière, les vins conservés dans l'obscurité s'oxydent 
bien plus lentement et gardent plus longtemps leur 
coloration première. 

La matière colorante dissoute dans le vin devient 
insoluble par l'oxydation et se dépose soit dans les ton- 
neaux, soit dans les bouteilles, suivant les conditions 
clans lesquelles ce liquide est conservé. 

Enfin l'influence de l'air doit jouer un grand rôle 
dans les modifications que les vins éprouvent par suite 
de leur transport dans les pays éloignés. L'absorption 
d'oxygène est plus grande, les échanges d'air de l'inté- 



268 ŒNOLOGIE. 

rieur des fûts avec l'extérieur sont plus fréquents, et la 
production des combinaisons qui en résultent est accé- 
lérée par l'élévation de température. Aussi s'explique- 
t-on facilement les avantages qui en sont la conséquence 
pour le développement des qualités que les vins ac- 
quièrent en vieillissant, à la condition qu'on aura soin de 
les soustraire aux altérations qui seraient produites par 
des fermentations, et que ces vins se trouveront encore 
dans la période d'accroissement de leurs qualités. 

Cette circonstance n'est donc que le cas particulier 
d'une influence générale que l'on peut énoncer en 
disant que tous les faits, variations de température, 
changements dépression, transports, mouvements, etc.; 
qui peuvent favoriser les échanges entre l'air contenu 
dans les tonneaux et Pair extérieur, et par suite aug- 
menter l'action de l'oxygène, contribueront à faire le 
vin, à l'avancer comme conséquence de la modification 
chimique de ses éléments. 



CHAPITRE XVII 



CONSERVATION DES VINS 
DEUXIÈME PÉRIODE : MISE EN BOUTEILLES 



L'étude que nous venons de faire nous a montré le 
rôle considérable que joue l'oxygène dans cette période 
de la conservation des vins pendant laquelle ces liquides 
sont renfermés dans les tonneaux ; on peut dire que 
cette action s'exerce d'une manière continue, quoique 
cependant il soit facile de comprendre qu'elle soit plus 
intense à certaines époques, par suite des opérations 
qui reviennent à des intervalles plus ou moins éloi- 
gnés. 

D'une manière générale, on reconnait que cette 
action doit aller en diminuant à mesure qu'on s'éloigne 
du moment de la mise en tonneaux, mais elle ne s'arrête 
pas pendant toute cette période et conserve le même 
caractère. 

Les résultats produits par cette combustion cons- 
tante des éléments du vin, nous ont conduits à cette 
conclusion, c'est qu'elle ne doit pas être exagérée, ni 



270 ŒNOLOGIE. 

trop longtemps prolongée, dans ces conditions du moins. 
Le vin s'userait trop vite et après avoir atteint les qua- 
lités qu'il est susceptible d'acquérir, il ne tarderait pas 
à dégénérer par suite de la continuation de cette même 
action, et des manipulations qu'elle rend nécessaires. 

On remédie à cet inconvénient en supprimant, sinon 
d'une manière absolue, du moins dans une très forte 
proportion , cette cause de modification et on y arrive 
par la mise en bouteilles. 

Notre intention n'est pas d'entrer dans le détail pra- 
tique de cette opération, nous nous contenterons d'in- 
diquer les conditions générales dans lesquelles elle doit 
être faite, et les conséquences qui en résultent pour 
l'état ultérieur du vin. 

Lorsqu'un vin doit être mis en bouteilles, il faut qu'il 
soit d'une limpidité parfaite, car si cette circonstance 
n'est pas toujours la preuve d'une bonne qualité, on 
peut dire que l'état contraire serait certainement le 
signe d'une altération pour des vins qui ont été conser- 
vés depuis plusieurs années. 

Quant à fixer le délai auquel cette opération devient 
utile ou nécessaire, à partir de la préparation du vin, il 
nous paraît difficile de le faire d'une manière précise. 
Le temps du séjour dans les tonneaux est essentielle- 
ment variable dans les différents vignobles, et aussi, 
dans un vignoble déterminé, suivant la nature du vin ou 
les conditions dans lesquelles a eu lieu sa conservation. 

Il nous parait préférable de mettre les bons vins en 
bouteilles, lorsqu'ils sont encore jeunes, pleins de sève 
et de vigueur, après deux ou trois ans au plus. 



MISE EN BOUTEILLES. 271 

Un point important dans cette opération c'est le choix 
des bouteilles, la composition du verre n'est pas indif- 
férente, et on constate sous ce rapport de grandes dif- 
férences suivant l'origine et par conséquent la nature et 
le mode de fabrication des bouteilles. 

Les bouchons devront également être choisis avec 
soin et exempts de défaut autant que possible. 

Enfin la mise en bouteilles devra être faite rapide- 
ment, avec toutes les précautions qu'indique une bonne 
pratique, et on procédera de suite au bouchage au 
moyen d'une machine et en ne laissant aucun vide 
dans la bouteille, ou tout au moins en n'y conservant 
qu'un volume d'air excessivement faible. 

L'opération terminée, les bouteilles seront empilées 
et rangées régulièrement dans une bonne cave, ou dans 
un caveau aussi frais que possible et elles peuvent ainsi 
attendre le moment où elles seront livrées à la consom- 
mation. 

Revenons maintenant sur la préparation des vins 
destinés à être mis en bouteilles, et qui doivent être 
conservés dans cet état plus ou moins longtemps. 

Le vin, avons-nous dit, doit être parfaitement lim- 
pide, or il est difficile d'arriver à ce résultat par la 
seule pratique des manipulations que nous avons indi- 
quées jusqu'ici. 

Pour l'obtenir avec toute la perfection possible, une 
nouvelle opération est nécessaire, elle porte le nom de 
collage, et doit par conséquent précéder la mise en 
bouteilles. 

Cette opération est faite dans les tonneaux, elle est 



272 ŒNOLOGIE. 

destinée à compléter les premiers résultats produits 
par le soutirage, au moyen de l'introduction dans le 
vin d'une substance particulière désignée sous le nom 
de colle et dont l'action détermine la séparation et le 
dépôt de toutes les matières solides disséminées dans la 
masse. 

Le plus souvent dans l'industrie, on emploie pour sé- 
parer complètement d'un liquide les substances qu'il 
tient en suspension, des corps poreux au travers des- 
quels on fait filtrer le liquide. Les matières solides non 
dissoutes restent sur le filtre et le liquide s'écoule lim- 
pide. 

Le procédé auquel on a recours pour la clarification 
du vin est tout-à-fait différent, mais le résultat obtenu 
est le même. Toutes les matières flottant au sein du 
liquide sont entraînées par suite de l'action de la colle, 
elles se déposent et le liquide qui surnage ce dépôt 
devient limpide. 

La facilité que présente la filtration, et les bons effets 
qui en sont la conséquence au point de vue de la lim- 
pidité des liquides et de leur séparation des dépôts, ont 
cependant fait introduire cette opération dans la pra- 
tique œnologique; et nous devons dire qu'on en obtient 
dans un grand nombre de circonstances d'excellents 
résultats. Mais il n'y a pas lieu de la conseiller dans le 
cas qui nous occupe, et nous trouvons la raison de cette 
exclusion dans l'action que l'oxygène exerce sur les vins, 
et les inconvénients que présenterait un contact trop 
prolongé de ce gaz au moment de la mise en bou- 
teilles. 



MISE EN BOUTEILLES. 273 

Le tirage du vin et son introduction dans la bouteille 
soumettent bien ce liquide à l'action de l'air, mais cette 
action est faible et de courte durée. Il en résulte néan- 
moins une absorption dont les effets devront se pro- 
duire dans la bouteille et sont parfaitement appré- 
ciables. 

Un vin qui vient d'être mis en bouteilles ne doit pas 
être consommé immédiatement; sans parler des qua- 
lités qu'il peut encore acquérir par une conservation 
prolongée, il faut attendre plusieurs mois pour que 
l'effet produit par l'action de l'air absorbé au moment 
du tirage soit achevé, et que cet état particulier que 
l'on a souvent appelé la maladie de la bouteille ait 
disparu complètement. 

On comprend dès lors qu'une aération trop considé- 
rable et trop longtemps prolongée ne serait pas sans 
inconvénient à cette époque de la vie du vin, et c'est 
pour cela qu'il ne faut pas recourir à la filtration, le 
collage permettant d'atteindre le même but, dans de 
bien meilleures conditions. 

Disons toutefois que dans les cas où l'on a recours à 
la filtration, soit en grand dans l'industrie, soit en petit 
dans l'économie domestique pour la clarification des 
vins ordinaires ou des vins de lie, on a la précaution de 
préserver autant que possible les liquides à filtrer de 
l'action continue de l'air pendant cette opération, et il 
existe des appareils spéciaux qui rendent à ce point 
de vue de grands services. 

Examinons maintenant quel est le mode d'action du 
collage et comment on peut s'en rendre compte. 



274 ŒNOLOGIE. 

La substance qui est employée pour cet objet et qui 
doit être considérée comme la meilleure de toutes les 
colles, est l'albumine, sous forme de blanc d'œuf. 

Nous avons indiqué précédemment (voy. I e ' vol. 
page 339), les propriétés générales et l'ensemble des 
caractères de ce groupe de matières azotées que Ton 
appelle matières albiiminoïdes. 

Ces matières existent dans la plupart des liquides 
végétaux, on les rencontre aussi chez les animaux avec 
des propriétés semblables, et, quelle que soit leur ori- 
gine, leur composition est toujours à peu près la 
même. 

Rappelons en peu de mots les propriétés de l'albumine 
qui jouent un rôle important dans l'opération du col- 
lage. 

L'albumine se présente sous deux états : tantôt elle 
est soluble ou dissoute, tantôt elle est solide et inso- 
luble. 

Le blanc d'œuf frais et le blanc d'œuf cuit nous mon- 
trent cette matière sous ces deux états. La différence 
dans ce cas a été produite par une température de 75°, 
11 suffit de chauffer, à cette température, du blanc d'œuf 
ordinaire pour le transformer en sa modification inso- 
luble et obtenir, sans que la composition de l'albumine 
soit changée, du blanc d'œuf cuit. 

Le sérum du sang, ce liquide légèrement jaunâtre 
qui apparait dans le sang après la séparation du caillot, 
contient de l'albumine en dissolution : si on le chauffe 
à 75°, il devient blanc, opaque ; l'albumine s'est coa- 
gulée, elle est devenue insoluble. 



COLLAGE. 275 

Lorsque l'albumine est ainsi coagulée, le refroidisse- 
ment et le retour aux conditions initiales ne la ramènent 
pas à son premier état : elle reste albumine insoluble, 
la modification déterminée par la chaleur est perma- 
nente. 

Cette coagulation de l'albumine soluble ou dissoute 
est encore produite sous l'influence de certains réactifs. 
Ainsi lorsqu'on verse dans une dissolution d'albumine 
de l'alcool, du tannin et plusieurs autres substances, 
l'albumine se coagule instantanément ; elle nous pré- 
sente alors cette même modification que nous avons vue 
tout à l'heure se produire par suite de l'élévation de 
température. 

Ce résumé des propriétés caractéristiques de l'albu- 
mine va nous permettre de comprendre ce qui se passe 
lorsqu'on mélange au vin une certaine quantité de 
blancs d'œuf. 

Ces blancs d'œuf, séparés du jaune par un procédé 
bien connu, sont préalablement battus, réduits en 
neige, apparence due à l'emprisonnement des bulles 
d'air dans la masse ; puis on verse le produit dans le 
tonneau de manière à le mêler au vin et on agile forte- 
ment : on détermine ainsi un mélange intime du vin et 
de la matière des blancs d'œuf. 

Cette forte agitation sépare et dissémine prompte- 
ment l'albumine dans toutes les parties du liquide ; en 
même temps l'alcool et le tannin que le vin contient 
provoquent la coagulation de cette albumine et son 
passage à l'état solide ; par cette manipulation on pro- 
voque donc au sein de la masse du vin un précipité qui, 



276 ŒNOLOGIE. 

dès qu'il est formé, doit tendre à se déposer lorsque le 
liquide est abandonné au repos. 

Mais en dehors de cette coagulation qui est, comme 
on le voit, une modification de l'albumine sous l'in- 
fluence des éléments du vin, il se passe un autre phé- 
nomène dont la production a le plus heureux effet pour 
le bon résultat du collage. 

Le précipité que la coagulation de l'albumine donne 
dans tous les points du liquide affecte la forme d'un 
réseau ; il a un aspect membraneux, et par conséquent 
il résulte de cette circonstance que nous avons dans 
toute la masse une membrane formant un réseau d'une 
grande finesse. 

Ce réseau se contracte par suite du progrès de la 
coagulation ; il tend, en vertu de la densité de la subs- 
tance qui le constitue, à s'abaisser vers la partie infé- 
rieure, et en même temps il entraîne avec lui les 
matières étrangères qui flottaient suspendues dans le 
vin et qui ont été emprisonnées dans ses mailles. 

Ces détails nous montrent suffisamment comment le 
collage, quelle que soit la substance employée, amène la 
clarification complète du vin. Tous les corps en sus- 
pension se déposent, entraînés par la matière coagulée, 
et le vin, dépouillé de toutes les particules dont la pré- 
sence troublait sa transparence devient parfaitement 
limpide. 

L'albumine des blancs d'œuf, dont nous avons con- 
seillé l'emploi, présente un avantage très précieux sur 
toutes les préparations préconisées pour le collage des 
vins, c'est qu'il est toujours facile de s'assurer de sa 



COLLAGE. 277 

pureté, de sa fraîcheur et dès lors on est certain de 
n'employer que des substances pures et sans danger. 

On n'a pas à craindre, dans ce cas, d'introduire dans 
le vin des matières altérées, devenues solubles par cette 
altération même et pouvant lui communiquer une saveur 
désagréable ou provoquer son altération. 

Nous ne voulons pas énumérer toutes les substances 
qui peuvent être employées pour le collage, un grand 
nombre agissent en vertu de l'action de l'albumine 
qu'elles contiennent. Mais il est un autre produit très 
fréquemment employé et qui diffère tout-à-fait de l'al- 
bumine, c'est la gélatine. 

Cette substance se trouve dans le commerce sous dif- 
férentes formes et présente des aspects très divers. 
Gela tient à son mode de préparation et à la pureté des 
matières premières employées pour l'obtenir. On ne 
doit se servir pour le collage que des variétés les plus 
pures et il faut rejeter avec soin toutes celles qui pré- 
senteraient une odeur et une saveur désagréables, ou 
un commencement d'altération. 

La gélatine n'est pas très soluble dans l'eau à froid ; 
elle se gonfle seulement à une température basse; 
mais sous l'influence d'une chaleur douce elle se dissout 
et la dissolution se prend par le refroidissement en 
une gélée transparente dont la consistance varie sui- 
vant le degré de concentration de la liqueur. 

La gélatine dissoute dans l'eau est coagulée par l'al- 
cool ; elle donne par cette coagulation une masse 
cohérente, élastique et un peu fibreuse. 
Les dissolutions même très étendues de tannin pré- 

16 



278 ŒNOLOGIE. 

cipitent également la gélatine dissoute, sous forme de 
flocons blancs, caséiformes ; ce précipité est un com- 
posé de gélatine et de tannin. 

11 résulte de cette double circonstance que si on met 
dans du vin une dissolution de gélatine, il se formera 
un précipité sous la double influence du tannin et de 
l'alcool ; et le précipité formé dans toute la masse 
par l'agitation entraînera avec lui les matières tenues 
en suspension. 

Mais nous avons vu, que pour que ce but soit com- 
plètement atteint, il est utile que le précipité formé 
prenne cet état membraneux particulier, cette forme 
réticulaire qui caractérise celui que donne l'albumine. 

Or l'expérience montre que toutes les variétés de 
gélatine ne sont pas également propres à donner ce 
résultat, par conséquent elles ne conviennent pas toutes 
au même degré pour le collage. 

La substance- désignée sous le nom de colle de pois- 
son ou à'ichthyocolle donne les meilleurs résultats; 
elle se présente sous forme de fragments irréguliers 
dont chacun provient d'une vessie natatoire d'acipen- 
sère; on emploie de préférence, pour cet objet, les ves- 
sies natatoires du grand esturgeon. 

Les autres matières employées sont des variétés de 
gélatine préparées avec soin au moyen de différents 
tissus. 

La colle de poisson et les diverses espèces de géla- 
tine sont employées de préférence pour les vins blancs, 
les blancs d'œuf sont surtout utilisés pour le collage 
des vins rouges. 



' COLLAGE. 279 

Ces observations sur le collage destiné à achever la 
clarification des vins seraient incomplètes si nous ne 
faisions pas ressortir une conséquence de cette opéra- 
tion relativement à l'aération des vins par suite de son 
emploi. 

Cet oxygène dissous dans toute la masse du vin pen- 
dant l'agitation de ce liquide avec la colle, agira néces- 
sairement lorsque le vin sera abandonné au repos, les 
produits insolubles qui en résulteront se combineront 
avec la matière coagulée, il se formera une espèce de 
laque insoluble par l'union de cette substance avec les 
composés de nature résineuse provenant de l'oxydation 
de la matière colorante, et le vin se dépouillera en 
même temps qu'il s'éclaircira. 

Ainsi le collage présente un double caractère : il 
éclaircit le vin, le rend plus limpide en provoquant le 
dépôt des éléments en suspension, c'est son action 
mécanique ; en même temps il le dépouille, l'avance, 
l'améliore en favorisant par l'aération la modification et 
la séparation des éléments dissous, c'est une action 
purement chimique due à la dissolution de l'oxygène 
de l'air. 

Le vin après le collage est abandonné à lui-même 
jusqu'à ce qu'il soit parfaitement éclairci et que le 
dépôt résultant de cette opération se soit séparé com- 
plètement. Il faut un mois ou deux pour obtenir ce 
résultat ; le vin est alors soutiré, puis après s'être 
assuré qu'il est parfaitement clair, on peut procéder 
à la mise en bouteilles. Cette opération faite, le vin ren- 
fermé dans une enveloppe imperméable, bouché avec 



280 ŒNOLOGIE. 

tous les soins possibles entre dans la deuxième phase 
de sa conservation. 

Cette période, ordinairement très courte pour les 
vins ordinaires destinés à être promptement consom- 
més, pourra au contraire être très longue pour les vins 
de qualité supérieure. 

Examinons maintenant ce qui va passer dans cette 
nouvelle condition. 

Le vin, quelles que soient les précautions prises au 
moment de la mise en bouteilles, se trouvera dans les 
premiers temps sous l'influence d'une petite quantité 
d'oxygène libre qui agira sur le liquide exactement 
comme il l'avait fait dans le tonneau. Puis au bout d'un 
certain temps cet oxygène sera absorbé, et le vin se 
trouvera dès lors soustrait à toute influence extérieure, 
les seules réactions qui puissent alors s'y produire 
sont celles qui résultent de l'action réciproque de ses 
divers éléments. 

Cette condition parait excessivement favorable pour 
le développement complet des qualités dont un vin est 
susceptible, et c'est dans les premiers temps de cette 
période, après un an ou deux de bouteilles que le vin 
présente en général toute sa perfection et toute sa 
force. 

Deux agents physiques ont une grande influence sur 
les changements et les réactions qui se produisent alors 
dans le vin, c'est la chaleur et la lumière. 

Plus la température est élevée dans le cellier ou le 
caveau dans lequel sont conservés les vins en bouteilles, 
et plus les modifications qui se produiront dans ces vins 



CONSERVATION DES VINS EN BOUTEILLES. 281 

seront marquées et rapides. Si la lumière y pénètre, son 
influence se fera également sentir dans le même sens, 
quoiqu'elle se produise au travers de la substance d'un 
verre épais et fortement coloré. 

Cette action de la lumière peut être constatée facile- 
ment et d'une manière directe en mettant des vins dans 
des flacons de verre blanc, parfaitement scellés ; puis 
en plaçant les uns dans une obscurité complète, les 
autres à la lumière, les autres enfin dans une demi obs- 
curité. Ces trois sortes d'échantillons se distingueront 
facilement par leur couleur et leur aspect. La couleur 
des vins rouges s'affaiblira par l'action de la lumière, 
celle des vins blancs deviendra plus jaune et. plus 
foncée. 

Cette absorption lente de l'oxygène, son action chi- 
mique et les conséquences qu'elle entraîne, se dévoile- 
ront donc très nettement dans cette nouvelle période de 
la vie du vin ; les effets produits ne se manifesteront 
d'une manière complète qu'après un certain temps et 
il semblerait dès lors que l'on n'aura plus à compter 
avec l'action de l'air. 

Cela est vrai pour un temps d'autant plus long que 
la fermeture des bouteilles aura été plus parfaite, 
mais quoiqu'on fasse, il arrive toujours un moment où 
une communication parvient à s'établir entre le liquide 
contenu dans une bouteille et l'air extérieur, et dès lors 
l'oxygène pourra de nouveau intervenir et recommencer 
la série de réactions qui avaient été momentanément 
interrompues. Cette action sera nécessairement très 
faible et très lente, si on a pris toutes les précautions 

16. 



282 ŒNOLOGIE. 

que nous avons indiquées et si les vins sont de bonne 
qualité et placés dans d'excellentes conditions, mais elle 
n'en existera pas moins, et comme elle marche d'une 
manière continue, les effets seront très bien appréciables 
après quelques années. 

On retardera notablement ce résultat, en coupant le 
bouchon au niveau de la bouteille et en le recouvrant 
ainsi que la cordeline par une matière goudronneuse 
préalablement fondue. 

Dès que par suite de toutes les circonstances que 
nous venons d'indiquer, un vin mis en bouteilles se trou- 
vera de nouveau exposé à l'influence continue de 
l'oxygène de l'air, ses qualités ne feront plus que dé- 
croître, sa couleur s'affaiblira, elle se rapprochera de 
cette couleur pelure d'oignon si différente de celle du 
rouge vineux bien caractérisé. On dit alors que le vin 
vieillarde, il a perdu les propriétés qui le faisaient 
rechercher, et à partir de ce moment il dégénère d'une 
manière régulière par suite de la combustion lente et 
continue de ses éléments. 

Dans ces observations nous faisons abstraction des 
causes d'altération accidentelles qui peuvent survenir, 
et qui proviennent de fermentations spéciales, nous 
aurons du reste à revenir sur ce sujet et cette nouvelle 
étude nous permettra de développer les conséquences 
pratiques qui résultent de l'ensemble des phénomènes 
que nous venons de voir se succéder pendant les diverses 
périodes de la conservation des vins. 



CHAPITRE XVIII 



DES DIFFÉRENTES SORTES DE VINS 



Nous avons passé en revue toutes les opérations 
constituant la vinification et dont nous avions présenté 
dans le chapitre premier rénumération sommaire. 
Cette étude a confirmé le caractère général que nous 
avons assigné à cet ensemble de réactions destiné à 
transformer en vin le jus naturel du raisin. 

Nous avons vu comment la fermentation alcoolique 
déterminait cette transformation en modifiant chimi- 
quement, par un acte physiologique, un des éléments 
les plus importants du moût, et nous comprenons, 
d'une part, la nécessité d'empêcher les autres fermen- 
tations qui continueraient cette première altération, et, 
d'autre part, le mode d'action des manipulations qui 
nous permettent d'obtenir ce résultat. 

Nous compléterons plus tard l'ensemble de ces obser- 
vations par l'étude de ces fermentations possibles que 
l'on ne peut pas toujours éviter et qui constituent les 
maladies des vins. 



284 ŒNOLOGIE. 

Mais nous avons vu que tout en préservant ces li- 
quides de ces altérations qui amènent promptement la 
perte de leurs qualités propres et provoqueraient rapi- 
dement la destruction de leurs éléments, on n'arrêtait 
pas d'une manière absolue les phénomènes de décom- 
position qui continuent à les atteindre en dehors de 
toute action vitale ou physiologique. 

C'est l'oxygène de l'air qui est l'agent de cette com- 
bustion lente et progressive , et nous avons montré 
comment cette action était régularisée pour la faire 
servir au développement des qualités que l'on cherche 
à obtenir dans les vins et à maintenir le plus longtemps 
possible. 

Nous aurions encore plusieurs questions à examiner 
pour compléter l'histoire du vin envisagée d'une ma- 
nière générale, mais cette étude n'ajouterait, pour le 
moment, aucune donnée nouvelle aux faits qui con- 
stituent la vinification : nous ajouterons seulement 
quelques renseignements sur les différentes sortes de 
vins dont nous avons précédemment donné les noms, 
en nous bornant à ceux dont la préparation repose 
uniquement sur des opérations appliquées aux éléments 
du raisin sans addition d'aucune matière étrangère. 

Les principes qui dirigent ces diverses opérations 
dans chaque cas particulier, pourront être facilement 
déduits des indications que nous avons données au sujet 
de la fermentation du moût et de la conservation des 
vins. 

Une première catégorie de vins comprend ceux que 
Ton désigne ordinairement sous le nom de vins de table, 



VINS DE TABLE. 285 

vins rouges et vins blancs, se divisant en vins communs 
ou de consommation courante, et vins fins ou vins de 
qualité supérieure. 

Ce qui produit la différence entre les vins ordinaires 
et les vins fins, c'est le cépage et la nature particulière 
du moût que chaque cépage peut fournir. 

Ainsi, avec un cépage donnant des vins ordinaires 
vous pourrez préparer, suivant les années, le degré de 
maturité, la nature du sol, des vins plus ou moins^bons, 
mais vous n'obtiendrez jamais que des vins similaires 
quant à leur qualité et à la durée de leur conservation. 

Au contraire, les cépages fins fourniront toujours 
des vins de bonne qualité; ces vins se distingueront 
constamment des premiers par leur faculté de conser- 
vation et la délicatesse dont ils seront susceptibles, à 
la condition toutefois que les raisins n'aient pas été dé- 
naturés par une mauvaise culture, qu'ils présentent un 
état de maturité convenable et que les vins qui en pro- 
viennent aient reçu les soins nécessaires. 

Il ne faut donc pas oublier que si c est le cépage qui 
fait la qualité des vins , les soins donnés à la culture, 
les précautions souvent minutieuses, prises pendant la 
vendange et pour toutes les opérations de la vinification, 
exercent une grande influence sur la nature du pro- 
duit, la finesse et la délicatesse qu'il peut acquérir, et 
la durée de sa conservation. 

Dans chaque vignoble, avec les mêmes cépages et la 
même somme de surveillance et de soins intelligents, 
on observe des différences marquées dues à l'action du 
terrain, à celle du climat, de l'exposition, et il en ré- 



286 ŒNOLOGIE. 

suite cette grande diversité de cuvées obtenues sur le 
territoire d'une même commune, sans parler toutefois 
de la tradition qui existe dans les cuveries et les cel- 
liers, ainsi que du coefficient personnel du maître et de 
ses agents, toutes choses qui ont bien aussi leur impor- 
tance. 

Cette différence des vins fournis par les divers cé- 
pages dans un même vignoble conduit à une méthode 
tout-à-fait naturelle d'amélioration des vins ordinaires; 
elle consiste à cultiver avec les cépages qui fournissent 
ces derniers les cépages à vins fins de la même localité, 
ou bien à mélanger à la cuve, dans des proportions 
convenables , des raisins d'origine différente, chacun 
apportant dans ce mélange les éléments qui le carac- 
térisent et constituent son mérite particulier. 

Quant à la distinction entre les vins rouges et les vins 
blancs, elle est facile à établir : les premiers provien- 
nent de raisins colorés, les seconds de raisins blancs. 

Il y a entre ces deux sortes de vins une différence 
très nette dans les procédés généraux de préparation 
et dans le mode de traitement des raisins qui les four- 
nissent. 

Les raisins rouges apportés de la Vigne sont écrasés, 
et le produit tout entier, liquide et solide , qui résulte 
de cette opération, est introduit dans la cuve où doit 
s'opérer la fermentation. Cependant, dans quelques 
vignobles on enlève la grappe en totalité ou partielle- 
ment, c'est ce qu'on appelle égrapper. 

Les raisins blancs sont au contraire portés immédia- 
tement au pressoir, on les écrase sur la maie et on 



VINS BLANCS. 287 

procède sans retard au pressurage avant le développe- 
ment de toute fermentation. Le liquide obtenu est versé 
dans des tonneaux , et c'est dans ces récipients que se 
produisent les phénomènes de la fermentation. 

Outre la différence déterminée par la dissolution, dans 
le premier cas, de la matière colorante, il résulte pour 
les vins préparés par ces deux procédés des caractères 
spéciaux qui modifient leurs qualités, et dont on peut 
suivre l'influence pendant les périodes successives de 
leur conservation. 

Lorsque les moûts destinés à produire des vins blancs 
ont été répartis dans des tonneaux dont la capacité peut 
varier de 100 à 250 litres, sans jamais dépasser ce der- 
nier chiffre, la fermentation ne tarde pas à se manifes- 
ter; après 24 ou 48 heures, on voit déjà des bulles de 
gaz venir crever à la surface et produire une écume 
plus ou moins abondante et d'un gris sale. Cette écume 
va en augmentant; elle sort par la bonde et s'écoule 
sur les parois du tonneau. En même temps, on entend 
un bruit continu dans l'intérieur qui annonce que la 
masse tout entière participe à l'action dont on voit les 
effets sensibles. 

On a conseillé quelquefois de ne pas remplir les ton- 
neaux où s'opère la fermentation des vins blancs, de 
manière à empêcher cette écume de sortir par la 
bonde. Cette mesure est mauvaise; le vin, dans ce cas, 
a moins de qualité que si on a laissé l'écume s'écouler 
librement. Cette action est due certainement à l'in- 
fluence de l'oxygène sur les matières contenues dans 
cette mousse. On peut, si l'on veut, recueillir à part le 



288 ŒNOLOGIE. 

liquide qui s'est écoulé, mais il ne faut pas le remettre 
dans le tonneau. 

Cette fermentation marche moins vite que celle qui 
se produit dans les cuves où se fait le vin rouge; tandis 
que celle-ci s'opère dans les conditions favorables en 
quelques jours, il faut souvent quinze jours et même 
trois semaines pour obtenir le même résultat dans la 
préparation des vins blancs. 

La fermentation doit, dans ce cas, commencer dans 
un endroit chaud, à une température d'au moins 15 
à 20°; plus tard, lorsqu'elle s'afTaiblira et que par suite 
de ce ralentissement la lie formée tendra à se précipi- 
ter, il sera bon de placer les tonneaux dans un milieu 
plus frais, sans toutefois les descendre de suite dans la 
cave; dans ces conditions, la fermentation s'arrêtera 
sinon complètement, du moins assez pour que les ton- 
neaux puissent être remplis et fermés, mais en ayant 
soin de placer la bonde sans la sceller, comme on le 
fera plus tard. 

On comprend que, suivant la manière dont se seront 
produites les différentes phases de cette opération, le 
vin conservera plus ou moins de matière sucrée non 
décomposée par la fermentation. S'il garde moins de 
sucre, c'est-à-dire si la fermentation a été plus prolon- 
gée par l'action d'une température plus élevée, il sera 
plus sec; si, au contraire, on a suspendu cette action 
sous l'influence du froid, il sera plus sucré, et on est 
ainsi maître de modifier les qualités des vins blancs par 
la durée assignée à la fermentation première. 
Le premier soutirage des vins blancs doit être fait 



VINS BLANCS. 289 

dès que le froid a été assez vif et assez persistant pour 
amener leur clarification ; on y procède ordinairement 
dans la seconde quinzaine de décembre. A partir de ce 
moment, les tonneaux seront remplis avec soin, et le 
second soutirage aura lieu à la fin de mars; celui-ci 
pourra être précédé d'un collage, opération dont il faut 
bien se garder lors du premier soutirage. 

Nous avons dit que les vins blancs étaient ordinaire- 
ment préparés avec des raisins blancs, mais cette con- 
dition n'est pas indispensable; on peut faire des vins 
blancs avec des raisins noirs, en suivant la marche que 
nous venons d'indiquer. Cela tient à ce que la matière 
colorante reste dans le marc au moment de l'extraction 
du moût, et celui-ci s'écoule tout-à-fait incolore. 

La couleur des vins rouges est due , comme nous 
l'avons dit précédemment, à la dissolution de la ma- 
tière colorante qui s'opère dans la cuve, et à l'action 
qu'exercent sur elle les acides libres existant dans le 
jus du raisin. 

Nous avons vu qu'on pouvait, dans le cas de la pré- 
paration des vins blancs, régler les effets de la première 
fermentation, de manière à la suspendre presque com- 
plètement, alors cependant qu'il reste encore dans le 
liquide une notable proportion de sucre. 

Ces résultats s'obtiennent plus ou moins facilement 
suivant les cépages et par conséquent dans les diffé- 
rents vignobles ; ainsi certains vins perdent rapidement 
par les fermentations ultérieures le sucre qui a pu 
échapper à la première action, et deviennent secs, tan- 
dis que d'autres, quoique continuant à chaque renou- 

17 



290 ŒNOLOGIE. 

# 

vellement de saison à fermenter et à perdre un peu de 
matière sucrée, en conservent cependant assez pour 
présenter une propriété importante, même après un 
certain temps de séjour dans les tonneaux. 

Dans ces conditions si on les met en bouteilles, la fer- 
mentation qui s'y produira encore après cette opéra- 
tion, les rendra mousseux et développera les propriétés 
particulières des vins qui portent ce nom, et que l'on 
appelle également vins de Champagne, parce que ce 
vignoble l'emporte sur tous les autres et par la qualité 
de ses vins ainsi préparés et par le développement de 
l'industrie qui a pour base leur production. 

Ce que nous disons ici de la préparation de ces vins se 
rapporte à ce que l'on peut appeler les vins mousseux na- 
turels, c'est-à dire n'ayant reçu aucune addition de sucre. 

Les propriétés qu'ils présentent et particulièrement 
la formation de la mousse, dépendent uniquement 
de la présence au sein du liquide, lorsqu'il est rais en 
bouteilles, d'une certaine proportion de sucre et de la 
modification que ce sucre éprouve par suite d'une con- 
tinuation de la fermentation. 

On comprend que celle-ci s'opérant dans un vase 
fermé hermétiquement, l'acide carbonique ne peut se 
dégager et reste dissous sous l'influence de la pression, 
mais dès que l'on fait sauter le bouchon, le gaz s'é- 
chappe avec force et détermine les phénomènes qui 
caractérisent cette sorte de vins. 

L'expérience a montré quelle était la proportion de 
sucre qu'un vin devait conserver, au moment de sa mise 
en bouteilles, pour le développement normal des qua- 



VINS MOUSSEUX. 291 
lilés que l'on cherche à obtenir dans cette préparation . 
Il importe en effet d'éviter deux écueils, ou une trop 
grande production d'acide carbonique qui donnerait 
lieu à une pression à laquelle les bouteilles ne pour- 
raient résister, et déterminerait leur explosion et la 
casse spontanée de ces bouteilles, ou bien une trop 
faible quantité de sucre qui n'amènerait pas suffisam- 
ment la mousse par suite du manque d'acide carbo- 
nique. 

De nombreux essais accompagnés d'un calcul fondé 
sur les lois qui président à la dissolution des gaz sous 
l'influence de la pression ont montré que la proportion 
convenable de sucre s'élevait environ à 20 gr. par litre 
de vin, ou 16 à 18 gr. par bouteille. 

Nous nous contenterons de cette indication qui nous 
fournit la donnée fondamentale sur laquelle repose la 
préparation des vins mousseux, nous voyons que s'il y 
a des vins et par suite des vignobles qui présentent des 
conditions plus favorables pour obtenir de bons résul- 
tats de cette modification à la marche ordinaire de la 
fermentation, on peut cependant préparer partout des 
vins mousseux en suivant la prescription générale que 
nous venons d'énoncer. 

Dans le cas où des vins destinés à cette préparation 
spéciale ne contiendraient pas la quantité de sucre 
nécessaire, on y remédiera, au moment de la mise en 
bouteilles , par une addition de sucre que l'analyse 
permettra facilement de déterminer. 

Il est d'autres circonstances où Ton se propose un 
but tout-à-fait différent, c'est de conserver dans le vin, 



292 ŒNOLOGIE. 

après l'arrêt de la fermentation , une proportion de 
sucre bien plus considérable qui, persistant pendant 
longtemps et se trouvant soustraite à toute fermenta- 
tion ultérieure, donne au liquide une saveur très su- 
crée, et constitue ce qu'on appelle les vins de liqueur. 

Ces vins sont surtout préparés dans les contrées où le 
raisin atteint chaque année toute sa maturité, et avec 
des cépages donnant un produit déjà très riche en 
sucre. On augmente du reste d'une manière notable 
cette richesse en sucre par des opérations spéciales 
pratiquées au moment de la vendange et que le climat 
permet d'installer avec régularité pendant le temps 
nécessaire. 

Les différents procédés employés ont tous pour but 
d'enlever au raisin une partie de l'eau qu'il contient en 
favorisant sa dessiccation sans l'altérer, et d'augmenter 
ainsi dans le moût que l'on en tirera la proportion de 
sucre. 

On peut obtenir ce résultat en laissant le raisin après 
le cep dans la Vigne, pour cela on tord la queue du rai- 
sin et on le laisse en place en ayant soin de bien le 
dégager des feuilles qui l'abriteraient du soleil. On ne 
cueille les raisins que lorsqu'ils commencent à se flé- 
trir, et encore les laisse-t-on ensuite exposés au soleil 
pendant une huitaine de jours. On a soin de choisir 
pour les enlever et les porter au pressoir le moment de 
la grande chaleur. 

Lorsqu'il y peut y avoir inconvénient à laisser les 
raisins dans les Vignes, on les cueille comme à l'ordi- 
naire et on les place par couches très minces sur des 



VINS DE LIQUEUR. 293 

aires bien exposées au soleil, quelquefois sur les ter- 
rasses des maisons; ils restent dans ces conditions jus- 
qu'à ce que l'évaporation soit suffisante, ce que l'on 
reconnaît à la dépression bien marquée de la pelli- 
cule. 

Ainsi la préparation des vins de liqueur repose sur 
la modification qu'éprouve le moût et surtout sur sa 
concentration , par suite de l'exposition des raisins au 
soleil, soit dans la Vigne, soit après la récolte. 

Cependant quelques vins de ce genre très estimés 
s'obtiennent sans cette précaution. 

Lorsque la maturité est achevée , on se contente de 
faire un triage très minutieux des raisins les plus mûrs, 
et on les porte immédiatement au pressoir pour en 
exprimer le jus. La richesse en sucre, que peut attein- 
dre naturellement le fruit de certains cépages cultivés 
dans de bonnes conditions, est alors bien suffisante pour 
donner des vins de liqueur de première qualité. 

Ainsi donc, soit que le vin renferme normalement la 
quantité de sucre convenable, soit qu'il ait été amené à 
perdre une partie de l'eau qu'il contient après la récolte, 
que ce résultat ait été obtenu sur la souche ou en 
dehors de la Vigne, le moût doux et très sucré que 
l'on recueille par la pression est soumis à la fermenta- 
tion, celle-ci s'accomplit lentement et lorsqu'elle est 
ralentie, on la supprime presqu'entièrement au moyen 
de soutirages répétés, et le vin conserve longtemps la 
saveur sucrée qui le caractérise. 

Souvent on favorise la production de ces différents 
résultats par l'addition d'une certaine quantité d'alcool. 



•294 ŒNOLOGIE. 

0 

De même qu'on peut faire des vins mousseux dans 
tous les vignobles, on peut également préparer des 
vins de liqueur dans les localités où la nature des 
cépages et le climat ne se prêtent pas à la réalisation 
des conditions nécessaires pour les obtenir. 

Les raisins cueillis, aussi mûrs que possible, sont alors 
exposés sur des claies dans des chambres transformées 
en étuves, où ils éprouvent un commencement de des- 
siccation, puis ces raisins sont soumis à Faction de la 
presse et donnent un jus très sucré qui sera traité 
comme les précédents et fournira un vin très liquoreux 
tout-à-fait différent de celui qu'on aurait obtenu avec 
les mêmes raisins en suivant les procédés ordinaires de 
vinification. 

Nous aurons complété l'indication des opérations ser- 
vant à augmenter la richesse en sucre des moûts, en 
ajoutant que l'évaporation dans une chaudière, sous 
l'influence d'une élévation de température poussée 
jusqu'à l'ébullition, est aussi employée pour cette con- 
centration, elle donnera lieu à la confection d'un vin de 
même nature que les précédents, seulement la qualité 
de ces produits sera d'autant plus inférieure que l'on 
aura eu recours dans une plus forte proportion à des 
procédés pouvant modifier la nature du jus, lui donner 
un goût particulier et modifier ainsi les caractères des 
moûts naturels. 

Nous nous bornerons à ces observations sommaires 
sur les différentes sortes de vins produits dans les vi- 
gnobles , elles suffisent pour bien établir les carac- 
tères de chacun des groupes que nous avons distingués. 



CARACTÈRES DES DIFFÉRENTS VINS. 295 

Ce qui caractérise les vins de table, ronges ou blancs, 
fins ou ordinaires et communs, c'est la disparition 
presque complète du sucre par suite de la fermentation 
alcoolique qu'ils subissent soit dans les cuves, soit dans 
les lonneaux ou barriques. 

La décomposition chimique du principal composé 
contenu dans le jus du raisin, est poussée aussi loin que 
possible, et, si elle n'est pas absolument complète, la 
proportion de sucre qui reste après la fermentation est 
toujours très faible et va en s'afïaiblissant de plus en 
plus pendant la conservation du vin. 

Un pareil résultat finirait par être obtenu pour cer-^ 
laines catégories de vins, dans lesquels on cherche à 
conserver après la fermentation première une propor- 
tion très notable de sucre. Mais avant que ce sucre ne 
soit descendu au-dessous d'une limite déterminée par 
l'expérience et qui peut être soumise rigoureusement 
au calcul, on l'introduit dans une enveloppe parfaite- 
ment fermée, et dans laquelle la fermentation continue 
à produire son effet sur le sucre qui reste. La dissolu- 
tion forcée de l'acide carbonique, par suite de la près" 
sion, détermine les propriétés caractéristiques de ces 
vins que l'on désigne sous le nom de vins mousseux. 

Enfin, la composition initiale des moûts permet de 
préparer des vins qui, la fermentation première étant 
terminée, conservent une proportion de sucre bien 
plus considérable que celle qui était restée dans les 
précédents. Ces vins après avoir été conservés long- 
temps en tonneaux, sans qu'ils aient perdu la majeure 
partie du sucre qu'ils contiennent, n'éprouvent plus 



296 ŒNOLOGIE. 

une fermentation nouvelle lorsqu'on procède à leur 
mise en bouteilles ; ils gardent leur saveur sucrée, et 
ne deviennent pas mousseux, ce sont les vins de li- 
queur. 

Quelques-uns peuvent à la longue perdre cette sa- 
veur particulière, ils ne sont plus liquoreux, de- 
viennent secs, ce sont des vins de qualité supérieure 
qui rentrent dans la catégorie des précédents par l'en- 
semble de leurs propriétés et la nature des phénomènes 
qui ont accompagné leur conservation. 

Nous avons voulu, dans tout ce qui précède, nous 
borner à l'étude des produits obtenus au moyen du jus 
du raisin, sans addition de matières étrangères, et nous 
avons pu établir les caractères de toutes les sortes de 
vins, que l'on prépare dans les différents vignobles. 
Plus tard cette première étude sera complétée par celle 
des opérations diverses au moyen desquelles on modifie 
dans un but déterminé la composition primitive du 
moût, opérations que nous avons déjà entrevues dans 
ce qui précède, puis nous examinerons les produits 
qui en résultent et que nous désignerons sous le nom 
de vins d'imitation. 



CHAPITRE XIX 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS 



Nous avons réuni dans le premier volume quelques 
renseignements sur la composition du raisin, bientôt 
nous allons les compléter en faisant connaître avec 
détails les procédés divers qu'il faut employer pour 
déterminer la proportion des différents éléments du vin, 
et nous donnerons les principaux résultats obtenus 
dans ces diverses analyses, mais en dehors des métho- 
des analytiques précises, qu'il faut suivre pour obtenir 
des chiffres exacts, il existe des essais pratiques bien 
connus dans les vignobles, et qui peuvent déjà fournir 
des notions importantes sur la valeur des moûts en 
môme temps qu'elles permettent d'obtenir des indica- 
tions précieuses sur la marche de la fermentation. 

Nous croyons utile d'envisager à part ce point de vue 
de la question, afin de bien établir les circonstances 
dans lesquelles ces procédés sont applicables, et de pou- 
voir combattre certaines données fausses qui condui- 
raient à des conséquences inexactes. 

17. 



298 ŒNOLOGIE. 

Pour ces essais pratiques on emploie des petits appa- 
reils très répandus, de forme variable mais qui appar- 
tiennent tous à cette classe d'instruments de physique 
désignés sous le nom d'aréomètres. 

Ces instruments servent à donner la densité des 
liquides dans lesquels on les plonge ; il y en a de plu- 
sieurs espèces, mais ceux que l'on emploie dans les 
opérations relatives à l'œnologie sont tous construits sur 
le même principe, ils appartiennent à cette catégorie 
d'aréomètres désignés sous le nom d'aréomètres à poids 
constant et à volume variable, nous n'aurons donc pas 
à nous occuper des autres. 

Ces appareils sont ordinairement en verre, on peut 
également en construire en métal, ce qui fait dispa- 
raître l'inconvénient résultant de leur fragilité, mais 
présente un autre désavantage, c'est que par une chute 
ils peuvent se bosseler, et leur volume se trouve modi- 
fié, ce qui les met hors de service. La figure de la page 
suivante donne une idée très exacte de leur forme. 
AB est un tube étroit sur lequel est placée l'échelle de 
graduation de l'instrument; la partie BC, plus large, 
est tantôt cylindrique, tantôt sphérique. Cette portion 
renflée se termine par un appendice D de forme 
variable dans lequel on a mis du mercure ou de la 
grenaille de plomb dans le but de lester l'instrument. 

Lorsqu'on plonge un tube ainsi construit et fermé à 
ses deux extrémités dans un liquide, il reste vertical et 
présente un équilibre stable, en vertu du lest contenu 
dans sa partie inférieure, alors il s'enfonce d'une quan- 
tité qui est en rapport avec la densité du liquide. On 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS, 299 

comprend que pour qu'il puisse être em- 
ployé et qu'il fournisse un résultat, il est 
nécessaire que le point d'affleurement 
tombe dans la portion allongée où se 
trouve l'échelle de graduation de A en B. 

Voyons maintenant quelles indications 
un appareil ainsi construit peut fournir. 

Son poids est invariable ; quand on le 
plonge dans un liquide, il s'y enfonce 
plus ou moins, et lorsqu'il devient im- 
mobile, le poids de l'appareil donne le 
poids du volume de liquide qu'il déplace. 

Supposons que ce volume soit connu 
et indiqué sur l'échelle, il en résultera 
qu'on pourra déterminer par cette simple 
immersion la densité du liquide, car on 
connaîtra le poids d'un volume déterminé 
de ce liquide, et par suite sa densité, celle- 
ci n'étant autre chose que le rapport du 
poids au volume. 

La détermination du volume plongé 
sera très facile. Dans la figure ci-jointe, 
l'échelle commence en B à zéro et va jus- 
qu'à 25; il suffit donc que l'on connaisse 
le volume de chaque division et que l'on 
sache en même temps le nombre de ces 
divisions auquel correspond le volume 
fixe de la partie située au-dessous du 
zéro. Supposons par exemple que le vo- 
lume de la partie BD soit égal à 10 cen- 



300 ŒNOLOGIE. 

0 

timètres cubés, et que chaque division de B à A cor- 
responde à 0.1 de centimètre cube; lorsque l'affleu- 
rement sera à 10, le volume du liquide déplacé sera 
égal à 11 centimètres cubes ; il deviendra 12 cc si le 
point d'affleurement se trouve à 20. D'un autre côté le 
poids de l'appareil est constant, on l'a déterminé une 
fois pour toutes. On aura par conséquent le poids d'un 
volume donné du liquide, d'où l'on peut conclure sa 
densité. Il suffira donc pour avoir la densité d'un li- 
quide avec cet instrument de connaître son poids et de 
pouvoir apprécier le volume de la portion immergée, 
lorsqu'il sera en équilibre. 

Mais dans la pratique, l'emploi de ces appareils .est 
beaucoup plus simple, le constructeur a fait lui-même, 
par des procédés que nous n'avons pas à détailler ici, 
tous les calculs, toutes les vérifications et au lieu d'ins- 
crire sur la tige un nombre qui donne seulement le 
volume de l'instrument ou plutôt de la partie plongée, 
il indique par le chiffre inscrit le résultat final que l'on 
veut obtenir, c'est-à-dire la densité du liquide. 

Nous aurons ainsi un aréomètre tout-à-fait sem- 
blable à celui que nous avons représenté, et ne pouvant 
donner comme lui que le poids et le volume du liquide 
déplacé, et par suite leur rapport, mais le chiffre ins- 
crit sur l'échelle exprime immédiatement la densité qui 
en résulte et que l'on cherche. 

Un aréomètre ainsi gradué porte ordinairement le 
nom de densimètre. 1 marque le point d'affleurement 
dans le liquide dont la densité est 1, c'est-à-dire dans 
l'eau, ce chiffre est le plus souvent remplacé par 100 ou 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 301 

par 1000; nous avons dans' les figures de la page 303 
adopté le chiffre 1000. 

Pour mesurer la densité des liquides plus denses 
que l'eau on se sert d'un appareil dans lequel le chiffre 
correspondant à la densité de Feau se trouve en haut de 
l'échelle, et dont les indications vont en croissant de 
haut en bas à partir de 1000 ; s'il s'agit au contraire de 
mesurer la densité de liquides plus légers que l'eau, le 
même chiffre est en bas de l'échelle, et les indications 
de cette échelle vont en décroissant de bas en haut à 
partir de ce point. 

Ces deux appareils que l'on peut avoir distincts et 
sous le même volume, mais en faisant varier leur poids 
par celui du lest, sont quelquefois réunis ; dans ce cas 
l'échelle devra être deux fois plus longue pour le même 
degré de précision, et si l'échelle a la même longueur, 
la précision sera moins grande. 

Il nous paraît inutile d'indiquer les conventions qui 
servent de base à la construction des aréomètres à 
échelle arbitraire, car il est bien à désirer qu'ils soient 
complètement abandonnés et remplacés par les den- 
simètres. 

Nous avons figuré trois densimètres pour faire bien 
comprendre leur usage, le n° 1 doit être employé pour 
les liquides plus lourds que l'eau, le n° 2 pour ceux 
qui sont au contraire plus légers que l'eau. Le n° 3 
peut servir pour les deux sortes de liquides. Les chiffres 
placés à côté des traits sont dans les appareils écrits 
sur la tige elle-même, comme cela a été marqué dans 
la figure de la page 299. 



302 ŒNOLOGIE. 

Ces trois appareils plongés dans l'eau s'y arrêteront 
au trait marqué 1000. 

Si les appareils n° 2 et n° 3 sont plongés dans l'al- 
cool absolu, ils se fixeront au trait correspondant à 795, 
cela veut dire que la densité de l'alcool pur est 795, 
celle de l'eau étant 1000 ou bien 0.79, si la densité de 
l'eau est représentée par 1. 

Plongeons les appareils n° 1 et n° 3 dans l'acide acé- 
tique cristallisable, ils s'arrêteront au trait correspon- 
dant à 1063, ce qui exprime que la densité de cet acide 
acétique est 1063, celle de l'eau étant 1000 ou bien 1 .06, 
si la densité de l'eau est égale à 1. 

Le densimètre est donc un aréomètre qui, par suite 
de calculs faits lors de sa construction, et dont les ré- 
sultats sont consignés sur l'échelle qu'il porte, peut 
donner immédiatement la densité du liquide dans lequel 
il est plongé. 

Il est même possible d'aller plus loin et on a cons- 
truit des aréomètres dont l'échelle de graduation porte 
non plus la densité du liquide dans lequel on les fait 
plonger, mais indique la composition de ce liquide par 
rapport à un produit particulier qui s'y trouve en dis - 
solution. 

Le plus important de ces appareils et le plus em- 
ployé dans les manipulations relatives aux vins et aux 
alcools est l'alcoomètre sur la construction duquel nous 
reviendrons lorsque nous parlerons des procédés à 
employer pour doser l'alcool dans les liqueurs fermen- 
tées ou dans les liquides alcooliques obtenus par voie de 
distillation. 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 



303 




£ MOtiTICAVÙ SC 



304 ŒNOLOGIE. 

On a également construit des appareils permettant 
de reconnaître tout aussi facilement la quantité de 
sucre ou d'un acide déterminé contenu dans un liquide 
ce sont les saccharomètres, les acidimètres. Leurs indi . 
cations peuvent être exactes comme celles des alcoo- 
mètres, lorsque ces liquides ne contiennent que du 
sucre, un acide donné, ou tout autre substance. Sans 
nous étendre davantage sur ces instruments nous 
dirons seulement que toutes ces indications si diverses, 
sont la conséquence des manipulations spéciales qui ont 
accompagné leur construction. 

Il ne faut pas oublier que ces appareils ne donnent 
par eux-mêmes que la densité et ne peuvent pas don- 
ner autre chose. Mais comme il est souvent possible, 
connaissant la densité d'un mélange liquide de com- 
position connue, d'en déduire des conséquences impor- 
tantes sur les proportions de ses éléments soit immé- 
diatement,- soit en s'aidant d'autres expériences, il 
suffira d'inscrire les résultats de cette comparaison sur 
l'échelle de graduation de l'aréomètre. 

Un aréomètre fournira donc des indications précises 
dans cette voie de l'analyse, toutes les fois que les ré- 
sultats qu'il indique pourront se déduire de la densité, 
à la condition toutefois que la graduation aura été 
tracée avec exactitude, et qu'on aura fait préalablement 
toutes les observations nécessaires pour établir les 
relations sur lesquelles est fondé l'établissement de l'é- 
chelle qui l'accompagne. 

Nous ne devons pas omettre une considération très 
importante. La densité d'un liquide varie avec la tem- 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 305 

pérature; par conséquent un aréomètre ne s'enfon- 
cera pas également dans le même liquide lorsqu'il sera 
à deux températures différentes. Il faudra donc tenir 
compte de la température du liquide au moment de 
l'immersion, puisque les résultats varient avec cette 
température. 

Pour permettre d'obtenir des indications exactes et 
toujours comparables, la graduation de l'instrument se 
fait à une température déterminée, et on choisit ordi- 
nairement la température de 15°; quelques aréomètres 
ont été autrefois gradués à 12°5 (10° Réaumur). 

Il suffira donc de savoir à quelle température a eu 
lieu la graduation d'un appareil, et quand on voudra 
obtenir avec lui des indications exactes, on opérera à 
cette même température. 

On peut également éviter d'une autre manière la 
cause d'erreur que nous venons de signaler, pour cela 
on a construit des tables de correction dans lesquelles on 
trouve consignés les chiffres qu'il faut substituer à ceux 
donnés par l'instrument lorsqu'on opère à une tempé- 
rature différente de 15°. 

On sait qu'une élévation de température diminue la 
densité des liquides, tandis qu'un abaissement de tem- 
pérature l'augmente, il faudra donc augmenter le chif- 
fre trouvé si la température est supérieure à 15° et le 
diminuer si elle est plus petite. 

L'emploi des densimèlres, dans les observations rela- 
tives à l'étude des moûts avant la fermentation, est sur- 
tout fait dans le but de rechercher leur richesse en 
sucre, et ce procédé pourrait donner des résultats très 



306 ŒNOLOGIE. 

exacts si le moût ne contenait que de l'eau et du sucre, 
mais la présence des autres matières dissoutes dans le 
jus du raisin doit nécessairement conduire à des indi- 
cations inexactes. Cependant comme une augmentation 
dans la densité indique en général une plus forte pro- 
portion de sucre, la connaissance de cet élément peut 
être très utile, surtout si des analyses faites avec préci- 
sion sur des moûts de môme nature ont permis d'établir 
le rapport qui existe entre la densité d'un moût et sa 
richesse en sucre. 

La détermination de cette densité doit donc se faire 
avec l'espèce de densimètre destinée aux liquides plus 
denses que l'eau, et dont le chiffre correspondant à 
la densité de l'eau se trouve au sommet de l'échelle. 

Ce même appareil permettra de suivre la marche de 
la fermentation, puisque pendant cette action la propor- 
tion de sucre diminue et par conséquent la densité dé- 
croît en même temps. Nous allons facilement com- 
prendre comment on a été conduit à l'employer pour 
déterminer le moment où cette opération étant ter- 
minée, il convient de procéder au décuvage. 

Si nous entrons dans quelques détails à ce sujet, ce 
n'est pas dans le but d'arriver à conseiller l'emploi 
exclusif de cet instrument pour fixer le moment auquel 
doit avoir lieu cette importante manipulation, mais 
pour bien faire comprendre quelle est la valeur des 
indications que l'on peut tirer de son emploi. 

Supposons un moût dont la densité mesurée au 
moyen du densimètre soit égale à 1120, celle de l'eau 
étant 1000. Celte densité du liquide est due a la pré- 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 307 

sence du sucre et des autres éléments solides que le 
moût contient. 

A mesure que la fermentation va s'y développer, la 
proportion de sucre diminuera , et par conséquent la 
densité deviendra moindre ; aussi au bout de quelques 
jours, le même appareil accusera une diminution no- 
table de la densité du moût, et cette diminution ira en 
croissant à mesure que la fermentation marchera. Mais 
en admettant que tout le sucre disparaisse par suite de 
cette opération, les autres éléments solides du moût 
continueront à rester en dissolution et cependant il 
arrivera un moment où le densimètre descendra à peu 
près au point marqué 1000 sur l'échelle et correspon- 
dant par conséquent à la densité de l'eau. 

Cela tient à ce que, si le sucre disparait, il est rem- 
placé en partie par de l'alcool, liquide plus léger que 
l'eau, et dont la présence contrebalance l'effet produit 
sur la densité par les éléments solides autres que le 
sucre et qui restent dans le moût fermenté. 

Lors donc que la fermentation d'un moût est sur le 
point de prendre fin par suite de la disparition du sucre 
qui servait à l'alimenter, la densité du liquide est pres- 
que égale à celle de l'eau. Tandis qu'un litre de ce 
moût avant la fermentation pesait 1120 gr., un litre 
de liquide après la fermentation ne pèsera plus qu'en- 
viron 1000 gr. 

Ceci nous explique pourquoi les instruments des- 
tinés à l'essai pratique des moûts et fondés sur les faits 
que nous venons d'énoncer portent à côté du chiffre de 
leur échelle de graduation correspondant à la densité 



308 ŒNOLOGIE. 

de l'eau, le mot décuvage. Celte expression semble 
vouloir dire qu'il faut attendre pour procéder à cette 
opération que l'aréomètre employé à suivre la marche 
de la fermentation arrive à ce point, et que cette action 
sera suffisamment accomplie dès qu'il sera atteint. 

Il est facile de voir que cette donnée ne correspond 
à rien de précis, et que cette densité à laquelle arrive 
le moût, est seulement la conséquence d'un ensemble 
de circonstances qui se réalisent à peu près vers la fin 
de la fermentation, mais sur lesquelles on ne doit pas 
se baser pour fixer sa durée. 

Il est d'autres données, bien plus importantes et que 
nous développerons dans l'Art de faire le vin, qui doi- 
vent servir de guide au vigneron et on reconnaîtra sans 
peine, après quelques observations, que quelquefois le 
décuvage doit être fait avant que la densité n'arrive au 
chiffre qui correspond à la densité de l'eau, tandis que 
dans d'autres cas, alors qu'il faut y procéder, ce point 
peut être déjà dépassé. 

Ces détails nous montrent néanmoins en quoi con- 
siste ce genre d'observations faites avec les densimètres, 
et comment ces appareils accusent pendant la fer- 
mentation la diminution du sucre qui en est la consé- 
quence. 

Les appareils que l'on trouve dans le commerce pour 
ces différents essais sont désignés sous le nom de pèse- 
moûts, ce sont des aréomètres dont l'échelle porte non 
pas des chiffres indiquant la densité du liquide, mais 
des degrés résultant d'une graduation arbitraire et qui 
devraient être proscrits d'une manière absolue , les 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 309 

nombres exprimant ces degrés n'ayant aucune signifi- 
cation. 

Nous voudrions n'en pas parler, car ce serait le meil- 
leur moyen d'arriver à les faire disparaître et à per- 
mettre d'obtenir leur remplacement par le seul appa- 
reil qu'il faut conserver, le densimètre. 

Seulement nous devons reconnaître que l'emploi 
d'un chiffre court énoncé en degrés présente des avan- 
tages dans la pratique et doit être, en dehors d'une lon- 
gue habitude, une des causes de la faveur de ces instru- 
ments auprès du public. 

Disons d'abord comment il serait facile d'obtenir ces 
mêmes résultats avec le densimètre, tel que nous l'a- 
vons décrit, et pour atteindre ce but nous emprunte- 
rons la méthode de graduation de l'instrument que 
nous proposons, à un usage suivi par l'Administration 
des contributions indirectes dans l'évaluation des 
richesses en sucre des différents jus soumis aux 
droits. 

Pour en expliquer la construction, admettons un den- 
simètre destiné aux liquides plus denses que l'eau et 
par conséquent gradué de haut en bas de 1000 à 1250. 

Ce dernier chiffre est supérieur à celui qui exprime 
la densité des moûts les plus riches en sucre. 

On pourra traduire en degrés tous les nombres com- 
pris entre 1000 et 1250 au moyen de la convention sui- 
vante. Supprimons le premier et le quatrième chiffres, 
et admettons que les deux chiffres restants expriment 
le degré correspondant au nombre observé. 

Ainsi 5° correspondra à la densité 1050, 15° à la 



310 ŒNOLOGIE. 

densité 1150, et le tableau suivant nous donnera les 
degrés correspondants aux densités de 10 en 10, depuis 
la densité de l'eau 1000, jusqu'à la densité exprimée 
par le nombre 1250 ; on pourrait prolonger cette échelle 
au delà de ce chiffre suivant les besoins. 

Les degrés inscrits au tableau remplaceront sur l'é- 
chelle les nombres exprimant la densité : 



DENSITÉS 


CORRESPONDANTS 

du Pèbe-nioût 
densimétrique 


DENSITÉS 


CORKFSPONDÀ-vTS 

du Pèse-moût 
densimétrique 


1000 


0o 


1130 


13o 


1010 


lo 


1140 


14o 


1020 


2o 


1150 


15o 


1030 


3o 


1160 


16o 


1040 


4o 


1170 


17o 


1050 


5° 


1180 


18o 


1060 


G° 


1190 


19o 


1070 


70 


1200 


20o 


1080 


80 


1210 


21o 


1090 


9o 


1220 


22o 


1100 


lOo 


1230 


23o 


1110 


llo 


1240 


24o 


1120 


12o 


1250 


25o 



Il sera tout aussi facile d'exprimer en degrés les 
densités dont les chiffres ne figurent pas au tableau, 
4°6 correspondra à la densité 1046, 17°2 à la densité 
1172 et ainsi des autres. 

On aura clone avec cet instrument tous les avantages 
du densimètre, et l'énoncé du résultat qu'il fournit sera 
conforme aux habitudes introduites par l'usage des 
aréomètres arbitraires. 

Lorsqu'on dira qu'un moût pèse 12% cela signifiera 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 311 

ifue la densité de ce moût est égale à 1120, ou bien 
qu'un litre de ce moût pèse 1120 grammes. 

Il est bien entendu que les appareils étant gradués à 
15% c'est à cette température que devront être faites 
toutes les déterminations basées sur leur emploi. 

Ordinairement l'énoncé des degrés fournis par un 
appareil est suivi du nom de Fauteur de l'appareil ; il 
sera facile d'éviter toute confusion dans l'emploi des 
degrés précédents en les appelant degrés du densimètre 
et en désignant l'appareil qui les porte sous le nom de 
pèse-moût densimétrique. 

Les appareils qui existent dans le commerce présen- 
tent une graduation due à Baumé, et les degrés qu'ils 
donnent sont appelés degrés Baumé, ils ne présentent 
aucun rapport simple avec les densités correspondantes, 
on en peut juger parle tableau suivant : 



DEGRÉS 

BAOMÉ 


DENSITÉS 

CORRESPONDANTES 


DEGUÉS 

BAUMÉ 


DENSITÉS 

CO H H ES PONDANTES 


1° 


1008 


1 1° 


1083 


2° 


1015 


12° 


1091 


3° 




13 ft 


1099 


40 


1029 


I40 


1107 


5o 


1036 


15o 


1116 


60 


1043 


16o 


1125 


70 


1051 


17o 


1134 


80 


1059 


18o 


1143 


9o 


1067 


19o 


1152 




1075 


20* 


1161 



Ainsi les densités qui correspondent aux degrés du 
pèse-moût densimétrique, sont plus élevées que celles 
qui se rapportent aux mêmes degrés du pèse-moût 



312 ŒNOLOGIE. 

construit suivant Baumé, et la concordance peut être 
facilement établie au moyen des deux tables qui pré- 
cèdent. 

Les pèse-moûts présentent souvent Péchelle double 
dont nous avons parlé précédemment. Le zéro auquel 
correspond le mot décuvage inscrit sur l'échelle est au 
milieu, et il y a deux graduations en sens contraire. Ces 
appareils, après avoir servi à apprécier la diminution de 
densité des .moûts pendant la fermentation, peuvent 
encore être utilisés pour comparer la densité des liqui- 
des vineux ou alcooliques plus légers que l'eau. 

On peut établir une échelle semblable pour les pèse- 
moûts densimétriques en utilisant le densimètre dou- 
ble figuré à la page 303 ; les degrés seront exprimés de 
la même manière que dans l'appareil que nous avons 
décrit et qui était supposé ne devoir servir que pour des 
liquides plus lourds que l'eau. Seulement lorsqu'il s'a- 
gira de passer du degré marqué à la densité pour le cas 
des liquides plus légers que l'eau, il faudra retrancher 
de 100 le nombre qui exprime ce degré et cette sous- 
traction ne présente aucune difficulté. 

Supposons par exemple que l'appareil s'arrête dans 
un liquide à 5°, dans la partie de l'échelle située au- 
dessus du zéro, la densité de ce liquide sera 950, celle 
de l'eau étant 1000; de même la densité correspondante 
à 8° 4 sera 916. 

Afin d'éviter toute erreur dans les indications on 
pourrait, sur l'échelle, ou tout au moins lorsqu'on 
transcrit un chiffre que Ton vient de lire, faire précéder 
les degrés de la partie supérieure du signe — . 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 313 

Le tableau suivant donne la correspondance de cette 
série de degrés avec les densités, depuis 1000 jusqu'à 
la densité exprimée par 750. 





TA [7 /-f II Tin 




DEGRÉS 


DENSITÉS 


CORRESPONDANTS 

du Pc?e-roout 
dcnsitnctric[U6 


DENSITÉS 


CORRESPONDANTS 

du Pèse-moût 
densirnétricjuG 


1000 


— 0° 


870 


— 13o 


990 


_ lo 


860 


— 14o 


980 


— 2° 


850 


450 


970 


— 3° 


840 


— 16o 


960 


— 40 


830 


— 17» 


950 


— 00 


820 


— 18o 


940 


— C° 


810 


— 19o 


<»30 


— 70 


800 


— 20o 


920 


— 80 


790 


— 21» 


910 


— 9o 


780 


— 22° 


900 


— 10o 


770 


— 23o 


890 


— llo 


760 


— 24o 


880 


— 120 


750 


— 25° 



Dans le chapitre consacré à l'étude de la composition 
du raisin (voy. 1 er vol., page 617), nous avons donné 
plusieurs renseignements intéressants sur la densité 
des jus de raisin ainsi que sur leur teneur en sucre et 
en acide, nous ajouterons ici quelques indications ayant 
plus particulièrement pour objet la détermination de la 
densité des moûts dans leurs rapports avec les opéra- 
tions de la vinification. 

Nous donnerons d'abord la densité des moûts de 
Pinot dans la Gôte-d'Or, d'après une série d'observa- 
tions embrassant vingt années et faites par M. de Ver- 
gnette sur des produits de sa récolte; nous y joignons 
les degrés correspondants d'après le densimètre et 

18 



314 ŒNOLOGIE. 

d'après Baumé, afin que Ton puisse, d'un coup d'œil, 
apprécier la différence de leurs valeurs. 



ANNÉES 


DENSITÉS 


DENSIMÉTRIQOES 


DEGRÉS 

SUIVANT BAUMÉ 


1846 


1 1 1 5 


1 1°5 


1 4° 


.1 847 


1 097 


9°7 


12°7 


1848 


1101 


10°1 


13°1 


1049 


11 03 


10°3 


13°4 


1850 


1 085 


8°5 


11°2 


1851 


1 080 


8° 


1 0°6 


1 852 


1 099 


9°9 


1 3° 


1 853 


1 082 


8°2 


10°9 


1854 


1104 


1 0°4 


1 3°5 


1 855 


1090 


9° 


1 1 °9 


1856 


1096 


9*6 


12»6 


1857 


1102 


10°2 


13o2 


1858 


1112 


11o2 


14o5 


1859 


1105 


10o5 


13o6 


1860 


1070 


70 


9o4 


1861 


1098 


9o8 


12"9 


1862 


1095 


9o5 


12°5 


1863 


1089 


8«9 


H07 


1864 


1112 


1102 


U05 


1865 


1115 


U05 


14°9 


1866 


1076 


706 


lOo 



La densité des moûts de Pinot a donc varié dans cet 
intervalle de 1070 à 1115 maximum observé en 1865. 

Quant aux moûts de Gamay, on observe que leur 
densité varie de 1070 à 1080 ; en 1846, ce chiffre s'est 
élevé à 1088. 

Schûbler, dont nous avons cité les observations sur 
l'époque de l'ouverture de la vendange (voy. 1 er vol. 
page 584), a réuni également des documents nombreux 
sur le poids spécifique des moûts dans le Wurtemberg, 
depuis le milieu du dernier siècle ; nous transcrivons 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 315 

dans le tableau qui suit une série d'observations faites 
aux environs de Stuttgard, de 1801 à 1829. 





U El LN ï> 1 i Ej 






NOMBRE 


k ÎVTWPÏ^C 


MOYENNE 


M A YTMTTM 
01 A A l lu U M 


MUMA1UM 


des 




du moût 






OBSEKVATIONS 


1801 


1060.5 


1 072 


1045 


A tt 
1 0 


1802 


1 074.8 


1076 


1060 


1 o 


1803 


1 065 0 


1074 


1069 


A Q 
J O 


1804 


1065 7 


1 071 


1065 


QO 
J.O 


1 806 


1059.0 


1065 


1049 


22 


1 807 


1 068.5 


1 082 


1 070 


oo 
zz 


1808 


1 064.8 


1070 


i uoo 


/O 


1810 


1 066 9 


1081 


1 065 


i y 


1811 


1081 3 


1 non 


1070 




1812 


1 063-0 


1068 


J uo / 


A Q 

J y 


1813 


1061.0 


1 uo / 


1 056 


1 5 


1817 


1051 2 


1 077 




A A 


1818 


1073.2 


1080 


1063 


12 


1819 


1073.2 


1082 


1065 


18 


1820 


1059.4 


1065 


1054 


15 


1821 


1053.5 


1069 


1049 


23 


1822 


1080.0 


1091 


1070 


33 


1823 


1061.0 


1083 


1051 


23 


1825 


1077.1 


1080 


1067 


23 


1826 


1065.0 


1075 


1060 


10 


1828 


1068.4 


1095 


1058 


13 


1829 


1060.8 


1080 


1051 


7 



Le résumé des renseignements connus pour les envi 
rons de Stuttgard conduit aux nombres suivants : 

Densité moyenne 



du moiît. 

1754 à 1760 1069.3 

1761 à 1770 1065.2 

1771 à 1780 1069.3 

1781 à 1788 1066.1 

1801 à 1810 1065.6 

1811 à 1820 1066.6 

1821 à 1830 , . . 1068.0 



316 ŒNOLOGIE. 

Ainsi dans un intervalle de près de cent années, le 
poids spécifique moyen du moût n'a éprouvé que des 
variations insensibles; le tableau précédent permet, du 
reste, d'apprécier les changements observés d'une 
année à l'autre, de 1801 à 1829. 

Schùbler a cherché à évaluer la bonté des moûts 
d'après la densité, au point de vue des vins qu'ils peu- 
vent fournir ; voici les résultats qu'il a déduits d'un 
grand nombre d'expériences comparatives et les appré- 
ciations qu'il a données des différents moûts : 

Densité. 

1030. — Moût de raisins acides et non parvenus à 
maturité. 

1040. — Raisins non mûrs, donnant un vin faible 
et qui n'est pas de garde. 

1050. — Moût aqueux et médiocre. 

1060. — Moût léger et de qualité moyenne. 

1070. — Bon moût, au-dessus de la moyenne. 

1080. — Moût très bon et qui est celui des bons 
vins de table de la France et de l'Alle- 
magne. 

1090. — Moût distingué des vins du Necker et du 
Rhin. 

1100. — Moût supérieur des bonnes années dans le 
centre de la France et le midi de l'Alle- 
magne. 

1110. -— Moût très riche des vins du midi de la 
France, de l'Italie et de l'Espagne. 

Dans d'autres vignobles, les indications qui précèdent 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 317 

peuvent ne pas être strictement applicables dans cha- 
que cas particulier, mais en général on peut dire que 
l'augmentation de densité du moût est un signe d'une 
plus grande qualité dans les vins qui doivent en résulter. 

Ontrouve dansplusieursauteurs des indications géné- 
rales sur la densité moyenne du moût dans les différents 
vignobles. Ces résultats sont très utiles, mais leur im- 
portance est bien diminuée lorsqu'ils sont indiqués 
seulement en degrés d'après les anciens appareils, car 
les instruments qui les ont fournis sont bien imparfaits 
et très rarement comparables ; aussi nous nous dispen- 
serons de signaler ces observations, nous nous conten- 
terons de réunir dans le tableau suivant quelques chif- 
fres recueillis sur ce sujet dans divers vignobles, et 
exprimant les densités. 



LOCALITÉS 


DENSITÉS 


ANNÉES 


NOMS 
des 

OBSERVATEURS 




MAXIMUM 


MINIMUM 


Touraine .... 


1082 


1063 


» 


Chaptal. 


Midi de laFrance. 


1128 


1103 


1822 


Fontenelle. 


Environs de Stutt- 
gard 


1099 


1066 


» 


Reuss. 


Environs de Mar- 


1054 


1047 


1809 


Gunzler. 


Id. 


1084 


1074 


1811 


Id. 


Bords du Neeker. 


1090 


1050 


» 


Schùbler. 


Environs d'Hei- 
delberg .... 


1091 


1039 


» 


Melzger. 



18. 



318 ŒNOLOGIE. 

Il est à désirer que l'usage du densimètre ou du 
pèse-moût donnant les mêmes indications se répande, 
car les résultats fournis par cet appareil, corrigés rela- 
tivement à la température, pourraient être conservés 
dans chaque vignoble et permettraient de réunir des 
renseignements très intéressants. 

La manière d'opérer, avec tous ces instruments 
quels qu'ils soient, est des plus simples, il suffit de 
filtrer une certaine quantité de moût à travers un linge, 
et de l'introduire dans une éprouvette à pied; la tempé- 
rature du liquide qui sera le plus souvent supérieure 
à 15° sera ramenée à cette température, en plongeant 
l'éprouvette dans de l'eau de puits pendant quelques 
instants, puis l'appareil sera mis dans l'éprouvette et 
il suffira de lire le chiffre de la graduation correspon- 
dant au niveau du liquide. 

Les observateurs désireux d'obtenir des résultats 
exacts devront vérifier leur instrument en le plongeant 
dans l'eau, et en déterminant directement par les 
méthodes que nous indiquerons plus loin la densité 
d'un moût que Ton vérifiera ensuite au moyen de l'ins- 
trument. 

Nous avons insisté sur ce point, c'est que les pèse- 
moûts ne peuvent donner que la densité du liquide dans 
lequel ils sont plongés, on a cependant voulu en déduire 
la quantité de sucre contenu dans le moût, et on leur 
a donné le nom de gleucomètres, mais il ne faut pas 
oublier que la détermination du sucre au moyen de ces 
instruments ne peut être obtenue que très approximati- 
vement uoms en dirons autan! (le l'appareil à échelle 



ESSAIS PRATIQUES DES MOUTS. 319 

double et que l'on appelle gleuco-œnomètre, pour mon. 
trer son utilisation possible dans l'analyse des vins, au 
point de vue de la richesse en alcool. Ces dernières in- 
dications ne sont pas plus exactes que celles du gleuco- 
mètre relativement à la proportion du sucre. 

Le dosage du sucre dans un moût doit être fait soit 
au moyen des procédés optiques que nous avons précé- 
demment décrits (voy. 1 er vol , p. 371), soit parles 
méthodes chimiques dont nous parlerons plus loin, 
Temploi des pèse-moûts ne donne sur ce point que des 
indications vagues et toujours incertaines. Cependant, 
comme nous l'avons vu dans ce qui précède, il peut 
fournir des renseignements généraux dont on tire parti 
pour se rendre compte de la marche de la fermenta- 
tion. 

L'étude des moûts, pour être complète, doit com- 
prendre encore la détermination des autres éléments 
qu'il renferme, nous avons donné quelques indications 
à ce sujet en parlant dans le premier volume de la 
composition du raisin. Mais ces recherches exigent 
l'emploi des méthodes exactes et plus ou moins com- 
pliquées que nous exposerons dans les chapitres sui- 
vants. 



CHAPITRE XX 



ANALYSE DES VINS 
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 



Nous savons maintenant ce que c'est que le vin, 
comment on l'obtient, et nous avons discuté toutes les 
questions qui se rattachent à sa préparation, de manière 
à nous permettre de bien comprendre les procédés 
employés et de nous rendre compte de leur mode d'ac- 
tion. 

Nous sommes donc parfaitement en mesure d'a- 
border un point très important de l'histoire de ce 
liquide, c'est l'étude des méthodes analytiques qu'il 
faut suivre pour déterminer sa composition, c'est-à- 
dire la nature et la proportion des divers éléments dont 
il est formé. 

L'analyse chimique d'une substance quelle qu'elle 
soit comprend deux parties essentiellement distinctes, 
l'analyse qualitative, l'analyse quantitative. 

Dans la première on se borne à rechercher quels 
sont les éléments dont un corps est formé, s'il s'agit 



ANALYSE DES VINS. 321 

d'une substance définie chimiquement, ou bien quels 
sont les produits qui entrent dans sa composition, si 
l'on considère une substance complexe renfermant 
plusieurs composés différents. 

Dans la seconde on a pour but de déterminer les pro- 
portions dans lesquelles ces éléments ou ces produits 
sont réunis pour constituer la matière soumise à l'a- 
nalyse. 

Dans le cas du vin, nous avons évidemment un 
mélange très complexe formé d'un grand nombre de 
composés et nous devons étudier pour chacun d'eux 
les méthodes à employer pour constater leur présence 
et établir leur proportion. Nous aurons donc pour cha- 
cun de ces composés à faire cette étude au double point 
de vue que nous venons d'indiquer. 

Le problème que nous avons à résoudre se présente 
comme très compliqué, si nous réfléchissons à la di- 
versité des substances réunies dans un vin quel qu'il 
soit. 

Nous allons chercher, sinon à le résoudre d'une 
manière complète, du moins à en examiner avec dé- 
tails les points les plus importants, de manière à pou- 
voir en déduire les méthodes auxquelles il faut avoir 
recours dans chaque cas particulier, suivant le but que 
l'on se propose dans les recherches analytiques rela- 
tives aux vins. 

On comprend en effet que l'on n'a pas toujours 
besoin de faire l'analyse complète d'un vin. Souvent on 
doit se contenter de la reconnaissance ou du dosage 
de quelques-uns des éléments les plus importants et 



322 ŒNOLOGIE. 

dans ces différents cas, la question peut être singulière- 
ment simplifiée. Pour certaines recherches spéciales au 
contraire, on a besoin de pouvoir constater la présence 
de produits qui ne se trouvent qu'en proportion très 
faible et dont l'étude présente de grandes difficultés, 
en raison même de cette circonstance. 

Les développements que nous nous proposons de 
donner sur les différentes questions relatives à l'ana- 
lyse des vins, permettront de satisfaire à ces exigences 
diverses, et lorsque cette étude sera terminée, il nous 
sera facile de la résumer, et de tracer le tableau des 
opérations auxquelles on devra se livrer dans chaque 
cas particulier. 

Nous avons vu qu'il y avait plusieurs espèces de vin 
présentant des propriétés bien différentes, mais ayant 
toutes pour origine commune le fruit du raisin et 
comme base de leur préparation la fermentation alcoo- 
lique. Tous ces vins peuvent se ranger en quatre caté- 
gories, les vins rouges, les vins blancs, les vins de 
liqueur et les vins mousseux, et nous avons indiqué 
leurs principaux caractères ainsi que les qualités géné- 
rales qui les distinguent au point de vue de la consom- 
mation. 

Ces différents vins n'ont certainement pas une com- 
position identique, mais ils renferment à peu près les 
mêmes éléments et la quantité seule de ces éléments 
varie dans des proportions souvent considérables. 
Aussi n'avons-nous aucune division à faire à ce point 
de vue dans l'étude que nous allons entreprendre au 
sujet de leur analyse et nous arriverons en même 



ANALYSE DES VINS. 323 

temps à établir leur composition générale et les parti- 
cularités que présente chaque espèce différente. 

Les substances que l'on rencontre dans les vins et 
qui forment leurs éléments constitutifs sont, comme 
nous l'avons vu, très nombreuses, et il nous est facile 
de les diviser en plusieurs groupes caractérisés par leur 
état physique et leurs propriétés chimiques. 

Nous citerons d'abord les éléments gazeux qui sont 
les mêmes que ceux que l'on rencontre dans les eaux 
potables. Leur présence s'explique par la nature des 
phénomènes de la fermentation, et par l'action de l'air 
atmosphérique ; ces gaz sont l'acide carbonique, l'azote, 
l'oxygène et encore ce dernier ne se rencontre-t-il dans 
le vin que si ce liquide a été récemment agité au contact 
de l'air. 

A côté des gaz, nous devons placer les composés liqui- 
des et volatils dont les plus importants sont l'eau et 
l'alcool, auxquels il faut ajouter d'une part certains 
acides volatils, tels que l'acide acétique et d'autres 
acides analogues, d'autre part la glycérine, les alcools 
autres que l'alcool ordinaire et des huiles essentielles. 

En troisième lieu il existe dans le vin un grand nom- 
bre de substances solides, solubles dans l'eau ou dans 
ce liquide légèrement alcoolisé et que l'on peut diviser 
en plusieurs groupes. 

Des matières organiques non azotées, telles que le 
sucre, la matière colorante, des matières grasses, le 
tannin ou acide tannique et d'autres acides, tels que 
l'acide tartrique, l'acide malique, l'acide succinique. 

Des matières organiques azotées, analogues à celles 



324 ŒNOLOGIE. 

0 

que l'on rencontre dans tous les végétaux et dont quel- 
ques-unes peuvent se trouver à l'état de composés am- 
moniacaux. 

Des sels à acides organiques, dont le plus impor- 
tant est le bitartrate de potasse et des sels minéraux 
parmi lesquels nous citerons des phosphates, des sul- 
fates, etc. 

Enfin plusieurs de ces composés peuvent, comme 
nous l'avons vu, réagir les uns sur les autres et donner 
lieu à des produits nouveaux qui se rencontreront dans 
les vins en proportions variables, suivant leur âge et les 
conditions dans lesquelles a eu lieu leur conservation. 

On voit par cette longue énumération combien sont 
nombreux et variés les composés que Ton rencontre 
dans les vins; leur analyse complète devrait avoir 
pour but de signaler la présence et d'indiquer la pro- 
portion de tous ces composés. 

Heureusement dans la pratique, la question doit être 
beaucoup simplifiée, et Ton peut se borner aux composés 
les plus essentiels qui font partie intégrante de tous les 
vins, et jouent un rôle important dans les différentes 
opérations de la vinification. 

Nous commencerons cette étude analytique par 
l'énoncé et l'examen d'une série de déterminations qui 
tout incomplète qu'elle est, permet de réaliser facile- 
ment le résultat définitif de toute analyse : étant donné 
un poids quelconque de la substance à analyser, la dé- 
composer en produits divers dont la somme des poids re- 
présente exactement le poids de la substance employée. 

Si dans un vin, on dose successivement l'alcool, l'eau 



ANALYSE DES VINS. 325 

et le résidu sec, on obtiendra trois résultats qui satis- 
font à très peu près à la condition que nous venons 
d'indiquer, en même temps qu'ils nous fournissent 
trois évaluations des plus importantes pour l'analyse. 

En effet, si l'on fait abstraction de la perte de quel- 
ques éléments volatils existant en proportion très faible, 
le poids d'un vin soumis à l'analyse sera égal à la 
somme des poids de l'alcool, de l'eau et des matières 
dissoutes dont l'ensemble constitue le résidu sec. 

Nous examinerons donc d'abord ces trois questions, 
le dosage de l'alcool dont les méthodes constituent l'al- 
coométrie, puis la détermination de l'eau et du résidu 
sec. Nous ferons précéder cette étude par quelques 
observations sur la recherche de la densité des vins. 

Les acides libres du vin et le caractère d'acidité qui 
résulte de leur présence nous offriront ensuite un sujet 
d'étude important qui formera l'acidimétrie des vins, 
dans laquelle nous comprendrons la recherche de l'aci- 
dité totale, le dosage particulier des différents acides, 
et celui du bitartrate de potasse. 

Puis nous étudierons les méthodes à employer pour 
doser le sucre, la glycérine, le tannin. 

Cet ensemble de recherches sera complété par l'étude 
et l'analyse des matières minérales contenues dans les 
vins et des cendres qu'ils peuvent fournir par leur dé- 
composition à une température élevée au contact de 
l'air. 

Après avoir examiné successivement les différents 
points que nous venons de signaler, et auxquels nous 
rattacherons quelques questions accessoires qui trouve- 

19 



326 ŒNOLOGIE. 

ront facilement leur solution dans les développements 
que nous aurons à présenter, nous reviendrons sur les 
considérations générales relatives à l'analyse et à la 
composition des vins pour compléter les premières ob- 
servations que nous venons de présenter, en mettant à 
profit les enseignements que nous pourrons tirer de 
chacune des questions particulières, et nous ferons en 
môme temps connaître les résultats les plus importants 
qui ont été obtenus dans les différents vignobles. 



CHAPITRE XXI 



RECHERCHE DE LA DENSITÉ 



Dans l'étude que nous avons faite des essais pratiques 
en usage dans les différents vignobles pour l'examen 
des moûts et l'appréciation des modifications que ces 
liquides éprouvent pendant la fermentation, nous avons 
fait voir que les instruments employés ne pouvaient 
donner exactement que leur densité, et par suite les 
changements que celle-ci éprouve pendant cette opé- 
ration. 

Les instruments que nous avons décrits, c'est-à-dire 
les aréomètres ou les deiisimètres, peuvent être uti- 
lisés pour cette détermination de la densité, quels que 
soient les liquides auxquels on les applique. 

Mais il existe des méthodes plus précises qui peuvent 
donner cette densité avec plus d'exactitude et aux- 
quelles il convient de recourir pour avoir des résultats 
plus comparables, et aussi pour pouvoir contrôler dans 
tous les cas les indications fournies par les appareils 



328 ŒNOLOGIE. 

simples et commodes dont nous avons fait connaître le 
principe et le mode d'emploi. 

Appliquée soit aux vins, soil aux moûts, soit à tout 
autre liquide provenant d'une liqueur fermentée et 
obtenu par la distillation ou par tout autre méthode, 
la détermination de la densité est un problème de phy- 
sique bien connu et qui ne présente aucune difficulté. 

On confond souvent dans le langage ordinaire les 
deux expressions densité et poids spécifique, quoi- 
qu'au fond leur signification soit différente, cela tient 
à la proportionnalité qui existe entre les poids spéci- 
fiques des corps et leur densité, et à l'unité choisie pour 
ces deux propriétés des corps , de laquelle il résulte 
qu'elles sont exprimées par un même nombre. 

Le poids spécifique d'un corps est le rapport du poids 
d'un certain volume de ce corps au poids d'un égal vo- 
lume d'eau. 

Nous prenons pour unité de poids, le poids de l'unité 
de volume de l'eau, il en résulte que le poids spé- 
cifique d'un corps, c'est le poids de l'unité de volume 
de ce corps. 

Entre le poids spécifique d'un corps D, son poids P 
et son volume V, il existe la relation 
P = VD. 

La densité d'un corps est la masse de ce corps sous 
l'unité de volume, et on démontre que dans un même 
lieu , les poids des corps sont proportionnels à leur 
masse; par conséquent, cette même proportionnalité 
existe entre les poids spécifiques et les densités. 

Si donc on prend pour unité de densité, la densité 



DÉTERMINATION DES DENSITÉS. 329 

de r eau , le même nombre expri- 
/S. mera la densité et le poids spéci- 

fique d'un corps. 

Nous pouvons dès lors employer 
indistinctement ces deux expres- 
sions, densité et poids spécifique, 
puisqu'elles ont la même valeur nu- 
mérique. De plus, dans les déter- 
y minations que nous avons à faire 

pour obtenir le chiffre qui les re- 
A présente pour chaque corps, nous 
aurons seulement deux pesées à 
faire, l'une nous donnera le poids 
d'un certain volume du corps, et 
l'autre le poids d'un égal volume 
d'eau. 

Le poids spécifique de l'eau pris 
pour unité est rapporté à la tem- 
pérature de 4° , tandis que, pour 
tous les autres corps, la tempéra- 
ture à laquelle leur volume est dé- 
terminé est celle de 0°. 

Nous n'avons à nous occuper que 
de la détermination de la densité 
des corps liquides, et nous indique- 
rons, pour cette recherche, la mé- 
thode dite méthode du flacon. 

Voici comment on procède : on 
prend un flacon ayant la forme in- 
diquée par la figure ci-contre , ce 



330 ŒNOLOGIE. 

flacon porte sur la partie étroite un trait A, on peut le 
fermer avec un bouchon en verre rodé. Les dimensions 
du flacon sont très variables, on les fixe ordinairement 
d'après la quantité de liquide que l'on peut avoir à sa 
disposition. 

Ce flacon peut être maintenu, vide ou plein, sur le 
plateau de la balance au moyen d'un petit support mé- 
tallique. 

On commence par faire la tare du flacon vide auprès 
duquel on a placé sur le même plateau un poids déter- 
miné en rapport avec la capacité du flacon, soit, par 
exemple, 50 gr. 

On fera bien de prendre pour tare un flacon sem- 
blable au premier et dans lequel on met, jusqu'à ce 
que l'on ait obtenu l'équilibre, de la menue grenaille 
de plomb. 

On comprend, sans qu'il soit nécessaire d'insister 
sur ce point, l'avantage que présente cet emploi de 
deux flacons semblables , placés sur les deux pla- 
teaux de la balance et servant, l'un à contenir la tare, 
l'autre à renfermer le corps dont il s'agit d'avoir le 
poids. 

Ces préparatifs terminés, on remplit le flacon du li- 
quide dont on veut déterminer le poids spécifique, en 
ayant soin de dépasser le trait A , puis on plonge le 
flacon dans la glace fondante, et quand il a pris cette 
température, on retire ou l'on ajoute du liquide avec 
une pipette bien effilée jusqu'à ce que l'affleurement 
se fasse exactement au trait marqué. 

Gela fait, on ferme le flacon, on l'essuie avec soin et 



DÉTERMINATION DES DENSITÉS. 331 

ou le reporte sur la balance, où on le laisse pendant 
le temps nécessaire pour qu'il reprenne la température 
du milieu ambiant. 

Quand ce résultat, est obtenu , on détermine le poids 
du liquide introduit dans le flacon, il suffit, pour cela, 
d'ajouter à ce flacon les poids suffisants pour établir 
l'équilibre avec la tare précédemment préparée. Si, par 
exemple, il faut 28s r 289, cela veut dire que le liquide, 
remplissant le flacon jusqu'au trait A, à la tempéra- 
ture de 0°, pèse 21s r 711, puisque la tare faisait équi- 
libre au flacon vide, plus 50 gr. 

Supposons que la même opération soit faite avec de 
1 eau distillée et qu'on ait trouvé pour le poids de cette 
eau dans les mêmes conditions 21s r 842, le poids spé- 
cifique du liquide sera égal à c'est-à-dire à 0.994, 
le poids spécifique de l'eau étant 1. 

Il y aurait bien, d'après ce que nous avons dit, une 
petite correction concernant l'eau dont le volume au- 
rait dû être pris à 4° et non à 0° ; mais cette correction 
est très faible et peut être négligée. 

Lorsqu'on a plusieurs déterminations à faire, la par- 
tie de l'opération relative à l'eau est faite une fois pour 
toutes; il en est de même de la préparation de la tare, 
et dès lors, ces préparatifs une fois faits, on peut ob- 
tenir le poids spécifique de chaque échantillon au 
moyen d'une seule pesée. 

Il est bien entendu qu'après chaque opération, le 
flacon doit être lavé avec soin et séché avant de recevoir 
un nouveau liquide. Cette dessiccation, qui est assez 



ŒNOLOGIE. 

longue, peut être évitée lorsqu'on opère sur une série 
de liquides de nature semblable et pouvant se mêler 
parfaitement l'un à l'autre. 

Après avoir vidé et bien égoutté le flacon, on le 
lavera deux ou trois fois avec une certaine quantité du 
liquide nouveau sur lequel on doit expérimenter, de 
manière à enlever la dernière trace du liquide primitif, 
mais cela suppose que l'on a une quantité suffisante dé 
liquide à sa disposition ce qui n'est pas toujours le 
cas. 

Pour opérer rapidement, lorsque l'on doit faire de 
suite une série nombreuse de déterminations analo- 
gues, il convient d'avoir plusieurs flacons semblables, 
tous numérotés, et une tare unique. 

On détermine, une fois pour toutes, le poids qui 
doit être ajouté à chaque flacon vide pour faire équi- 
libre à la tare ; on détermine également pour chacun 
d'eux le poids de l'eau distillée qui les remplit jus- 
qu'au trait et dès lors chaque appareil peut être em- 
ployé successivement sans perdre de temps. Pendant 
que l'un sèche ou se met en équilibre de température, 
un autre peut être mis en expérience de sorte que l'on 
arrive à faire rapidement un certain nombre d'opé- 
rations qui exigeraient beaucoup de temps sans ces 
précautions. 

Nous venons de citer un exemple qui se rattache à 
la détermination de la densité d'un vin, supposons qu'il 
s'agisse d'un moût et qu'en opérant avec le même 
appareil, on ait trouvé pour le poids du moût remplis- 
sant cet appareil jusqu'au trait h la température de zéro 



DÉTERMINATION DES DENSITÉS. 333 

23 er 938, le poids spécifique de ce moût sera égal à 
!!^1 8 , c'est-à-dire à 1096. le poids spécifique de l'eau 

21.842' ' r r. 1 

étant 1. 

Ces deux nombres représentent précisément la den- 
sité d'un moût et celle du vin qu'il a fourni, et se rap- 
portent au vin de Meursault (Côte-d'Or), grand ordinaire 
rouge de 1865. 

Les indications qui précèdent suffiront pour per- 
mettre de déterminer dans tous les cas avec exac- 
titude la densité ou le poids spécifique d'un liquide. 
Les instruments nécessaires sont une balance et quel - 
ques flacons de la forme de celui que nous avons re- 
présenté page 329. 

Un densimètre plongé dans les deux liquides que 
nous venons de prendre pour exemple aurait dû 
donner 

pour le moût. . . 1096, 
pour le vin. . . . 994 
correspondants aux degrés densimétriques 9°6 et — 0°6. 

Nous n'avons rien à ajouter à ce que nous avons dit 
précédemment sur l'emploi des densimètres pour dé- 
terminer la densité, nous verrons plus loin le parti 
qu'on a tiré de cette détermination pour obtenir le 
poids de l'extrait sec que les vins renferment. 

Il nous reste à faire une observation relativement 
aux conventions admises dans la pratique, afin de mon- 
trer l'influence qu'elles peuvent avoir sur l'exactitude 
des résultats. 

En donnant un procédé exact pour la détermination 

19. 



334 ŒNOLOGIE. 

de la densité des vins ou des moûts, nous avons supposé 
que le volume de ces corps était pris à 0°, et celui de 
l'eau à 4°. C'est l'hypothèse faite en physique pour fixer 
les conditions dans lesquelles sont données les den- 
sités des corps qui se trouvent indiquées dans les 
tables. 

Ces conditions de température sont difficiles à réa- 
liser, elles exigent l'emploi de la glaça, ou bien il faut 
faire subir des corrections aux nombres obtenus à d'au- 
tres températures. 

Aussi est- il préférable de s'en tenir à la conven- 
tion qui a servi de base à la construction des densimè- 
tres et de tous les appareils qui en dérivent. Tous ces 
instruments sont gradués à la température de 15°, ton- 
jours facile à obtenir dans toutes les circonstances, et 
les poids spécifiques qu'ils donnent correspondent à 
cette température. 

Lors donc que l'on voudra faire ' avec précision au 
moyen de la balance une détermination de densité, au 
lieu de remplir le flacon de manière que le niveau du 
liquide affleure au trait A, dans la glace fondante, on 
plongera ce flacon dans de l'eau à 15°, et c'est à celte 
température que l'on déterminera l'affleurement, puis 
en opérant de la même façon avec l'eau distillée, on 
aura le poids spécifique du liquide à cette température 
de 15°. 

En tout cas il ressort de cette discussion, qu'il faut 
toujours avoir soin, lorsque l'on donne la densité ou le 
poids spécifique d'un corps, de dire à quelle tempéra- 
ture se rapporte cette indication, afin que les résultats 



DÉTERMINATION DES DENSITÉS. 335 

obtenus dans différentes conditions puissent être facile- 
ment comparés. 

Terminons ces observations en rapportant quelques 
chiffres relatifs à la densité de l'eau à diverses tempé- 
ratures. 

Cette densité qui est 1 à 4°, devient à zéro égale à 
0.999873. 

A. 10° elle est représentée par 0.999731 et à 15° par 
0.999125. 

La densité de l'alcool absolu qui est, à 15°, 0.7945 
devient à zéro 0.81309, d'après les observations de 
M. Pierre. 



CHAPITRE XXII 



ÉTUDE DES GAZ DISSOUS DANS LES VINS 



Les recherches relatives aux gaz contenus dans les 
vins ne présentent pas beaucoup d'intérêt, lorsqu'il 
s'agit d'établir la composition générale de ces liquides 
dans les conditions ordinaires et naturelles de leur 
préparation. 

Ce que nous avons dit sur les phénomènes de la fer- 
mentation et sur l'action de l'air atmosphérique sur les 
vins, aux différentes époques de la vinification, pour- 
rait suffire pour rendre compte des résultats que l'on 
doit trouver dans chaque cas particulier. 

L'étude de la fermentation et des manipulations qui 
lui succèdent nous a montré l'influence de l'air dans ces 
diverses opérations, et l'action que doit exercer dans les 
différentes phases de la vie du vin, l'acide carbonique 
d'une part, l'oxygène de l'autre. L'azote, témoin inac- 
tif de ces actions multiples, pourra souvent rester dans 
des proportions appréciables, mais il ne paraît pas qu'il 



ANALYSE DES GAZ. 337 

joue par lui-même un rôle actif dans les réactions que 
les gaz déterminent au sein du vin, aux différentes 
époques de son existence. 

Lorsqu'il s'agit simplement de reconnaître la nature 
des gaz en dissolution dans le vin, l'opération ne pré- 
sente aucune difficulté, surtout si Ton a une quantité 
suffisante de liquide à sa disposition; mais il n'en est 
pas de même si on veut évaluer exactement la propor- 
tion de ces gaz existant dans un volume de vin déter- 
miné. 

M. Boussingault a employé dans ce but un ballon 
fermé par un bouchon, dans lequel passent deux longs 
tubes recourbés et munis de robinets; l'un de ces tubes 
est droit, l'autre peut être engagé sur une cuve à 
mercure, sous une éprouvette renversée et pleine de ce 
liquide. 

On introduit dans ce ballon environ 400 Cc d'eau, et 
par l'ébullition de cette eau, on chasse tout l'air qu'il 
contient. Quand ce résultat est obtenu, et que l'appareil 
est refroidi, on fait passer dans le ballon un volume 
connu du liquide à essayer, puis on fait bouillir le nou- 
veau liquide et le gaz qui s'en échappe est recueilli sur 
le mercure. On en fait l'analyse et on sait alors la na- 
ture et la proportion des gaz contenus dans le volume 
de liquide employé. 

M. Pasteur a modifié cette méthode en supprimant 
le bouchon et les robinets, et en opérant au moyen d'un 
ballon auquel était soudé un long tube à gaz que Ton 
pouvait fermer au moyen d'un tube de caoutchouc et 



338 ŒNOLOGIE, 

d'une pince, ou mieux d'un bouchon formé par un 
tube de verre plein. 

Le ballon est comme dans le cas précédent à moitié 
rempli d'eau, puis on fait bouillir cette eau de manière 
à en chasser l'air, l'extrémité du tube plonge alors 
dans le mercure et ce liquide remonte dans le tube par 
suite du refroidissement, il reste alors fixé à une cer- 
taine hauteur, ce tube ayant une longueur plus grande 
que celle de la colonne barométrique. Après ces pré- 
paratifs on procède à l'introduction du liquide dont les 
gaz doivent être analysés. 

La manœuvre de l'appareil est rendue plus facile par 
sa fixation sur une planchette, au moyen de brides qui 
retiennent le ballon et le tube, ce qui le rend transpor- 
table pour les différentes manœuvres auxquelles il doit 
être soumis. 

La prise de liquide se fait dans une bouteille ou dans 
un tonneau au moyen d'un tube intermédiaire, qui 
peut être réuni au tube barométrique avec une pince 
et un caoutchouc. 

Le vin une fois introduit dans le ballon, on le sou- 
met à Tébullition après avoir engagé l'extrémité du 
tube sous une éprouvette pleine de mercure. Pour faire 
bouillir le liquide contenu dans le ballon, on plonge 
celui-ci dans un bain de chlorure de calcium que 
Ton chauffe directement. 

Ces détails nous montrent quelles précautions il faut 
prendre pour arriver dans ces déterminations à un 
résultat exact; mais, comme nous l'avons' déjà fait 
remarquer, les observations qui en résultent ont plutôt 



ANALYSE DES GAZ. 339 

pour objet l'étude des actions que les gaz exercent- sur 
les vins pendant leur préparation ou leur conservation 
que l'analyse proprement dite de ces liquides. 

Lorsque les gaz qu'il s'agit d'analyser sont recueillis, 
on les dose au moyen des méthodes employées pour 
cet ordre de recherches. 

Le volume du gaz une fois déterminé, on absorbe 
l'acide carbonique avec une dissolution de potasse, et 
l'oxygène par le phosphore, l'acide pyrogallique ou l'hy- 
drosulfite de soude. 

Après ces réactions , l'azote reste et est ainsi dosé 
directement. 

M. Pasteur a conclu de l'ensemble de ses observa- 
tions : 

1° Que le vin nouveau et le vin vieux ne contiennent 
pas d'oxygène libre en dissolution ; 

2° Que le vin au moment où il vient d'être préparé 
ne contient que du gaz acide carbonique pur ; 

3° Que le vin vieux contient bien moins de gaz acide 
carbonique que le vin nouveau, et qu'il renferme en 
outre du gaz azote en proportion sensible. 

Ainsi, le vin nouveau, analysé sans retard, donne un 
gaz complètement absorbable par la potasse, il est saturé 
d'acide carbonique. 

Les résultats suivants ont montré l'influence du sou- 
tirage sur les gaz contenus dans le vin. 

540' c de vin étudié trois mois après la récolte ont 
fourni 588 L ' L ' de gaz à 12° et 736 mm de pression, lesquels 
ont laissé un résidu de gaz azote de 3 cC 5. Un litre de 
ce vin renfermait donc, dans les conditions de l'expé- 



340 ŒNOLOGIE. 

rience , 1082 cc de gaz acide carbonique et 6 CC 5 de gaz 
azote. 

Ce même vin a été soutiré par un tirage au robinet, 
puis on a trouvé que 500 cc donnaient, le lendemain de 
cette opération, 290 cc de gaz, contenant 6 CC 25 de gaz 
azote, à 12° et 749 mm de pression, sans trace d'oxygène. 
Le litre de vin ne renfermait donc plus que467 cc 5de gaz 
acide carbonique au lieu de 1082, et 12 cc de gaz azote 
au lieu de 6 ct 5. 

On a soutiré dans une terrine, au moyen d'une can- 
nelle, quatre litres d'un vin dont le gaz ne contenait 
pas d'oxygène, puis aussitôt après on a fait l'analyse du 
gaz contenu dans ce vin, et on a trouvé que ce gaz, 
privé de son acide carbonique, laissait un résidu dans 
lequel il y avait 10,4, pour cent, d'oxygène. 

Un vin abandonné à l'air dans un large cristallisoir, 
a donné, après vingt-quatre heures, un gaz dont on a 
absorbé l'acide carbonique et qui a laissé wn résidu ren- 
fermant 25 0/0 d'oxygène. L'acide carbonique avait 
considérablement diminué; un litre de ce vin renfer- 
mait à peu près 21 cc d'acide carbonique, 18 cc d'azote et 
6 CC d'oxygène. 

Ce même vin remis en bouteilles ne contenait plus, 
au bout d'un certain temps, d'oxygène libre. 

Les recherches faites dans les conditions que nous 
venons d'indiquer, démontrent donc l'absence complète 
d'oxygène, à moins de circonstances spéciales où ce gaz 
a été introduit par une agitation récente avec l'air, ou 
une exposition longtemps prolongée dans un vase large- 
ment ouvert. 



ANALYSE DES GAZ. 341 

Il en résulte que dans le plus grand nombre des cas, 
c'est de l'acide carbonique seulement que l'on trouvera, 
mélangé avec une petite quantité d'azote. 

On a souvent fait rentrer le dosage de l'acide carbo- 
nique dans la détermination des acides libres, et on a 
emprunté la marche à suivre à la méthode que nous 
exposerons bientôt pour cette étude spéciale. 

Sans entrer maintenant dans les détails relatifs à 
l'emploi de cette méthode, disons seulement que si, 
prenant un volume connu de vin, on détermine la 
quantité de base alcaline nécessaire pour sa saturation, 
puis qu'après avoir fait bouillir ce vin, ce qui chasse 
l'acide carbonique, et avoir ramené le liquide refroidi 
h son volume primitif on fasse un nouveau dosage, la 
différence entre les deux quantités de base employées 
fera connaître la proportion d'acide carbonique que le 
vin contenait en dissolution. 

L'étude des gaz en dissolution dans les vins et en 
particulier de l'acide carbonique, peut encore être faite 
à un point de vue qui a son importance dans les recher- 
ches dont nous allons nous occuper. 

Il s'agit non plus de déterminer les gaz qu'un vin 
peut contenir, mais d'enlever complètement au vin ces 
mêmes gaz et particulièrement l'acide carbonique, la pré- 
sence de ce gaz pouvant rendre incertaine et plus délicate 
l'évaluation exacte des acides qu'un vin renferme ; en 
décrivant plus loin la méthode à suivre, il nous sera 
facile d'expliquer la cause de cette difficulté causée par 
la présence de l'acide carbonique. 
Il y a, comme nous venons de le voir, un moyen de 



342 ŒNOLOGIE. 

chasser l'acide carbonique ainsi que tous les gaz en dis- 
solution dans un vin, il suffit de faire bouillir le liquide, 
mais ce procédé a l'inconvénient de faire disparaître 
en même temps d'autres produits volatils, et on a con- 
seillé de le remplacer par une exposition de quelques 
heures dans le vide, on arrive par là à chasser tout 
l'acide carbonique. 

Cette élimination d'acide carbonique peut être obtenue 
beaucoup plus simplement par le déplacement de ce 
gaz sous l'influence d'un courant d'air. 

Au moyen d'un tube de verre communiquant avec 
un soufflet par un caoutchouc, on insuffle de l'air pen- 
dant cinq ou six minutes dans le liquide d'où l'on veut 
chasser l'acide carbonique. M. Duclaux s'est assuré que 
ce procédé n'entraînait aucune perte des autres acides 
volatils , et qu'il enlevait parfaitement l'acide carbo- 
nique . 

Nous compléterons les renseignements qui précèdent 
au sujet des gaz dissous dans les vins et des procédés à 
employer pour reconnaître leur présence et déterminer 
leur proportion, en faisant connaître les conditions de 
solubilité de ces différents gaz dans l'eau et dans les 
liqueurs alcooliques. On pourra dès lors se faire une 
idée de la quantité de ces gaz qui doivent être absorbés 
par ces liquides dans les diverses circonstances où ils 
peuvent se trouver. 

On sait que lorsqu'on met un liquide en présence 
d'un gaz, celui-ci est absorbé en quantité telle que 
son volume ramené à la pression 0 m . 76 et à la tempé- 
rature de 0°, est dans un rapport constant avec le vo- 



.SOLUBILITÉ DES GAZ 343 

lume du liquide : ce rapport constant s'appelle le coeffi- 
cient d'absorption. La valeur de ce coefficient d'ab- 
sorption varie avec la température. On constate, en 
outre, que la quantité de gaz absorbée dans chaque cas 
est proportionnelle à la pression. 

Le tableau suivant donne les coefficients d'absorption 
pour l'eau, des gaz azote, oxygène et acide carbonique 
à diverses températures de 0 à 20°, ces déterminations 
sont dues à Bunsen : 





COEFFICIENTS D'ABSORPTION BANS L'EAD 


0° 




10 > 


15- 


20o 




0.0203 


0.0179 


0.0160 


0.01 i-7 


0.0140 




0.0411 


0.0362 


0.0325 


0.0298 


0.0283 


Air atmosphérique. 


0.02 i-7 


0.0218 


0.0195 


0.0179 


0.0170 


Acide carbonique. . 


1.7907 


1.4497 


1.1847 


1.0020 


0.9014 



Nous y avons ajouté les coefficients d'absorption de 
l'air dans les mêmes conditions, en admettant, pour 
la composition de l'air, que 100 volumes de ce mé- 
lange contiennent 20.96 volumes d'oxygène et 79.04 
d'azote. 

Des études semblables ont été entreprises pour déter- 
miner les coefficients d'absorption des gaz dans l'alcoo 1 
pur ou absolu. On a reconnu que la loi d'absorption 
était la même que dans l'eau et que le coefficient d'ab- 
sorption variait dans le même sens avec la température 



344 ŒNOLOGIE. 

pour la plupart des gaz ; les observations ont été faites 
de 0° à 25°. 

Les coefficients d'absorption sont beaucoup plus con- 
sidérables pour l'alcool que pour l'eau, on en peut juger 
par le tableau suivant que nous avons calculé dans la 
même forme que le précédent, au moyen des déter- 
minations faites par Carius, d'après la méthode de 
Bunsen : 





COEFFICIENTS D'ABSORPTION 


DANS L'ALCOOL 




5° 


10" 


15° 


20° 




0.12G3 


0.1243 


0.1227 


0.1213 


0.1203 




0.2839 


0.2839 


0.2839 


0 2839 


0.2839 


Air atmosphérique 


0.1594 


0.1577 


0.1565 


0.155 '* 


0.1546 


Acide carbonique . 


4.3295 


3.8908 


3.5140 


3.1993 


2.9465 



Nous devons observer que la solubilité de l'oxygène 
dans l'alcool ne varie pas avec la température, du moins 
dans les limites des observations qui ont été poussées 
jusqu'à 25°. 

Il résulte de cette augmentation des coefficients d'ab- 
sorption dans l'alcool comparés à ceux que nous avons 
donnés pour l'eau, que les gaz, tels que l'air et l'acide 
carbonique, seront plus solubles dans les liqueurs fer- 
mentées et particulièrement dans les vins que dans 
l'eau pure, pour les mêmes conditions de température 
et de pression. 

L'étude que nous venons de faire et les résultats 



SOLUBILITÉ DES GAZ. 345 

qu'elle nous a fournis supposent naturellement que les 
liquides n'exercent sur les gaz qui s'y dissolvent, ou 
n'éprouvent de leur part aucune action chimique. Gela 
est vrai, dans les phénomènes que nous venons d'exa- 
miner, pour l'azote et pour l'acide carbonique dissous 
dans les vins, mais nous savons qu'il n'en est pas de 
même de l'oxygène. 

Ce dernier gaz peut se dissoudre dans un vin, et y 
rester pendant quelque temps en dissolution; mais une 
fois dissous, l'oxygène agit chimiquement sur les élé- 
ments oxydables que le vin contient, et il disparaît 
par suite de cette oxydation ; le vin se trouvera donc 
constamment en état de dissoudre une nouvelle quantité 
de ce gaz, l'état de saturation qui pourrait être produit 
au bout d'un certain temps ne devant jamais être 
atteint par suite de cette action chimique. Cette consé- 
quence importante nous explique l'action incessante 
que l'air devra exercer sur un vin à partir de sa pré- 
paration. 

Quant à l'acide carbonique, si un vin peut en être 
saturé ou à peu près, au moment où il vient d'être 
obtenu, c'est-à-dire immédiatement après le pressurage, 
les opérations qui seront pratiquées ultérieurement 
tendront à faire diminuer la quantité qu'un vin en ren- 
ferme sous un volume donné, d'un autre côté la conti- 
nuation de la fermentation qui persiste encore pendant 
longtemps remplacera les parties de ce gaz perdu par 
l'évaporation de manière à en maintenir dans le vin 
une proportion notable. 

Nous n'avons rien à ajouter relativement à l'azote, 



346 ŒNOLOGIE. 

sinon que sa présence doit être constante, quoique tou- 
jours en proportion très faible, dans un vin parfaitement 
sain. A l'origine, c'est-à-dire de suite après la confection 
du vin, l'azote manque complètement, cet état de choses 
pourra plus tard se reproduire sous l'influence de fer. 
mentations spéciales donnant lieu à une abondante 
production d'acide carbonique. 

Dans l'étude que nous avons faite des différents phé- 
nomènes qui se produisent pendant la fermentation, 
nous avons reconnu qu'il pouvait, dans certaines cir- 
constances, se produire de l'hydrogène sulfuré dont 
une partie restera en dissolution dans le vin L'odeur 
spéciale de ce gaz et ses propriétés caractéristiques ser- 
viront à le faire reconnaître. L'aération et par suite les 
soutirages constituent un excellent moyen de s'en dé- 
barrasser et d'enlever par conséquent au vin le mauvais 
goût qui résulte de la présence de ce gaz. 



CHAPITRE 



XXIII 



ALCOOMÉTRIE 



L'importance de l'alcool dans la composition des vins 
explique suffisamment les détails dans lesquels nous 
allons entrer au sujet de la détermination de ce liquide 
dans les différents cas qui peuvent se présc nter. 

Aussi chercherons-nous à traiter cette question aussi 
complètement que possible, de manière à ce que, tout 
en fournissant les éléments nécessaires pour l'analyse 
des vins, nous puissions également donner dans cette 
discussion la solution des questions qui se rattachent 
à l'histoire de l'alcool lui-même au point de vue de sa 
recherche et de son dosage. 

Nous pouvons distinguer les liqueurs alcooliques en 
deux classes, les unes ne contiennent que de l'eau et 
de l'alcool ; les esprits, les eaux-de-vie, les flegmes 
rentrent dans ce cas. D'autres contiennent outre l'eau 
et l'alcool, des substances de nature très diverse et qui 
s'y trouvent dissoutes en quantité très notable ; le vin 



348 ŒNOLOGIE. 

et les autres liqueurs alcooliques produites par la fer- 
mentation des jus sucrés appartiennent à cette seconde 
catégorie. 

Examinons d'abord comment on doit procéder pour 
faire l'analyse des mélanges dans lesquels il n'entre que 
de l'eau et de l'alcool ou du moins dans lesquels les 
matières étrangères à ces deux substances sont en pro- 
portion tellement faible qu'on peut les négliger. 

Nous connaissons la densité de l'eau, celle de l'alcool 
absolu, et il semble au premier abord que l'observation 
de la densité du mélange doit suffire pour nous donner 
immédiatement la proportion d'alcool absolu contenu 
dans un volume donné de ce mélange, cette détermina- 
tion reposant sur un calcul des plus simples. 

Soient en effet a et b les densités de deux liquides, 
c la densité d'un mélange de ces deux liquides dont la 
composition est à déterminer. Prenons un volume de 
ce mélange égal à 100 et soit x le volume inconnu de 
l'un des liquides contenu dans 100 volumes du mélange. 
Nous aurons x par l'équation suivante : 

a x -f- b (100 -ce) = 100 c, 

, 100 (c-b) 

d ou x = — v— 
a-b 

Ainsi connaissant la densité c du mélange, les densi- 
tés a et b des deux substances mélangées, on en con- 
clura la valeur de x qui donne la composition du mé- 
lange. Si donc on calcule les valeurs de x correspon- 
dantes à des valeurs données de c, on pourra faire une 
table dont les nombres inscrits sur l'échelle d'un aréo- 
mètre à la place de la densité donneraient de suite la 



ALCOOMÉTRIE, 349 

composition des mélanges observés. Réciproquement 
celte même formule donnera la densité d'un mélange 
de deux liquides en proportion quelconque, lorsqu'on 
connaîtra la densité des deux liquides et la proportion 
du mélange. 

La composition d'un mélange de deux liquides de 
densités connues peut ainsi être obtenue au moyen 
d'an simple aréomètre; cela est possible, toutes les fois 
que la formule précédente est applicable, mais la 
marche que nous venons d'indiquer ne peut pas être 
employée pour la graduation de cet instrument dans le 
cas des mélanges d'eau et d'alcool, à cause d'un phéno- 
mène que nous avons indiqué en examinant les pro - 
priétés de l'alcool. 

La formule précédente suppose en effet que lorsque 
nous mélangeons les deux liquides de densilés a et b, 
le volume du mélange est exactement égal à la somme 
des volumes des deux liquides mélangés. Or, cette con- 
dition n'est pas remplie lorsque les deux liquides sont 
de l'eau et de l'alcool. 

L'expérience nous montre que quand on mélange ces 
deux liquides, il y a une contraction qui s'élève à près 
de 4 centièmes du volume du mélange si on emploie 
50 volumes d'eau et 54 volumes d'alcool. 

Il faut donc recourir à des essais spéciaux pour dé- 
terminer dans chaque cas quelle est la densité d'un 
mélange d'eau et d'alcool fait dans des proportions 
connues, et cette densité, une fois déterminée par une 
expérience directe, on l'inscrira dans la table que l'on 

20 



350 ŒNOLOGIE. 

0 

devra construire. Ainsi on cherchera la valeur de la 
densité de tous les liquides contenant 

99 d'eau et 1 d'alcool absolu, 

98 d'eau et 2 id. ; 

et ainsi de suite jusqu'aux liquides contenant 

1 d'eau et 99 d'alcool absolu. 
On pourra par ce moyen construire une table con- 
tenant dans une colonne la densité du mélange et dans 
l'autre sa teneur en alcool, et ce sont les chiffres indi- 
quant cette proportion que Ton inscrira sur la tige de 
l'aréomètre. 

On voit donc que si Ton a un mélange ne contenant 
que de l'eau et de l'alcool, et que l'on connaisse sa 
densité, on aura tout ce qu'il faut pour avoir la richesse 
alcoolique de ce liquide, mais il est tout-à-fait néces- 
saire que cette densité soit déterminée dans chaque cas 
particulier et pour y arriver on doit avoir fait les observa- 
tions dont nous venons de parler ; avec cette condition 
les indications que fournira un aréomètre ainsi cons- 
truit seront parfaitement exactes. 

L'aréomètre construit d'après ces principes et au 
moyen duquel on détermine en France la teneur en 
alcool des eaux-de-vie et des esprits est l'alcoomètre 
de Gay-Lussac. Cet instrument donne immédiatement 
le nombre de centièmes en volume d'alcool ^absolu 
contenu dans ces liquides, c'est pour cette raison qu'on 
l'appelle alcoomètre centésimal. 

L'alcool pur correspond à 100° de cet appareil, et la 
force d'un liquide spiritueux s'exprime par le nombre 
de centièmes d'alcool pur que ce liquide renferme. 



ALCOOMÉTRIE 351 

Les observations nécessaires à la 
graduation de cet instrument ont 
été faites à la température de 15°; 
il faudra par conséquent ramener le 
liquide à essayer à cette température 
ou bien faire une correction dont la 
valeur est inscrite dans des tables et 
a été calculée pour chaque cas par- 
ticulier. 

La figure ci-jointe représente l'al- 
coomètre centésimal. La chiffre zéro 
correspond à l'eau pure, le chiffre 
100 à l'alcool absolu. Un liquide 
dans lequel l'alcoomètre marquerait 
50 à la température de 15° contien- 
drait 50 pour cent de son volume 
d'alcool absolu. L'aspect de l'instru- 
ment montre que pour une tige par- 
faitement cylindrique la longueur 
des degrés varie dans les différentes 
parties de l'échelle. 

Le tableau suivant donne les den- 
sités correspondant à chacun des 
de grés de l'alcoomètre centésimal 
à la température de 15°, ces den- 
sités ont été calculées par M. Maro- 
zeau, au moyen de données établies 
par Gay-Lussac et ont été quelque- 
fois données sous son nom, elles sont 
contenues dans les colonnes (1). 



DEGRÉS 
de 

1 alcoomètre. 


DBXSJTÉS CORRESPONDANTES 
à la température de W 


DEGRÉS 
de 

l'alcoomètre. 


DENSITÉS C0RRVSP0NDANTES 
â la température de 15° 


calculées) 
Il) 


trouvées. 
(«) 


calculées'. 
O) 


trouvées. 


A 
U 


1 .000 


0.9991 


51 


0.934 


0.9315 


4 
1 


0.999 


0 9976 


52 


0.932 


0.9295 


o 

23 


0.997 


0.9961 


53 


0.930 


0.9275 


g 
o 


0.996 


0.9947 


54 


0.928 


0.9254 


* 


0.994 


0.9933 


55 


0.92P 


0.9234 


0 


0.993 


0.9919 


56 * 


0.924 


0.9213 


e 
0 


0.99*2 


0.9906 


57 


0.922 


0.9192 


►y 
I 


0 990 


0.9rt93 


58 


0 920 


0 9170 


fi 


0.989 


0.98"*1 


59 


0 918 


0.9148 


o 


0.988 


0.9869 


60 


0.915 


0.9126 


lu 


0 987 


0.98.Î7 


61 


0.913 


0.9104 


1 1 


0 986 


0.9845 


62 


0 911 


0.90*2 


1 o 


0.984 


0.9834 


63 


0.909 


0.9059 


lo 


0.983 


0.9823 


64 


0.906 


0.9036 


1 i 


0 982 


0.9812 


65 


0.904 


0.9013 


1 t» 
1D 


0.981 


0.9802 


66 


0.902 


0.8989 


10 


0 980 


0.9791 


67 


0.899 


0.8965 


1 : 


0.979 


0.9"8l 


68 


0.896 


0.8941 


1 o 


0 978 


0 9771 


69 


0.893 


0 8917 


1 o 


0.977 


0.9761 


70 


0.891 


0.8892 




0.97G 


0.9751 


71 


0 888 


0.8867 




0.975 


0.9741 


72 


0.886 


0.8842 


2S23 


0.974 


0.9731 


73 


0 884 


0 8817 


22 O 


0 973 


0.9720 


74 


0 881 


0.8791 


9 î 


0.972 


0.9710 


75 


0.879 


0.8765 


«D 


0.971 


0.9700 


76 


0.876 


0.8739 


250 


0.970 


0.9689 


77 


0.874 


0.8712 


9*r 


0 969 


0.9679 


78 


0-871 


0.8685 


9Q 
*o 


0.968 


0.9668 


79 


0-868 


0.8658 


90 


0.967 


0.9657 


89 


0 865 


0.8631 


oU 


0.966 


0.9646 


81 


0 863 


0.8603 


o 1 


0.965 


0 9634 


82 


0 360 


0.8575 


*-lo 

OZ 


0.90i 


0.9022 


83 


0.857 


0.8547 


OO 


0.963 


0.9609 


84 


0 854 


0.8518 


Q » 

u4 


0.962 


0.9596 


85 


0 851 


0.8 488 


Q - 

OO 


0.960 


0.9583 


86 


0.8 48 


0.8458 


ou 


0.959 


0.9570 


87 


0 845 


0 8428 


o / 


0.957 


0.0556 


88 


0.842 


0.8397 


OO 


0.956 


0.9541 


89 


0.838 


0.8365 


on 
Oïf 


0.95 i- 


0.9526 


90 


0 835 


0.8332 


h(\ 
4U 


0.953 


0.9510 


91 


0.832 


0.8299 


4- 1 


0.951 


0.9 494 


92 


0.829 


0.8265 


*25 


0.949 


0 9 478 


93 


0.826 


0.8230 


/{ Q 

*o 


0.948 


0.9461 


94 


0.822 


0.8194 


4* 


0.946 


0.9444 


95 


0.818 


0.8157 


45 


0.945 


0.9427 


96 


0.814 


0.8118 


»o 


0.943 


0.9409 


97 


0.810 


0.8077 


47 


0.941 


0 9391 


98 


0.805 


0.8034 


48 


0.940 


0.9373 


99 


0.800 


0 7988 


49 


0.938 


0.9354 


100 


0.795 


0.7939 


50 


0 936 


0.9335 









ALCOOMÉTRIE. 353 

Les nombres contenus dans la première colonne de 
la table précédente ont été obtenus en partant des indi- 
cations fournies par l'alcoomètre, mais non par l'obser- 
vation directe des densités ; nous en avons rapproché 
les résultats publiés par Gilpin antérieurement aux 
recherches de Gay-Lussac ; ils sont destinés à donner 
le volume d'alcool absolu contenu dans un mélange 
dont on connaît la densité à 15°. Ces nombres, compris 
dans les colonnes marquées (2), diffèrent très-peu de 
ceux que contiennent les premières colonnes. Si on 
détermine exactement la densité d'un mélange alcoo- 
lique, on pourra, au moyen de cette table, déduire ri- 
goureusement la quantité d'alcool. 

Tous ces nombres correspondent à la température 
de 15°, cr nous avons vu que l'usage adopté par les 
physiciens, relativement à l'évaluation de la densité des 
corps solides et liquides est de la rapporter à 0° ; il 
serait donc intéressant d'avoir les densités des diffé- 
rents mélanges d'eau et d'alcool, ainsi que les degrés 
correspondants de l'alcoomètre, à cette dernière tem- 
pérature. Nous pouvons combler cette lacune laissée 
par Gay-Lussac dans l'alcoométrie en publiant quelques- 
unes des expériences faites par de Gouvenain, savant 
œnologiste bourguignon qui s'occupait de cette ques- 
tion avant Gilpin et Gay-Lussac. 

Les tables dressées par de Gouvenain ont paru 
en 1792 dans Y Encyclopédie méthodique ; elles ont 
été revues avec beaucoup de soin par leur auteur à l'é- 
poque où fut publié le travail de Gay-Lussac, et elles se 
Souvent dans les mémoires de l'Académie de Dijon 

20. 



354 ŒNOLOGIE. 

pour 1824 et 1825, elles donnent pour toutes les tem- 
pératures de 0 à 20° Réaumur, les densités de tous les 
mélanges d'eau et d'alcool faits en centièmes de volumes. 
Nous en avons extrait les densités correspondantes à 0 
8° R, 10° R, et 12° R, c'est-à-dire à 0, 10°. 12°5 et 15« 
du thermomètre centigrade le seul en usage en France 
aujourd'hui et auquel se rapportent, pour le dire en 
passant, toutes les indications de température que 
nous donnons dans cet ouvrage, lors qu'il n'y a pas 
d'observation contraire. Les tableaux disposés dans 
les trois pages qui suivent renferment tous ces ré- 
sultats. 

Tous ces nombres présentent, au point de vue de 
l'histoire de l'alcool et des recherches auxquelles ce 
corps peut donner naissance, un très grand intérêt, ils 
ont servi à établir un état de choses qui est encore 
et restera chez nous la base de l'alcoométrie. 

En publiant son instruction pour l'usage de l'alcoo- 
mètre, en 1824, Gay-Lussac n'avait pas donné la con- 
cordance des degrés de cet instrument et des densités 
correspondantes des mélanges alcooliques ; la table dans 
laquelle elle se trouve établie a été seulement commu- 
tée à l'Académie des sciences par M. Collardeau, 
le 18 novembre 1861. Cependant, dès 1828, Berzélius 
en avait donné, dans la seconde édition de son Traité 
de chimie, un extrait qu'il tenait probablement de 
Gay-Lussac lni-même; mais cet extrait ne contenait 
que les densités correspondantes aux degrés de 10 
en 10, depuis 30 jusqu'à 100, pour la température 
de 15°. 



ALCOOMÉTRIE. 355 



VOLUMES 


DENSITÉS 


D'ALCOO 
pur 


L 

D'EAU 


à 0 


à 10° 


à 12o5 


à 15° 


1 


99 


1000 75 


999.15 


QQQ *fK 


998 35 


2 


98 


999.90 


997.90 


997.50 


997.10 


3 


97 


998.25 


996.65 


996.25 


995.85 


4 


96 


997. 


995.40 


995 


99i.60 


5 


95 


995.75 


994.15 


993.75 


993 35 


6 


94 


995. 


993. 


992 50 


992. 


7 


93 


993.75 


991.75 


991.25 


990.75 


8 
9 


92 


992.50 


990.50 


990. 


989.50 
988. 


91 


991. 


989. 


Joo. OU 


10 


90 


989.50 


987.50 


987 


9P6.50 


11 


89 


989. 


986.60 


986. 


985.40 


12 


88 


988. 


985.60 


985 


984.40 


13 


87 


987. 


984.63 




983.40 


14 


86 


986. 


983.60 


983 


982.40 


15 


85 


985. 


982.60 


982 


981.40 


16 


84 


984. 


981.60 


981 


980.40 


17 


83 


983. 


980.60 


JoU. 


979.40 


18 


82 


982. 


979.69 


979 


978.40 


19 


81 


980.75 


978 35 


Q77 1<\ 


977.15 


20 


80 


979.50 


977.10 


976 50 


975.90 


21 


79 


979.25 


976.45 


Jtd.tO 


975.05 


22 


78 


978.25 


975.45 




974.05 


23 


77 


977.25 


974.45 


973 75 


973. 05 


21 


76 


976.75 


973.55 


Q79 


971 .95 


25 


75 


975.75 


972 55 


971.75 


970 95 


26 


74 


974.75 


97t. 55 


970.75 


969. 95 


27 


73 


97i.25 


970 65 


969.75 


968.85 


28 
29 


72 


973.25 


969 65 


968.75 


967.85 


71 


972.75 


968 75 


967.75 


966.75 


30 


70 


971. "5 


967 75 


966.75 


965.75 


31 


69 


971.50 


966.70 


965.50 


964.30 


32 


68 


970.25 


765 45 


96'*. 25 


963.05 


33 


67 


969. 


964.20 


963. 


961.80 


34 


66 


968. 


962.80 


961.50 


960 20 



356 



ŒNOLOGIE. 



VOLUMES 


DENSITÉS 


D'ALCOOL 






à 10° 






D'EAU 


à 0 


à 12° 5 


à 15o 


pur 












35 


65 


966.75 


961.55 


960.25 


- 

958.95 


36 


Ci 


965.50 


960.30 


959. 


957.70 


37 


63 


964. 


958 80 


957.60 


956.20 


38 


62 


962.50 


957.30 


956. 


954 70 


39 


61 


961. 


955.80 


95-4.50 


953.20 


40 


60 


960. 


954.40 


953. 


951.60 


41 


59 


958.25 


952 65 


951.25 


949.85 


42 


58 


956.50 


950.90 


949.50 


948.10 


43 


57 


95i.75 


9*9.15 


947.75 


946.35 


44 


56 


953. 


947.40 


946. 


944.60 


45 


55 


951.75 


945.75 


944. 25 


942.75 


46 


54- 


950. 


944. 


942 50 


941. 


47 


53 


948.25 


942.25 


940.75 


939.25 


48 


52 


9*6.50 


940.50 


939. 


937.50 


49 


51 


944.50 


938.50 


937. 


935.50 


50 


50 


943. 


936.60 


935. 


933.40 


51 


49 


9*1. 


934.09 


933. 


931.40 


52 


48 


939.50 


932.70 


931. 


929.30 


53 


47 


937.50 


930.70 


920. 


927.30 


54 


46 


936. 


928.80 


927. 


925.20 


55 


45 


934. 


926 80 


925. 


923.20 


56 


44 


932. 


924.80 


923. 


921.20 


57 


43 


929.75 


922.55 


920.75 


918 95 


58 


42 


928. 


920.40 


918.50 


916.60 


59 


41 


925.75 


918.15 


916.25 


914.35 


60 


40 


924. 


916. 


914. 


912. 


61 


39 


921.75 


913.75 


911.75 


909.75 


C2 


38 


919.50 


911.50 


909.50 


907.50 


63 


37 


917.25 


909.25 


907.25 


905 25 


j 64- 


36 


915. 


907. 


905. 


903. 


65 


35 


912.50 


904.50 


902.50 


900.50 


66 


34 


910. 


902. 


900. 


898. 


67 


33 


907.50 


899.50 


897.50 


895 50 


68 


32 


905. 


897. 


895. 


893. 



ALCOOMÉTRIE. 



357 



VOLUMES 


DENSITÉS 


D'ALCOOL 


n'Fin 

V I/AU 


a U 






— — 


4 A fin 


à 12° 5 


à 15° 


pur 










69 


31 


902 50 


895.. 50 


892.50 


890.50 


70 


30 


900.30 


892.06 


890. 


887.94 


71 


29 


897.80 


889.56 


887.50 


885.44 


72 


28 


895.30 


887.06 


885. 


882.91 


73 


27 


892.80 


884.56 


882.50 


880.45- 


74 


28 


890.05 


881.81 


879.75 


877.69 


75 


25 


887.55 


879.31 


877.25 


875.19 


76 


24 


885.05 


876.81 


871.75 


872 69 


77 


23 


882.55 


874.31 


872 25 


870.19 


78 


22 


879.80 


871.56 


869.50 


867.44 


79 


21 


877.05 


868.81 


866.75 


86*. 69 


80 


20 


874.40 


866.08 


864. 


861.92 


81 


19 


871.65 


863.33 


861.25 


859.17 


82 


18 


868.90 


860.58 


858.50 


856.42 


83 


17 


866.15 


857.83 


855.75 


853.67 


84 


1G 


863.40 


855.08 


853. 


850.92 


85 


15 


860.90 


852 58 


850.50 


8*8.42 


86 


14 


858.15 


819.83 


847.75 


815.67 


87 


13 


855.40 


847.08 


845. 


812.92 


88 


12 


852.40 


814.08 


842. 


839.92 


89 


11 


819.40 


811.08 


839. 


836.92 


90 


10 


846.50 


838.10 


836. 


833.90 


91 


9 


843. 


834.60 


832.50 


830.40 


92 


8 


839.50 


831.10 


829. 


826.90 


93 




836. 


827.60 


825.50 


823.40 


94 


6 


832.50 


824.10 


ozz. 


819.90 


95 


5 


829. 


820.60 


818.50 


816.40 


96 


4 


825.50 


817.10 


815. 


812.90 


97 


3 


821.75 


813.35 


811.25 


809.15 


98 


2 


818. 


809.60 


807.50 


805.40 


99 


1 


814 25 


805.85 


803.75 


801.65 


100 


0 


810.60 


802.12 


800. 


797.88* 



358 • ŒNOLOGIE. 

En partant des nombres publiés par Berzélius et 
des indications fournies par la table de la Force réelle 
donnée par Gay-Lussac dans son Instruction, Pouillet 
avait pu déduire les valeurs de ces mêmes densités à 
toute autre température, ce qui lui avait permis de 
calculer les densités des mélanges d'eau et d'alcool à des 
températures variant de 5 en 5% depuis O jusqu'à 30", 
Il a pu dès lors comparer ces résultats avec ceux de 
Lowilz et de Gilpin et reconnaître entre ces nombres 
une concordance qui l'ont conduit à la conclusion sui- 
vante qu'il a émise dans son Mémoire de 1859 : « La 
densité de l'alcool et les densités des mélanges alcoo- 
liques qui servent de base à la construction de l'alcoo- 
mètre centésimal sont déterminées avec assez de préci- 
sion pour qu'il n'y ait aucun motif de procéder à de 
nouvelles recherches à ce sujet. » 

M. von Baumhauer a repris, il y a quelques années, 
cet important sujet. Il a employé un alcool préparé 
avec le plus grand soin et qui après une série de 
rectifications faites dans les meilleures conditions don- 
nait à 15°, une densité de 0.7947, rapportée également 
à l'eau à 15°. 

Ce chifTre est identique avec celui trouvé par Pouillet 
au moyen d'un alcool rectifié par M. Fremy, et dont la 
densité restait invariable après plusieurs nouvelles rec- 
tifications. 

Les mélanges étudiés par M. von Baumhauer ont été 
faits en mesurant l'alcool à 15° dans un tube gradué 
dont les volumes avaient été déterminés par des pesées 
au mercure. L'eau mesurée de la même manière était 



ALCOOMÉTRIE. 359 

de l'eau distillée et dépouillée de son air par une ébul- 
lition prolongée et un refroidissement dans le vide ; la 
température de l'eau était aussi de 15°. 

Le tableau suivant donne les densités trouvées dans 
deux séries d'observations, rapportées à l'eau au 
maximum de densité : 



VIN MRS D'ALCOOL 
sur 1 00 

DE MÉLANGE 


DENSITÉS DU MÉLANGE 


PREMIÈRE SÉRIE 


DEUXIÈME SÉRIE 


100 


fi 


0 7940 


95 


fi Q 1 4 Q 
\).o I 1 y 


U.o 1Z1 


90 


0,8283 


0.8283 


85 


0.8438 


0.8432 


Rfl 
ou 


0.8576 


0.8572 


75 


0.8708 


0.8708 


70 


0,8837 


0.8838 


65 


0,8959 


0 8963 


60 


0.9079 


0.9081 


55 


0.9193 


0.9196 


50 


0.9301 


0.9302 


45 


0.9394 


0.9400 


40 


0.9485 


0.9491 


35 


0.9367 


0 9569 


30 


0,9635 


0.9636 


25 


0.9692 


0.9696 


20 


0.9746 


0.9747 


15 


0.9799 


0.9800 


10 


0.9855 


0.9855 


5 


0.9919 


0.9918 


0 


0.9991 


0.9991 



Avant la construction de l'alcoomètre centésimal dont 
l'établissement est dû à Gay-Lussac on se servait pour 
l'analyse des mélanges d'eau et d'alcool et pour l'éva- 
luation de leur force en alcool d'un aréomètre spécial 
dû à Cartier et qui porte son nom ; on l'appelle alcoo- 
mètre Cartier, et les degrés inscrits sur son échelle 



ŒNOLOGIE. 



de graduation sont distingués par 
la mention degrés Cartier. 

Cet alcoomètre marque 44° dans 
l'alcool absolu et 10° dans l'eau 
pure, et comme il est encore usité 
aujourd'hui, on trouve dans le 
commerce des alcoomètres don- 
nant sur une double échelle la con- 
cordance de sa graduation et de 
celle de l'alcoomètre centésimal, 
comme nous l'avons représentée 
dans la figure ci-jointe, réduite à 
la tige de l'instrument seulement. 

Gay-Lussac en faisant son tra- 
vail sur l'alcoomètre centésimal 
s'était préoccupé d'établir cette 
concordance. Cette opération a 
présenté de grandes difficultés, à 
cause du peu de précision qu'of- 
fraient les indications de l'aréo- 
mètre Cartier. Les différents in- 
struments que Ton trouvait dans 
le commerce ne s'accordaient pas; 
ceux même que l'Administration 
des contributions indirectes avait 
mis à la disposition de Gay-Lussac 
offraient des différences notables. 

Aussi, pour lever toute diffi- 
culté, Gay-Lussac est parti de ce 
point que l'aréomètre Cartier de- 



ALCOOMÉTRIE. 361 

vait marquer 10° dans l'eau distillée àja température 
de 12°5 ; puis il a admis que 28° Cartier correspon- 
daient à 74° centésimaux à la température de 15°. 

Les deux tables suivantes ont été calculées d'après ces 
données. On trouve dans la première la valeur des de- 
grés centésimaux en degrés Cartier, et clans la seconde 
la valeur des degrés Cartier en degrés centésimaux. 



Evaluation des degrés centésimaux en degrés Cartier à la température do 45° 


ALCOOMÈTRE 


ARÉOMÈTRE 


ALCOOMÈTRE 


ARÉOMÈTRE 


ALCOOMÈTRE 


ARÉOMÈTRE 


centésimal . 


Cartier 


cen liisiinal 


Cartier 


centésimal 


Cartier 


o 


10 03 


34 


15 43 


68 


25.45 


•[ 


1 0.23 


oO 


1 fïQ 
1 0 . Oo 


69 


25.85 


2 


10 43 


36 


15 83 


70 


26.26 


3 


10 62 


37 


16 02 


71 


26.68 


4 


10.80 


38 


16 22 


72 


27.11 


5 


10.97 


39 


1 6.43 


73 


27. bl 




1116 


40 


16 66 


74 


27.98 


7 


11.33 


4- 1 


16 88 


75 


28.43 


s 


1 1.49 


42 


17.12 


76 


28.88 


9 


11.66 


43 


17 37 


77 


29.34 


10 


11 82 


44 


17 62 


78 


29.81 


11 


11.98 


45 


17 88 


79 


30.29 


12 


12 14 


46 


18 14 


80 


30.76 


13 


12.28 


47 


18 42 


81 

82 


31.26 


1 i 


12 43 


48 


18 69 


31 .76 


15 


12.57 


49 


18*97 


83 


32.28 


16 


12.70 


50 


19.25 


84 


32 80 


17 


12,84 


51 


19.54 


85 


33 33 


18 


12.97 


52 


19.85 


86 


33.88 


19 


13 10 


53 


20.15 


87 

88 


34.43 


20 


13 25 


54 


20.47 


35 01 


21 


13.33 


55 


20.79 


89 


35.62 


22 


13 52 


56 


21.11 


90 


36.24 


23 


13.67 


57 


21.43 


91 


36.89 


24 


13.83 


58 


21 76 


92 


37.55 


25 


13 97 


59 


22.10 


93 


38.24 


26 


14.12 


60 


22.46 


9i 


38.95 


27 


1 1. 26 


61 


22 82 


95 


39.70 


28 


14.42 


62 


23.18 


96 


40.49 


29 


14 57 


63 


23 55 


97 


41.33 


30 


14.73 


64 


23.92 


98 


42 25 


31 


14.90 


65 


24.29 


99 


43.19 


32 


15.07 


66 


2i.67 


100 


4Î-.19 


33 


15.24 


67 


25.05 





21 



362 



ŒNOLOGIE.. 



Évaluation 


des degrés Cartier en degrés centésimaux 


à la température de 15° 


ARÉOMÈTRE 


ALCOOMÈTRE 


ARÉOMÈTRE 


ALCOOMÈTRE 


ARÉOMÈTRE 


ALCOOMÈTRE 


Cartier. 


centésimal. 


Cartier. 


centésimal. 


Cartier. 


centésimal. 


\ Oo 


— 0.2 


21 50 


57.2 


33 


■ 

84.4 


10 25 


1.1 


21 75 


58. 


33 25 


84.8 


10 50 


2.4 


22 


58.7 


33 50 


85.3 


10 75 


3.7 


22 25 


59.4 


33 75 


85.8 


11 


5.1 


22 50 


60.1 


34 


86.2 


11 25 


6.5 


22 75 


60.8 


34 25 


86.7 


11 50 


8.1 


23 


61.5 


34 50 


87.1 


11 75 


9.6 


23 25 


G2.2 


34 75 


87.5 


12 


11.2 


23 50 


62.9 


35 


88. 


12 25 


12.8 


23 75 


63.6 


35 25 


88.4 


1 2 50 


14.5 


24 


64.2 


35 50 


88.8 


12 75 


16.3 


24 25 


64.9 


35 75 


89.2 


13 


18.2 


24 50 


65.5 


36 


89.6 


13 25 


20. 


24 75 


66 2 


36 25 


90. 


13 50 


21.8 


25 


66.9 


36 50 


90.4 


13 75 


23.5 


25 25 


67.5 


36 75 


90.8 


1 4 


25.2 


25 50 


68.1 


37 


91.2 


14 25 


26.9 


25 75 


68.8 


37 25 


91.5 


14 50 


28.5 


26 


69.4 


37 50 


91.9 


14 75 


30.1 


26 25 


70. 


37 75 


92.3 


15 


31.6 


26 50 


70.6 


38 


92.7 


15 25 


33. 


26 75 


71.2 


38 25 


93. 


15 50 


34.4 


27 


71.8 


38 50 


93.4 


15 75 


35.6 


27 25 


72 3 


38 75 


93.7 


16 


36.9 


27 50 


72.9 


39 


94.1 


1G 25 


38.1 


27 75 


73 5 


39 25 


94.4 


10 50 


39.3 


28 


74. 


39 50 


94.7 


16 75 


40.4 


28 25 


74.6 


39 75 


95.1 


17 


41 5 


28 50 


75 2 


40 


95.4 


17 25 


4-2.5 


28 75 


75.7 


40 25 


95.7 


17 50 


43 5 


29 


76.3 


40 50 


96 


17 75 


44 5 


29 25 


76.8 


40 75 


96.3 


18 


45.5 


29 50 


77.3 


41 


96.6 


18 25 


46 4 


29 75 


77.9 


41 25 


96.9 


18 50 


47.3 


30 


78.4 


41 50 


97.2 


18 75 


48.2 


30 25 


78 9 


41 75 


97.5 


19 


49 1 


30 50 


79.4 


42 


97.7 


19 25 


50. 


30 75 


80. 


42 25 


98. 


19 50 


50 9 


3J 


80.5 


42 50 


98.8 


19 75 


517 


31 25 


81. 


42 75 


98.5 


20 


52.5 


31 50 


81.5 


43 


98.8 


20 25 


53.3 


31 75 


82. 


43 25 


99.1 


20 50 


54.1 


32 


82 5 


43 50 


99.4 


20 75 


54.9 


32 25 


82.9 


43 75 


99.6 


21 


55.6 


32 50 


83.4 


44 


99.8 


21 25 


56.4 


32 75 


83.9 





ALCOOMÉTRIE. 363 

Nous y ajouterons les densités des mélanges alcoo- 
liques correspondantes à chacun des degrés de l'aréo- 
mètre Cartier à la température de 12°5. 



DEGRÉS 




DEGRÉS 




DEGRÉS 




de 


DENSITÉS 


de 


DENSITÉS 


de 


DENSITÉS 


CARTIER 




CARTIER 




CARTIER 




10 


1.000 


22 


0.916 


34 


0.8t5 


11 


0.992 


23 


0 909 


35 


0.8i0 


12 


0.985 


24 


0.903 


36 


0.835 


13 


0.977 


25 


0.897 


37 


0.830 


14 


0.970 


26 


0 891 


38 


0.825 


15 


0.963 


27 


0,885 


39 


0.819 


16 


0 956 


28 


0 879 


40 


0.814 


17 


0.9 i9 


29 


0.872 


41 


0 809 


18 


0.942 


30 


0.867 


42 


0.804 


19 


0.935 


31 


0.862 


43 


0.799 


20 


0.929 


32 


0.856 


44 


0.794 


21 


0.922 


33 


0.851 







Nous avons dit en faisant l'histoire de l'alcool, qu'on 
distinguait dans le commerce les eaux-de-vie et les 
esprits, nous ajouterons ici la force alcoolique de ces 
mélanges dans les conditions les plus usuelles. 

L'eau-de-vie commune marque i9° à l'aréomètre 
Cartier, elle renferme environ la moitié de son volume 
d'alcool absolu. 

L'esprit a été désigné sous le nom de trois-six, parce 
que trois litres de ce liquide ajoutés à trois litres d'eau 
donnent six litres d'eau-de-vie (preuve de Hollande.) Ce 
trois-six a été longtemps l'alcool ordinaire du com- 
merce, il marque 33° à l'aréomètre Cartier et contient 
par conséquent 84.4 pour 100 d'alcool. 



364 ŒNOLOGIE. 

Aujourd'hui le perfectionnement des appareils de 
distillation employés pour la rectification des alcools du 
commerce a permis d'élever de beaucoup le titre des 
esprits obtenus, et il n'est pas rare de trouver des es- 
prits contenant jusqu'à 90 et même 94 pour cent d'al- 
cool pur, la dénomination de trois-six ne peut donc 
plus leur être appliquée. 

On avait de même appelé esprit trois-cinq celui dont 
trois volumes ajoutés à deux volumes d'eau donnaient 
cinq volumes d'eau-de-vie à 43° ; esprit trois-sept celui 
dont trois volumes ajoutés à quatre volumes d'eau 
fournissaient sept volumes de la même eau-de-vie. Ces 
désignations, qui n'ont jamais été aussi répandues que 
celle de trois-six, sont aujourd'hui abandonnées. 

Nous compléterons ces renseignements en donnant 
les degrés les plus usuels des liquides alcooliques que 
l'on trouve dans le commerce : 





Cartier. 


Gay-Lussac 


Alcool pur (absolu ou anhydre). . 


44. 


100. 


Alcool rectifié (de mélasse, bette- 








39.0. 


94.1. 


Esprit 3/6 de même origine. . . 


36. 


89.6. 


Trois-six (esprit de vin) .... 


33. 


84.4. 


Eau-de-vie (preuve d'huile). . . 


22.1 


59. 


Eau-de-vie (preuve de Londres). 


21.6. 


57.5. 


Eau-de-vie double de Cognac. . . 


20. 


52.5. 


Eau-de-vie vendue au détail. . . 


19. 


49.1. 


Eau-de-vie ordinaire faible. . . . 


18. 


45.5. 


Eau-de-vie (preuve de Hollande). 


17.4 


43. 



ALCOOMÉTRIE. 365 

Nous avons dit que les observations sur lesquelles 
est basée la construction de l'alcoomètre de Gay-Lussac 
ont été faites à la température de 15 0 ; il faudra donc 
ramener les liquides à cette température toutes les fois 
qu'on voudra estimer avec cet instrument la richesse 
alcoolique d'un mélange d'eau et d'alcool. Si on opère 
à une température différente, il faudra corriger l'indi- 
cation donnée immédiatement par l'instrument. Au- 
dessus de 15°, le nombre observé sera trop fort et 
devra être diminué ; au contraire, on aura besoin de 
l'augmenter quand on opérera au-dessous de cette tem- 
pérature. 

On doit à Francœur une formule qui permet de cal- 
culer dans chaque cas particulier, la correction relative 
à la température. En représentant par c l'indication de 
l'alcoomètre et par t la température à laquelle a été faite 
l'observation, la véritable richesse alcoolique du liquide 
sera représentée par 

c ± 0.4*. 

On prendra le signe -f- si t est plus petit que 15 0 et 
le signe — s'il est plus grand. Les corrections fournies 
par l'emploi de cette formule ne sont qu'approchées. 

Gay-Lussac a calculé des tables qui donnent immé- 
diatement la correction correspondante aux différentes 
températures de 0° à 30°. A la seule inspection de ces 
tables on peut lire quel est, à 15°, le nombre qui ex- 
prime la richesse alcoolique d'un liquide quand on con- 
naît le nombre trouvé à une température déterminée. 

Nous donnons cette table dans les pages suivantes, de 



366 ŒNOLOGIE. 

de la page 367 à la page 371, pour 0° et toutes les tem- 
pératures de 10° à 30° et, quant aux indications de l'al- 
coomètre, pour chaque degré de 1 à 30 et au-delà seu- 
lement de 5 en 5. 

La première colonne verticale contient les tempé- 
ratures, la ligne horizontale supérieure renferme les 
nombres fournis par l'observation directe. Cette der- 
nière ligne a été répétée au bas de la page pour faciliter 
les recherches. Le nombre exprimant la véritable ri- 
chesse alcoolique à 15° se trouve dans la case située à 
la rencontre des lignes horizontales et verticales com- 
mençant par le chiffre qui donne la température de 
l'observation et celui qui a été fourni par l'alcoomètre. 

Supposons qu'on opère à 25° et qu'on trouve 50 
pour exprimer la richesse alcoolique d'un liquide, la 
richesse véritable sera exprimée par 46.3 ; si l'évalua- 
tion faite à 11° donne 27, il faut prendre pour la richesse 
alcoolique 28.6. 

Il suffira donc, d'après les observations qui précèdent, 
pour déterminer la richesse en alcool d'un liquide ne 
contenant que de l'alcool et de l'eau, de verser ce liquide 
dans une éprouvette à pied et d'y plonger un alcoomètre, 
en ayant soin de faire la correction relative à la tempé- 
rature si on n'opère pas à 15°. 

Les tables qui suivent indiqueront cette correction 
dans tous les cas qui peuvent se présenter. 

Lorsqu'on opère à 15°, il n'y a aucune correction à 
faire et la richesse alcoolique est donnée immédiatement 
par la lecture faite sur la tige de l'instrument. Cette 
lecture se fait en général au-dessous du ménisque. 



ALCOOMÉTRIE. 367 
Indication de l'alcoomètre. 





1 


2 


3 


4 


5 


6 


7 


8 


9 


10 


0 


1.3 


2.4 


3.4 


4.4 


5.4 


6.5 


7.5 


8.6 


9.7 


10.9 




1.4 


2.4 


3.4 


4.5 


5.5 


6.5 


7.5 


8.5 


9.5 


10.6 


HO 


1.3 


2.4 


3.4 


4.4 


5.4 


6.4 


7.4 


8.4 


9.4 


10.5 


120 


1.2 


2.3 


3.3 


4.3 


5.3 


6.3 


7.3 


8.3 


9.3 


10.4 


13« 


1.2 


2.2 


3.2- 


4.2 


5.2 


6.2 


7.2 


8.2 


9.2 


1 0.3 


140 


1.1 


2.1 


3.1 


4.1 


5.1 


6.1 


7.1 


8.1 


9.1 


10.2 


150 


1 


2 


3 


4 


5 


6 


7 


8 


9 


10 


160 


0.9 


1.9 


2.9 


3.9 


4.9 


5.9 


6.9 


7.9 


9.8 


9.9 


170 


0.8 


1.8 


2.8 


3.8 


4.8 


5.8 


6.8 


7.8 


8.8 


9.8 


180 


0.7 


1.7 


2.7 


3.7 


4.7 


5.7 


6.7 


7.7 


8.7 


9.7 


190 


0.6 


1.6 


2.6 


3.6 


4.5 


5.5 


6.5 


7.5 


8.5 


9.5 


200 


0.5 


1.5 


2.4 


3.4 


4.4 


5.4 


6.4 


7.3 


8.3 


9.3 


210 


0.4 


1.4 


2.3 


3.3 


4.3 


5.2 


6.2 


7.1 


8.1 


9.1 


220 


0.3 


1.3 


2.2 


3.2 


4.1 


5.1 


6.1 


7 


7.9 


8.9 


230 


0.1 


1.1 


2.1 


3.1 


4 


4.9 


5.9 


6.8 


7.8 


8.7 


240 


» 


1 


1.9 


2.9 


3.8 


4.8 


5.8 


6.7 


7.6 


8.5 


250 




0.8 


1.7 


2.7 


3.6 


4.6 


5.5 


6.5 


7.4 


8.3 


260 


» 


0.7 


1.6 


2.6 


3.5 


4.4 


5.4 


6.3 


7.2 


8.1 


270 




0.5 


1.5 


2.4 


3.3 


'..3 


5.2 


6.1 


7 


7.9 


280 




0.3 


1.3 


2.2 


3.1 


4.1 


5 


5.9 


6.8 


7.7 


900 




u. 1 


1 . 1 


2 


2.9 


3.9 




5.7 


6.6 


7.5 


300 


» 


» 


0.9 


1.9 


2.8 


3.7 


4.6 


5.5 


6.4 


7.3 




1 


2 


3 


4 


5 


6 


7 


8 


9 


10 



Indication de l'alcoomètre. 



ŒNOLOGIE. 
Indication de l'alcoomètre. 





11 


12 


13 


14 


15 


16 


17 


18 


19 


20 


0 


12.2 


13.4 


14.7 


10. 1 


17.5 


18.9 


20.3 


21.6 


22.9 


24.2 


10° 


11.7 


12.7 


13.8 


14.9 


16 


17 


18.1 


19.2 


20.2 


21.3 


lio 


11.6 


12.6 


13.6 


14.7 


15 S 


16.8 


17.9 


19 


20 


21 


120 


11.5 


12.5 


13.5 


14.6 


15.6 


16.6 


17.6 


18.7 


19.7 


20.7 


130 


11.4 


12.4 


13.4 


14.4 


15.4 


16.4 


17.4 


18.5 


19.5 


20.5 


140 


11.2 


12.2 


13.2 


14.2 


15.2 


16.2 


17.2 


18.2 


19.2 


20.2 


150 


11 


12 


13 


14 


15 


16 


17 


18 


19 


20 


16° 


10.9 


11.9 


12.9 


13.9 


14.9 


15.9 


16.9 


17.8 


18.7 


19.7 


17o 


10.8 


11.7 


12.7 


13.7 


14.7 


15.6 


16.6 


17.5 


18.4 


19.4 


180 


10.7 


11.6 


12.5 


13 5 


14.5 


15.4 


16.3 


17.3 


18.2 


19.1 


19° 


10.5 


11.4 


12.4 


13.3 


14.3 


15.2 


16.1 


17 


17.9 


18.8 


200 


10.3 


11-2 


12.2 


13.1 


14 


14.9 


15.8 


16.7 


17.6 


18.5 


210 


10.1 


11 


11.9 


12.8 


13.7 


14.6 


15.5 


16.4 


17.3 


18 2 


220 


9.9 


10.8 


11.7 


12.6 


13.5 


14.4 


15.3 


16.2 


17 


17.9 


23o 


9.7 


10.6 


11.5 


12.4 


13.3 


14.1 


15 


15.9 


16.7 


17. G 


240 


9.5 


10.4 


11.3 


12.2 


13.1 


13.9 


14.8 


15.7 


16.5 


17.4 


250 


9.3 


10 2 


11.1 


12 


12.8 


13.6 


14.5 


15.4 


16.2 


17.1 


260 


9 


9.9 


10.8 


M 7 


12.6 


13.4 


14.2 


15.1 


15.9 


16.8 


27» 


8.8 


9.7 


10.6 


11.5 


12.3 


13.1 


14 


14.8 


15.6 


16.5 


28« 


8.6 


9.5 


10.3 


11.2 


12 


12.8 


13.7 


14.5 


15.3 


16.1 


29o 


8.4 


9.2 


10.1 




11.8 


12.6 


13.4 


14.2 


1 5 


15.8 


30o 


8.1 


9 


9.8 


10.7 


11.5 


12:3 


13.1 


13.9 


14.7 


15.5 




11 


12 


13 


14 


15 


16 


17 


18 


19 


20 



Indication de l'alcoomètre. 



ALCOOMÉTRIE. 369 
Indication de l'alcoomètre. 





21 


22 


23 


24 


25 


26 


27 


28 


29 


30 


0 


25.6 


27 


28.4 


29.7 


30.9 


32.1 


33.2 


34 3 


35 


36.3 


10° 


22.4 


23.5 


24.6 


25.7 


26.8 


27. 9 


29 


30 


31 


32 


Ho 


22.1 


23.2 


24.3 


25.4 


26.5 


27.6 


28.6 


29.6 


30. G 


31.6 


12° 


21. 8 


22.9 


24 


25.1 


26.1 


27.2 


28.2 


29.2 


30.2 


31.2 


13o 


21.5 


22.6 


23.6 


24.7 


25.7 


26.8 


27.8 


28.8 


29.8 


30.8 


14o 


21.2 


22.3 


23.3 


24.3 


25.3 


26.4 


27.4 


28.4 


29.4 


30.4 


15° 


21 


22 


23 


24 


25 


26 


27 


28 


29 


30 


16o 


20.7 


21.7 


22.7 


23.7 


24.7 


25.7 


26.6 


27.6 


28.6 


29.6 


179 


20.4 


21.4 


22.4 


23.4 


24.4 


25.4 


26.3 


27.3 


28.2 


29.2 


18° 


20.1 


21.1 


22 


23 


24 


25 


25.9 


26.9 


27.8 


28.8 


19° 


19 8 


20.8 


21.7 


22.7 


23.6 


24.6 


25.5 


26.5 


27.4 


28.4 


20° 


19.5 


20.5 


21.4 


22.4 


23.3 


24.3 


25.2 


26.1 


27.1 


28 


21° 


19.1 


20.1 


21.1 


22.1 


23 


23.9 


24.8 


25.7 


26.7 


27.6 


22° 


18.8 


19.8 


20.7 


21.7 


22.6 


23.6 


24.4 


25.3 


26.3 


27.2 


23° 


18 5 


19.5 


20.4 


21.4 


22.3 


23.2 


24.1 


25 


25.9 


26.8 


24° 


18.3 


19.2 


20.1 


21.1 


21.9 


22.8 


23.7 


24.6 


25.5 


26.4 


25° 


18 


18.9 


19.8 


20.7 


21.6 


22.5 


23.3 


24 3 


25.2 


26.1 


26° 


17.7 


18.6 


19.5 


20.4 


21.3 


22.2 


23 


23.9 


24.8 


25.7 


27° 


17.4 


18.3 


19.2 


20.1 


20.9 


21.8 


22.7 


23.6 


24.4 


25.3 


28° 


17 


18 


18.9 


19.7 


20.6 


21.5 


22.3 


23.2 


24 


24.9 


29° 


16.7 


17.6 


18.5 


19.4 


20.3 


21.1 


21.9 


22 8 


23.7 


24.5 


30° 


16.4 


17.3 


18.2 


19.1 


19.9 


20.8 


21.6 


22.5 


23.3 


24 




21 


22 


23 


24 


25 


26 


27 


28 


29 


30 



Indication de l'alcoomètre. 



ŒNOLOGIE. 
Indication de l'alcoomètre. 





35 


40 


45 


50 


55 


60 


65 


0 


41.1 


45.9 


50.7 


55.4 


60.2 


65 


69.9 


10° 


37 


42 


46. 9 


51.8 


56.8 


61.7 


66.7 


11° 


36.6 


41.6 


46.6 


51.5 


56.4 


61.4 


66.4 


i 120 


36.2 


41.2 


46.2 


51.1 


56 


61 


66 


13° 


35.8 


40.8 


45 8 


50.8 


55.7 


60.7 


65.7 


1 140 


35.4 


40.4 


45.4 


50.4 


55.3 


60.3 


65.3 


15° 


35 


40 


45 


50 


55 


60 


65 


16° 


34.5 


39.5 


44.6 


49.6 


54.6 


59.6 


64.7 


17° 


34.1 


39.1 


44.2 


49.3 


54.3 


59.3 


6i.3 


18° 


33.7 


38.7 


43.8 


48.9 


53.9 


58.9 


64 


19° 


33.3 


38.3 


43.5 


48.5 


53.6 


58.6 


63.7 


20° 


32.9 


37.9 


43.1 


48.2 


53.2 


58.2 


63.3 


21° 


32.5 


37.5 


42.7 


47.8 


52.9 


57.9 


63 


22° 


32.1 


37.1 


42.3 


47.4 


52.5 


57.5 


62 7 


23° 


31.7 


36.7 


41.9 


47 


52.1 


57.1 


62.3 


24° 


31.3 


36.3 


41.5 


46.6 


51 8 


56.8 


62 


25° 


30.9 


35.9 


41.1 


4G.3 


51.4 


56.5 


61.6 


26° 


30.5 


35.5 


40.7 


45.9 


51 


56.1 


61.3 


27° 


30 1 


35.1 


40.3 


45.5 


50.7 


55.8 


60.9 


28° 


29.7 


34.7 


39.9 


45.1 


50.3 


55.4 


60.6 


29° 


29.3 


34.3 


39.5 


44.7 


49.9 


55 


60.2 


30° 


28.9 


33.9 


39.1 


44.3 


49.6 


54.7 


59.9 




35 


40 


45 


50 


55 


60 


56 



Indication de l'alcoomètre. 



ALCOOMÉTRIE. 371 
Indication de l'alcoomètre. 





70 


75 


80 


85 


90 


95 


100 


0 


74.7 


79.5 


84.3 


88 9 


93.6 


98 


» 


10° 


71.6 


76.5 


81.5 


86.4 


91.2 


96 


» 


11° 


71.3 


76.2* 


81.2 


86.1 


91 


95.8 


» 


12°' 


71 


75.9 


80.9 


85.8 


90.7 


95.6 


» 


13° 


70.6 


75.6 


80.6 


85.5 


90.5 


95.4 


» 


14° 


70.3 


75.3 


80.3 


85.3 


90.2 


95.2 


» 


15° 


70 


75 


80 


85 


90 


95 


100 


16° 


69.7 


74.7 


79.7 


84.7 


89.7 


94.8 


99.8 


17° 


69.3 


74.3 


79.4 


84.4 


89.5 


94.6 


99.7 


18° 


69 


74 


79.1 


84.1 


89.2 


94.3 


915 


19° 


68.7 


73.7 


78.8 


83.9 


88.9 


94.1 


99.3 


20» 


68.4 


73.4 


78.5 


83.6 


88.7 


93.9 


99 1 


21° 


68.1 


73.1 


78.2 


83.3 


88.4 


93.7 


99 


22° 


67.8 


72.8 


77.9 


83 


88.2 


93.4 


98.8 


23° 


67.4 


72.5 


77.6 


82.7 


87.9 


93.2 


98.6 


24° 


67.1 


72.2 


77.3 


82.4 


87.6 


93 


98.4 


25° 


66.7 


71.8 


77 


82.1 


87.4 


92.7 


98.2 


26° 


66.4 


71.5 


76.7 


81.8 


87.1 


92.5 


98.1 


27° 


66 


71.2 


76.3 


81.5 


86.8 


92.2 


97.9 


28° 


65.7 


70.9 


76 


81.2 


86.5 


92 


97.7 


29° 


65.4 


70.6 


75.7 


80.9 


86.2 


91.7 


97.5 


30° 


65 


70.3 


75.4 


80.7 


86 


91.5 


97.3 




70 


75 


80 


85 


90 


95 


100 



Indication de l'alcoomètre. 



372 ŒNOLOGIE. 

Quand il s'agit de reconnaître si un liquide donné 
quel qu'il soit, contient de l'alcool, il faut examiner ses 
propriétés. 

Le liquide est-il fortement chargé d'alcool, il doit 
être inflammable et brûler avec une flamme jaunâtre et 
peu brillante. 

S'il est trop étendu, cette propriété -ne se manifeste 
pas, mais il est facile de la mettre en évidence. Il suffit 
de verser le liquide dans un appareil distillatoire, et de 
le faire bouillir jusqu'à ce qu'on ait obtenu quelques 
gouttes de liquide distillé. 

L'alcool, s'il existe se sera concentré, et on pourra le 
reconnaître à son inflammabilité. Cette simple réaction 
pourra être utilisée dans beaucoup de cas où l'on soup- 
çonne la formation de l'alcool, par voie de fermentation 
par exemple, et elle donnera sur la production de ce 
corps une indication que d'autres observations vien- 
dront confirmer. 

M. Pasteur a utilisé, pour constater la présence de 
petites quantités d'alcool, l'aspect des premières goutte- 
lettes qui se condensent sur les parois froides d'un 
appareil à distiller lorsque l'ébullition vient de com- 
mencer. 

On prend pour cela une cornue à col assez long et 
dans laquelle on introduit le liquide à essayer, on chauffe 
ce liquide et on surveille l'arrivée des premières gouttes 
qui viennent se condenser dans le col de la cornue. 

S'il y a dans le liquide de l'alcool en petite quantité, 
ces gouttelettes se montrent sous la forme de larmes 
ayant une queue allongée, ou sous la forme de gouttes 



ALCOOMÉTRIE. 373 

de grosseur variable mais très rondes. Ces larmes et 
ces gouttes ont un aspect huileux. 

La vapeur d'eau pure ne donne jamais par conden- 
sation de gouttes huileuses. Si le caractère que nous 
venons d'indiquer n'est pas bien accusé par suite de la 
distillation d'un liquide dans lequel on soupçonne la 
présence de l'alcool, on pourra recommencer la distil- 
lation en opérant de nouveau sur le liquide recueilli 
par la condensation des premières gouttes de manière 
à obtenir, s'il y a des traces d'alcool, des gouttes pré- 
sentant l'aspect caractéristique. 

En dehors de ces observations, on peut avoir recours 
à des réactions purement chimiques pour reconnaître 
s'il existe de l'alcool dans un liquide donné. Signalons 
par exemple la production de riodoforme par suite de la 
réaction de l'iode et d'un alcali sur l'alcool. 



Les indications de l'alcoomètre cessent de pouvoir 
donner la proportion d'alcool quand le liquide renferme 
avec l'eau et l'alcool d'autres substances telles que du 
sucre et des sels, car la présence de ces substances 
modifie la densité du mélange sur laquelle est unique- 
ment basé l'usage de l'instrument que nous venons de 
faire connaître. Dans ce cas on est obligé d'avoir re- 
cours à une opération particulière pour pouvoir rendre 
applicables les considérations que nous avons dévelop- 
pées. Les propriétés de l'alcool permettent d'arriver à 
ce résultat par un procédé simple et très rapide. 

Le vin et les autres liqueurs fermentéés entrent en 



374 ŒNOLOGIE. 

ébullition à une température inférieure à celle de l'eau 
bouillante à cause de l'alcool qu'ils renferment. Quand 
on soumet à la distillation un liquide de cette nature et 
qu'on fractionne les produits obtenus, on reconnaît que 
ce qui passe d'abord est très riche en alcool, puis la 
proportion d'alcool diminue en même temps que celle 
de l'eau augmente et au bout d'un certain temps, on ne 
recueille plus que de l'eau, l'alcool que contenait le 
liquide distillé étant passé tout entier dans les premières 
portions qui ont été recueillies. 

Ce qui passe à la distillation, lorsque le liquide est en 
ébullition, c'est de l'eau et de l'alcool, les autres élé- 
ments en dissolution restent dans le vase où se fait 
l'opération, par conséquent on peut examiner au moyen 
d'un alcoomètre le produit de la distillation, et lors- 
qu'on connaîtra sa richesse en alcool, il sera facile d'en 
déduire celle du vin employé. On peut, du reste, en 
employant une précaution très simple , se dispenser de 
tout calcul pour cette opération et obtenir immédiate- 
ment la teneur du vin en alcool. 

Supposons en effet que l'on prenne un volume de 
vin déterminé, on le soumettra à la distillation jusqu'à 
ce que tout l'alcool se trouve dans le liquide condensé 
et recueilli, puis on ajoutera de l'eau distillée à ce pro- 
duit de manière à reproduire le volume primitif. Il suf- 
fira dès lors de plonger l'alcoomètre dans le liquide 
ainsi formé, et on obtiendra la richesse alcoolique du 
vin, en employant les précautions que nous avons indi- 
quées pour l'usage de cet instrument. 

L'alcoomètre donnera en effet le nombre de centièmes 



ALCOOMÉTRIE. 375 

d'alcool contenu dans le liquide essayé ; or, ce liquide 
occupe le même volume que le vin employé, il contient 
tout l'alcool que le vin contenait, par conséquent son 
degré alcoométrique est le même que celui du vin. 

C'est à Gay-Lussac que nous devons l'indication de 
ce procédé, qui permet de déterminer avec l'alcoomètre 
et très exactement la quantité d'alcool contenue dans une 
liqueur alcoolique quelle qu'elle soit et notamment dans 
le vin, la bière et les autres liqueurs fermentées. 

L'appareil employé par Gay-Lussac se composait 
d'une petite chaudière en cuivre étamé, de la capacité 
d'environ un demi litre : cette chaudière se ferme avec 
un chapiteau de même substance, lequel est muni à sa 
partie supérieure d'une tubulure et d'un tube droit 
allant s'engager dans un autre tube roulé en spirale et 
entouré d'un cylindre que l'on remplit d'eau froide pour 
la condensation des vapeurs. 

On met dans la chaudière 300 cc de vin, préalable- 
ment mesurés dans une éprouvette graduée, puis on 
porte le liquide à l'ébullition après avoir fermé et dis- 
posé l'appareil. 

Les vapeurs qui s'échappent par la tubulure du cha- 
piteau vont se condenser dans le serpentin et le liquide 
qu'elles forment s'écoule dans une petite éprouvette 
jaugée del00 cc . Quand cette éprouvette est remplie 
jusqu'au trait marquant les 100 cc , on arrête l'opération, 
et on détermine la richesse alcoolique du liquide 
obtenu. 

Comme le volume sur lequel on opère est le tiers 
de celui du vin employé, le chiffre obtenu doit être 



376 ŒNOLOGIE. 

divisé par trois pour donner la richesse alcoolique de 
ce vin. 

Gay-Lussac a démontré qu'en opérant ainsi on a des 
résultats exacts , c'est-à-dire que tout l'alcool contenu 
dans le vin passe dans le premier tiers du liquide distillé. 

Les appareils décrits par ce physicien, ainsi que les 
dispositions qu'il recommande ont été modifiés par les 
différents constructeurs et on comprend même qu'on 
peut se passer pour cette opération d'un appareil spécial. 

Un ballon de verre, un serpentin et un tube de verre 
reliant ces deux organes suffisent pour constituer un 
appareil que l'on peut monter dans tous les labora- 
toires. Nous conseillons d'opérer sur 100 cc de vin que 
l'on mesure au moyen d'un petit ballon jaugé, et de 
recueillir par la distillation la moitié de ce volume, 
c'est-à-dire environ 50 cc , on ramène ensuite le liquide 
recueilli à 400 tc par une addition d'eau distillée. 

L'importance de cette opération nous engage à dé- 
crire avec détails le petit alambic construit par M. Sal- 
leron et qui est entre les mains de toutes les personnes 
qui ont intérêt à déterminer et à contrôler la richesse 
alcoolique des liqueurs fermentées. 

Cet appareil renfermé dans une boite portative com- 
prend tout ce qu'il faut pour la détermination de la 
richesse alcoolique du vin et des liquides analogues. 
Nous l'avons représenté tout disposé pour l'opération. 

Ce que nous avons dit tout-à-l'heure suffit pour bien 
faire comprendre l'usage de chacune de ses parties. 

A est une lampe à alcool; B un ballon de verre des- 
tiné à recevoir le vin ; D un tube de caoutchouc fixé 



ALCOOMÉTRIE. 377 

au ballon par un tube de verre recourbé et traversant 
le bouchon E ; G est un vase cylindrique recevant l'eau 
qui sert à refroidir le serpentin ; L est une éprouvette 
à pied sur laquelle sont gravées trois divisions: la divi- 
sion supérieure marquée a, sert à mesurer le vin sou- 
mis à la distillation, les deux autres marquées 1/2, 1/3 
indiquent la moitié ou le tiers du volume contenu jus- 
qu'en a ; elles servent à évaluer le volume du liquide 
recueilli pendant la distillation. 




Quand on veut avec cet appareil déterminer la 
richesse alcoolique d'un vin, on procède de la manière 
suivante : 

On emplit l'éprouvette jusqu'au trait a avec le vin 
que l'on veut essayer, et on verse ce liquide' dans le 
ballon de verre B, en ayant soin de n'en pas perdre ; on 
lave l'éprouvette avec quelques gouttes d'eau que Ton 



378 



ŒNOLOGIE. 



ajoute au liquide déjà versé dans ce ballon ; on réunit 
le ballon au réfrigérant au moyen du bouchon E, on 
remplit le vase G d'eau froide ; on place l'éprouvette 
dans la position indiquée par la figure et on allume la 
lampe A. 

Le liquide contenu dans le ballon s'échauffe, entre 
bientôt en ébullition et distille ; les vapeurs condensées 
tombent dans l'éprouvette. On continue cette opération 
jusqu'à ce qu'on ait recueilli environ la moitié du 
volume du vin employé, c'est-à-dire jusqu'à ce que le 
niveau du liquide soit arrivé entre les deux traits mar- 
qués 4/3 et 4/2. A ce moment on éteint la lampe, la 
distillation est terminée. 

La seule précaution à prendre pendant cette opéra- 
tion, c'est de chauffer lentement, de manière qu'il n'y 
ait pas de boursoufflement et qu'il ne passe pas de vin 
dans le serpentin. 

On prend alors l'éprouvette, on y ajoute de l'eau dis- 
tillée, jusqu'à ce que le volume du liquide s'élève en a 
et soit par conséquent exactement égal à celui du vin 
employé, et puis on mélange les diverses parties du 
liquide par l'agitation. 



ît 




H est un tube de verre effilé avec 
lequel on ajoute les dernières gouttes 
d'eau destinées à remplir l'éprou- 
vette jusqu'en a. G est un thermo- 



Pour terminer l'opération on em- 
ploie les pièces représentées par la 
figure ci-jointe et qui font partie de 
l'appareil. 



ALCOOMÉTRIE. 379 

mètre qui se loge dans une rainure que présente l'éprou- 
vette L et qui sert à donner la température du liquide, 
F est un alcoomètre centésimal dont la graduation va 
de 0 à 25, limites entre lesquelles sont comprises les 
richesses alcooliques des liqueurs fermentées les plus 
employées. 

Lors donc que le niveau du liquide aura été amené 
en a, on y mettra le thermomètre qui restera fixé 
dans sa rainure, puis on plongera à son tour l'alcoo- 
mètre en le laissant tomber doucement, et quand le 
petit instrument aura pris une position fixe on lira à la 
fois le chiffre marqué par l'alcoomètre et le degré du 
thermomètre. 

Il ne restera plus qu'à faire la correction indiquée 
par les tables pour avoir la richesse alcoolique du vin, 
si le thermomètre ne marque pas exactement 15°. 

L'appareil que nous venons de décrire a un incon- 
vénient, il est très petit et exige beaucoup d'attention 
et de soin pour donner de bons résultats. M. Salleron 
en a construit un plus grand, ressemblant beaucoup 
à l'appareil primitif de Gay-Lussac. 

Nous donnons ci-contre le dessin de cet appareil, 
dont le mode de fonctionnement est exactement le 
même que celui du précédent. La légende qui suit 
explique suffisamment le rôle des différentes parties. 

A, lampe à esprit de vin. 
M, support de la chaudière. 

B, chaudière dans laquelle on introduit le vin à dis- 
tiller, après l'avoir mesuré dans un vase gradué, nous 
admettrons que le volume employé soit de 100 cc . 



380 ŒNOLOGIE. 

E ; fermeture de la chaudière. 

D, tube établissant la communication entre la chau- 
dière et le réfrigérant G contenant le serpentin. 

E' ? fixation du tube D à l'entrée du serpentin. 

J ; entonnoir pour renouveler l'eau du serpentin; le 
tube de l'entonnoir plonge jusqu'au fond du réfrigérant. 




H, orifice du tube par lequel s'écoule l'eau échauffée 
par la condensation; l'autre extrémité de ce tube 
s'élève jusqu'au niveau de l'eau dans le réfrigérant. 

L, éprouvette qui reçoit le liquide dans le serpentin; 
cette éprouvette porte un trait a qui équivaudra, dans 
l'hypothèse que nous avons faite de l'emploi de 100 cc 



ALCOOMÉTRIE. 381 

de vin, à 50 cc , de sorte qu'en poussant l'opération de 
manière à remplir l'éprouvette jusqu'en 'a, on aura 
recueilli la moitié du volume du vin. 

11 est du reste inutile de s'assujétir à obtenir l'affleu- 
rement exact en a, car le liquide condensé devra être 
versé dans le vase gradué où l'on a mesuré le vin; on 
lavera ensuite l'éprouvette avec de l'eau distillée que 
l'on ajoutera à ce liquide, et on achèvera de remplir 
jusqu'au niveau occupé par le vin, c'est-à-dire jusqu'à 
100 cc . 

F et G représentent l'alcoomètre et le thermomètre 
dont l'usage est nécessaire pour achever l'opération. 

Le procédé que nous venons de décrire pour déter- 
miner la richesse alcoolique du vin est le plus connu 
et le plus répandu, il est fondé sur la distillation du 
liquide à essayer et donne des résultats suffisamment 
exacts, lorsque l'on opère avec soin et qu'on emploie 
des alcoomètres bien gradués, mais il demande, dans 
quelques cas particuliers, à être légèrement modifié 
pour éviter une cause d'erreur sur laquelle nous de- 
vons appeler l'attention. 

En effet, ce procédé suppose que, dans la distillation 
qui fournit le liquide essayé ensuite au moyen de l'al- 
coomètre, il ne se dégage que de l'alcool et de l'eau et 
on comprend facilement que s'il se vaporisait en même 
temps d'autres liquides ayant des densités différentes 
de celle de l'eau, il en résulterait, pour le dosage de 
l'alcool, une erreur plus ou moins considérable suivant 
la proportion de ces substances ; quant au sens de cette 
erreur, il variera suivant que la densité du mélange 



382 ŒNOLOGIE. 

aura été augmentée ou diminuée par la condensation 
des vapeurs étrangères. 

Cette idée a dû venir souvent à l'esprit des expéri- 
mentateurs, par suite de l'aspect que présentent quel- 
quefois les liqueurs obtenues par la distillation, les- 
quelles sont loin d'être toujours neutres et limpides 
comme cela devrait avoir lieu si elles ne renfermaient 
que de l'eau et de l'alcool. 

On sait du reste qu'en dehors de ces deux derniers 
liquides les vins contiennent d'autres substances vola- 
tiles dont une partie peut être entraînée pendant la 
distillation, et produire les effets dont nous nous préoc- 
cupons. 

Seulement, pour que ces effets puissent donner lieu 
à une erreur dans le dosage de l'alcool, il faut que ces 
substances existent dans une proportion suffisante pour 
modifier la densité du liquide dans lequel devra être 
plongé l'alcoomètre. 

L'expérience montre qu'il n'y a guère sous ce rap- 
port que l'acide acétique qui puisse modifier assez la 
densité du liquide distillé, et exiger dans certaines 
conditions qu'on tienne compte de sa présence pour 
assurer l'exactitude des résultats. 

Il est facile, du reste, de reconnaître cette circons- 
tance, en examinant, au point de vue de la réaction 
acide, le liquide obtenu par la distillation, et par suite, 
de trouver un moyen très simple d'éviter cette cause 
d'erreur lorsqu'elle devient appréciable. 

Le moyen que nous employons consiste à saturer 
aussi exactement que possible, au moyen d'une solution 



ALCOOMÉTRIE. 383 

alcaline, le vin employé pour déterminer sa richesse 
alcoolique, avant de procéder à sa distillation. Par cette 
réaction on empêche le dégagement des acides volatils, 
et on obtient à la distillation une liqueur neutre qui 
doit donner exactement par sa densité la proportion 
d'alcool. 

II importe de ne pas trop dépasser la saturation par 
l'addition d'un excès d'alcali qui pourrait à son tour 
agir sur les éléments azotés du vin et donner lieu, pen- 
dant la distillation, au dégagement d'une certaine quan- 
tité d ammoniaque ou de produits analogues, ce que 
l'on reconnaîtrait du reste à la réaction alcaline du 
liquide distillé. 

La conséquence de ces observations c'est que si la 
distillation d'un vin contenant une assez forte propor- 
tion d'acide acétique, soit naturellement, soit par suite 
d'altération, donne un produit ayant une réaction 
acide, il faudra, avant de procéder à cette opération, 
neutraliser le vin employé, afin d'empêcher ce dé- 
gagement d'acide qui pourrait conduire à un résultat 
inexact. 

Les détails dans lesquels nous sommes entrés sont 
bien suffisants pour permettre dans tous les cas l'appli- 
cation du procédé fondé sur la distillation en vue d'obte- 
nir la richesse alcoolique des vins et des autres liqueurs 
fermentées. Nous ajouterons seulement qu'après avoir 
obtenu un liquide alcoolique ne contenant que de l'eau 
et de l'alcool et que l'on essaie ensuite au moyen de 
l'alcoomètre, on pourrait arriver, comme nous l'avons 
déjà fait remarquer, à la connaissance de la richesse 



384 ŒNOLOGIE. 

de ce liquide en alcool par l'évaluation directe de sa 
densité, et l'emploi des tables que nous avons précé- 
demment données. 

Pour faciliter ces déterminations, nous reproduisons, 
dans les tableaux suivants, la concordance des degrés 
alcoométriques et des densités prises à la température 
de 15° dans toute l'étendue de l'échelle de l'alcoomètre; 
nous y ajoutons les différences observées entre deux 
degrés consécutifs. 

Ces nombres sont ceux qui ont été donnés par 
M. Collardeau comme ayant été copiés sur la table ori- 
nale de Gay-Lussac. 

On peut voir sur ces tableaux la manière dont va- 
rient les différences entre deux densités consécutives 
dans les diverses parties de l'échelle, et cela explique 
l'aspect que présente l'échelle de graduation de l'alcoo- 
mètre centésimal. 

Dans le cas où l'on voudra suivre cette méthode de 
détermination par l'emploi des densités, nous conseille- 
rons de prendre la densité avec soin, en suivant la 
marche que nous avons précédemment indiquée, et de 
ne pas recourir à l'emploi du densimètre qui ne donne- 
rait pas un résultat suffisamment exact. 

La densité étant prise à la température de 15°, il 
suffira de chercher dans la table le degré de l'al- 
coomètre correspondant , pour avoir la richesse al- 
coolique du liquide. Si on ne trouve pas un chiffre 
existant dans la table, un calcul très simple donnera la 
fraction qu'il faut ajouter au degré pour en compléter 
la valeur. 



ALCOOMÉTRIE. 



385 



DEGRÉS 
de 

l'alcoomètre 
centésimal 



DENSITES 
à 15° 



3 
4 
S 
6 
7 
8 
9 
10 
11 
12 
13 
14 
15 
16 
17 
18 
19 
20 
21 
22 
23 
24 
25 



10000 
9985 
9970 
9956 
9942 
9929 
9916 
9903 
9891 
9878 
9867 
9855 
9844 
9833 
9822 
9812 
9802 
9792 
9782 
9773 
9763 
9753 
9742 
9732 
9721 
9711 



Différences 



15 
15 
14 
14 
13 
13 
13 
12 
13 
11 
12 
11 

il 
ii 

10 
10 
10 
10 
9 
10 
10 

11 

10 

11 

10 



DEGRÉS 
de 

l'alcoomètre 
centésimal 



25 
26 
27 
28 
29 
30 
31 
32 
33 
34 
35 
36 
37 
38 
39 
40 
41 
42 
43 
44 
45 
46 
47 
48 
49 
50 



DENSITES 
à 15o 



9711 
9700 
9690 
9679 
9668 
9657 
9645 
9633 
9621 
9608 
9594 
9581 
9567 
9553 
9538 
9523 
9507 
9491 
9474 
9457 
9440 
9422 
9404 
9386 
9367 
9348 



22 



386 



ŒNOLOGIE. 



DEGRÉS 

de 

l'alcoomètre 
centésimal 


DENSITÉS 
à 15° 


Différences 


DEGRÉS 

de 

l'alcoomètre 
centésimal 


DEiNblIES 
à 15° 


Différences 


50 


9348 


19 


75 


8779 


26 


51 


9329 


20 


76 


O / 00 


27 


52 


9309 


20 


77 


8726 


27 


53 


9289 


20 


78 


8699 


27 


54 


9269 


21 


79 


8672 


27 


55 


9248 


21 


80 




28 


56 


9227 


21 


81 


8617 


28 


57 


9206 


21 


82 


8589 


29 


58 


9185 


22 


83 


8560 


29 


59 


9163 


22 


84 


8531 


29 


60 


9141 


22 


85 


ODUZ 


30 


61 


y i iy 


23 


86 


8472 


30 


62 


9096 


23 


87 




31 


63 


9073 


23 


88 


8411 


32 


64 


y uou 


23 


89 


oo /y 


33 


65 


9027 


23 


90 


8346 


34 


66 


9004 


24 


91 


8312 


34 


67 


8980 


24 


92 


OZ / o 


36 


68 


8956 


24 


93 




36 
38 


69 


oy où 


25 


94 


8206 


70 


oyu / 


25 


95 


8 1 68 


40 


71 


8882 


25 


96 


8128 


42 


72 


8857 


26 


97 


8086 


44 


73 


8831 


26 


98 


8042 


46 


74 


8805 


26 


99 


8096 


49 


75 


8779 




100 


7947 



ALCOOMÉTRIE. 



387 



On pourrait ainsi, de temps en temps, contrôler les 
données fournies par l'alcoomètre, en recourant aux 
densités. 

Chaque observateur a donc, dans la détermination de 
]a densité, un moyen de vérifier l'exactitude des alcoo- 
mètres que l'on trouve dans le commerce et dont la 
construction n'est pas toujours parfaite. 

Outre l'emploi de la distillation sur lequel est fondé 
le procédé que nous venons de décrire, on a proposé 
d'autres méthodes pour déterminer la richesse alcoo- 
lique des mélanges spiritueux et particulièrement des 
vins. Ces méthodes diverses sont fondées sur des pro- 
priétés de l'alcool dont on retrouve l'influence plus ou 
moins grande dans les mélanges de cette substance 
avec l'eau. 

Nous croyons utile de compléter l'étude qui précède 
par l'indication des bases sur lesquelles sont fondés 
ces procédés, en nous bornant toutefois à ceux qui 
peuvent donner des résultats suffisamment précis. 



On a cherché à déduire la richesse alcoolique des 
vins de la température d'ébullition de ces liquides et 
plusieurs appareils ont été construits d'après cette idée, 
ces appareils portent le nom à'ébullioscopes. 

Nous exposerons d'abord le principe sur lequel 
repose cette méthode, puis nous examinerons l'instru- 
ment le plus perfectionné qui ait été proposé jusqu'à 
présent, en nous contentant de citer les noms de ceux 
qui ont été successivement employés et qui devront 



388 ŒNOLOGIE. 

être complètement abandonnés à cause du peu d'exac- 
titude des résultats qu'ils fournissent. 

On sait que l'eau bout à 100° sous la pression baro- 
métrique de 0 m 760 ; dans les mêmes conditions de 
pression l'alcool pur et absolu bout à 78°4, et si l'on 
fait bouillir de l'eau ou de l'alcool, la température d'é- 
bullition de ces liquides restera constante pendant 
toute la durée de l'opération. 

Le nombre que nous venons de donner pour le point 
d'ébullition de l'alcool, à la pression de 760 mm , est celui 
que Gay-Lussac avait trouvé dès 1806, Ce résultat a été 
pleinement confirmé par les expériences plus récentes 
faites avec beaucoup de précision et au moyen des 
procédés les plus perfectionnés par MM. Pierre, Kopp 
et von Baumhauer. 

Si au contraire on fait bouillir des mélanges d'eau et 
d'alcool, on reconnaîtra que ces liquides entreront en 
ébullition à des températures comprises entre 78°4 et 
100° et d'autant plus rapprochées de ce dernier chiffre 
que le mélange contiendra moins d'alcool. La tempéra- 
ture d'ébullition est donc liée à la proportion d'alcool 
contenue dans le mélange et de la connaissance de la 
première on pourra déduire la seconde. Il suffit pour 
cela de préparer des mélanges en proportions connues 
d'alcool et d'eau et de déterminer leur point d'ébullition. 
Dès qu'on aura construit la table donnant la concor- 
dance entre les richesses alcooliques et les températures 
d'ébullition, cette table servira pour trouver par l'expé- 
rience la teneur en alcool d'un mélange dont la com- 
position n'est pas connue. 



ALCOOMÉTRIE. 389 

Mais il y a plusieurs observations à faire sur cette 
première indication. 

D'abord la température d'ébullition des liquides va- 
riant avec la pression, il faudra pour avoir des résultats 
exacts et comparables opérer constamment à la même 
pression ou bien tenir compte chaque fois de la pres- 
sion au moment de l'opération. 

D'un autre côté , si la température à laquelle un 
liquide commence à bouillir reste constante pendant 
toute la durée de Fébullition, lorsqu'il s'agit d'un li- 
quide homogène tel que l'eau ou l'alcool, il n'en est 
plus de même lorsque l'on opère sur un mélange dont 
la composition variera à chaque instant à partir du 
commencement de l'ébullition, celle-ci faisant dispa- 
raître des quantités inégales des liquides mélangés. 

Si donc on prend un certain mélange d'alcool et 
d'eau qui commence à bouillir à 85°, et qu'on le main- 
tienne en ébullition, cette température s'élèvera bientôt 
et montera progressivement jusqu'à ce qu'elle ait at- 
teint 100° ; alors elle demeurera constante, le liquide 
restant n'étant plus que de l'eau pure, mais la tempé- 
rature primitive ne reste constante que pendant quel- 
ques secondes et après elle augmente à mesure que 
l'ébullition continue. Il faudra par conséquent noter 
exactement le moment auquel commencera l'ébullition, 
car c'est la température fournie à cet instant qui devra 
être prise pour celle de ï'èotiïlitiori du mélange et con- 
duira à la détermination de la richesse alcoolique. 

Outre ces considérations qui montrent déjà les diffi- 
cultés de la question pour les simples mélanges d'al- 

22. 



390 



ŒNOLOGIE. 



cool et d'eau, il faudra, dans le cas des vins, tenir 
compte d'une autre circonstance, c'est que ces liquides 
contiennent, outre l'eau et l'alcool, d'autres substances 
dont la présence peut influer sur la température d'é- 
bullition. 

A la vérité les premiers auteurs qui se sont occupés 
de cette méthode considéraient cette influence comme 
étant tout.-à-fait négligeable, et n'en tenaient aucun 
compte dans leurs déterminations. Nous reviendrons 
fout-à-l'heure sur les observations récemment faites 
dans cette direction, mais nous pouvons citer dès main- 
tenant celles qui ont été publiées antérieurement sur 
ce sujet. 

L'expérience a montré que les matières solides qui 
étaient en dissolution dans le vin avaient pour effet de 
retarder un peu le point d'ébullîtion. 

Pour le reconnaître on a soumis du vin à la distil- 
lation de manière à lui enlever tout son alcool, et on 
a ajouté de Teau au résidu de manière à reproduire 
le volume primitif. Ce vin privé de son alcool est 
entré en ébullilion à des températures différentes 
et variables suivant la proportion d'extrait sec qu'il 
contenait. 

L'eau pure bouillant à 99°75, voici les températures 
d'ébullîtion obtenues et les quantités de matières solides 
contenues dans les vins essayés : 



100*05 
100°25 
102°50 



4.80 
2.87 
26.81 



ALCOOMÉTRIE. 391 

Ces résultats ne s'accordent pas avec l'hypothèse 
admise par M. Pohl, que la présence d'une quantité de 
sucre s'élevaot à 15 0/0 était sans influence sur le point 
d'ébullition de l'eau. 

Ce même auteur à donné un tableau indiquant les 
proportions d'alcool absolu contenues dans un liquide 
bouillant à une température déterminée sous la pres- 
sion de760 ,nm ; voici les nombres obtenus jusqu'à 12 0/0 
d'alcool en poids : 



Alcool en poids sur 100 p. 
1. 

2. 
3. 
4. 
5. 
6. 



Température. 

98.696 

97.740 

96.85 

95.836 

95.02 

94.164 



Alcool en poids sur 100 p. 

7. 

8. 

9. 
10. 
11. 
12. 



Température. 

93.43 

92.660 

92.03 

91.378 

90.80 

90.249 



Les premières recherches faites sur ce sujet parais- 
sent dues à Groning qui a déterminé le point d'ébulli- 
tion des mélanges d'alcool et d'eau et en même temps 
la quantité d'alcool contenue dans le premier produit 
de la distillation de ces mélanges, mais comme l'a bien 
montré Berzélius, ces déterminations ne peuvent pré- 
tendre à une grande précision, vu que pour la déter- 
mination de la quantité d'alcool contenue dans le pro- 
duit de la distillation, on a besoin d'en recueillir une 
assez grande quantité, de telle sorte que l'on opère 
ainsi sur un mélange de produits différents. 

Nous donnerons les nombres obtenus par Groning 
qui n'en présentent pas moins un grand intérêt. 



302 



ŒNOLOGIE. 



TEM PL R AT U R E 


VOLUME D'ALCOOL POUR 100 DU MÉLANGE 


dans 

le mélange bouillant. 


dans 

ic JJ1CLU1C1 pi UU U II 

de 

la ri i ^ 1 i 1 1 a t î n n 
la uioiniallUiK 


/7"25 


92 


93 


77.50 


90 


92 


77.81 


85 


91.5 


78.1 5 


80 


90.5 


78 75 


75 


90 


79.50 


70 


89 


80.00 


65 


87 


8 1 .25 


50 


85 


82.50 


40 


82 


83.75 


35 


80 


85.00 


30 


78 


80.25 


25 


76 


87 50 


20 


71 


88 75 


18 


68 


90.00 


15 


66 


91.25 


12 


61 


92.50 


10 


55 


93.75 


7 


50 


95.00 


5 


42 


96.25 


3 


36 


97.50 


2 


28 


98.75 


1 


13 


100.00 


0 


0 



Von Baumhauer a fait également quelques observa- 
tions sur les points d'ébullition des mélanges d'alcool 
et d'eau, il a publié les résultats obtenus par deux séries 
qui ont donné des chiffres présentant de grandes diffé- 
rences ; clans la première le mélange avait été chauffé 
rapidement et dans la seconde on avait chauffé lente- 
ment avec une petite lampe à alcool, ce qui donne 
un point stationnaire plus persistant. Suivant lui les 
points d'ébullition ne peuvent être considérés comme 



ALCOOMÉTRIE. 393 

les points (Tébullition des mélanges, mais plutôt comme 
les points d'ébullition des premiers produits de la dis- 
tillation de ces mélanges. 



VOLUME D'ALCOOL 

surlOO volumes 
du mélange. 


TOINTS D'ÉBULLITION 


Chauffage rapide. 


Chauffage Irès lent. 


95 


77.7 


77.8 


90 


77.9 


78.2 


85 


78.3 


78.8 


80 


78.8 


79.3 


75 


79.3 


79.9 


70 


79.7 


80.5 


G 5 


80.2 


81.0 


60 


80.7 


81.5 


55 


81.2 


81 9 


50 


81.7 


82.3 


45 


82.2 


82.9 


40 


82.8 


83.7 


35 


83.7 


84.5 


30 


84.6 


85.4 


25 


85.6 


86.5 


20 


87.1 


88.1 


45 


88.9 


89.6 


40 


91.5 


92.3 


5 


94.7 


95.2 



Les détails dans lesquels nous venons d'entrer nous 
permettent de comprendre que les premiers appareils 
construits dans le but d'appliquer la température d'ébul- 
lition à la détermination de la richesse alcoolique des 
vins aient été d'abord très imparfaits et n'aient fourni 
pendant longtemps que des résultats incertains. 

Nous nous contenterons de citer les noms des diffé- 
rents constructeurs, Brossard, Vidal, Tabarié, Conati, 
Ure, Salleron, Pohl et Sala. Von Baumhauer qui a es- 



394 ŒNOLOGIE. 

sayé plusieurs de ces instruments, pense qu'ils peuvent 
fournir d'assez bons résultats avec une précision de d: 
\ volume d'alcool sur 100 volumes de mélange, en 
ayant soin de faire les observations avec le même appa- 
reil et de tenir la flamme à la même hauteur pendant 
réchauffement du liquide. 

Mais nous devons étudier avec soin le seul appareil 
qui nous paraisse aujourd'hui mériter de fixer l'atten- 
tion, c'est l'ébullioscope de Malligand fils et Vidal qui 
est représenté par la figure de la page suivante et avec 
lequel on peut faire plusieurs observations intéres- 
santes au sujet de cette question de l'ébullition appli- 
quée aux différents vins. 

Cet appareil permet de tenir compte de la pression, 
il condense les vapeurs qui se dégagent au moment de 
l'ébullition de manière à maintenir celle-ci constante 
pendant assez longtemps pour que l'observation puisse 
être faite facilement et avec exactitude et ces résultats, 
dont les auteurs que nous venons de citer s'étaient déjà 
préoccupés, ont été réalisés dans ce nouvel ébullioscope 
d'une manière plus avantageuse qu'ils ne l'avaient élé 
dans les anciens appareils. 

Cet ébullioscope est porté sur un pied, il comprend 
trois parties essentielles, une bouillotte destinée à rece- 
voir le vin à essayer, un réfrigérant pour condenser les 
vapeurs et un thermomètre qui donne les températures 
d'ébullition et par suite la richesse alcoolique. 

La bouillotte F est en forme de tronc de cône dont la 
plus petite base est à la partie inférieure ; un peu au- 
dessus de cette base elle communique avec un thermo- 



ALCOOMÉTRIE. 395 

siphon formé par un anneau métallique creux qui reçoit 
la chaleur d'une lampe L placée sous la cheminée S. 
Cette bouillotte est fermée au moyen d'une plaque de 
laiton qui se visse sur la base supérieure et a été percée 
de deux trous. 




Le trou du milieu reçoit le thermomètre dont la 
boule doit plonger dans le liquide et dont la tige, après 
s'être élevée de quelques centimètres au-dessus du 



396 ŒNOLOGIE. 

couvercle, est courbée à angle droit et demeure dès lors 
horizontale. 

Sur la seconde ouverture placée latéralement on visse 
le tube du réfrigérant R. Celui-ci se compose de deux 
tubes concentriques entre lesquels on met de l'eau 
froide qui doit produire la condensation. 

Le thermomètre est très sensible, sa graduation est 
tout entière comprise dans la partie horizontale, mais 
au lieu d'indiquer les degrés de température, l'échelle 
porte comme indications les proportions d'alcool corres- 
pondantes depuis 0 jusqu'à 25% d'alcool. 

La tige est solidement fixée à une règle en cuivre T 
rivée au couvercle , et le réservoir est protégé par un 
tube en cuivre percé latéralement de nombreux trous 
qui donnent accès au liquide dans lequel il plonge. 

L'échelle est formée par une règle E sur laquelle sont 
tracées les divisions et qui est placée au -dessous de la 
tige du thermomètre et parallèlement à cette tige : un 
curseur mobile c facilite la lecture et indique nette- 
ment sur la règle la division correspondant au point 
d'arrêt du mercure. 

De plus cette échelle est mobile et elle peut être fixée 
solidement au moyen d'un écrou. Cette mobilité permet 
de tenir compte de la pression au moment de l'opéra- 
tion sans avoir besoin de recourir au baromètre. On 
évite ainsi toute correction relative à cet élément ; il 
suffit en effet de faire un premier essai avec de l'eau et 
de placer l'échelle de manière que le zéro corresponde 
à la température à laquelle cette eau va bouillir dans 
les conditions où l'on se trouve. 



ALCOOMÉTRIE. 397 

L'échelle étant ainsi disposée, on la fixe efl'instrument 
se trouvera dès lors réglé au point de vue de la pression 
tant que celle-ci n'aura pas changé sensiblement. 

Si l'appareil est transporté d'un lieu à un autre, ou si 
l'on opère à des intervalles éloignés, pendant lesquels 
la pression a pu varier, on commencera par vérifier le 
zéro au moyen d'un essai fait sur l'eau et on ne procé- 
dera au titrage du vin qu'après cette vérification et le 
changement de position de l'échelle, s'il est reconnu 
nécessaire. 

Tous ces détails étant bien compris, examinons main- 
tenant comment on devra procéder dans la pratique 
pour déterminer avec cet ébullioscope la richesse 
alcoolique d'un vin. 

On verse de l'eau dans la bouillotte jusqu'au niveau 
d'un trait qui y est marqué intérieurement, on visse le 
couvercle auquel est fixé le thermomètre et on met en 
place le réfrigérant préalablement rempli d'eau froide. 

On allume alors la lampe et, quand l'eau est en pleine 
ébullition, on amène le curseur devant le point où le 
mercure s'est arrêté, puis on fait glisser la règle por- 
tant la graduation jusqu'à ce que le zéro corresponde à 
ce point ; on la fixe alors solidement au moyen de l'écrou 
destiné à cet usage. 

Cette première opération faite, on démonte l'appareil, 
on remplace l'eau de la bouillotte par le vin dont on veut 
déterminer la richesse alcoolique, et on remet le cou- 
vercle portant le thermomètre et le réfrigérant dont 
l'eau a été changée pour le maintenir à une basse tem- 
pérature. 

23 



398 ŒNOLOGIE. 

On porte le vin à l'ébullition et quand celle-ci est bien 
déterminée, on lit, en s'aidant du curseur, les chiffres 
de Féchelle correspondant au point où le mercure s'est 
arrêté, ce nombre donne le titre alcoolique du vin à la 
température de 15°. 

Cette détermination, en y comprenant la vérification 
du zéro, dure environ une demi-heure, elle exige 100 
centimètres cubes de liquide. 

De nombreuses expériences ont été faites avec cet 
appareil sur des mélanges d'alcool et d'eau, sur des 
vins dont la richesse alcoolique était connue, sur les 
mêmes vins coupés entre eux ou avec de l'eau dans des 
proportions déterminées, en un mot on a varié les essais 
de toutes les manières possibles, et on s'est assuré que 
l'ébullioscope Malligand-Vidal donnait des résultats 
exacts. 

Son emploi ne présente aucune hésitation au sujet de 
la lecture du nombre qui donne la teneur en alcool ; les 
oscillations du mercure pendant qu'on maintient l'ébul- 
lition sont très faibles et ne peuvent influer sensible- 
ment sur cette lecture. 

On a constaté en outre que les mêmes vins essayés 
au moyen d'appareils différents donnaient exactement 
les mêmes titres, et que par conséquent tous les instru- 
ments construits dans les mêmes conditions étaient com- 
parables entre eux. 

Mais il est un point sur lequel nous devons insister 
plus complètement, afin de ne laisser aucune doute sur 
l'exactitude fournie par cette méthode et de dissiper le s 
incertitudes que pourrait faire naître une considération 



ALCOOMÉTRIE. 399 

que nous n'avons fait qu'indiquer, et qui a pour point 
de départ l'influence qu'exercent sur le point d'ébul- 
lition d'un liquide les matières fixes qu'il tient en 
dissolution. 

Théoriquement cette influence existe, mais il s'agit 
seulement de savoir si les dispositions et les dimensions 
de l'appareil la diminuent suffisamment pour que les 
erreurs qui peuvent en résulter soient tout-à-fait négli- 
geables. 

L'étude de cette influence, à ce point de vue pratique, 
a été faite avec beaucoup de soin par M. Thénard, dans 
un travail destiné précisément à apprécier l'exactitude 
de l'appareil Malligand- Vidal. 

On a exagéré les conditions défavorables par l'addi- 
tion à des mélanges alcooliques en proportions con- 
nues de vinasses obtenues par l'évaporation rapide 
d'une grande quantité de vin. Les résultats obtenus 
dans ces conditions ont montré que cette influence était 
très faible et ne dépassait pas 1/3 de degré en moins ou 
3/10 de degrés en plus, par conséquent elle peut être 
négligée dans la pratique et il n'y a pas lieu d'en tenir 
compte lorsqu'il s'agit des vins que l'on désigne ordi- 
nairement sous le nom de vins de table. 

Il n'en est pas moins intéressant d'examiner com- 
ment cette influence varie suivant le degré alcoolique 
réel du mélange. 

L'addition des matières solides contenues dans les 
vins à des mélanges alcooliques a pour effet d'abaisser 
le titre, lorsque celui-ci varie de 0 à 9.75 et la diffé- 
rence diminue à mesure que le degré s'élève. 



400 ŒNOLOGIE. 

Si le degré alcoolique est entre 9.75 et 12.20, cette 
addition ne modifiera pas le titre ; au contraire si le 
titre est compris de 12.20 à 16, le titre est augmenté 
et cette augmentation est d'autant plus grande que le 
titre est plus élevé. 

L'étude de cette question présentait surtout une 
grande importance pratique dans le cas des vins de 
liqueur qui contiennent une forte proportion de sucre, 
et dans lesquels par conséquent les matières solides en 
dissolution sont en beaucoup plus grande quantité que 
dans les vins ordinaires. 

Dans ce cas les erreurs commises peuvent devenir 
considérables et ne sont plus négligeables, comme le 
montrent les nombres suivants obtenus par M. Thénard 
sur des vins de liqueur bien authentiques. 



DÉSIGNATION 


RICHESSE ALCOOLIQUE TROUVÉE i L'KBULllOSCOPE 


des 

VINS. 


avec 
le viu 
pur. 


arec des mélanges de 1 toI. de Tin et 


1 toI. d'eau 


2 toI. d'ean 


3 yoI. d.'eau 


Fronliguan muscat, 


14.00 


12.80 


12.69 


12.72 




14.20 


12.66 


12.30 


12.24 


Moscatel de Sethubal 


19.60 


18.00 


17.55 


17.60 




20.45 


18.70 


18.36 


18.20 



Il serait curieux de comparer les différences obser- 
vées avec la nature et la proportion des éléments soli- 
des contenus dans ces vins ; malheureusement nous 



ALCOOMÉTRIE. 401 

manquons des données nécessaires pour faire cette 
discussion et les résultats fournis par ces détermina- 
tions ne sont pas assez nombreux. L'important, c'est 
que la cause des erreurs soit bien constatée, et qu'en 
même temps nous ayons un moyen simple et pratique 
pour y remédier et l'atténuer complètement. 

Le mélange du vin avec deux ou trois fois son volume 
d'eau nous donne ce moyen, auquel il faudra recourir 
toutes les fois que, par suite de la nature des vins ou de 
l'effet incomplet des phénomènes de fermentation, on 
peut avoir à craindre une influence sensible des ma- 
tières dissoutes. Cette précaution devra toujours être 
prise dans le cas des vins de liqueur. 

Il faudra donc, dans ce dernier cas et lorsqu'on aura 
des doutes, joindre à l'essai fait sur le vin pur un autre 
essai sur un mélange de ce même vin avec deux ou 
trois fois son volume d'eau. Le chiffre obtenu dans 
cette dernière opération corrigé suivant la proportion 
d'eau ajoutée donnera le titre réel en alcool. 

Ainsi l'ensemble des observations que nous venons de 
rapporter prouve que l'ébullioscope perfectionné par 
MM. Malligand et Vidal peut servir à déterminer avec 
un grand degré d'exactitude la richesse alcoolique des 
vins. Les conditions de fonctionnement de cet appareil 
réalisent, comme résultat pratique, cette circonstance 
que les vins ordinaires dont la fermentation est achevée 
donnent une température d'ébullition presque égale à 
celle d'un mélange d'eau et d'alcool du même degré. 
Lorsqu'il s'agit de vins de liqueur ou de vins dont la 
fermentation est inachevée, ce même instrument don- 



402 ŒNOLOGIE. 

nera encore des résultats exacts à la condition de couper 
ces liquides avec une quantité d'eau convenable avant 
de faire l'opération. 

Nous nous contenterons de signaler les appareils 
employés en Allemagne sous le nom de vaporimètres 
et servant à déterminer la richesse alcoolique d'un mé- 
lange d'alcool et d'eau et par suite d'un vin , non plus 
au moyen de leur point d'ébulMon, mais par la me- 
sure de la force élastique de la vapeur qu'ils pro- 
duisent. 

Ce mode d'opération proposé par Plùcker a été régu- 
larisé et rendu suffisamment précis par Geissler de 
Bonn, dont l'appareil porte le nom de vaporimètre de 
Geissler. 



M. Silbermann a proposé de déterminer la composi- 
tion d'un mélange d'eau et d'alcool en constatant la 
dilatation de ce mélange. 

L'alcool et l'eau, lorsqu'ils sont purs, se dilatent iné- 
galement sous l'influence de la chaleur; l'alcool se 
dilate trois fois plus que l'eau pour la même augmen- 
tation de température. Les nombres suivants donnent la 
mesure exacte de cette différence de dilatation : 

Volumes à 0'. Volumes à 100°. Différences. 

Eau 1.0000 1.0432 0.0432 

Alcool. . . . 1.0000 1.1254 0.1254 

En partant de là on voit que, si Ton prend un mélange 
d'eau et d'alcool, il se dilatera d'autant plus qu'il con- 
tiendra plus d'alcool ; par conséquent, si on a fait une 



ALCOOMÉTRIE. 403 

série d'observations donnant la dilatation de mélanges 
d'eau et d'alcool en proportions connues, il suffira d'ob- 
server la dilatation d'un mélange donné pour qu'on 
puisse en conclure sa richesse en alcool. 

M. Silbermann opère sur un volume déterminé de 
liquide à la température de 25°, puis il le chauffe jus- 
qu'à 50°, et de l'augmentation de volume dans cet inter- 
valle il déduit la proportion d'alcool. 

Il a construit, d'après ces données, un appareil qu'il 
a nommé dilatomètre alcoornétrique, il est gradué de 
telle façon que l'échelle de l'instrument donne immé- 
diatement la richesse alcoolique du liquide essayé. Celui- 
ci est reçu dans une pipette que l'on peut ouvrir ou 
fermer à volonté, de manière à la remplir jusqu'à un 
trait correspondant au zéro de la graduation. 

Quand on veut déterminer la richesse alcoolique 
d'un vin avec cet instrument on remplit la pipette en la 
plongeant dans le liquide après l'avoir ouverte, puis on 
la ferme et on la met dans un bain d'eau à 25°. 

Lorsque tout l'appareil est à cette température, on 
fait écouler du liquide jusqu'à ce que le niveau arrive 
au zéro de l'échelle, et alors, après avoir de nouveau 
fermé la pipette, on porte le bain à 50°. Le chiffre auquel 
s'arrête le niveau à cette température exprime le 
nombre de centièmes d'alcool contenu dans le vin sur 
lequel on opère. 

Sur la planchette de l'instrument est fixé un thermo- 
mètre marquant très visiblement ces deux tempéra- 
tures de 25 et de 50°. 
Nous nous contenterons de cette indication ; l'appa- 



404 ŒNOLOGIE. 

reil dilatométrique de Silbermann a été jusqu'ici peu 
employé ; il demande une grande habileté d'opération 
et peut, à cette condition, donner des résultats assez 
exacts. Il a le grand avantage de n'exiger qu'une très 
petite quantité de liquide. 

On donnerait à cet appareil une plus grande préci- 
sion en choisissant pour points lixes des températures 
bien constantes que Ton pourrait maintenir pendant un 
temps suffisant. 



M. Duclaux a donné un procédé très intéressant 
pour évaluer la proportion d'alcool contenue dans un 
liquide, nous en exposerons d'abord le principe en 
supposant qu'on veuille l'appliquer à un simple mélange 
d'eau et d'alcool. 

Cette méthode repose sur la diminution produite par 
l'alcool dans la tension superficielle des liquides qui en 
renferment. 

A chaque mélange d'alcool et d'eau correspond une 
tension superficielle déterminée et celle-ci peut s'éva- 
luer en faisant écouler au travers d'un compte-gouttes 
un volume connu de ce mélange. Du nombre de gouttes 
obtenu, on conclura le titre alcoolique au moyen d'une 
table calculée d'après des expériences directes. 

Le tableau suivant extrait des résultats trouvés et 
publiés par M. Duclaux donne, pour les trois tempéra- 
tures de 10°, 45° et 20° le nombre de gouttes fournies 
parles divers mélanges, depuis l'eau pure jusqu'à l'al- 
cool absolu : 



ALCOOMÉTRIE. 



405 



COMPOSITION 

DU MÉLANGE 



Eau 



100 
99 
98 
97 
96 
95 
94 
93 
92 
9L 
90 



87 
86 
85 
84 
83 
.82 
81 
80 
75 
70 
65 
60 
55 
50 
45 
40 
35 
30 
25 
20 
15 
10 
0 



Alcool 



0 
1 

2 
3 
4 
5 
6 
7 
8 
9 
10 
11 
12 
13 
14 
15 
16 
17 
18 
19 
20 
25 
30 
35 
40 
45 
50 
55 
60 
65 
70 
75 
80 
85 
90 
100 



NOMBRE DE GOUTTES 

FOURNI PAR 5 CC 





à 10° 


à 15o 


à 20° 


99 


100 


101 


106 


107 


108 


112 


113 


114.5 


117 


118 


119.8 


121.5 


122.5 


124.5 


125 


126.5 


128.5 


128.5 


130.5 


132.5 


132 


134 


136.5 


135.5 


137.5 


140 


138.5 


140.5 


143 


141.5 


144 


146.5 


144.5 


147 


149.5 


148 


150.5 


153 


151 


154 


156 


154 5 


157 


159 


157.5 


160 


163 


161 


163.5 


166.5 


164.5 


167 


170 5 


167.5 


170 


173.5 


170.5 


173 


176.5 


173 


176 


179.5 


189 


192 


195.5 


201 .5 


204.5 


208 


213.5 


216 


219 


223 


225.5 


228.5 


232.5 


235 


238 


240.5 


243 


246 


245.5 


247.5 


250 


249 


251 


252.5 


251.5 


253 


255 


254 


255.5 


257.5 


255.5 


257 


259 


257.5 


258.5 


260 


259 


259.5 


261 


261 


261.5 


262 


269.5 


270 


270 



23. 



406 ŒNOLOGIE. 

L'appareil à employer pour reconnaître, au moyen 
de ce tableau, combien un mélange donné contient 
d'alcool, n'est autre chose qu'un compte-gouttes por- 
tant un volume de 5 C0 et dont l'orifice est tel que 5 CC 
d'eau distillée y fournissent exactement 100 gouttes à 
la température de 15°. Cet instrument peut être tout 
simplement une pipette graduée ordinaire, de dimen- 
sion déterminée. 

On pourrait également se servir du petit appareil 
construit par M. Salleron. 

La marche à suivre pour l'opération est des plus 
simples ; la pipette servant de compte-gouttes est rem- 
plie du liquide à essayer, on l'installe au-dessus d'un 
vase destiné à recevoir le liquide qui s'écoule et on 
compte les gouttes qui tombent. Quand l'écoulement 
est terminé, on évalue à vue d'œil le volume de la petite 
quantité de liquide qui reste, et après avoir noté ainsi 
le nombre de gouttes obtenu ainsi que la température 
à laquelle on opère, on cherche dans le tableau précé- 
dent le titre alcoolique correspondant. 

On pourrait employer de la même manière, comme 
compte-gouttes, une pipette jaugeant 2 CC 5 et rnêrnel" 
seulement, il faudra, dans ce cas, réduire proportion- 
nellementles nombres de gouttes inscrits dans le tableau, 
mais on diminuerait le degré de précision de l'instru- 
ment. 

L'examen du tableau qui comprend tous les degrés 
correspondants aux alcools faibles montre que le compte- 
gouttes appliqué à ces déterminations pourra être très 
utile pour ces sortes de liquides ; c'est dans ces cas qu'il 



ALCOOMÉTRIE. 407 

est surtout sensible et précis et Ton sait qu'alors l'al- 
coomètre donne des résultats plus incertains. Au con- 
traire, ce dernier appareil doit être préféré pour les 
alcools de degrés supérieurs, avec lesquels le compte- 
gouttes perd de sa sensibilité. 

Le même appareil peut être appliqué à la détermi- 
nation de la richesse alcoolique des vins, l'expérience 
ayant démontré que la tension superficielle d'un vin est 
à très peu près égale à celle d'un mélange d'eau et d'al- 
cool du même titre, 

La variation de densité que présentent les différents 
vins doit nécessairement influer sur le nombre de 
gouttes qu'ils donnent sous un volume déterminé et 
avec un certain orifice d'écoulement; cette variation 
peut être par conséquent une cause d'erreurs et ce pro- 
cédé n'a pas une rigueur mathématique. Seulement les 
différences qui résultent de ce point sont très faibles, 
et on peut admettre que la tension superficielle du 
liquide et par suite le nombre de gouttes obtenu sont 
uniquement produits par la présence de l'alcool. 

L'expérience a montré que l'approximation donnée 
par ce moyen était bien suffisante et tout à fait compa- 
rable à celle fournie par les opérations exigeant l'em- 
ploi des alcoomètres. 

M. Duclaux a calculé une table donnant pour diverses 
températures la relation existant entre le titre alcoo- 
Ve d'un vin et le nombre de gouttes qu'il fournit avec 
la pipette de 5 t0 qui correspond à 100 gouttes à 15° pour 
le au distillée, nous en extrayons les nombres suivants 
f l u i sont suffisants pour la pratique ordinaire : 



408 



ŒNOLOGIE. 



RICHESSE 


NOMBRE DE GOUTTES FOURNI PAR 5« DE VIN 


alcoolique 












du vin 


à 10° 


à 12°5 


à 4 5° 


à 17°5 


à 20° 


5° 


126 


127 


128.5 


129.5 


130.5 


6 


130.5 


131.5 


132.5 


134 


135 


7 


134 5 


136 


137 


138 


139.5 


8 


139 


140 


141 


142.5 


144 


9 


143 


144 


145.5 


147 


148.5 


10 


147 


148 


149.5 


151 


152.5 


11 


150.5 


152 


153.5 


155 


156.5 


12 


154.5 


156 


157.5 


159 


160.5 


13 


158.5 


160 


161.5 


163 


165 


14 


162.5 


164 


165.5 


167 


168.5 


15 


166 


167.5 


169 


170.5 


172 



La marche à suivre pour déterminer la richesse 
alcoolique d'un vin est la même que celle indiquée pré- 
cédemment pour les mélanges d'alcool et d'eau ; l'opé- 
ration est donc des plus simples, elle peut être faite en 
quelques minutes avec une seule pipette et n'exige 
qu'un très petit volume de liquide. 

L'étude de cette propriété physique désignée sous le 
nom de tension superficielle, peut conduire à décéler 
dans un alcool quelconque la présence des produits 
volatils qui ne s'y trouvent qu'en proportions extrême- 
ment petites et dont la constatation échappe jusqu'ici à 
tout autre moyen d'investigation. 

On comprend en effet que si un alcool est mélangé 
soit à des éthers de cet alcool, soit à d'autres alcools de 
degrés supérieurs, sa tension superficielle et par suite 
le nombre de gouttes qu'il fournira, dans son essai au 
compte-gouttes, subiront, par le fait de ce mélange, 



ALCOOMÉTRIE. 40 J 

une variation notable pour une très petite quantité de 
matière mélangée. 

Les observations faites par M. Duclaux l'ont conduit 
à conclure que dans les vins la tension superficielle 
n'est pas influencée d'une manière appréciable par la 
présence des éthers qui peuvent s'y former, et que par 
conséquent la tension superficielle d'un vin est à très 
peu près identique à celle d'un mélange correspondant 
d'eau et d'alcool. 

L'emploi du compte-gouttes nous fournit donc un 
moyen très simple et très expéditif pour déterminer la 
richesse alcoolique des vins en n'employant qu'une très 
petite quantité de liquide, il sera, de plus, très utile 
dans la recherche au sein des liquides alcooliques 
d'autres produits volatils qui s'y rencontrent en quanti- 
tés plus ou moins notables : nous aurons, du reste, à 
revenir sur ces applications. 



On a également cherché à évaluer la richesse alcoo- 
lique des liquides spiritueux et particulièrement des 
vins en déterminant la quantité dont ces liqueurs s'é- 
lèvent dans les tubes étroits en vertu des lois de la 
capillarité. MM. Muséums et Valson ont construit un 
appareil auquel ils ont donné le nom de liquometre et 
qui est fondé sur ce principe. 

Déjà avant eux, M. Artur avait essayé l'emploi du 
même procédé, mais sans arriver à le rendre suffisam- 
ment exact et pratique. 

Cet instrument est formé par un tube capillaire et un 



410 ŒNOLOGIE. 

vase quelconque devant recevoir le vin dont il s'agit de 
déterminer la richesse alcoolique, on peut prendre 
pour cet usage, un verre ordinaire à bords bien plans. 

Le tube capillaire est fixé sur une planchette et placé 
sur le verre de manière à plonger dans le liquide. 

Lorsque l'on veut opérer au moyen de cet instru- 
ment il faut s'assurer que le tube est parfaitement 
propre, pour cela on le lave avec soin en y faisant pas- 
ser de l'eau et de l'alcool, alors on met ce tube en place 
de manière que la planchette soit bien horizontale et 
que l'extrémité du tube plonge dans le liquide à 
essayer. 

On détermine par une légère aspiration l'ascension 
du liquide dans le tube de manière à en mouiller les 
parois, puis on relève le tube de telle sorte que la 
pointe inférieure reste en contact avec le liquide mais 
sans y plonger. 

Lorsque la colonne eststationnaire, on lit sur l'échelle 
le point où elle s'est fixée et le chiffre correspondant de 
la graduation exprime la richesse alcoolique du liquide 
essayé. 

Cet appareil n'exige qu'une faible quantité de liquide 
et de plus il laisse ce liquide intact pour servir à d'au- 
tres déterminations ; son usage ne demande que quel- 
ques instants, mais il ne peut donner des résultats 
exacts qu'à la condition qu'on maintiendra toujours très 
propre le tube capillaire et qu'on suivra dans son emploi 
les prescriptions que nous venons d'indiquer. 



ALCOOMÉTRIE. 411 

Nous devons faire connaître le principe d'une mé- 
thode proposée en 1830 par le Dr. Tabarié de Montpel- 
lier pour déterminer la richesse alcoolique des vins, ce 
procédé diffère complètement des précédents. 

On prend d'abord la densité du vin, on en fait en- 
suite évaporer à l'air libre un volume connu de ma- 
nière à le réduire à peu près à moitié, par conséquent 
à chasser tout l'alcool qu'il contient, puis quand le 
liquide est refroidi on le ramène avec de l'eau à son 
volume primitif, et on cherche la densité du nouveau 
liquide. 

Des tables construites par Tabarié donnent au moyen 
de ces deux observations la richesse alcoolique du vin» 

On admet que la densité dù vin est supérieure à celle 
de la simple dissolution de l'alcool qu'il contient d'une 
quantité précisément égale à l'excès de la densité de ce 
vin privé de son alcool sur la densité de l'eau. 

Supposons que la densité du vin soit égale à 0.997 
et celle du liquide de même volume mais privé d'al- 
cool à 1.0205. 

La densité d'un mélange d'alcool et d'eau égal au 
volume du vin serait d'après l'hypothèse précédente. 

0.997 — 0.0205 = 0.9765, 

ce qui donne pour la richesse alcoolique de ce vin 
20 0/0 en volume. 

Cette méthode ne présente, comme on voit, aucune 
difficulté dans son exécution, mais elle ne repose pas 
sur une donnée scientifique positive, elle ne doit par 
conséquent conduire qu'à une approximation; dans 



412 ŒNOLOGIE. 

certains cas Terreur sera très faible et dans d'autres 
elle pourra devenir bien plus grande, aussi a-t-elle été 
abandonnée. 

Le tableau suivant résume quelques observations 
faites d'après ce procédé et dues à Tralles : 



ORIGINE 
nu vin 


DENSITÉS 
du 

VIN 


DENSITÉS 

du 
liquide 
privé 
d'alcool 


DBSS1TES DE L'ALCOOL 


PROPORTIONS d'Alcool 


calculées 


obserTces 


calculées 


obserTces 


Bordeaux. . 


0.9951 


1.0089 


0.9862 


0.9858 


10.3 


10.6 


Porto. . . , 


0.9970 


1.0205 


0.97C5 


9.9763 


20. 


20.25 


Madère . . . 


0.9971 


1.0181 


0.9790 


0.9782 


17.3 


18. 


TénériiTe . . 


0.99i5 


1.0151 


0.9794 


0.9790 


17. 


17.3 


Rudesheim . 


0.9960 


1.0086 


0.987i 


0.9881 


9.3 


8.6 



On voit par ces résultats que cette méthode donne en 
général des nombres trop faibles, les différences ne 
s'élèvent guère qu'à un demi degré en moyenne. 

M. Maumené a obtenu avec le vin de Bouzy 1846 
les chiffres suivants : 

Densité du vin à 15° 0.9949 

Densité du liquide privé d'alcool et ramené 

au volume du vin 1.0098 

Ce qui donne pour la densité du mélange d'eau et 

d'alcool égal au volume du vin, et contenant la même 

proportion d'alcool 

0.9851, 

chiffre correspondant à 11.55 d'alcool. 



ALCOOMÉTRIE. 413 

Le dosage direct de l'alcool a donné pour densité du 
mélange alcoolique 0.9837 et pour quantité d'alcool 
12.34. La différence en moins par la méthode Tabarié 
s'est élevée dans ce cas à 0.79. 



On voit, par les détails qui précèdent, combien sont 
variés et nombreux les procédés qui ont été proposés 
pour arriver à la détermination de la richesse alcoolique 
des vins, la distillation préalable, l'ébullition, la dilata- 
tion, la tension superficielle, la capillarité peuvent don- 
ner, dans les conditions que nous avons précisées, des 
indications exactes, mais nous devons reconnaître que" 
le procédé le plus connu et le plus répandu est encore 
celui de Gay-Lussac, fondé sur la distillation et l'emploi 
de l'alcoomètre centésimal, ce procédé peut, du reste, 
être plus ou moins modifié suivant les convenances de 
chaque opérateur quant à la forme et aux dimensions 
de l'appareil distillatoire. 

Quel que soit le procédé expérimental auquel on ait 
recours, l'évaluation de la richesse alcoolique des vins 
et de tous les autres liquides spiritueux, est toujours 
faite en France, d'après les principes que nous avons 
énoncés et le nombre qui exprime cette richesse alcoo- 
lique représente la proportion en volume de l'alcool 
contenu dans le liquide. 

Ce nombre donne les centièmes en volumes d'alcool 
absolu existant dans la liqueur alcoolique à la tempé- 
rature de 15°, on le désigne ordinairement sous le nom 
de degré alcoolique ou degré alcoométriquc. 



414 ŒNOLOGIE. 

Il peut être utile de comparer ces degrés exprimant 
des volumes aux nombres de centièmes d'alcool en poids 
existant dans un liquide alcoolique ne contenant que de 
l'eau et de l'alcool. Nous avons fait ce calcul pour cha- 
que degré de l'échelle alcoométrique de 5° à 20°, et de 
5° en 5° à partir de ce dernier chiffre en prenant pour 
densité de l'alcool 0.795. Les résultats sont consignés 
dans le tableau suivant : 



DEGRÉS 

de 

l'alcoomètre 
centésimal 


PRnpnnTirkv 
rnUrUn. I llhN 

d'alcool en poids 
sur 100 


DEGRÉS 

do 

l'alcoomètre 
centésimal 


PROPORTION 

U. (U t U U 1 cii UUlUo 

sur 100 


5 


4.01 


25 


20.94 


6 


4.82 


30 


25.41 


7 


5.64 


35 


29.97 


8 


6.46 


40 


34.64 


9 


7.28 


45 


39.41 


10 


8.12 


50 


44.28 


11 
12 


8.94 


55 


49.28 


9.78 


60 


54.37 


33 


10.61 


65 


59.61 


14 


11.45 


70 


64.97 


15 


12.30 


75 


70.45 


16 


13.15 


80 


76.07 


17 


14.00 


85 


81.83 


18 


14.85 


90 


87.73 


19 


15.71 


95 


93.79 


20 


16.58 


100 


100.00 



Nous avons vu, dans les études sur les travaux de 
M. Berthelot au sujet de la formation des éthers dans 
les vins, que la proportion d'alcool était exprimée en 
poids dans les calculs relatifs à cette question. Toute- 
fois les chiffres qu'il faut faire intervenir dans ces cal- 



ALCOOMÉTRIE. 415 

culs ne sont pas ceux que nous venons d'obtenir. Ces 
derniers s'appliquent, comme les degrés alcoométriques, 
à la liqueur totale, tandis que ceux que nous avons 
donnés dans les tableaux des pages 249 et 251 se rap- 
portent à l'eau et à l'alcool seulement. 



Après avoir étudié les différents procédés que Ton 
peut employer pour déterminer la richesse alcoolique 
des vins, il serait intéressant de publier un tableau 
résumant les résultats obtenus dans chaque vignoble, 
de manière à donner une idée exacte de la teneur en 
alcool des différents vins. 

A en juger seulement par le nombre considérable 
d'observations qui ont été faites depuis le commence- 
ment de ce siècle sur des échantillons de vins de toute 
espèce et de toute origine, il semblerait que la confec- 
tion d'un tableau complet ne doit présenter aucune dif- 
ficulté. Mais si on examine de près comment tous ces 
travaux ont été faits, on arrive à reconnaître que les 
chiffres qui résultent de ces recherches, malgré leur 
exactitude, ne nous offrent pas toujours des résultats 
comparables pouvant conduire à des conséquences 
sérieuses. 

Presque toujours les auteurs qui se sont occupés de 
cette question se sont contentés de réunir un nombre 
assez considérable d'échantillons de vins de différents 
climats, de différentes années, on en a déterminé la 
richesse alcoolique et on a pris la moyenne de cinquante 
ou soixante résultats ainsi obtenus. Or, une pareille 



416 ŒNOLOGIE. 

moyenne ne nous donne aucune indication précise, on 
en obtiendrait une toute différente en prenant cinquante 
échantillons autres que les premiers. 

Si on examine la plupart des expériences connues, 
on trouve que la richesse alcoolique des vins, telle 
qu'elle résulte de ces essais si multiples, peut varier de 
4 d'alcool à près de 25 0/0, limites présentant un écart 
considérable, et par conséquent n'ayant, au point de 
vue de l'application pratique, aucune signification. 

Aussi, sans renoncer à donner, après les avoir grou- 
pés convenablement, quelques-uns de ces résultats, 
nous croyons devoir nous occuper d'abord de la richesse 
alcoolique des vins d'un même vignoble, afin de mon- 
trer, par la manière dont nous discuterons les chiffres 
connus, ce que Ton devrait faire dans les localités sem- 
blables pour arriver à des indications utiles. 

Nous prendrons pour exemple l'étude de la richesse 
alcoolique des vins de la Côte-d'Or, et particulièrement 
ceux des environs de Beaune, où ont été faites les dé- 
terminations qui vont nous servir de point de départ. 
Nous nous occuperons seulement des vins naturels, 
tels qu'on les obtient par les procédés de vinification 
ordinaires, et sans addition d'aucune matière étrangère, 
sucre ou alcool, destinée à en augmenter la force ou à 
en modifier les qualités. 

Rappelons d'abord que la richesse alcoolique des vins 
varie plus ou moins dans le' même vignoble, et pour la 
même année, suivant la nature du cépage, l'âge de la 
Vigne, la composition du sol, le climat, l'exposition, le 
degré de maturité des raisins. D'une année à l'autre on 



ALCOOMÉTRIE. 417 

observe également des différences considérables, toutes 
les autres conditions restant les mêmes. 

Lorsque l'on veut faire une étude suivie sur la quan- 
tité d'alcool contenue dans les vins produits chaque 
année par une même Vigne, il faudra encore tenir 
compte des différences qui peuvent provenir de la ma- 
nière dont le vin a été fait, de l'époque à laquelle a eu 
lieu la détermination de la richesse alcoolique, de la 
méthode d'observation, et enfin, des instruments em- 
ployés par l'observateur. 

Les résultats obtenus pendant un certain temps dans 
un même vignoble, ne seront donc comparables que si 
ces diverses conditions ont été remplies de la même 
manière; sans cela on courrait risque de se méprendre 
sur la cause des variations observées. 

Nous possédons, pour les vins de la Côte-d'Or, une 
série d'observations satisfaisant à toutes ces conditions 
et nous permettant de résoudre toutes les questions qui 
se rattachent à la richesse alcoolique et à sa variation 
clans un vin de même nature et de même origine. Nous 
allons examiner cette série, et cette étude nous mon- 
trera comment on pourrait arriver à un résultat ana- 
logue pour les vignobles des autres contrées, et en 
même temps combien un pareil travail présenterait 
d'utilité et d'avantages. 

Les observations, dont nous allons examiner l'en- 
semble et les conséquences, ont toutes été faites par 
M. de Vergnette; les vins étudiés chaque année pro- 
viennent des mêmes Vignes , ils ont été faits sous la 
direction de l'auteur qui est le propriétaire de ces Vignes 



418 ŒNOLOGIE. 

et en surveille avec soin la culture. On est ainsi par- 
faitement sûr de la pureté des vins, de leur origine et 
en même temps de l'identité absolue des conditions 
dans lesquelles l'analyse a été faite. Chaque année on 
attend, pour distilleries vins et fixer leur richesse alcoo- 
lique , que toute trace de fermentation ait disparu, 
et que le vin commence à s'éclaircir. La méthode suivie 
dans cette recherche est toujours la même, c'est celle 
de Gay-Lussac, telle que nous l'avons précédemment 
indiquée : les appareils employés ont été soigneuse- 
ment conservés , et toutes les précautions ont été 
prises pour rendre les résultats comparables, lorsque 
les instruments ont dû être changés; on a constam- 
ment fait usage de l'alcoomètre centésimal, et toutes 
les déterminations ont été ramenées à la température 
de 15°. 

Après avoir constaté par un grand nombre d'obser- 
vations que, dans le même vignoble les vins de même 
qualité, produits par le même cépage, contenaient à 
très peu près la même proportion d'alcool, M. de Ver- 
gnette en a conclu qu'on pourrait avoir une idée suffi- 
samment exacte de l'ensemble des vins des vignobles 
de la Côte-d'Or, en étudiant seulement un petit nombre 
de types représentant les vins des différentes catégo- 
ries. Il a pensé qu'avec cinq types bien choisis on 
pouvait arriver à ce résultat, et depuis 1848 il a déter- 
miné la richesse en alcool de ces cinq variétés de vin, en 
les prenant chaque année exactement dans les mêmes 
conditions. 

M. de Vergnette a choisi pour représenter les cinq 



ALCOOMÉTRIE, 419 

variétés de vin qu'il a voulu étudier les types sui- 
vants : 

1° Vins blancs, 1" cuvée, Genévrières de Meursault; 
2° Vins rouges, l re cuvée, Rugiens de Pommard ; 
3° — 2 e Pommard; 

4° — bon ordinaire, Passe - tout - grain de 

Meursault. 
5° Vins rouges, Gamay commun. 

Le tableau suivant donne les résultats fournis par 
l'analyse de ces mêmes vins, pendant douze années 
consécutives, à partir de 1848 : 



ANNÉES 



1848 
1849 
1850 
1851 
1852 
1853 
1854 
1855 
1856 
1857 
1858 
1859 



TINS BLANCS 
Genévriôres 

MEURSAULT 



13.10 
13.20 
11.80 
11.05 
11.80 
11.60 
13.09 
12.05 
12.42 
13.10 
13.95 
13.02 



1» CUVÉE 

POMMARD 



11.84 
11.60 
10.74 
9.90 
10.90 
10.44 
12.25 
10.00 
11.15 
12.20 
13.24 
12.25 



VINS ROUGES 
2e CUVÉE BON ORDINAIRE 

MEURSAULT 



10.90 
11.34 
10.30 
9.40 
9.57 
9.20 
11.95 
9.80 
10.50 
11.85 
12.40 
11.60 



9.40 
9.70 
8.07 
7.94 
7.50 
7.70 
10.20 
7.70 
7.70 
10.00 
11.45 
9.91 



VIN 

COMMUN 



8.70 
8.95 
7.50 
7.00 
7.00 
7.05 
9.95 
6.90 
6.80 
9.50 
9.50 
8.90 



Examinons maintenant les conséquences que l'on 
peut déduire de ces résultats, nous introduirons comme 
éléments dans cette discussion d'autres chiffres fournis 



420 ŒNOLOGIE. 

par des vins de la même origine et remontant jusqu'à 
la récolte de 1822. 

Le maximum de la richesse alcoolique obtenue pen- 
dant cette période correspond à Tannée 1858. Ces nom- 
bres n'avaient été atteints et dépassés auparavant que 



deux fois depuis 1822, en 1825 et en 1846. 
Nous trouvons en 1825 : 

Yin blanc, Montrachet, Puligny 14.90 

Yin rouge, Romanée, Vosne 14.00 

En 1846 : 

Vin blanc, Genévrières, Meursault .... 14.95 
id., Luxeuil, id 14.07 

Vin rouge, Rugiens, Pommard 13.50 

id., bon ordinaire 12.65 

id., commun 10.97 

Ils ont été également dépassés en 1865, voici les 
résultats donnés par les vins de cette année remar- 
quable : 

Vin blanc, Genévrières, Meursault .... 14.80 

Vin rouge, Rugiens, Pommard 14.20 

id., bon ordinaire, Meursault . . 12.05 
id., Gamay, ordinaire 10.05 



Si nous cherchons le minimum de la proportion d'al- 
cool observée pendant cette même période, nous le 
trouvons dans la série des mauvaises années qui se sont 
succédées de 1850 à 1856. 



ALCOOMÉTRIE. 421 

On n'a rencontré de 1822 à 1846 aucune valeur infé- 
rieure au minimum constaté pendant cette série. 

Il nous est possible, au moyen des données qui pré- 
cèdent, d'établir le maximum et le minimum de la 
richesse alcoolique des vins de la Côte-d'or pour les 
cinq variétés que nous avons désignées. 

Le tableau suivant contient cette indication : 



DÉSIGNATION 

DES VINS 


MAXIMUM 


MINIMUM 


DIFFÉRENCES 


Vins blancs fins .... 


14.95 en 1846 


11.05 en 1851 


3.90 


Vins rouges, l re cuvée. 


44.20 en 1865 


9.90 en 1851 


3.60 


Id. 2 e cuvée . 


12.74 en 1846 


9.20 en 1853 


3.54 


Id. bon ord re . 


12.05 en 1865 


7.50 en 1852 


3.95 


ld. vin commun. 


10.08 en 1865 


6.80 en 1856 


3.15 



La comparaison des résultats que nous venons de 
rapporter peut encore nous permettre une discussion 
plus complète. Ainsi de 1848 à 1859, c'est-à-dire dans 
un intervalle de 12 ans, il y a eu, sous le rapport de la 
qualité, six années que l'on peut considérer comme 
bonnes, mais à des titres différents ; c'est-à-dire que le 
vin de ces six années se recommandait par des qualités 
un peu différentes : ce sontles années 1848, 1849,1854, 
1857, 1858 et 1859. Les six autres, au contraire, peu- 
vent être considérées comme des années médiocres, 
toujours au même point de vue. 

Nous avons donc, d'une part, un groupe de six 

24 



422 • ŒNOLOGIE. 

bonnes années, et un autre de six années médiocres ; 
nous pouvons calculer dès lors la richesse alcoolique 
moyenne de chacune de ces variétés pour les bonnes et 
pour les mauvaises années. On trouve en faisant ce cal- 
cul les résultats suivants : 





VINS 


VINS ROUGES 




BLANCS 


1" 




BON 


VIN 




fins 


CUVÉE 


CUVÉE 


ORDINAIRE 


COMMUN 


Moyennes des bon- 
nes années. . . 


13.23 


12.29 


11.50 


10.12 


9.25 


Moyennes des an- 
nées médiocres 


11.78 


10.52 


9.79 


7.76 


7.04 


Différences .... 


1.45 


1.77 


1.71 


2.36 


2.21 



Ainsi, dans la période que nous venons d'examiner, 
la différence entre la moyenne des bonnes années et la 
moyenne des années médiocres est plus faible pour les 
vins blancs fins que pour les vins rouges. Parmi les der- 
niers cette même différence est plus élevée dans les 
vins de Gamay que dans les vins de Pinot. 

Nous pouvons résumer ces résultats pour les trois 
variétés les plus importantes des vins de la Côte-d'Or, 
dans les conclusions suivantes : 

Pour les grands vins blancs, la richesse alcoolique 
peut atteindre 14.95, elle peut descendre à 11 pour cent. 
Elle est en moyenne 13.28 dans les bonnes années et 
11.78 dans les années médiocres. 



ALCOOMÉTRIE. 423 

Pour les grands vins rouges (Pinot), la richesse 
alcoolique peut s'élever à 14, et s'abaisser jusqu'à 9.90. 
Elle est en moyenne égale à 12.29 dans les bonnes an- 
nées et à 10.52 dans les années médiocres. 

Pour les vins communs (Gamay), la richesse alcoo- 
lique peut s'élever à 10.00 et descendre à 6.80 ; elle est 
en moyenne égale à 9.25 dans les bonnes années et à 
7.04 dans les années médiocres. 

Quoique ces chiffres soient établis sur une série d'ob- 
servations de douze années seulement, nous rappellerons 
qu'il résulte d'un nombre très considérable de détermi- 
nations embrassant plus de cinquante ans que les varia- 
tions observées dans ce long intervalle ne sont pas très 
grandes, et que les chiffres qui précèdent peuvent être 
considérés comme représentant la moyenne de la ri- 
chesse alcoolique des différentes variétés de vins de la 
CÔtè-d'Or. 

Nous avons tenu à citer l'ensemble qui précède 
comme un modèle à suivre et il est fort à désirer que, 
dans les autres vignobles, on établisse des séries sem- 
blables qui permettraient de se faire une idée exacte des 
variations que présente dans chaque contrée la richesse 
alcoolique des différentes espèces de vins. 

L'étude que nous venons de faire exigerait, pour être 
complète, rénumération des principaux résultats qui 
ont été publiés sur la richesse alcoolique des vins des 
différents vignobles, mais comme il est arrivé souvent 
que les auteurs qui se sont occupés de cette question 
ont fait également d'autres déterminations sur les 
mêmes produits, nous préférons ne pas scinder leurs 



424 ŒNOLOGIE. 

travaux et nous donnerons les chiffres correspondants 
à l'alcool avec ceux qui se rapportent au dosage des 
autres éléments. 



Si nousTevenons maintenant aux principes sur les- 
quels est basée l'alcoométrie, telle que nous l'avons 
exposée, en nous limitant à ses rapports avec Fœno- 
logie, nous reconnaissons sans peine combien ils sont 
simples et rationnels. Ils reposent uniquement sur la 
nature bien connue de l'alcool absolu, et sur les pro- 
priétés que nous offrent les mélanges de ce corps avec 
l'eau, et il ne peut y avoir aucune erreur sur les résul- 
tats énoncés, quand on a bien soin de définir les con- 
ditions dans lesquelles on compare ces différents mé- 
langes; ces résultats sont alors des plus naturels, et 
aucune hésitation, ni aucun doute ne peuvent s'élever 
sur leur valeur et leur signification. 

Les droits établis sur les liquides alcooliques et per- 
çus en France par l'Administration des contributions 
indirectes reposent sur la même base et portent exclu- 
sivement sur l'alcool absolu que ces liqueurs contien- 
nent ; leur valeur est par conséquent déterminée au 
moyen de l'alcoomètre centésimal. 

Ce mode d'estimation a cours légal depuis le 1 er jan- 
vier 1825; il a été rendu obligatoire par l'article 1 er 
de la loi du 24 juin 1824, à laquelle se trouvent an- 
nexées les tables de concordance des degrés centési- 
maux et des degrés de Cartier calculées par Gay-Lussac 
et que nous avons reproduites p. 361 et 362. 



ALCOOMÉTRIE. 425 

Malheureusement cette méthode si rationnelle n'est 
pas en usage partout, et cette circonstance a souvent 
donné lieu à bien des mécomptes et des confusions. 
Aussi nous croyons faire une digression très utile en 
passant en revue les différents systèmes employés dans 
les autres états pour la solution de cette question; cette 
étude nous fournira des observations du plus haut in- 
térêt, en même temps qu'elle nous permettra de réunir 
un ensemble de renseignements que le commerce des 
vins et des spiritueux a souvent besoin de consulter. 

Plusieurs états et notamment la Suède ont depuis 
longtemps adopté l'alcoomètre centésimal de Gay- 
Lussac comme base de la perception des droits sur les 
eaux- de-vie et les esprits. Ce résultat pour les États 
Scandinaves paraît dû à l'influence de Berzélius et aux 
relations de ce savant avec Gay-Lussac qui lui a com- 
muniqué les nombres ayant servi de point de départ à 
ses travaux sur l'alcoométrie. 

Pour établir nettement combien il est regrettable 
que cette mesure n'ait pas été généralisée, et qu'une 
entente sur ce point important n'existe pas entre tous 
les gouvernements, nous examinerons d'abord quelle 
est à ce sujet la législation adoptée dans les Iles- 
Britanniques, c'est celle qui s'écarte le plus du système 
que nous venons d'étudier. 

En Angleterre, au lieu de prendre pour point de 
départ dans l'estimation de la force alcoolique des 
liquides spiritueux l'alcool absolu et d'apprécier leur 
valeur d'après le volume en centièmes de l'alcool pur 
qu'ils contiennent, on part d'un composé d'alcool et 



426 ŒNOLOGIE. 

d'eau dans des proportions fixes que l'on appelle 
esprit de preuve (proof spirit), et l'on détermine la 
force de chaque liquide par la quantité d'eau qu'il faut 
lui ajouter ou lui enlever pour l'amener au degré de 
l'esprit de preuve. 

La densité et par conséquent la composition de cet 
esprit de preuve sont fixées par la loi ; un acte du Par- 
lement britannique, du 2 juillet 1816, porte que 
V esprit de preuve pèse autant que les 12/13 d'un 
égal volume d'eau distillée à la température de 51° 
Fahrenheit (10°5 centigrades) ; c'est-à-dire que sa 
densité est à la densité de l'eau dans le rapport de 
12 à 13 à la température indiquée. Cette densité est 
donc exprimée dans ces conditions par 0.92307 ; elle 
devient 0.91846 à la température de 15° (59° F). 

L'esprit de preuve, type d'Angleterre, contient à peu 
près le même poids d'alcool et d'eau. On a trouvé en 
effet pour sa composition les nombres suivants en poids : 

Alcool. . . . 49.24 
Eau 50.76 

100.00 

tandis qu'en volumes la proportion est exprimée par 

Alcool. . . . 57.06 
Eau 46.68 

1 03 . 74 , chiffre ramené 
par la contraction à 100 volumes. Dans cette détermi- 
nation la densité de l'alcool qui a servi aux expériences 
était représentée par 0.7938. 



ALCOOMÉTRIE. 427 

D'après les tables admises pour exprimer la densité 
de l'alcool et celle des mélanges alcooliques, l'esprit de 
preuve contient 55.5 °/ 0 en volumes d'alcool pur à la 
température de 10°5 et par conséquent l'alcoomètre 
centésimal de Gay-Lussac y marquerait 57 c 5 à 15°. 

En d'autres termes l'esprit de preuve, type d'Angle- 
terre (proof spirit) contient 57 c 5 % d'alcool pur à la 
température de 15°. 

Pour établir la perception des droits sur un liquide 
spiritueux donné, on distingue deux cas. 

Si ce liquide est plus riche en alcool que l'esprit de 
preuve (above-proof ou over-proof), on y ajoute par la 
pensée le volume d'eau nécessaire pour l'amener à 
l'état de preuve, et c'est le volume ainsi formé qui est 
frappé du droit de Y excise. 

Si, au contraire, le liquide est moins riche en alcool 
que l'esprit de preuve (beloiv- proof ou under-proof), 
on diminue son volume de celui de l'eau qu'il contient 
en plus et c'est sur le volume ainsi obtenu que l'on 
perçoit le droit. 

Ainsi la loi impose le droit sur le volume d'esprit de 
preuve que peut fournir le liquide spiritueux soumis à 
l'examen. On appelle percentage le tant pour cent 
d'eau qu'il faut, par la pensée, ajouter ou soustraire 
pour amener ce liquide à l'état d'esprit de preuve. 

On a construit en Angleterre plusieurs instruments 
destinés à l'essai des liquides spiritueux et appropriés 
aux exigences de la loi à différentes époques. Ces ins- 
truments sont des aréomètres appelés aussi hydro- 
mètres , ils sont en métal et accompagnés de poids 



428 ŒNOLOGIE. 

additionnels; nous allons décrire avec détails celui qui 
est usité aujourd'hui. Parmi les instruments abandon- 
nés nous citerons ceux de Clarke, de Dycas, d'Atkins, 
qui ont été reoiplacés par Thydromètre de Sikes dont la 
construction a pour point de départ le texte de l'ordon- 
nance du 2 juillet 4816. 




L'hydromètre de Sikes représenté par la figure ci- 
dessus est formé par une tige d'environ 9 centimètres 
de long soudée à une boule de 4° de diamètre, à cette 
môme boule est également soudée une tige conique de 



ALCOOMÉTRIE. 429 

3 centimètres de longueur qui se termine par un petit 
bouton pyriforme de 12 mm de diamètre servant à lester 
l'appareil. Cet instrument est en laiton, il a comme on 
le voit la forme générale des aréomètres. 

La tige supérieure est aplatie et porte sur chacune 
de ses faces une échelle divisée en dix parties, chaque 
partie est subdivisée en cinq, de manière que l'échelle 
tout entière, de 0 à 10, porte cinquante divisions. 

La tige inférieure est légèrement conique, elle peut 
recevoir des poids en forme de disque, percés à leur 
centre et que Ton met en place au moyen d'une échan- 
crure; la figure ci-contre représente ces poids qui sont 
au nombre de 9 et numérotés de 10 à 90. Dans notre 
dessin, un de ces poids est figuré en place, c'est le 
poids 90, et nous allons voir que l'appareil tel qu'il 
est s'enfoncerait dans l'eau distillée à 15°, au point 
marqué 10 sur la graduation , lequel correspond dès 
lors au chiffre 100 de l'échelle totale. 

L'appareil est lesté de telle façon que sans poids 
additionnel, il s'enfonce jusqu'au trait zéro de la gra- 
duation, à la température de 15° dans l'alcool pur. 

Naturellement il s'enfoncera moins dans un alcool 
étendu, et avec des alcools dont les densités iront en 
diminuant il arrivera au trait 10, alors, au moyen du 
premier poids additionnel, marqué 10, on le fera re- 
monter dans ce même liquide jusqu'au zéro, on com- 
prend dès lors que l'échelle totale allant de 0 à 100, on 
aura le point correspondant à un affleurement quel- 
conque en ajoutant le nombre inscrit sur le poids addi- 
tionnel et celui donné par la graduation de la tige, et 



430 ŒNOLOGIE. 

par conséquent 0 correspond à l'alcool pur, et 100 à 
l'eau distillée. 

Il existe un dixième poids additionnel ayant la forme 
d'un parallèlipipède et que l'on désigne sous le nom de 
chapeau. Nous l'avons représenté dans la figure précé- 
dente; ce poids offre une cavité qui permet de le placer 
au sommet de la tige, il sert à vérifier l'instrument. 

Quand on le place sur la tige et qu'on emploie le poids 
additionnel 60, l'instrument doit affleurer à la division 
0.8 dans l'eau distillée et à la température de 51°F. 
Or, comme dans l'esprit de preuve à cette température 
avec le poids additionnel 60, l'affleurement a lieu à ce 
même point 0.8, le chapeau représente la surcharge 
nécessaire pour que dans l'eau et dans l'esprit de preuve 
l'affleurement ait lieu au même point à 51 °F. ; en d'au- 
tres termes, c'est la différence de poids entre l'eau pure 
et l'esprit de preuve pour un volume égal à celui de la 
partie immergée. 

Quand on veut, avec un appareil de ce genre, déter- 
miner la richesse alcoolique d'une liqueur spiritueuse, 
on commence par l'enfoncer à la main dans le liquide 
jusqu'à ce que l'échelle soit entièrement submergée 
et d'après la force employée on jugera quel est le dis- 
que qu'il faut fixer à la tige conique inférieure. On 
arrivera facilement à trouver celui qui permet à l'appa- 
reil de se tenir en équilibre au sein du liquide à un 
point de l'échelle affleurant à la surface. 

Alors on notera le point d'affleurement, en ayant soin 
de lire en-dessous, c'est-à-dire sans tenir compte de la 
portion de liquide qui mouille la tige en vertu de la 



ALCOOMÉTRIE. 431 

capillarité, le chiffre marqué au point où la tige affleure 
le niveau du liquide sera ajouté à celui qui est inscrit sur 
le poids additionnel employé. On prend en même temps 
la température du liquide au moyen d'un thermomètre. 

A l'aide de ces deux chiffres, et d'une table construite 
spécialement pour cet objet, on aura immédiatement la 
valeur du liquide essayé en esprit de preuve. 

Les indications de cet instrument, sur le principe 
duquel nous reviendrons tout-à-l'heure, sont comme 
on le voit tout-à-fait arbitraires, elles donnent un chiffre 
qui ; pour être utilisé et avoir une signification, exige 
l'emploi d'une table très volumineuse. 

Cette table, qui n'a pas moins de 100 pages, donne le 
tant pour cent (percentage) corrigé de l'influence de la 
température, depuis 30° jusqu'à 80° F. ( — l°.ll à 
26°. 66) ; la température à laquelle toutes les valeurs 
sont rapportées est celle de 59° F. (15°). 

Pour chaque température la table donne les degrés 
de l'instrument de 0 à 100 et leurs cinquièmes, et à 
côté le tant pour cent au-dessus de la preuve ou au- 
dessous de la preuve. On distingue souvent ces deux 
indications par o. p. et u. p., qui sont les abréviations 
des mots over-proof et under-proof. 

Supposons par exemple que l'on ait employé le 
poids marqué 50 et que l'affleurement ait lieu à la divi- 
sion 1.2, la température donnée par le thermomètre 
étant de 68° F. 

On trouvera dans la table, vis-à-vis le chiffre 51.2 et 
au-dessous du chiffre 68 indiquant la température, le 
nombre 8. 4 avec l'indication au-dessus de preuve (o.p.) 



432 ŒNOLOGIE. 

ce qui signifie que le liquide essayé est de 8.4 pour 
cent au-dessus de l'esprit de preuve. Ainsi cet esprit 
contient sur 100 litres la même quantité d'alcool que 
108 1 .4 d'esprit de preuve. 

Supposons maintenant un autre liquide pour lequel 
on a employé le poids 60 avec la même indication sur 
l'échelle et à la même température, la table donne, pour 
la force de ce liquide, 6.2 pour cent au-dessous de 
preuve (u.p). Il en résulte que 100 litres de ce liquide 
contiennent 93 1 .8 d'esprit de preuve. 

Nous transcrivons dans le tableau qui suit un extrait 
de la table donnant le tant pour cent au-dessus et au- 
dessous de la preuve pour les indications de l'instru- 
ment, de 56 à 62, à la température de 59°F (15 n ). 





Tant pour cent 




Tant pour cent 


INDICATION 


au-dessus 


INDICATION 


au-dessous 


de 


de la preuve 


de 


de la preuve 


l'instrument 


Percerdage 


l'instrument 


Percentage 




over proof 




under proof 


56.0 


4.5 


59. 




56.2 


4.2 


59 2 


0.3 


56.i 


3.9 


59.4 


0.6 


56.6 


3.6 


59.6 


0.9 


56.8 


3.3 


59.8 


1.2 


57. 


3. 


60. 


1.5 


57.2 


2.7 


60.2 


1.8 


57.4 


2.4 


60.4 


2.1 


57.6 


2.1 


60.6 


2 5 


57.8 


1.8 


60.8 


2.8 


58. 


1.5 


61. 


3 1 


58.2 


1.2 


61.2 


3.4 


58 4 


0 9 


61.4 


3.7 


58.6 


0.6 


61.6 


4 1 


58.8 


0.3 


61.8 


4 4 


59. 




62. 


4.7 



ALCOOMÉTRIE. 433 

Ainsi à cette température de 59°F (15°), le degré 59 
de l'instrument correspond à l'esprit de preuve que 
nous avons précédemment défini. Au-dessous de ce 
chiffre on a de l'esprit au-dessus de preuve et au-dessus 
du même chiffre on a de l'esprit au-dessous de preuve. 
Le trait plein marqué en face du degré correspondant à 
la force de l'esprit de preuve sépare, dans les tables, 
les deux ordres d'indication. 

Si l'instrument a donné 57.4, cela veut dire que 100 
litres du liquide essayé contiennent 102 1 .4 d'esprit de 
preuve ; si au contraire il donne 61.4, cela veut dire 
que 100 litres de ce liquide ne renferment que 96 1 .3 du 
même esprit de preuve. 

La table complète forme un volume publié sous ce 
titre : Tables for ascertaining ihe strength of spirits 
with Sikes's hydvometer. London. Elle est souvent 
précédée de l'acte du Parlement du 2 juillet 1816 et elle 
accompagne chaque instrument. 

Plusieurs ouvrages donnent la correspondance de 
l'hydromètre de Sikes et de l'alcoomètre centésimal de 
Gay-Lussac, il importe de bien comprendre dans ce cas 
ce que l'on doit entendre par degrés de cet hydromètre. 

On suppose que l'hydromètre de Sikes donne 0 avec 
l'eau pure et 100° avec l'esprit de preuve, à la tempé- 
rature de 15°, l'intervalle est divisé en 100 parties 
égales, et chaque chiffre représente un degré de l'hy- 
dromètre de Sikes au-dessous de l'esprit preuve. Dans 
ces conditions, voici la concordance des deux sortes de 
degrés qui comprennent tous les degrés de l'alcoomètre 
centésimal de 0 à 57.5, titre de l'esprit de preuve. 

25 



434 



ŒNOLOGIE. 



Comparaison des degrés de Sikes (au-dessous de preuve) et 
des degrés correspondants de l'alcoomètre centésimal, 

à 15o (59o F.). 



DEGRES 


DEGRES 


DEGRÉ- 


DEGRES 


DtGRÉ^ 


DEGRÉS 


Sikes 


do 


Sikes 


de 


Sikes 


de 




l'alcoomètre 


_ 


l'alcoomètre 


_ 


l'alcoomètre 


D. P. 


centésimal 


U. P. 


centésimal 


U. I'. 


centési mal 




0 6 


34 


1 y .d 


RI 


— 

38.5 


2 


1 1 


35 


9fi 1 
au. 1 


Do 


on 4 

ou .1 


3 


1.7 


36 


au . t 


oy 


39 .7 


4 


2 3 


37 


91 Q 

al .0 


70 


40.2 


5 


2.9 


38 


91 fi 
al .o 


7 1 
1 1 


/. (\ 0 
•fv.o 


g 


0.+ 


39 


za.* 


72 


41.4 


7 


4-* 


*u 


£)•) 


73 


41.9 


3 


h fi 




23 6 


74 


42.5 


g 


D'A 


4-2 


24 1 


1 D 


4J l 


10 


fi 7 
0. 4 


43 


24.7 


7A 
1 0 


>4Q 7 


11 


A Q. 


4i 


9 e ; q 
aD. 0 


77 


44 3 


12 


A Q 


45 


9*; 0 
ao.y 


7Q 


44.8 


13 


i 'O 


46 


26 4 


/ 9 


45 4 


14 


Q 


47 


27 


fin 
ou 


46. 


15 


8-6 


48 


27 6 


fi 1 


40.6 


16 


Q 9 


49 


28 2 


oq 
oa 


47.1 


17 


9.8 


50 


28 7 


fi*} 
00 


47.7 


18 


10 3 


51 


29 3 


8i- 


48.3 


19 


10 9 


52 


29 9 


0 - 

OD 


48 9 


20 


1 1 5 


53 


30 5 


CA 


49. ï 


21 


12 1 


5i- 


31. 


87 


ou 


22 


12 6 


55 


31.6 


88 


50-6 


23 


13 2 


56 


32^2 


89 


51 1 


2i 


13.8 


57 


32.8 


90 


51 7 


25 


H. 4 


58 


33.3 


91 


52 3 


26 


15. 


59 


33.9 


92 


52.9 


27 


15 5 


60 


34.5 


93 


53 4 


28 


16.1 


61 


35.1 


94 


54. 


29 


16.7 


62 


35.6 


95 


54.6 


30 


17.2 


63 


36.2 


96 


55.2 


31 


17.8 


64 


36.8 


97 


55.7 


32 


18.4 


65 


37.4 


98 


56 3 


33 


18.9 


66 


37.9 


99 


56.9 










100 


57.5 



ALCOOMÉTRIE. 



435 



Comparaison des degrés de l'alcoomètre centésimal avec les 
degrés correspondants de Sikes (au-dessous de preuve), 
à 15« (59° F.). 



DEGRÉS 


DEGRÉS 


DEGRÉS 


DEGRÉS 


DEGRÉS 


DEGRES 


do 


Sikes 


de 


Sikes 


de 


Sikes 


l'alcoomètre 


i 


l'alcoomètre 


■ . . ' 1 


l'alcoomètre 


1 


centésimal 


U. P. 


cenlésimal 


U. P. 


centésimal 


u. P 


| 


1.7 


21 


36.5 


40 


69.6 


2 


3.5 


22 


38.3 


41 


71.3 


3 


5.2 


23 


40. 


42 


73.1. 






24 


41.8 


43 


74.8 


5 


8.7 


25 


43.5 


44 


76.6 


Q 


10. 4 


26 


45.2 


45 


78.3 




12. 2 


27 


47. 


46 


80. 


8 


13.9 


28 


48.7 


47 


81.8 


9 


15 7 


29 


505 


48 


83.5 


10 


17.4 


30 


52.2 


49 


85.3 


1 1 


1 Q 1 

iy. i 


0 I 


53.9 


50 


87. 


12 


20.9 


32 


55.7 


51 


88.7 


13 


22.6 


33 


57.4 


52 


90.5 


14 


MA 


34 


59 2 


53 


92.2 


15 


26.1 


35 


60.9 


54 


94. 


16 


27.8 


36 


62.6 


55 


95.7 


17 


29.6 


37 


61.4 


56 


97.4 


18 


31.3 


38 


66.1 


57 


99 2 


19 


33.1 


39 


P7.9 


58 


100.9 


20 


3'*.8 











On peut donc construire des alcoomètres portant sur 
leur graduation les degrés de Sikes, dont nous venons 
d'établir la concordance avec les degrés centésimaux. 
Ces alcoomètres sont exactement semblables, quant à la 
forme et l'usage, à l'alcoomètre centésimal. 

Il existe une autre table allant de l'esprit de preuve 
à l'alcool absolu et comprenant par conséquent les 
degrés de Sikes au- dessus de l'esprit de preuve (over 



436 ŒNOLOGIE. 

proof), nous nous dispenserons de la reproduire, les 
tables qui précédent dépassant déjà de beaucoup les 
nombres que Ton peut obtenir dans l'analyse des vins. 

L'intérêt qui s'attache à l'étude de toutes ces ques- 
tions surtout pour les relations internationales, explique 
suffisamment les détails dans lesquels nous sommes 
entrés sur les procédés suivis en Angleterre pour la 
détermination delà richesse alcoolique des spiritueux, 
quelle que soit leur origine et leur mode de produc- 
tion. 

Quelques observations sont maintenant nécessaires 
pour bien faire comprendre l'analogie qui existe entre 
ces instruments que l'on désigne le plus souvent sous 
le nom d'hydromètres, et les appareils que nous avons 
précédemment décrits, ils rentrent tous dans la ca- 
tégorie des aréomètres que l'on désigne sous le nom 
d'aréomètres à poids constant et à volume variable. 

Ordinairement avec ces sortes d'appareils, lorsque 
l'on veut sans allonger outre mesure la tige de l'instru- 
ment, obtenir une grande précision en donnant à cha- 
que degré une dimension qui permette d'en évaluer la 
moitié ou même une fraction plus petite, on construit 
une série d'appareils dont chacun doit être employé 
dans un intervalle déterminé. 

Ainsi, au lieu d'avoir un alcoomètre centésimal de 
Gay-Lussac portant sur son échelle une graduation 
allant de 0 à 100°, on aura trois instruments différents. 

Le premier ira de 0 à 25% il servira pour l'analyse 
des flegmes et pour la détermination de la richesse 
alcoolique des vins et des autres liqueurs fermentées. 



ALCOOMÉTRIE. 437 

La graduation du second commencera à 20° et ira 
jusqu'à 60°, on l'emploiera pour les eaux-de-vie, et les 
liqueurs analogues. 

Le troisième partira de 40° et pourra s'élever jus- 
qu'à 400°, il servira, pour les liquides alcooliques em- 
ployés en pharmacie, pour les trois-six et les alcools plus 
riches. 

On pourra même augmenter, si l'on veut, le nombre 
de ces instruments dont la réunion constitue un alcoo- 
mètre complet. 

La forme de tous ces appareils sera identique et leur 
emploi sera réglé suivant les besoins ; leur volume res- 
tant à peu près le même, les différences qu'ils accusent 
seront dues à la variation du poids du lest utilisé dans 
leur construction . 

On arrive au même résultat avec un seul appareil 
et l'usage des poids déterminés et marqués qui peuvent 
être fixés à sa partie inférieure, ces poids modifient 
celui de l'instrument et ils sont choisis de telle façon 
que le remplacement de l'un d'eux, par celui qui le 
suit dans la série ramène l'affleurement du point 
extrême inférieur de l'échelle au point de départ. 

Les appareils construits d'après ces principes sont en 
métal, et les poids ou masses qu'on leur ajoute succes- 
sivement sont également métalliques ; ils portent une 
marque qui indique leur valeur et une échancrure ser- 
vant à les fixer. On les renferme ordinairement dans 
une boîte avec la portion fixe de l'instrument. La des- 
cription que nous avons donnée précédemment de l'hy- 
dromètredeSikes,etledessinqui Y accompagne suffisent 



438 ŒNOLOGIE. 

pour expliquer les indications qui précèdent et rendre 
compte du mode d'emploi de ces instruments. Quant à 
leur forme, elle éprouve souvent des changements que 
la description de l'instrument fait comprendre et qui 
sont sans importance. 

Nous nous contenterons de ces observations, notre 
but n'étant pas d'initier à tous les détails de la théorie 
et de la construction de ces appareils, mais seulement 
de permettre aux observateurs de bien comprendre les 
instructions qui les accompagnent toujours, ainsi que 
l'usage des tables qui les complètent. 

L'hydrométre de Sikes, tel que nous venons de le 
décrire, n'est que la reproduction exacte de l'aréomè- 
tre construit au commencement de ce siècle par le 
Dr. Bories de Montpellier. Cet appareil connu sous le 
nom d'aréomètre de Bories était destiné à déterminer 
la richesse alcoolique des eaux- de- vie, il a été long- 
temps en usage dans cette ville où il a rendu de grands 
services à l'industrie. 

Supposons un aréomètre dont la tige est telle qu'elle 
s'arrête à la base dans l'eau pure et au sommet dans 
l'alcool pur ; l'intervalle entre ces deux niveaux mar- 
qués, le premier 0,1e second 100, est divisé en 100 par- 
ties égales, tel est l'aréomètre de Bories. 

On voit en quoi'il diffère de l'alcoomètre de Gay-Lussac 
qui concorde avec lui à ses deux points extrêmes. 

Mais comme cet appareil, s'il avait marqué ainsi tous 
les degrés de 0 à 100, aurait eu une tige trop longue 
et aurait été d'un usage incommode, on n'avait con- 



ALCOOMÉTRIE. 439 

servé sur la tige que dix divisions et on remplaçait le 
lest par des poids différents dont chacun portait un 
numéro qu'il fallait ajouter au degré marqué sur cette 
tige au point d'affleurement. Dans chaque opération, 
on choisissait celui des poids qui convenait pour que 
l'aréomètre pût flotter dans le liquide ; et les détails 
dans lesquels nous venons d'entrer font assez com- 
prendre le mode d'emploi de cet instrument. 

Bories avait construit, au moyen de nombreuses ex- 
périences faites avec beaucoup de soin, une table qui 
indiquait pour chacun des degrés de son instrument de 
zéro à 100 0 la proportion correspondante d'alcool et 
d'eau. 

Depuis 1868 seulement les Etats-Unis d'Amérique 
ont adopté un mode uniforme d'estimation des liquides 
spiritueux. 

La force de ces liquides est calculée d'après une 
force type qui porte, comme en Angleterre, le nom de 
preuve. 

L'article 2 de l'Acte du 20 juillet* 1868 porte que 
l'esprit de preuve (proof spirit) contient la moitié de 
son volume d'alcool pur ayant pour densité 793.9 à 
60° F (15° 55), la densité de l'eau distillée à cette tem- 
pérature étant 1000. 

L'esprit de preuve, type d'Amérique, diffère donc de 
l'esprit de preuve, type d'Angleterre, puisque ce der- 
nier, dans les conditions de la définition que nous ve- 
nons de donner, contient en volume 57,06 d'alcool au 
lieu de 50. Il est identique à celui employé en Aile- 



440 ŒNOLOGIE. 

magne, et on aurait pu se servir, pour apprécier la ri- 
chesse alcoolique, du même instrument l'alcoomètre de 
Tralles dont nous parlerons plus loin. 

On a choisi pour cette estimation un appareil qui 
ne diffère du précédent que par le mode de graduation 
de l'échelle, c'est l'alcoomètre de Tagliabue. 

Cet alcoomètre marque 200 dans l'alcool absolu et 0 
dans l'eau pure ; par conséquent le chiffre 100 corres- 
pond à l'esprit de preuve, type d'Amérique. 

Les chiffres de la graduation au-dessus de 100 
représentent les degrés au dessus de l'esprit de preuve, 
et ceux de la graduation au-dessous de 100 donnent 
par leur complément à 100, les degrés au dessous de la 
preuve. 

Cet instrument ne peut donc fournir immédiatement 
que le volume de l'esprit de preuve contenu dans un 
liquide alcoolique, mais il résulte de la définition de cet 
esprit de preuve, qu'en prenant la moitié des indica- 
tions observées, on aura le degré correspondant de l'al- 
coomètre de Tralles et par suite le volume de l'alcool 
absolu correspondant. 

Nous avons réuni dans le tableau suivant les volumes 
d'alcool et d'eau ainsi que les densités pour chaque 
degré de 10 à 35 et au-delà seulement de 10 en 10. 
Tous les nombres correspondent à la température de 
60" F (15°.55). 

Les nombres inscrits dans ces tableaux permettent 
d'apprécier la valeur de la contraction aux différents 
points de l'échelle alcoométrique : 



• 



ALCOOMÉTRIE. 



s 1 
■S £ 
" a 


VOLUMES 


T1TT VilTI?c: 
U lit i\ 0 1 1 Ej b 


Degrés de l'aie oo- 
melrc Tagliabue 


VOLUMES 


n^'M'^ITK 

U &L\ Ol 1 X-iO 


d alcool 


d' 

eau 


d'cilcool 


d'eau 


10 


5. 


95.32 


0.99289 


30 


15. 


86.20 


0.98114 


11 


5.50 


9 i.85 


0.99224 


31 


15.50 


85.75 


0.98063 


12 


6. 


9i 39 


0.99160 


32 


16. 


85.30 


0.98011 


13 


6.50 


93 93 


0 99098 


40 


20. 


81 .71 


0.97600 


14 


' 7. 


93 48 


0 99036 


50 


25. 


"7.22 


0.97087 


15 


7.50 


93.02 


0 98974 


60 


30. 


72 70 


0.96541 


16 


8. 


92.50 


0.98911 


70 


35. 


68.1 0 


0.95915 


17 


8.50 


92 10 


0.98849 


80 


40. 


63.41 


0.95192 


18 


9. 


91 Gi 


0 98787 


90 


45. 


58 60 


0.94359 


19 


9 50 


91 18 


0.98 25 


100 


50. 


53 71 


0.93W7 


20 


10. 


90. 72 


0.98663 


110 


55. 


48 72 


0.92 \ 27 


21 


10.50 


9^ 26 


0.9S(i08 


120 


60. 


43 67 


0.913 1.6 


22 


11. 


89.81 


0.98552 


130 


65. 


38 56 


0.90211 


23 


11 50 


89 36 


0.98497 


140 


70. 


33 38 


0.89003 


24 


12. 


88 91 


0.98441 


150 


75. 


28.13 


0. 87730 


25 


12.50 


88 45 


0.98386 


160 


80. 


22 81 


0.86384. 


26 


13. 


88. 


0.98330 


170 


85. 


17.41 




27 


13.50 


87.55 


0.98275 


180 


90. 


11.87 


0 83385 


28 


14. 


87 10 


0.98220 


190 


95. 


6.10 


0.81598 


29 


14.50 


86.65 


0.98167 


200 


100. 


0. 


0.79461 



La richesse en alcool des liquides spiritueux est 
évaluée en Prusse au moyen de l'alcoomètre de Tralles, 
que nous avons déjà cité. 

L'alcoomètre de Tralles est gradué de 0 à 100, il 
marque 0 dans l'eau pure, 100 dans l'alcool absolu, et 
chacun des degrés de 0 à 100 exprime le nombre de 
centièmes en volumes de l'alcool absolu contenu dans 
le mélange. Les densités des mélanges alcooliques 
étaient calculées en prenant pour unité la densité de 
l'eau à son maximum, depuis on les a rapportées à la 
densité de l'eau prise à 15°5. 

11 semble donc que cet instrument est devenu abso- 

25. 



442 ŒNOLOGIE. 

lument identique avec celui de Gay-Lussac et qu'il 
doit y avoir concordance complète entre leurs indica- 
tions, cependant les deux échelles qui s'accordent sur 
plusieurs points diffèrent sur d'autres, les différences 
ne s' élevant guère du reste qu'à un demi degré ou un 
degré. Il sera facile, d'après les détails qui suivent, do 
se rendre compte de la cause de cette légère diver- 
gence et des changements qui ont été introduits, il y a 
quelques années, dans sa construction. 

En 1811, le gouvernement prussien demanda à 
l'Académie de Berlin de chercher un moyen sûr et 
commode de reconnaître la valeur des mélanges alcoo- 
liques. Tralles fut chargé de ce travail, et il adopta 
comme hase de ses déterminations les tables de Gil- 
pin établies à la fin du siècle dernier et donnant la 
valeur en poids de la force alcoolique des mélanges 
d'alcool et d'eau de densités déterminées. 

Tralles calcula toutes ces valeurs en volumes, et com- 
pl éta son travail au moyen des tables données par Lowitz 
en 1797, celles de Gilpin avaient été publiées en 1794. 
L'importance des observations de Lowitz vient de ses 
études sur l'alcool absolu qu'il avait réussi à obtenir et 
dont il avait fixé la densité dès 1796. 

Tralles avait d'abord adopté pour unité le poids spé- 
cifique de l'eau à son maximum de densité à 3°. 5 R, 
plus tard les densités qu'il avait données furent calcu- 
lées en les ramenant à la température de 12°44 R, de 
sorte qu'à cette température la densité de l'eau étant 1, 
celle de l'alcool absolu était 0.7946. 

Nous donnons ci-dessous un extrait des tables servant 



ALCOOMÉTRIE. 443 

de base à la construction de l'alcoomètre qui porte son 
nom; la colonne 1 comprend les densités correspondant 
à celle de l'eau prise pour unité à 3°5 R, la colonne 2 
celles qui correspondent à la densité de l'eau prise pour 
unité à 12°44 R, toutes les densités de mélanges étant 
elles-mêmes prises à cette dernière température. 















DEGRÉS 


DENSITÉ 


DEGRÉS 


EHENSITÉ 


des mélanges alcooliques 


de 


des mélanges alcooliques 


de 


correspondants 


correspondants 


TR AT T F.^ 


1 


2 


TRALLES 


1 


2 


0 


QQQ1 

yyy i 


1000 


29 


9657 


9666 


1 


y y / o 


9985 


30 


9646 


9655 


2 


OQR1 

yyo l 


9970 


35 


9583 


9592 


3 


9947 


9956 


40 


951 0 


9519 


4 


9933 


9942 


45 


9427 


9435 


5 


yy i y 


9928 


50 


9335 


9343 


6 


9906 


991 5 


55 


9234 


9242 


7 


9893 


9902 


60 


9126 


9134 


8 


9881 


9890 


65 


9013 


9021 


9 


9869 


9878 


70 


8892 


8900 


10 


9857 


9866 


75 


8765 


8773 


11 


9845 


9854 


80 


8631 


8639 


12 


9834 


9843 


00 


8488 


8496 


13 


9823 


9832 


86 


8458 


8466 


14 


9812 


9821 


87 


8428 


8436 


15 


9802 


9811 


88 


8397 


8405 


16 


9791 


9800 


89 


8365 


8373 


17 
18 


9781 


9790 


90 


8332 


8339 


9771 


9780 


91 


8299 


8306 


19 


9761 


9770 


92 


8265 


8272 


20 


9751 


9760 


93 


8'230 


8237 


21 


97A1 


9750 


94 


8194 


8201 


22 


9731 


9740 


95 


8157 


8164 


23 
24 


9720 


9729 


96 


8118 


8125 


9710 


9719 


97 


8077 


8084 


25 


9700 


9709 


98 


8034 


8041 


2G 


9689 


9698 


99 


7988 


7995 


27 


9679 


9688 


100 


7939 


7946 


28 


• 9668 


9677 









444 ŒNOLOGIE. 

Les degrés qui précèdent ces deux colonnes sont 
ceux de l'alcoomètre , ils indiquent combien de vo- 
lumes d'alcool absolu contiennent les mélanges al- 
cooliques à la température de 12°44 R; on voit fa- 
cilement que cette température un peu supérieure à 
15°, correspond à 60° F., température adoptée par 
Gilpin. 

Quant à ce qu'on appelle quelquefois esprit de 
preuve d'Allemagne (1), c'est l'esprit contenant dans 
ces conditions 50 % en volumes d'alcool pur. 

Outre l'échelle de Tralles , on utilise encore en 
Prusse celle de Richter. Cette dernière donne les pro- 
portions en poids pour cent de la quantité d'alcool 
contenue dans les mélanges alcooliques, ou du moins 
elle était considérée comme les donnant exactement, 
niais le raisonnement d'après lequel elle a été cons- 
truite est faux, comme nous allons le voir. 

En 1793 le docteur Richter entreprit ses premiers 
essais sur la détermination des poids spécifiques de 
l'alcool et des mélanges d'alcool et d'eau, ils avaient 
pour base un alcool dont la densité était égale à 0.821 
à la température de 16° R (20°). 

Ses recherches ultérieures, faites de 1806 à 1808 et 

(1) Cette expression et les autres désignations analogues se 
comprennent facilement, elles indiquent une eau-de-vie d'une 
force déterminée prise pour type dans une localité. Quant à la 
dénomination, aujourd'hui abandonnée, d'eau-de- vie preuve 
d'huile que nous avons citée page 364, elle vient de ce que 
l'eau-de-vie qui portait ce nom avait la même densité que 
l'huile d'olive; on la vérifiait en constatant qu'à volume égal 
ces deux liquides avaient exactement le même poids. 



ALCOOMÉTRIE. 445 

l'alcoomètre qui en est résulté, ont pour base La 
table de Lowitz sur les poids spécifiques des mé- 
langes d'alcool, le 100 e degré correspondant à l'alcool 
absolu de Lowitz dont la densité était égale à 0.791 
à 16° R. 

Mais les degrés indiqués par les instruments de 
Richter ne correspondent nullement aux valeurs en 
poids pour cent des mélanges d'alcool et d'eau, parce 
que Lowitz et Richter partageaient cette idée erronée 
que pour ces mélanges, la loi de dilatation suivait une 
progression directe et en conséquence les résultats 
qu'ils ont trouvés ont été corrigés de manière que les 
nombres exprimant les proportions pour cent suivent 
une telle progression. 

Les recherches ultérieures ont montré que ces mé- 
langes suivaient une progression toute différente, et 
par conséquent les proportions en poids données par 
l'alcoomètre de Richter pour les mélanges d'alcool et 
d'eau ne sont pas exactes, les différences peuvent s'é- 
lever jusqu'à plus de six pour cent. 

A l'échelle de Richter est joint un thermomètre dont 
la boule sert de lest à l'instrument, et dont la gradua- 
tion est telle que, pour chaque degré au-dessus ou 
au-dessous du zéro correspondant à la température 
normale de 15°, il faut diminuer ou augmenter d'une 
unité l'indication de cette échelle. 

Par un usage assez étrange, on a conservé cette gra- 
duation inexacte de Richter, à côté de celle de l'alcoo- 
mètre de Trahes et on l'emploie, avec l'échelle thermo- 
mètrique que nous venons d'indiquer, pour ramener 



446 ŒNOLOGIE. 

les proportions fournies par cet alcoomètre à la tempé- 
rature normale. 

Un tel usage, si répandu qu'il soit, manquant com- 
plètement de précision, doit être proscrit, puisque les 
deux échelles n'ont pas été construites à la même tem- 
pérature et que celle de Richter repose sur des données 
tout-à-fait inexactes. 

Ces inconvénients ont conduit à rechercher un 
moyen rationel pour arriver à reconnaître la véritable 
force des mélanges alcooliques aux températures diffé- 
rentes de la température normale pour lesquelles a été 
construit l'instrument. 

Dans ce but, les alcoomètres contiennent outre l'é- 
chelle alcoométrique de Tralles, un thermomètre placé 
au bas de l'instrument et portant les degrés Réaumur 
de ._ 10° à 25°. Le degré 12°44 R pour lequel les indi- 
cations sont exactes et que l'on appelle pour celte rai- 
son température normale est marqué en rouge. On a 
désigné cet instrument pour le distinguer des autres 
sous le nom de thermoalcoomètre. 

Avec cet appareil on emploie, pour la correction rela- 
tive à la température indiquée, des tables construites 
par le docteur Brix de Berlin, et qui donnent le degré 
réel pour les températures situées au-dessus ou au- 
dessous de la température normale dans les limites de 
— 10 à 30° R. 

Les tables de Brix et l'alcoomètre de Tralles ont donc 
amené à la pratique d'une méthode absolument sem- 
blable à celle proposée, il y a cinquante ans, par Gay- 
Lussac et on peut voir combien les résultats obtenus 



ALCOOMÉTRIE. 447 

sont peu différents. Nous avons tenu' à entrer dans ces 
détails pour montrer comment s'était modifié en Prusse 
le procédé primitivement adopté , et qui repose princi- 
palement sur les expériences de Gilpin dont M. Pouillet 
a reconnu la parfaite exactitude. 

D'après ce qui précède, rien ne serait plus facile que 
de mettre en parfaite harmonie l'alcoomètre centésimal 
de Gay-Lussac et l'alcoomètre également centésimal de 
Tralles, puisque ces deux instruments reposent sur le 
même principe et sont construits de la même manière ; 
et certainement si la méthode, reposant sur l'emploi de 
cet instrumentât dont nous pouvons juger l'exactitude 
et la simplicité d'exécution, était adoptée par tous les 
états du continent, l'Angleterre serait amenée à modi- 
fier sa législation et à prendre également pour point 
de départ l'alcool absolu. 

C'était du reste la conclusion à laquelle était arrivé 
Blagden, dans son premier rapport tait à la Société 
royale de Londres en 1790, en réponse à la demande 
adressée à ceite Société par le gouvernement anglais. 
Dans ce rapport, il fait ressortir tous les avantages qu'il 
y aurait à adopter Vesprit ardent ou l'alcool le plus 
rectifié comme base unique de l'impôt. 

Les travaux de Gay-Lussac sur cette question ont 
donné lieu à une nouvelle discussion au sein de la 
Société royale qui a décidé en 1836, « qu'un mélange 
« déterminé d'alcool et d'eau était préférable comme 
« étalon, à l'alcool pur, parce qu'il était invariable dans 
« sa nature et beaucoup plus facile a obtenir. » Cette 
raison n'a plus de valeur aujourd'hui; car on connait 



448 ŒNOLOGIE. 

maintenant très exactement l'alcool absolu et sa pré- 
paration n'offre plus les difficultés qu'elle présentait 
autrefois. D'un autre côté les avantages qui résulte- 
raient de l'adoption d'un système unique sont tellement 
évidents et si considérables que l'on s'étonne de ne pas 
voir cette idée réalisée depuis longtemps. 

La demande faite par le gouvernement anglais 
vers 1788, pour arriver à trouver les moyens d'arriver 
à un procédé sûr pour l'évaluation de l'alcool avait été 
précédée, vingt ans auparavant d'une demande tout-à- 
fait semblable faite à l'ancienne Académie des sciences 
par l'Administration française, et Mignot de Montigny, 
dans son rapport fait en 1768, établit que pour mettre 
quelque régularité dans l'impôt sur les eaux-de-vie et 
les esprits, il faut prendre pour base du tarif des droits 
la quantité réelle d'alcool contenue dans ces liquides. 

Nous n'ajouterons qu'un mot pour compléter les 
renseignements qui précèdent et bien démontrer les 
avantages du système que nous désirons voir se géné- 
raliser. 

Le gouvernement italien vient de promulguer une 
nouvelle loi sur la fabrication de l'alcool dont les dis- 
positions sont applicables depuis le 2 septembre 1879. 
Nous y trouvons que l'évaluation de l'alcool est faite en 
degrés d'alcool anhydre déterminés au moyen de l'al- 
coomètre de Gay-Lussac, et cette simple indication suf- 
iit pour que nous soyons complètement édifiés sur la 
base de cette estimation, et sur tous les faits qui s'y 
rattachent. Si l'Italie avait pris pour point de départ de 
l'estimation de la force alcoolique un esprit de preuve 



ALCOOMÉTRIE. 449 

quelconque, il faudrait de longues explications pour le 
définir, et pour donner les moyens d'estimer la richesse 
d'une liqueur déterminée. Il en résulterait, pour les 
calculs à faire, des complications que beaucoup de per- 
sonnes ne sont pas en état de comprendre à une pre- 
mière lecture. 

Les erreurs commises lors de la conclusion du traité 
de commerce conclu le 23 janvier 1860 avec l'Angle- 
terre n'avaient pas d'autre cause que l'ignorance dans 
laquelle on était en France du système suivi chez nos 
voisins pour l'évaluation de la richesse alcoolique. 

S'il doit résulter de grandes facilités pour les rela- 
tions internationales dans l'adoption d'un système uni- 
forme d'évaluation, il est également bien désirable que 
dans chaque état il soit établi un contrôle et une véri- 
fication des instruments employés. 

La construction des alcoomètres reposant sur des 
données fixes et bien déterminées, il n'y a plus à crain- 
dre de voir ces instruments s'altérer et dégénérer 
comme cela était arrivé pour les aréomètres à échelle 
à peu près arbitraire, ainsi que Gay-Lussac l'avait cons- 
taté pour celui de Cartier. Mais de même que les me- 
sures de poids, de volume et de longueur employées 
sous le contrôle et la garantie du gouvernement sont 
soumises à une vérification sérieuse, les appareils ser- 
vant à l'appréciation de la richesse alcoolique, base 
d'un revenu très important et de transactions considé- 
rables, devraient être garantis et contrôlés dans les 
mêmes conditions. 

La force de la routine est si grande que non seulement 



450 ŒNOLOGIE. 

on se sert encore en France de l'aréomètre Cartier, 
mais on emploie aussi dans les Charentes pour l'essai 
des eaux-de-vie l'aréomètre Tessa, instrument n'offrant 
aucune garantie et n'ayant aucune relation sérieuse- 
ment établie avec l'alcoomètre centésimal. 

La vérification imposée à ce dernier appareil, et son 
introduction dans la loi qui régit les poids et mesures 
aideraient certainement à la suppression des instru- 
ments à échelle arbitraire, et il est regrettable que la 
démarche faite à ce sujet en 1858 par le ministre de 
l'agriculture n'ait pas abouti à un résultat favorable. 

Si l'application de cette mesure présente quelques 
difficultés, celles-ci ne sont pas insurmontables, puis- 
qu'elle existe en Prusse depuis 1861. Une loi promul- 
guée à cette époque porte que « nul ne pourra se 
« servir, dans la vente des boissons alcooliques d'une 
« force stipulée par les contractants, que d'alcoomètres 
« et de thermomètres contrôlés par une des autorités 
« prussiennes présidant à la vérification des poids et 
« mesures. » 

Espérons que l'administration mettra de nouveau 
cette question à l'étude et qu'il en sortira une solution 
plus conforme aux intérêts de l'Etat et des parti- 
culiers. 



Dans l'étude que nous venons de faire de l'hydro- 
mètre de Sikes et des bases servant dans différents 
pays de point de départ pour déterminer la force des li- 
queurs spiritueuses , nous avons dû indiquer les tem- 



ALCOOMÉTRIE. 



451 



pératures au moyen du thermomètre 
employé spécialement en Angleterre 
et que l'on appelle thermomètre 
Fahrenheit du nom de son inventeur. 

L'échelle de ce thermomètre diffère 
de celle du thermomètre centigrade le 
seul usité en France aujourd'hui et 
auquel se rapportent, comme nous 
l'avons déjà fait observer, tous les de- 
grés de température que nous donnons 
sans annotation spéciale. En outre 
nous avons déjà eu occasion de faire 
remarquer qu'il existait une autre 
échelle thermométrique presque en- 
tièrement abandonnée chez nous, mais 
dont l'usage est encore assez fréquent 
dans quelques pays , et surtout en 
Allemagne, c'est l'échelle dite de 
Réaumur. 

La figure ci-contre représente un 
thermomètre portant la double échelle 
centigrade et Fahrenheit. 

De plus nous croyons utile, pour la 
pratique et l'intelligence des résultats 
donnés par les auteurs qui emploient 
ces différentes échelles, de réunir dans 
le tableau de la page suivante la cor- 
respondance de ces trois thermomè- 
tres depuis — 20° jusqu'à 100°. 



452 



ŒNOLOGIE. 



CORRESPONDANCE DES ÉCHELLES 


Centigrade 


Réaumur 


Fahrenheit 


100. 


80. 


212. 


95. 


76. 


203. 


90. 


72. 


194. 


85. 


68. 


185. 


80. 


64. 


176. 


75. 


60. 


167. 


70. 


56. 


158. 


65. 


52. 


149. 


60. 


48. 


140. 


55. 


44. 


131. 


50. 


40. 


122. 


45. 


36. 


113. 


40. 


32. 


104. 


35. 


28. 


95. 


30. 


24. 


86. 


25. 


20. 


77. 


20. 


16. 


68. 


15. 


12. 


59. 


10. 


8. 


50. 


5. 


4. 


41. 


0. 


0. 


32. 


— 5. 


— 4. 


23. 


— 10. 


— 8. 


14. 


— 15. 


— 12. 


5. 


— 17.7 


— 14.2 


0. 


— 20. 


— 16. 


— ' 4. 



Quant à la signification de la graduation de chacun 
des trois instruments, nous rappellerons que le zéro du 
thermomètre centigrade correspond à la glace fondante 
et le point 100° à la température de Peau bouillante, 
sous la pression normale de 760 mm . L'intervalle entre 
ces deux points est divisé en 100 parties égales qui 
constituent les degrés. L'échelle ainsi obtenue est pro- 
longée au-dessus de 100° et au-dessous de zéro, les der- 
niers degrés se distinguant des premiers par le signe — . 



ALCOOMÉTRIE. 453 

Pour le thermomètre Réaumur, 0°est également donné 
par la glace fondante, mais on marque seulement 80 0 
pour la température d'ébullition de l'eau sous la pres- 
sion de 760 mm et l'intervalle est divisé en 80 parties 
égales. Le prolongement de l'échelle dans les deux 
sens se fait comme précédemment. Cette graduation 
porte le nom de Réaumur parce qu'elle se rapproche 
de celle que ce physicien avait autrefois imaginée en se 
basant sur des considérations d'un autre ordre et qu'il 
nous paraît inutile de rappeler ici. 

Quant au thermomètre Fahrenheit, sa construction 
remonte à 1714, elle est due à un fabricant d'instruments 
de Dantzick, nommé Daniel Gabriel Fahrenheit qui 
n'a jamais publié complètement la manière dont il le 
confectionnait. 

Pour établir son point zéro, il plongeait la boule de l'in- 
strument dans un mélange de sel ammoniac et de neige 
dont il n'a pas indiqué les proportions relatives, et peut- 
être faisait-il ce mélange sans proportions bien détermi- 
nées. La fixation du chiffre 212, correspondant à la tem- 
pérature de l'ébullition de Peau, vient de ce que Fahren- 
heit avait reconnu que 11124 parties de mercure, en 
volume, chauffées depuis le point zéro qu'il avait adopté 
jusqu'à la température de l'eau bouillante se dilataient 
de manière à occuper 11336 parties, et par conséquent 
augmentaient de 212. La distance entre le zéro et le 
point d'ébullition de Peau fut donc divisée en 212 degrés 
égaux. Dans ces conditions le point de congélation de 
l'eau correspond à 32 °, et plus tard ce point fixe fut 
employé, conjointement avec celui donné par Pébulli- 



454 ŒNOLOGIE. 

tion de ce liquide, pour la construction de ces thermo- 
mètres. 

Il en résulte que la différence entre 212 et 32, ou 
180, équivaut aux cent divisions de l'échelle centigrade 
ou aux 80 divisions de l'échelle Réaumur. 

On peut donc graduer un thermomètre Fahrenheit, 
en le plongeant successivement dans la glace fondante 
et dans la vapeur d'eau bouillante comme pour le ther- 
momètre centigrade, seulement il faudra, pour établir 
l'échelle, marquer 32 au premier point obtenu et 212 au 
second et diviser l'intervalle en 180 parties égales. 

Lorsque Ton doit employer les degrés Fahrenheit ou 
Réaumur, on les indique par les initiales F et R ; on 
se dispense de toute indication toutes les fois qu'une 
température est évaluée en degrés centigrades. 

Cependant on trouve souvent dans les ouvrages 
étrangers les degrés centigrades distingués par la lettre 
C, la signification de cette notation est la même que 
celle des précédentes, le thermomètre centigrade étant 
appelé thermomètre Celsius, du nom de son inventeur. 
C'est en effet un professeur d'Upsal, nommé Celsius, 
qui, en 1741, montra tous les avantages d'un thermo- 
mètre gradué au moyen de deux points fixes, bien 
déterminés, et construisit le thermomètre centigrade. 

Si dans la comparaison des degrés des trois échelles, 
on a des chiffres qui ne sont pas inscrits au tableau 
précédent, il suffit de se rappeler que 5 0 centigrades 
valent 4° R et 9° F. 

Pour convertir les degrés Réaumur en degrés centi- 
grades il faut multiplier le nombre indiquant les dégrés 



ALCOOMÉTRIE. 455 

Réaumur par 5/4. Ainsi 18° R valent 22°5 de l'échelle 
centigrade. 

Pour convertir les degrés Fahrenheit en degrés 
centigrades, on doit déjà retrancher 32 du nombre in- 
diquant les degrés Fahrenheit, puis multiplier la diffé- 
rence par 5/9. Supposons par exemple une température 
de 75° F, en retranchant 32, on obtient 43, qui mul- 
tiplié par 5/9 donne 23 0 8 de l'échelle centigrade. 

Si le nombre indiquant les degrés Fahrenheit est 
plus petit que 32, cela signifie que la température est 
au-dessous du point de fusion de la glace ; dans ce cas 
on retranche le nombre donné de 32 et c'est cette dif- 
férence qu'il faut multiplier par 5/9 pour avoir le 
chiffre correspondant de l'échelle centigrade. Ce chiffre 
indique alors une température au-dessous de zéro. 

Comme l'échelle Réaumur est encore employée à l'é- 
tranger, nous croyons devoir donner sa concordance avec 
l'échelle centigrade pour les températures de 0 à 25°. 



DEGRÉS 


DEGRÉS 


DEGRÉS 


DEGRÉS , 


| DEGRÉS 


DEGRÉS 


, DEGRÉS 


DEGRÉS 


centigrad. 


Réaumur 


cenligrad. 


Reauranr 


Réaumur 


l'éuligradcs 


Réaumur 


centigrades 


0 


o. 


13 


10. i 


0 


0. 


13 


16 25 


1 


0 8 


n 


11.2 


1 


1.25 


H 


17.50 


2 


16 


13 


12. 


2 


2.50 


15 


18.75 


3 


2.4 


16 


12.8 


3 


3.75 


16 


20. 


4 


3.2 


17 


13.6 


4 


5. 


17 


21.25 


5 


4. 


18 


14.4 


5 


6.25 


18 


22.50 


0 


4.8 


19 


15.2 


i 6 


7.50 


19 


23.75 


7 


5 G 


20 


16. 


| 7 


8.75 


20 


25. 


8 


6.4- 


21 


16.8 


1 8 


10. 


21 


26 25 


9 


7.2 


22 


17.6 


9 


11.25 


22 


27.50 


10 


8. 


23 


18 4 


10 


12.50 


23 


28.75 


11 


8.8 


24 


19 2 




13.75 


24 


30. 


12 


9.6 


25 


20. 


1 n 


15. 


25 


31.25 



456 



ŒNOLOGIE. 



Cette comparaison complète le tableau que nous 
avons donné page 452. 



L'étude qui précède confirme pleinement ce que 
nous avons dit au sujet de l'importance, au point de 
vue pratique, de toutes les questions que soulève le 
dosage de l'alcool dans les liquides qui en renferment 
quelle que soit l'origine de ce composé. 

Mais nous avons dû nous restreindre beaucoup dans 
les développements qu'aurait nécessités l'examen com- 
plet de tout ce qui se rattache à l'alcoométrie surtout en 
ce qui concerne les spiritueux proprement dits. Ce 
que nous en avons dit suffit pour montrer de quelle 
utilité seraient la réunion et la discussion de tous les 
documents disséminés dans des recueils spéciaux et 
dans des ouvrages très nombreux et qu'on ne trouve 
pas à consulter facilement. 

Espérons que cette lacune sera comblée ; un pareil 
travail faciliterait certainement les réformes dont nous 
avons indiqué les avantages, en donnant les moyens de 
faire disparaître les difficultés qui .s'opposent à leur 
adoption dans les différents pays. 



CHAPITRE XXIV 



DÉTERMINATION DE L'EAU 
ET DE L'ENSEMBLE DES MATIÈRES FIXES 

CONTENUES DANS LES VINS 



Nous réunissons ces deux déterminations, quoiqu'il 
s'agisse uniquement de nous occuper de la méthode à 
employer pour évaluer ce qu'on appelle ordinairement 
l'extrait sec du vin, c'est-à-dire l'ensemble des ma- 
tières qui s'y trouvent à l'état de dissolution dans l'eau 
et l'alcool, abstraction faite bien entendu de celles qui, 
étant gazeuses ou très volatiles, doivent s'échapper avec 
l'alcool pendant la distillation ou pendant l'évapora- 
lion produite à une température plus basse. 

Cet extrait sec étant connu, il suffira de faire la 
somme de ce poids et de celui de l'alcool donné par 
une opération spéciale, puis de retrancher cette somme 
du poids total du vin sous un volume donné pour ob- 
tenir le poids de l'eau sous ce même volume. On négli- 
gera dans ce cas le poids des substances volatiles aux- 
quelles nous venons de faire allusion. 
La méthode que l'on a suivie longtemps pour trouver 

26 



458 ŒNOLOGIE. 

cet extrait ou résidu sec des vins, et par laquelle ont 
été obtenus la plupart des chiffres cités dans les 
ouvrages, ne donne que des résultats inexacts et incer- 
tains ;°nous en parlerons cependant, pour montrer la 
cause de ces inexactitudes et provoquer dans l'avenir 
des observations plus précises et plus sérieuses. 

Cette méthode consiste à prendre une quantité déter- 
minée de vin, 50 ou 100-, quelquefois même davan. 
tage et à l'évaporer avec précaution, au bain-marie par 
exemple, dans une capsule tarée de platine ou de por- 
celaine. Après l'évaporation de la majeure partie de 
l'eau, on portait la capsule dans une étuve à la tem- 
pérature de 100° jusqu'à ce qu'elle ne perde plus de 
son poids. Quelques personnes allaient dans cette 
dessiccation jusqu'à 110» et maintenaient le résidu à 
cette température pendant un certain temps. 

On n'a plus alors qu'à peser la capsule après l'expé- 
rience, pour avoir le résidu correspondant au volume 
de liquide employé, puis le chiffre qui en résulte est 
ramené à ce qu'il serait pour le volume d'un litre. 

Il suffit de faire un essai par cette méthode pour re- 
connaître combien elle est défectueuse. D'abord on 
constate facilement que le vin a été très notablement 
altéré pendant la dessiccation à 100° et même bien 
avant cette température. 

Le résidu est brun, il n'est Iplus soluble de nouveau 
dans l'eau, quelques substances même considérées 
comme devant en faire partie, telles que la glycérine, 
sont en grande partie entraînées avec l'eau, et on a pour 
toutes ces raisons un extrait d'un poids trop faible. 



DOSAGE DE L'EXTRAIT DES VINS. 459 

Nous aurons bientôt, en parlant du dosage de la gly- 
cérine, la preuve de l'évaporation de cette substance. 

De plus on s'aperçoit facilement que si Ton tient à 
obtenir un résidu qui ne change plus de poids à une 
température fixe, 100° par exemple, on ne peut y 
arriver exactement. Plus on prolonge l'exposition à 
cette température et plus le poids du résidu diminue, 
sans qu'on puisse savoir à quel moment il convient de 
s'arrêter. 

On a conseillé, pour éviter ces inconvénients, de 
mêler le vin à évaporer avec un poids connu d'un corps 
étranger, qui ne perdant rien lui-même pendant la des- 
siccation, divise la masse, facilite l'évaporation de l'eau 
et la rend plus rapide. Le sulfate de potasse remplit 
parfaitement ce but, on a aussi employé de la pierre 
ponce granulée, lavée et séchée, ou de la silice préci- 
pitée et bien séchée. Des expériences faites comparati- 
vement par ce moyen et par le procédé ordinaire que 
nous venons de décrire, donnent, avec l'emploi de ces 
substances étrangères, des chiffres plus élevés que ceux 
que Ton obtient sans mélange, ce qui confirme les 
observations que nous venons de faire. 

Le meilleur moyen de diminuer les causes d'erreur 
et d'arriver à des résultats comparables, est d'empêcher 
l'altération du vin en abaissant la température à 
laquelle a lieu la dessiccation. On agira également 
dans le même sens en diminuant le volume du vin sur 
lequel on opère. 

Il n'est en effet nul besoin de prendre une grande 
quantité de liquide, on obtiendra des chiffres tout aussi 



460 ŒNOLOGIE. 

précis avec 10 et même 5 CC de vin, et en évaporant 
rapidement ce liquide à une température douce de 
manière que le résidu laissé dans la capsule conserve 
la teinte naturelle du vin et n'indique aucun signe d'al- 
tération. 

On peut arriver par ces précautions simples à obtenir 
des résultats exacts et comparables. Si on emploie pour 
cette opération des petites capsules de porcelaine ou de 
platine à fond plat, la surface d'évaporation est très 
grande par rapport à la masse du liquide, celle-ci est 
bien vite achevée, et on s'assure par deux ou trois 
pesées successives, faites avec soin, du moment où le 
poids du résidu ne varie plus sensiblement. 

Ce procédé a l'avantage de n'exiger qu'une manipu- 
lation très simple et l'emploi de la balance, sans autre 
instrument plus compliqué. 

Dans les laboratoires on obtient des résultats plus 
précis en évaporant le vin dans le vide ; en présence de 
l'acide sulfurique concentré, et en ne dépassant pas 
dans cette opération la température extérieure. Mais il 
faut recourir à l'emploi d'une machine pneumatique et 
le temps exigé pour la dessiccation complète est assez 
long, il est en moyenne de quatre à cinq jours suivant 
la température et la quantité de liquide employée. 

Dans ces conditions et après un intervalle de temps 
suffisant le poids d'extrait obtenu est à peu près cons- 
tant. 

Nous avons, il y a longtemps déjà, recommandé 
toutes ces précautions, et nous avons reconnu dans un 
grand nombre d'analyses de vin, de moût et d'autres 



DOSAGE DE L'EXTRAIT DES VINS. 461 

liquides analogues que cette méthode donnait des résul- 
tats très exacts Les personnes qui n'auraient pas la 
possibilité d'employer une machine pour faire le vide, 
comprendront toutefois d'après les indications qui pré- 
cèdent, les conditions dans lesquelles elles devront 
opérer afin d'éviter l'altération des liqueurs, et d'ob- 
tenir un résidu qui, mêlé de nouveau avec l'eau éva- 
porée, reproduirait, au point de vue des éléments fixes, 
le liquide primitif. 

M. Gautier, dans un ouvrage récent ayant surtout 
pour but de donner des méthodes précises pour recon- 
naître les sophistications dont les vins sont l'objet, est 
revenu sur les questions relatives au dosage de l'extrait 
sec, et voici le procédé qu'il décrit pour cette opéra- 
tion : 

« Je verse au moyen d'une pipette graduée dans un 
grand verre de montre pouvant être recouvert très 
exactement d'un autre verre semblable rodé sur ses 
Lords, 5 centimètres cubes environ de vin à analyser. 
Les deux verres tarés d'avance étant superposés aussi- 
tôt et serrés par une pince ; on pèse exactement au 
1/2 milligramme. 

« Le verre de montre contenant le vin est alors placé 
durant deux jours dans le vide pneumatique en pré- 
sence d'acide sulfurique, puis deux jours encore en 
été, six jours en hiver, en présence d'acides sulfurique 
et phosphorique à la fois, ce dernier étant d'ailleurs 
placé à un niveau inférieur à celui de l'acide sulfurique 
et séparé de lui par une toile métallique. 

« Le vin se dessèche ainsi peu à peu, en conservant 

26. 



462 ŒNOLOGIE. 

sa 'belle couleur vermeille et, pour une température 
ambiante de 25 à 30°, il ne perd plus de poids après 
96 heures, la perte étant d'ailleurs devenue presque 
nulle à partir du 3 e jour en été. 

« J'ai remarqué que, pour des températures plus 
basses variant de 12 a 15°, il faut dans ces conditions 
huit jours pour dessécher entièrement 5 CC de vin. » 

Les détails dans lesquels nous venons d'entrer mon- 
trent suffisamment toutes les précautions qu'exige cette 
détermination du résidu sec des vins, toute simple 
qu'elle parait au premier abord. Nous y ajouterons les 
résultats obtenus par M. Gautier en procédant par les 
deux méthodes de l'évaporation à 100° et de la dessic- 
cation dans le vide, avec toutes les précautions qu'il 
indique, afin qu'on puisse bien juger de la différence 
des résultats. 





RÉSIDU SEC PAR LITRE 


RAPPORTS 


DÉSIGNATION DES VINS 






entre les deux 




8 heures à 


4 jours dans 


résultats 




100' 


lo vide sec 




20.68 


27.0 


0.766 




26.84 


34.2 


0.784 




18.04 


23.8 


0.757 


Coupage des vins ci-dessus. 


20.04 


26.2 


0.764 




23.05 


30 5 


0.755 




23.00 


29 2 


0.785 




21.46 


28.7 


0 748 




21.51 


28.1 


0.765 



Tous ces vins étaient plâtrés, excepté le vin du Cher, 
nous verrons plus tard, quelle est l'influence du plâ- 
trage sur le poids du résidu sec. 



DOSAGE DE L'EXTRAIT DES VINS. 463 

On voit par les chiffres inscrits dans ce tableau que 
les différences entre le véritable résidu sec et les nom- 
bres auxquels conduit l'emploi de la méthode qui a été 
généralement suivie jusqu'ici sont considérables; elles 
sont du reste exprimées par des chiffres qui varient 
assez peu. On peut en juger en parcourant la troisième 
colonne qui contient les rapports entre les chiffres des 
deux colonnes précédentes, rapports dont la moyenne est 
exprimée par 0,765, et qui varient seulement de 0.748 
à 0.785. 

M. Gautier pensant qu'il peut être utile, lorsque l'on 
opère par voie de dessiccation dans le vide, de pou- 
voir comparer les résultats obtenus avec ceux qu'au- 
rait fournis l'évaporation du vin à 100°, fait remarquer 
qu'on aurait ces derniers en multipliant les premiers 
par ce chiffre 0.765. 

Mais cette indication n'est qu'approchée, et il fau- 
drait un nombre d'observations plus grand que celui 
qu'on possède jusqu'ici pour établir ce rapport dans 
chaque cas particulier, et bien préciser le degré d'exac- 
titude de ce procédé. Une analyse faite par le même 
auteur sur un vin blanc doux nouveau de Bergerac a 
donné, par l'évaporation à 100°, 83.6 et par la dessicca- 
tion dans le vide 102.4, nombres dont le rapport est 
bien plus élevé que la moyenne des chiffres rapportés 
plus haut, ce rapport est égal à 0.815. 

Des études tendant à établir ce rapport et faites 
dans les différents vignobles présenteraient certaine- 
ment le plus grand intérêt. 

On peut du reste dès maintenant distinguer par une 



464 ŒNOLOGIE. 

dénomination différente ces deux sortes de résultats. 
Il parait convenable de donner le nom de résidu sec 
aux matières obtenues par dessiccation dans le vide 
d'un vin ou de toute autre liqueur fermentée ; on réser- 
verait alors le nom d'extrait au produit préparé avec 
ces liqueurs par une évaporation à l'étuve faite à 100° 
où à une autre température parfaitement déterminée. 

Le résidu sec fourni par un vin est évalué ordinai- 
rement par le poids de ce résidu donné par un litre de 
vin. Ce poids varie nécessairement pour les vins natu- 
rels, avec le cépage, l'âge de la Vigne, celui du vin, et 
les conditions dans lesquelles ont eu lieu sa prépara- 
tion et sa conservation. En moyenne, après une année, 
nos vins de table donnent par litre de 12 à 25 grammes 
d'extrait, ce qui correspond à un résidu sec variant de 
15 à 32 grammes. 

Les opérations pratiquées sur les vins aux diffé- 
rentes époques de leur existence doivent également 
avoir une grande influence sur ces chiffres, ainsi on 
comprend qu'après chaque année, par suite des souti- 
rages, la quantité de résidu sec laissée par un vin doit 
aller en diminuant, car la perte qui résulte de ces opé- 
rations n'est pas compensée par l'augmentation que 
tend à produire l'évaporation. 

Le collage dont nous avons indiqué l'emploi pour la 
clarification des vins exerce une influence du même 
genre, il diminue le poids de l'extrait, cela résulte de 
l'action que la colle exerce sur quelques-uns des 
éléments du vin, en donnant lieu à la formation de 
composés insolubles qui sont entraînés avec le dépôt. 



DOSAGE DE l' EXTRAIT DES VINS. 465 

M, Gautier a reconnu, dans les recherches dont nous 
avons déjà parlé, que le poids de l'extrait sec diminuait 
en moyenne de 0* r 35 par litre et par chaque collage. 
Lorsque l'on fait plusieurs collages successifs, chacun 
d'eux agit de moins en moins, et en effet il faut attendre 
un certain temps pour obtenir une nouvelle influence, 
une nouvelle action de l'oxygène et par suite pour qu'un 
nouveau collage puisse produire tout son effet. 

Nous avons dit que, connaissant la richesse alcoo- 
lique d'un vin et le résidu sec de ce vin donné par l'é- 
vaporation, il était facile d'en déduire la proportion 
d'eau contenue dans ce vin, et par suite d'avoir déjà 
une idée très importante de sa composition. 

Supposons un vin pour lequel on ait obtenu les ré- 
sultats suivants dans les différentes déterminations dont, 
nous venons de nous occuper : 

Richesse alcoolique, 1-4.20 
Extrait sec, 3.50 

On en déduit la composition de ce vin sur 100 

parties : 

Eau, 84.88 
Alcool, 11.62 
Matières fixes, 3.50 

100.00 

ou bien par litre, la densité de ce vin étant 999.6 : 

Eau, 848* r 4 
Alcool, 116.1 
Matières fixes, 34.9 



466 ŒNOLOGIE. 

On peut considérer comme exprimant la moyenne 
de la composition des vins rouges ordinaires de France, 
par litre, les nombres qui suivent : 

Eau, 8998*60 

Alcool, 81.50 

Matières fixes, 18.9 



Il nous reste pour compléter les renseignements qui 
précèdent à faire connaître la méthode indiquée récem- 
ment par M. Houdard pour doser l'extrait sec des vins 
dans le but de fournir au commerce une donnée pré- 
cieuse devant servir avec la richesse alcoolique à établir 
ja valeur d'un vin, et à faire prévoir, s'il est nouveau, 
ce qu'il deviendra dans l'avenir. Cette méthode est 
basée sur l'aréomètrie, elle permet d'éliminer les opé- 
rations de dessiccation et d'évaporation que nous ve- 
nons d'examiner et dont nous avons montré toutes les 
difficultés. Mais comme c'est une méthode basée sur 
des moyennes déterminées par l'expérience, il importe 
de bien fixer les conditions dans lesquelles l'auteur 
s'est placé pour les établir, afin qu'on puisse juger de 
la valeur des résultats. 

L'extrait sec du vin qu'il s'agira d'obtenir, par les 
procédés rapides fondés sur la densité, est celui qu'on 
obtiendrait en évaporant 25 cc de vin dans une capsule 
de platine de 6 e de diamètre, à fond plat et du 
poids de 21 gr. Cette capsule est posée sur un bain- 
marie chauffé à l'eau bouillante et après la disparition 
complète de l'eau et de l'alcool, le résidu est chauffé 



EXTRAIT DES VINS. 467 

pendant quatre heures encore, puis la capsule est pesée 
après refroidissement sous une cloche à côté d'un vase 
contenant de l'acide sulfurique concentré.- 

Le procédé devant être appliqué aux vins de table 
du commerce, M. Houdart a réuni un très grand 
nombre de ces vins d'origine très diverse, il a déter- 
miné par les moyens ordinaires leur densité , leur 
richesse alcoolique et leur extrait sec défini comme 
nous venons de le faire, et il a calculé pour chacun 
d'eux la densité moyenne de cet extrait ; les valeurs 
extrêmes de cette densité moyenne ont été 1,83 et 2.05, 
dont la moyenne est 1.94. 

Ce chiffre a été admis comme représentant la densité 
moyenne des extraits des vins analogues à ceux qui 
ont été essayés, et on en est parti pour calculer l'extrait 
sec d'un vin connaissant sa densité et sa richesse alcoo- 
lique, puis ces résultats ont été inscrits dans des tables 
qui peuvent dès lors permettre de déterminer l'extrait 
sec pourvu qu'on connaisse la densité et la richesse 
alcoolique du vin. 

La richesse alcoolique se déterminera par un des 
procédés que nous avons décrits, et la densité au moyen 
d'un aréomètre que M. Houdart appelle œnobaromètre 
et qui n'est autre chose que le densimètre. Ces deux 
évaluations seront faites à 15°, et le poids de l'extrait 
est donné par la formule 

e=2.062 (d—d') 9 

d étant la densité du vin et d' la densité du mélange 
d'alcool et d'eau correspondant à sa richesse alcoolique. 



468 ŒNOLOGIE. 

On arrive à cette formule en exprimant d'abord que 
le poids du litre de vin et le poids du litre du mélange 
alcoolique de même force sont égaux chacun à la somme 
des poids de leurs éléments, ce qui donne deux équa- 
tions. Dans la seconde, on évalue le poids de l'eau rem- 
plaçant l'extrait en fonction du poids et de la densité 
moyenne de cet extrait et de la densité de l'eau. Puis 
en combinant les deux équations , on déduit la va- 
leur de cette densité moyenne exprimée au moyen des 
trois données que l'on suppose connues : le poids de 
l'extrait , la densité du vin et la densité du mélange 
alcoolique correspondant à sa richesse, plus la densité 
de l'eau. 

Réciproquement, en admettant que l'on connaisse la 
densité moyenne de l'extrait et les deux densités que 
nous venons d'indiquer, on pourra exprimer le poids 
de l'extrait en fonctions de ces données, et c'est en 
remplaçant dans cette formule la densité moyenne de 
l'extrait par 1.94 qu'on a obtenu celle qui précède. 

Ainsi cette méthode repose sur le raisonnement sui- 
vant : connaissant la densité d'un vin, sa richesse 
alcoolique et son extrait, on peut déduire de ces don- 
nées, la densité moyenne de cet extrait ; réciproque- 
ment si l'on connait la densité du vin, sa richesse 
alcoolique et la densité moyenne de son extrait, on en 
conclura le poids de cet extrait. 

Ce qu'il y a d'incertain dans cette détermination c'est 
la densité moyenne de l'extrait pour laquelle on admet 
une valeur approchée résultant d'un grand nombre 
d'observations. 



EXTRAIT DES VINS. 469 

En faisant connaître son procédé, M. Houdart a 
accompagné sa description d'une table qui fournit im- 
médiatement le résultat cherché sans qu'on soit obligé . 
de faire le calcul exigé par la formule dans chaque cas 
particulier. 

Nous donnons ci-dessous cette table pour les den- 
sités du vin de 990 à 1000, et pour les richesses alcoo- 
liques de 7 à 16. 





RICHESSE ALCOOLIQUE 






7. 


8. 


9. 


10. 


11 


12. 


13. 


14. 


15. 


16. 




900 










10.9 


13.2 


15.5 


17.7 


19.8 


21 8 


o 


991 








10. 5 


13. 0 


15.2 


17. 5 


19 8 


21.8 


23.9 




992 






10.3 


12.6 


15.0 


17.3 


19.6 


21.8 


23.9 


26.0 


VIN 


993 






12.4 


14.6 


17.1 


19.4 


21.6 


23.9 


26.0 


28.0 


DU 


991 




Il 7 


14.4 


16.7 


19.2 


21.4 


23.7 


26.0 


28.0 


30.1 


TÉ 


995 


11.3 


13.8 


16.5 


1.8.7 


21.2 


23.5 


25.7 


28.0 


30.1 


32.2 


ENSI 


996 


13.4 


15.9 


18 5 


20.8 


23.3 


25.5 


27.8 


30.1 


32 1 


34.2 


Q 


997 


15.4 


17.9 


20.6 


22.9 


25.3 


27.6 


29.9 


32.1 


34.2 


36.3 




998 


17.5 


20.0 


22. 7 


24.9 


27.4 


29.7 


31.9 


34.2 


36.3 


38.3 




999 


19.6 


22.0 


24.7 


27 0 


29.5 


31.7 


3i.O 


36.3 


38.3 


40.4 




1000 


21.6 


24. 1 


26.8 


29 0 


31.5 


33.8 


36.0 


38.3 


40.4 


42.4 



Il est facile de comprendre comment on devra faire 
usage de cette table. Lorsqu'on connaîtra la richesse 

27 



470 ŒNOLOGIE. 

alcoolique d'un vin et sa densité, il suffira de chercher le 
nombre qui se trouve dans la table à la rencontre de la 
colonne verticale correspondant à la richesse alcoolique 
et de la colonne horizontale correspondant à la densité. 

Il ne faut pas oublier que ce procédé ne peut donner 
qu'une approximation et ne doit être appliqué qu'à des 
vins semblables à ceux qui ont servi à établir les don- 
nées expérimentales formant la base des calculs. 
M. Houdart a eu surtout pour but de fournir une don- 
née utile au commerce, il a examiné les vins employés 
dans les transactions courantes, tels que ceux que l'on 
récolte dans les départements du Gard, de l'Hérault et 
de l'Aude, pour le Midi ; dans le Beaujolais, le Cher, 
l'Yonne, l'Indre-et-Loire pour le centre, et dans quel- 
ques vignobles du Bordelais. 

Nous aurons montré suffisamment les conditions d'ap- 
plication de cette méthode, et l'incertitude de ses résul- 
tats envisagés d'une manière générale en comparant les 
chiffres auxquels elle conduit et ceux qu'a fournis dans 
un cas particulier l'analyse directe. 

M. de Vergnette a obtenu en 18G6 pour les vins de 
Pommard les résultats suivants : 

Richesse alcoolique. Densité. Extrait. 

Vin fin, Pinot, 1 e ' cru, 9.75 994 27.0 
Vin ordinaire, Gamay, G. 50 991 24.0 

Or pour les premiers dont les nombres rentrent dans 
la table de M. Houdart, celle-ci donnerait seulement 
une proportion d'extrait égale à 10.2, et pour les se- 



EXTRAIT DES VINS. 471 

concis, eu calculant l'extrait au moyeu de la formule de 
la page 467, on trouve 20.6. 

Il est bien entendu, et M. Houdart en fait lui-même 
l'observation expresse, que cette méthode ne doit pas 
être appliquée aux vins sucrés. De plus, il ne faut pas 
s'étonner de la différence qu'elle donne avec les résul- 
tats publiés par différents auteurs qui ont dosé directe- 
ment l'extrait des vins qu'ils ont analysés, car on doit 
encore tenir compte de la manière dont chacun de ces 
auteurs a procédé pour le dosage de cet extrait. 

Nous devons reconnaître toutefois que cette méthode 
satisfait à une condition importante, c'est qu'elle permet 
d'opérer rapidement, de plus elle donne pour certaines 
catégories de vins des résultats comparables, et elle 
peut rendre de grands services. Mais n'oublions pas 
que lorsqu'on veut avoir exactement le poids des ma- 
tières contenues dans un vin en dehors de l'eau et de 
l'alcool, c'est le résidu sec qu'il faut déterminer, et 
alors on doit se servir des procédés que nous avons indi- 
qués, et qui, s'ils exigent beaucoup de temps et de soin 
ne présentent cependant aucune difficulté. 

Il existe plusieurs formules analogues à celles dont, 
nous venons d'étudier le mode de détermination, nous 
croyons inutile de nous y arrêter. 

Nous signalerons seulement, à titre de renseigne- 
ment général, la relation qui a été admise entre les 
densités respectives du vin, d'un mélange d'alcool et 
d'eau correspondant à sa richesse alcoolique, de la dis- 
solution aqueuse de l'extrait ramené au volume du vin 
et de l'eau pure. 



472 



ŒNOLOGIE. 



Soient d la densité du vin, 

d' celle du mélange d'alcool et d'eau, 
d" celle de la dissolution aqueuse de l'ex- 
trait, la densité de l'eau étant 1, on aurait la relation 

d-d' = (T — 1. 

Par conséquent toutes les fois qu'on aura deux ter- 
mes de cette équation, on pourra toujours, au moyen 
de cette formule, trouver le troisième. 

On a conseillé l'emploi de cette formule pour déter- 
miner d la densité du vin, connaissant d 1 et d 9 \ mais 
comme on n'avait pas de tables pour les densités des 
dissolutions aqueuses d'extrait de vin, on a employé 
celle de Balling donnant le poids spécifique des disso- 
lutions d'extrait de malt, lorsque celui-ci est connu. 
On pourrait de même trouver d', ce qui conduit à la 
richesse alcoolique, si Ton avait d et d". 

Quant à la recherche de l'extrait, elle peut se faire 
par le même procédé, en admettant qu'on ait d et d\ 
valeurs que l'expérience permet d'obtenir facilement, 
mais dans ce cas encore, pour passer de d" à l'expres- 
sion de l'extrait en poids il faut recourir à la table de 
Balling, à laquelle appartiennent les résultats contenus 
dans la page suivante et dont la détermination a été 
faite à 17°.7. 

Cette table a été construite en prenant pour point de 
départ la densité d'une dissolution de sucre, qui a été 
considérée comme égale à celle d'une infusion de malt 
de même concentration. Il n'y a pas concordance, mais 



EXTRAIT DES VINS. 473 



les différences sont peu considérables, du reste nous 
aurons occasion de revenir sur ce point en parlant du 
dosage du sucre. 





QUANTITÉ 




QUANTITÉ 




on 1XTITK 




d'extrait 


DENSITÉ 


d'extrait 




d'ex trai t 


DENSITÉ 


de malt 


do malt 


DENSITÉ 


de malt 




pour 100 




pour 100 




pour 100 




de moût 




de moût 




de moût 


1004 


1 


4044 


11 


1088 


21 


1008 


2 


1049 


42 


1092 


22 


1012 


3 


1053 


13 


1097 


23 


1016 


4 


1057 


14 


1101 


24 


1020 


5 


1061 


15 


1106 


25 


1024 


6 


4066 


16 


4 110 


26 


1028 


7 


1070 


17 


4115 


27 


1032 


8 


1074 


18 


1120 


28 


1036 


9 


4079 


19 


1125 


29 


1040 


10 


1083 


20 


1129 


30 



Ces dernières indications nous font bien comprendre 
ce qu'il y a de particulier dans le procédé de M. Hou- 
dart, dans lequel, pour la détermination de l'extrait, 
cette table est remplacée par une formule qui a été éta- 
blie d'après les résultats d'un grand nombre d'obser- 
vations faites directement sur des vins semblables à 
ceux qu'on veut étudier, et dont l'extrait avait été ob- 
tenu expérimentalement. 



CHAPITRE XXV 



ACIDIMÉTRIE 

De même que nous avons réuni sous le nom d'al- 
coométrie toutes les questions relatives à la recherche 
de l'alcool dans les vins et les autres liqueurs alcoo- 
liques, nous comprendrons sous la dénomination à'aci- 
dimétrie toutes les études se rapportant à la constata- 
tion et au dosage des différents acides que les vins 
renferment. 

Ces acides sont très nombreux. Au point de vue de 
leur proportion, les uns se trouvent dans les vins en 
quantité très faible, et il est souvent difficile de les 
reconnaître d'une manière certaine, les autres s'y ren- 
contrent au contraire en quantité beaucoup plus grande, 
et il est plus facile de les séparer et de les doser ; sous 
le rapport de leurs qualités et de leur nature, nous 
les distinguerons en acides fixes et en acides volatils, 
un de ces derniers est même gazeux à la température 
ordinaire, c'est l'acide carbonique dont nous nous 
sommes déjà occupés h propos des gaz. 



ACIDIMÉTRIE. 475 

Parmi les acides fixes, nous citerons l'acide tartrique, 
l'acide malique, l'acide succinique, et parmi les acides 
volatils, outre l'acide carbonique, l'acide acétique, l'acide 
butyrique, l'acide valérianique. 

Les notions que nous avons données dans le cha- 
pitre 7, sont bien suffisantes pour faire connaître ' 
la nature, les caractères, les propriétés et la composi- 
tion de ces différents acides, il nous reste à dire mainte- 
nant comment on peut arriver à constater leur présence 
dans un vin donné et à déterminer leur proportion 
lorsque cela est possible. 

Cette étude doit être faite successivement pour cha- 
cun des acides que nous venons de citer, car les mé- 
thodes à employer ne sont pas les mêmes pour chacun 
d'eux à cause de la différence de leurs propriétés. Mais 
il est une question générale que nous devons examiner 
d'abord, parce que sa solution nous fournit déjà, abstrac- 
tion faite de la nature et de la quantité des divers 
acides, une indication importante pour chaque vin, 
c'est celle qui se rapporte à la richesse acide totale de 
ce liquide évaluée par la proportion de liqueur alcaline 
qu'un vin peut saturer au moyen des acides libres qu'il 
renferme. 

Le résultat de cette opération donne l'acidité totale 
d'un vin, on l'appelle son titre acide; ce titre est donc 
produit par l'ensemble des acides libres en dissolution 
dans le vin. 

Après avoir mesuré le titre acide par l'emploi d'une 
Hqueur alcaline titrée, on l'évalue souvent au moyeu 
d'un acide déterminé qui produirait le même effet ; 



476 ŒNOLOGIE. 

pour cela on choisit tantôt l'acide sulfurique parce que 
sa composition est bien connue, tantôt l'acide tartrique 
à cause du rôle important de cet acide dans la constitu- 
tion des vins. 

La détermination de l'acidité totale d'un vin, c'est- 
• à- dire de la force acide résultant de l'ensemble des 
acides contenus dans ce vin, se fait en saturant un vo- 
lume connu du liquide au moyen d'une dissolution 
alcaline titrée de potasse, de soude, de baryte ou de 
chaux. 

Les appareils à employer pour cette opération sont 
des plus simples. Il faut avoir à sa disposition : 1° une 
pipette graduée permettant de prendre un volume dé- 
terminé de vin, 10, 15 ou 25 cc ; 2° un vase en verre à 
fond plat, destiné à recevoir ce vin et que pendant la 
réaction on place sur une feuille de papier blanc, afin 
de bien juger les changements de coloration dus à 
l'addition de la liqueur alcaline ; 3° une burette graduée 
que l'on remplit de la dissolution alcaline ; cette bu- 
rette ordinairement divisée en dixièmes de centimètre 
cube, est remplie jusqu'au zéro placé en haut de la 
burette, de sorte qu'après l'opération il suffit de lire 
sur la graduation de cette burette pour avoir la quan- 
tité exacte de liqueur employée. 

Il est facile dès lors de comprendre comment on doit 
procéder. On mesure un volume déterminé de vin avec 
la pipette, 10 cc par exemple, et on met ce liquide dans 
le vase en verre, puis on verse la solution alcaline 
avec la burette, exactement remplie au zéro, jusqu'à ce 
que la saturation soit obtenue. Il suffit alors de lire sur 



ACIDIMÉTRIE. 477 

la division de la burette la quantité de cette liqueur 
qui a été employée pour connaître le volume de la 
liqueur alcaline nécessaire pour saturer 10 cc de vin, et 
de la connaissance que l'on a de la composition de cette 
liqueur, on déduit la quantité d'acide sulfurique ou 
d'acide tartrique qui pourrait la saturer. C'est cette quan- 
iité d'acide ramenée par un calcul très simple au volume 
d'un litre qui représente le titre acide du vin essayé. 

Il résulte de cet exposé que le point le plus important 
c'est de pouvoir saisir avec précision le moment de la 
neutralisation, afin d'ajouter assez de liqueur alcaline 
et de ne pas en ajouter un excès, cette détermination 
exacte est assez délicate. Voici comment on y arrive. 

Lorsque Ton opère avec un liquide incolore ou très 
peu coloré, tel qu'un vin blanc, on ajoute à ce liquide 
un peu de teinture de tournesol bien neutre ; sous l'in- 
fluence des acides que le vin contient cette teinture 
prend une teinte rouge très prononcée, et il suffira, 
quand on versera la liqueur alcaline avec la burette, 
de bien saisir le moment où cette teinte rouge dispa- 
raîtra et sera remplacée par la coloration bleue pour 
avoir le point exact de la saturation. Le papier blanc 
sur lequel on a placé le vase où se fait la réaction per- 
mettra de reconnaître ce changement avec précision. 

Dans le cas d'un liquide fortement coloré, tel que le vin 
rouge, on remplace la teinture par du papier de tourne- 
sol que l'on a préparé aussi sensible que possible. On 
a deux sortes de ce papier, du bleu et du rouge. Si avec 
une pointe de verre très effilée ou un fil de platine, on 
prend une goutte extrêmement petite de vin ou de tout 

27. 



478 ŒNOLOGIE. 

autre liquide acide, et qu'on fasse un trait sur le papier 
bleu ou qu'on y dépose la gouttelette réunie à l'extré- 
mité du fil ou du tube de verre, l'endroit toucbé passe 
au rouge, le même essai fait sur le papier rouge avive 
la couleur. 

Dans ces conditions, quand on versera la liqueur 
alcaline titrée dans le vin avec la burette, on essaiera 
de temps en temps l'action du liquide sur les papiers, 
et on s'arrêtera quand le papier bleu ne sera plus rougi 
et que le papier rouge virera au bleu. 

Comme dans une première opération, on peut crain- 
dre d'avoir dépassé le terme de la saturation, ou bien 
d'avoir, par un très grand nombre de vérifications, en- 
levé une quantité de vin appréciable, on procédera à 
un nouvel essai qui permettra d'agir avec plus d'assu- 
rance, et d'obtenir avec certitude et précision le point 
de la saturation. 

M. Maumené conseille, pour fixer dans ce cas le 
moment exact de la neutralisation, d'utiliser la couleur 
propre du vin, qui devient verdâtre sous l'influence des 
alcalis, et donne même un précipité floconneux lequel 
serait le meilleur caractère de la neutralité vraie. 

M. Pasteur dit également que le véritable terme de 
l'essai est accusé invariablement, quel que soit le vin, 
par un trouble floconneux qui se rassemble très vite en 
flocons de couleur foncée nageant dans toute la liqueur. 
Tant qu'on n'a pas atteint cette limite, on peut être as- 
suré que tous les acides ne sont pas saturés. Les moûts 
ne donnent pas lieu à un pareil dépôt. 

C'est ici le moment d'expliquer pourquoi la présence 



ACIDIMÉTRIE. 479 

de l'acide carbonique libre dans la liqueur à essayer, 
rend cette opération plus difficile et incertaine. Nous 
avons vu en effet qu'il convenait, lorsqu'il s'agit de 
déterminer l'acidité d'un vin, d'éliminer préalablement 
l'acide carbonique que le vin peut contenir, et par 
conséquent cet acide n'est pas compris dans le chiffre 
qui exprime l'acidité totale. 

La précision du procédé que nous venons de faire 
connaître repose sur la netteté du changement de colo- 
ration au moment de la saturation, or, s'il y a dans le 
liquide de l'acide carbonique, ce passage n'est pas net, 
la liqueur, après avoir bleui, redevient rouge vineux, 
et il y a sur l'instant de la saturation une incertitude 
que l'on fait disparaître en enlevant toute trace d'acide 
carbonique. 

Cette remarque nous montre que le procédé décrit 
page 341 et par lequel on dose l'acide carbonique au 
moyen des liqueurs titrées laissera toujours quelque 
doute sur l'exactitude de cette détermination. 

Pour compléter la description du mode d'opération, 
nous devons nous occuper des liqueurs qu'il convient 
d'employer et de leur préparation. 

La teinture de tournesordoit être aussi neutre que 
possible, on évitera toute cause d'erreur provenant de 
cette substance en l'essayant préalablement avec la 
liqueur alcaline, et il sera facile de voir s'il y a une 
correction à faire par suite de son emploi. Lorsque l'on 
fait plusieurs essais de suite, il convient de prendre 
toujours la même quantité de teinture afin d'avoir des 
résultats parfaitement comparables. 



■480 ŒNOLOGIE. 

Quant à la liqueur titrée alcaline, nous avons dit que 
l'on pouvait prendre une dissolution de potasse, de 
soude, de baryte ou de chaux. Cette dissolution doit être 
titrée, c'est-à-dire qu'elle doit contenir, sous un volume 
donné, une proportion connue de l'un de ces alcalis. 

À ce caractère nous devons en ajouter un autre qui 
donne ce qu'on appelle une liqueur normale et dans 
laquelle la quantité de matière dissoute est proportion- 
nelle à son équivalent. 

Ainsi une liqueur titrée de soude ou de potasse est 
une liqueur qui, sous un volume connu, de un litre par 
exemple, renferme un poids déterminé de cet alcali, 
une liqueur normale de soude ou de potasse sera une 
liqueur titrée contenant, sous ce même volume de 
un litre, un poids proportionnel à l'équivalent de cha- 
cune de ces bases. 

Disons d'abord comment on arrive à la préparation 
de ces liqueurs, ces notions sont indispensables pour 
qu'on puisse les faire ou seulement les vérifier, lors- 
qu'on s'est adressé pour les obtenir à un fabricant de 
produits chimiques. 

Nous suivrons dans cet exposé les indications don- 
nées par M. Mohr, qui conduisent à un ensemble de 
manipulations faciles à reproduire. 

Le point de départ de toutes les liqueurs à employer 
dans l'acidimétrie et dans l'alcalimétrie est une dissolu- 
tion normale d'acide oxalique contenant 63 grammes 
de cet acide par litre. 

La formule de l'acide oxalique employé étant 

C 2 HO''+2HO, 



* 



ACIDIMÉTRIE. 481 

le nombre 63 représente son équivalent et par consé- 
quent la dissolution contenant sous le volume de 1 litre 
un équivalent d'acide oxalique, sera une dissolution 
titrée normale. Le volume du litre sera pris à la tempé- 
rature de 15°. 

Cette dissolution préparée avec tous les soins pos- 
sibles servira pour obtenir une dissolution normale de 
soude ou de potasse. On donne la préférence à une 
dissolution de soude. 

Dans une éprouvette graduée de 1 litre, on dissou- 
dra un poids de soude caustique égal à son équivalent, 
31 grammes, puis on ajoutera de l'eau distillée de 
manière à remplir l'éprouvette jusqu'à 950 ou 960«; 
alors on comparera cette liqueur à la dissolution nor- 
male acide. On ajoutera ensuite de l'eau distillée jus- 
qu'à ce que les deux liqueurs se neutralisent exacte- 
ment à volume égal. 

Lorsque ce résultat sera obtenu, on aura une 
liqueur normale de soude, renfermant un équivalent 
(NaO) de cette base sous le volume de 1 litre. 

Cette dissolution devra être conservée dans un flacon 
bien bouché et dont le bouchon sera traversé par un 
tube contenant un mélange susceptible d'absorber l'a- 
cide carbonique afin d'éviter l'action de ce gaz sur la 
dissolution. 

Ces indications suffisent pour montrer le mode de 
préparation et la nature de ces deux liqueurs normales, 
l'une acide, l'autre alcaline, on trouvera dans les ou- 
vrages spéciaux sur l'analyse chimique, les détails 
relatifs aux précautions qu'il faut prendre pour réaliser 



482 ŒNOLOGIE 

toutes les conditions nécessaires et assurer l'exactitude 
des résultats. 

Chaque centimètre cube de la liqueur acide contient 
O063 d'acide oxalique et chaque centimètre cube de 
la liqueur alcaline contiendra 0031 de soude. 

Dès qu'on sera en possession de ces deux liqueurs 
on pourra, suivant le besoin, préparer des liqueurs 
semblables avec d'autres acides ou avec d'autres bases. 

Ainsi une liqueur normale d'acide sulfurique contien- 
dra par chaque centimètre cube 0& r . 049 de cet acide 
monohydraté (SO'<H). 

Pour les bases, les liqueurs normales contiendraient 
sous le volume de un centimètre cube 

0^ r 047 de potasse, 
0° r 076 de baryte, 
Os'028 de chaux, 
qui sont les équivalents de 0§ r .031 de soude. 

Ces liqueurs peuvent être quelquefois trop concen- 
trées, il suffira d'y ajouter une proportion d'eau connue 
pour obtenir des liqueurs plus étendues. Cette opéra- 
tion est du reste nécessaire pour les bases très peu so- 
lubles, telles que la chaux et la baryte. Ainsi, un litre 
d'eau à la température de 15° ne peut dissoudre que 
jU r 305 environ de chaux et 50* r de baryte. 

On désigne sous le nom de liqueurs normales déci- 
mes, les liqueurs précédentes ramenées au dixième, 
c'est-à-dire contenant par litre seulement le dixième 
des quantités que nous venons d'indiquer. 

La liqueur normale décime d'acide oxalique ne ren- 



ACIDIMÉTRIE. 483 

fermera donc par litre que 6 5r 3 de cet acide et la 
liqueur décime alcaline 3? r l de soude. 

Chaque auteur a toujours soin de faire connaître la 
nature de la liqueur alcaline qu'il emploie et son titre, 
le titre de la liqueur d'épreuve devant nécessairement 
varier suivant le but que l'on se propose, ou le degré 
de précision que l'on a besoin d'obtenir. Ainsi, M. Pas- 
teur, dans ses études sur le vin, s'est servi d'une eau 
de chaux titrée à l'aide d'une solution normale d'acide 
sulfurique et dont il fallait environ 27 centimètres cubes 
pour saturer 006125 d'acide sulfurique. 

M. Berthelot a employé une dissolution aqueuse de 
baryte titrée au moyen d'une liqueur acide renfermant 
2 grammes de bitartrate de potasse par litre d'eau (con- 
lenantl/iO d'alcool); 10 cc decette solution de bitartrate 
doivent exiger environ 100 divisions d'eau de baryte 
pour être neutralisés. Une division d'eau de baryte 
(1/100 de centimètre cube) équivaut alors à un cin- 
quième de milligramme de bitartrate de potasse, ce qui 
est la limite de la sensibilité que l'on ne peut guère 
dépasser; 10 cc de cette dissolution de baryte corres- 
pondent àl cc 5 d'acide sulfurique normal. 

Un exemple va maintenant nous permettre de résu- 
mer tout ce qui précède et de bien comprendre com- 
ment on devra procéder pour la détermination de l'aci- 
dité totale d'un vin. 

Supposons que Ton opère sur 25 cc de vin, cette quan- 
tité mesurée au moyen d'une pipette graduée sera ver- 
sée dans le vase à fond plat où doit avoir lieu la satu- 
ration. 



484 ŒNOLOGIE. 

Pour la produire on remplira la Lurette avec la 
liqueur normale alcaline, et nous admettrons qu'on 
emploie la liqueur décime de soude, puis on versera 
cette liqueur, en ayant soin d'agiter le vin, jusqu'à ce 
qu'il soit exactement saturé, et en prenant toutes les 
précautions que nous avons indiquées. 

Nous supposerons qu'il faut pour obtenir ce résultat 
21 ct 7 de liqueur alcaline ; ce chiffre correspond à 
O r 067 de soude dont l'équivalent en acide sulfurique 
est 0H06. 

Ce poids d'acide sulfurique est donc l'équivalent des 
acides libres existant dans 2o Cc du vin essayé. 

En le multipliant par 40 on aura le titre acide du vin 
correspondant à un litre, lequel est alors égal à 46 r 24. 

Quelquefois on a besoin d'évaluer le titre acide, non 
pas sur un volume donné du vin, mais par rapport au 
poids sur 1,000 gr. par exemple. 

Il suffira, pour avoir ce nouveau nombre, de déter- 
miner la densité du vin et de faire le calcul nécessaire. 
Admettons que le vin dont nous venons de trouver le 
titre acide estimé suivant le volume, ait une densité de 
997, cela veut dire que le chiffre donnant le titre pour 
un litre, correspond à 997 grammes de vin, par consé- 
quent son titre pour 1,000 grammes, sera exprimé par 
4? r 252 d'acide sulfurique. 

Si on veut évaluer le titre en acide tartrique, il faut 
se reporter à l'équivalent de cet acide qui, d'après sa 
formule 

C 8 H'<0 ,0 -h2HO, 

est égal à 150. 



DOSAGE DES ACIDES VOLATILS, 485 

Par conséquent, le titre acide que nous venons de 
déterminer serait , représenté en acide tartrique et 
correspondant à un litre, 12^98. 



Cette détermination de l'acidité totale des vins esti- 
mée au moyen d'une quantité d'acide sulfurique ou 
d'acide tartrique équivalente à celle des acides libres, 
n'est pas suffisante dans l'étude que nous avons à 
faire relativement aux acides que ces liquides con- 
tiennent. 

Il nous reste maintenant à nous occuper de la re- 
cherche de chacun de ces acides en particulier, et nous 
diviserons cette étude en deux parties. Dans la pre- 
mière nous examinerons les acides volatils et dans la 
seconde les acides fixes. 

Nous avons vu en effet que les vins renfermaient 
constamment des acides volatils appartenant à la série 
des acides gras. Le plus abondant est l'acide acétique, 
on y trouve également, mais en proportion plus faible, 
l'acide butyrique et l'acide valérianique. L'acide acé- 
tique en se combinant à équivalents égaux avec l'acide 
butyrique donne l'acide métacétique qui existe aussi 
à l'état libre dans certains vins. 

Le dosage de ces différents acides est extrêmement 
délicat, car leur poids ne dépasse guère 1 ou 2 déci- 
grammes par litre dans les vins exempts d'altération, 
et on ne peut y arriver d'une manière précise et en 
tenant compte des divers acides rentrant dans cette 
catégorie, qu'en employant un procédé étudié par 



486 ŒNOLOGIE. 

M. Duclaux et qui est basé sur la régularité avec 
laquelle a lieu la distillation de dissolutions étendues 
de ces acides. 

Plusieurs auteurs avaient eu recours dans ce but à 
des distillations répétées ; Nessler évaporait le vin à une 
douce chaleur et après avoir mélangé le résidu avec du 
quartz pilé, il le laissait à l'étuve jusqu'à cessation d'o- 
deur acide, il comparait alors le titre acide du résidu 
avec celui du vin avant l'opération et évaluait la diffé- 
rence en acide acétique. 

Ces procédés sont insuffisants lorsqu'il s'agit de li- 
quides pouvant renfermer des acides volatils autres 
que l'acide acétique. 

L'importance de cette question , dont l'étude doit 
compléter ce que nous avons dit précédemment de 
l'existence de ces acides dans les vins, nous engage à 
faire bien comprendre le procédé opératoire de M. Du- 
claux, et nous serons obligés pour y arriver d'entrer 
dans quelques détails que nous abrégerons du reste 
autant qu'il nous sera possible. 

Supposons que dans une cornue de 250 à 300 cc on 
introduise 110 cc d'un mélange d'acide acétique et d'eau, 
assez étendu, et qu'on en distille les 10/11, c'est-à- 
dire que l'on recueille 100" du produit distillé. L'expé- 
rience a montré que la proportion d'acide passée avec 
cette quantité de liquide est à peu près les ~ de la 
quantité totale d'acide existant dans les 110 cc du mé- 
lange. 

Si donc on dose cet acide dans le liquide distillé avec 
une liqueur alcaline titrée, on pourra conclure la quan- 



DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 487 

lité d'acide existant dans le produit soumis à la distilla- 
tion. 

Si les 100 cc de liquide distillé sont divisés en prises 
d'essai successives de 10 cc , la marche des nombres qui 
indiquentlesproportionsd'acidepasséesdans ces volumes 
égaux de liquide est la même quelle que soit la quan- 
tité d'acide sur laquelle on opère, à la condition que 
l'on ait affaire à un mélange d'eau et d'acide acétique 
pur, au contraire cette marche variera très sensible- 
ment, si l'on opère sur un mélange contenant avec l'a- 
cide acétique des traces même très faibles d'acides gras 
supérieurs. 

On comprend dès lors qu'il suffira d'étudier la 
marche de la distillation de mélanges artificiels de ces 
divers acides et de comparer à ces types la marche de 
la distillation des acides produits dans une fermenta- 
tion pour être renseigné assez exactement sur leur 
nature. 

Cette méthode étudiée d'abord sur des mélanges 
d'eau et d'acides volatils a été ensuite appliquée expé- 
rimentalement aux vins, et peut dès lors conduire au 
dosage de ces acides. 

Il fallait préalablement se rendre compte d'une ma- 
nière exacte de l'influence des matières mélangées 
à l'eau et à l'acide acétique dans le liquide soumis à la 
distillation. 

L'alcool diminue à l'origine la teneur en acide du 
liquide distillé, mais la liqueur qui reste dans la 
cornue se trouvant d'autant plus riche à la fin qu'elle 
s'est moins appauvrie au commencement, l'équilibre se 



488 ŒNOLOGIE. 

rétablit, et la proportion d'acide passée est la même que 
lorsqu'il n'y a pas d'alcool, si l'on pousse la distillation 
aux 10/11. La glycérine exerce aussi un effet peu sen- 
sible en diminuant la proportion d'acide distillée, mais 
on fait cesser cette influence en ajoutant dans la cornue 
un acide fixe tel que l'acide tartrique. 

L'action des matières mélangées est donc faible, 
cependant M. Duclaux a cherché à l'éliminer complè- 
tement pour rendre son procédé exact et précis. Pour 
cela au lieu de faire le dosage des acides sur le vin lui- 
même, il le fait sur le produit d'une première ou même 
d'une seconde distillation après avoir éliminé l'alcool. 
On arrive de la sorte à n'opérer que sur des mélanges 
d'eau et d'acides gras. 

M. Duclaux a reconnu que la dimension des cornues 
employées pour ces distillations avait peu d'influence, 
il s'est arrêté, pour les opérations faites sur 110 cc , à des 
cornues variant de 250 à 350 cc . 

En recueillant 100 cc sur 110 et en fractionnant les 
produits de distillation en prises de 10 cc il a reconnu 
que lorsque les quantités d'eau distillée croissent en 
progression arithmétique , les quantités d'acide acé- 
tique croissent en progression géométrique et on ne 
recueille ainsi que les 4/5 de l'acide contenu dans le 
liquide. 

Le mode de distillation de l'acide butyrique est en 
quelque sorte inverse de celui de l'acide acétique ; on 
reconnaît, en faisant sur cet acide les mêmes observa- 
tions que nous venons d'indiquer sur l'acide acétique et 
en opérant de la même façon, qu'il passe en plus grande 



DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 



489 



abondance dans les premières portions et que dans les 
100 cc recueillis se trouve la presque totalité de l'acide 
contenu dans les 110 cc employés. 

L'acide métacétique qui contient ces deux acides à 
équivalents égaux a une marche de distillation inter- 
médiaire entre celle des deux acides, mais cependant 
elle présente un caractère particulier, de telle sorte 
que cet acide ne se comporte pas comme un simple 
mélange des deux acides qui entrent dans sa compo- 
sition. 

Quant à l'acide valérianique il passe encore plus ra- 
pidement dans les premiers produits que l'acide buty- 
rique, et on obtient également la presque totalité de cet 
acide dans les 10/11 du liquide distillé. 

On voit par cette étude que le mode de distillation 
des acides gras, en solution suffisamment étendue pour 
que la température d'ébullition du dissolvant ne soit pas 
changée et reste constante pendant toute la durée de 
l'opération, est inverse de leur ordre de volatilité lors- 
qu'ils sont concentrés. Il paraît y avoir dans ces faits 
l'indication d'une loi générale, et M. Duclaux Ta véri- 
fiée pour l'acide formique (1) qui passe encore moins 
facilement à la distillation que l'acide acétique. 

(1) A propos de cet acide, rectifions l'erreur commise page 118 
dans l'indication de la composition des acides gras; il faut mettre, 
à la place des formules qui y sont portées en tête de la liste, 
les formules suivantes : 



Acide formique . 
Acide acétique. . 
Acide butyrique, 



C2H2Q4 

C 4 H 4 0 4 
C 8 H»0 4 



490 ŒNOLOGIE. 

Le but de ces observations étant le dosage des acides 
volatils contenus dans les vins, et ceux-ci ne se trou- 
vant jamais seuls dans les produits de la fermentation, 
il était nécessaire de rechercher comment ces acides se 
comportent lorsqu'ils sont mélangés. 

Or l'expérience faite sur des mélanges en diverses 
proportions d'acide acétique et décide butyrique a 
montré que dans ce cas chacun des acides distille indi- 
viduellement comme s'il était seul dans la liqueur. 

On peut donc se servir des chiffres fournis par les 
distillations faites sur les mélanges d'un seul acide et 
les comparer à ceux qui sont fournis par la distillation 
d'un mélange inconnu. A la rigueur les dix équations 
fournies par les dix prises d'essai pourraient conduire 
à la détermination de la composition d'un mélange de 
dix acides, mais les résultats sont loin d'être aussi 
satisfaisants dans la pratique et deviennent très incer- 
tains même dans le cas de trois acides seulement. 

Dans le cas des vins il peut y avoir trois acides mé- 
langés, mais alors l'un d'eux est en proportion excessi- 
vement petite, et le plus souvent en n'en trouve que 
deux. On peut toujours revenir à ce chiffre en faisant 
une nouvelle distillation après une saturation partielle 
qui arrêtera à peu près complètement l'un des acides 
et n'en laissera passer que deux. 

Pour rendre plus facile la découverte de mélanges 
inconnus de deux acides, M. Duclaux a déterminé par 
des expériences directes les chiffres fournis par sa 
méthode avec des mélanges préparés d'avance, de telle 
sorte qu'avec ses tableaux et les résultats fournis par 



DOSAGE DES ACIDES VOLATILS. 491 

un liquide dans lequel on veut doser les acides on 
arrive rapidement à être fixé sur la nature et les pro- 
portions de ces acides ; nous croyons inutile de trans- 
crire ici ces nombreux tableaux que l'on trouvera dans 
son mémoire. 

Examinons maintenant quelle devra être la marche à 
suivre pour le dosage des acides volatils dans les vins. 
La présence de l'alcool et des autres substances étran- 
gères ne nuit pas à la première évaluation, et en distil- 
lant un vin aux 10/11 il passera à très peu près autant 
d'acide que si celui-ci était dissous dans de l'eau pure. 

Ce premier produit saturé, évaporé en partie pour 
chasser l'alcool, puis additionné d'acide tartrique et de 
glycérine, pour se placer à peu près dans les mêmes 
conditions que s'il s'agissait du vin, sera distillé de 
nouveau. En comparant l'acide employé et l'acide 
recueilli dans cette dernière expérience, on pourra 
remonter facilement de la quantité fournie par la pre- 
mière distillation à celle qui existait dans le vin. 

On prendra donc 275 cc de vin, on chassera l'acide 
carbonique par un courant d'air, on distillera aux 10/11 
et après une nouvelle insufflation d'air, on prendra le 
titre acide du liquide distillé. 

On ajoutera un léger excès d'eau de chaux , on 
évaporera à 250 cc en chassant tout l'alcool, on ajoutera 
1 gramme de glycérine et de l'acide tartrique en quan- 
tité suffisante pour remettre tout l'acide gras en liberté. 
On laissera cristalliser le tartrate de chaux, on décantera 
le liquide et on ramènera avec les eaux de lavage au 
volume de 275 rc . 



492 ŒNOLOGIE. 

On distillera de nouveau aux 10/11 et on prendra le 
titre acide du liquide distillé; le rapport entre la quan- 
tité d'eau de chaux nécessaire ici et celle de la pre- 
mière saturation servira à remonter à la quantité d'a- 
cide existant dans le vin. 

On recommencera pour ce nouveau liquide les opéra- 
tions précédentes, mais sans ajouter autre chose que la 
quantité d'acide tartrique nécessaire. On ramène à 165 
le liquide acide et l'on distille à 150; 50 cc servent à 
déterminer le titre acide, les 100 autres sont amenés à 
110 et soumis à la distillation fractionnée. Les nombres 
trouvés conduiront directement par un calcul simple à 
la connaissance delà quantité et de la nature des acides 
volatils existant dans le vin essayé. 

Nous nous contenterons de ces indications générales 
et nous reviendrons sur cette détermination des acides 
gras volatils en parlant des maladies des vins. 

Pour donner une idée de l'influence des conditions 
diverses de la fermentation sur la production et la 
proportion de ces acides volatils, nous citerons l'expé- 
rience suivante faite par M. Duclaux. 

Un lot de vendange de raisins noirs a été partagé en 
trois parties ; l'une a été écrasée et mise à fermenter à 
la manière ordinaire ; dans la deuxième on a enlevé 
les pellicules et on n'a laissé que la grappe et les 
pépins ; dans la troisième on a fait l'inverse et on n'a 
laissé que les pellicules. 

Ces trois lots ont fermenté dans les mêmes condi- 
tions après avoir été ensemencés avec des quantités 
égales de levure de vin fraiche. 



DOS AGI-: DES ACIDES VOLATILS. 493 

Lorsque la fermentation a été terminée, on a soutiré 
le liquide clair et on a pressé les marcs. Les vins de 
pressurage ont été laissés une dizaine de jours au 
contact des lies qui ont constamment fermenté dans l'in- 
tervalle, en laissant dégager de leur masse de grosses 
bulles d'acide carbonique. 

Voici, évaluées en acide acétique, les quantités d'a- 
cide contenues dans 1 litre de ces diverses espèces de 
vins : 

Vin clair. Vin de pressurage. 

N° 'J, ordinaire, 0.161 0.370 

N J 2, sans pellicules, 0.209 0.290 

N° 3, sans grappes ni pépins, 0.196 0.507 

La première conséquence de ces observations c'est 
que la production la plus faible d'acides volatils s'obiient 
avec la fermentation dans les conditions ordinaires et 
le soutirage immédiat du vin. De plus, dans tous les 
cas, le vin de pressurage en renferme plus que le vin 
obtenu avant cette opération. 

Il était important de savoir si dans ces deux cas ces 
acides étaient de même nature. 

Un vin du Puy-de-Dôme, sain et naturel, de la 
récolte de 1872, sans aucun mélange de vin de pressu- 
rage, a donné par litre 0 gr. 109 d'acide acétique et 
Ogr. 050 d'acide butyrique. 

Le vin de pressurage correspondant contenait égale- 
ment par litre 0 gr. 360 d'acide acétique et 0 gr. 050 
d'acide butyrique. 

28 



494 ŒNOLOGIE. 

Cette idéntité des deux rapports montre que la pro- 
duction de ces acides était tout-à-fait normale, elle 
confirme ce que nous avons dit précédemment sur leur 
formation. 

Ordinairement l'acide acétique naturellement pro- 
duit dans les vins par le fait de la fermentation régu- 
lière est accompagné ded/i^ à 1/15 de sa proportion 
par des acides gras supérieurs, mais on comprend faci- 
lement que les rapports seront modifiés par les altéra- 
tions dont ces vins sont susceptibles. 

Un vin blanc de Saumur a donné par litre 0 gr. 992 
d'acide acétique et 0 gr. 038 d'acide butyrique. Ce vin, 
quoique trouble, était franc de goût et sans filaments 
d'aucune espèce. 

L'analyse de ce vin a montré qu'il devait contenir 
un peu d'acide valérianique et même des traces d'un 
acide gras supérieur. 

Pour d'autres vins ne présentant aucun signe d'alté- 
ration, M. Duclaux a mis en évidence d'une manière 
certaine la présence de l'acide valérianique, mais cet 
acide n'y existe qu'en quantité très faible et il est très 
difficile d'évaluer sa proportion. 

Les résultais fournis par le vin de Saumur dont 
nous venons de parler permettent de l'estimer environ 
à six milligrammes par litre. 



Parmi les acides fixes que le vin contient, le pins 
important et le mieux connu est sans contredit l'acide 



♦ 



DOSAGE DE L'ACIDE TARTR1QUE. 495 

tartrique; nous savons qu'il existe déjà dans le raisin 
et par conséquent il n'a pas été produit par la fermen- 
tation, comme les précédents. 

On le considère en général comme s'y trouvant à 
à l'état de bitartrate de potasse ou crème de tartre mêlé 
à une petite quantité de tartrate de chaux, et souvent on 
a proposé de déterminer sa proportion en la déduisant 
de celle de la crème de tartre que Ton peut séparer 
directement par évaporation , ou bien en calculant la 
quantité de crème de tartre correspondant à la potasse 
obtenue par un essai alcalimétrique du produit de l'in- 
cinération. 

Sans examiner les différentes causes qui rendent ce 
procédé inexact et insuffisant, nous nous contenterons 
de faire remarquer que la quantité de potasse contenue 
dans les vins ne correspond nullement à celle qui for- 
merait avec leur acide tartrique du bitartrate de potasse, 
elle est le plus souvent plus grande, quelquefois plus 
faible que celle nécessaire à cette formation. 

MM. Berthelot et de Fleurieu ont employé une 
méthode de dosage qui permet de se rendre compte des 
différents états sous lesquels peut se rencontrer l'acide 
tartrique et d'éclairer sous ce rapport la constitution 
générale des vins. Nous allons examiner avec détails ce 
procédé et les différentes conséquences que l'on peut 
en déduire. 

Le vin peut contenir l'acide tartrique sous trois 
formes principales : 

1° A l'état d'acide tartrique libre ; 



496 ŒNOLOGIE. 

2° D'acide tartrique uni aux hases (tartrates et bitar- 
trates de potasse, soude, chaux, etc.) ; 

3° Enfin d'acide tartrique uni à l'alcool, au glucose, 
à la glycérine, etc., sous forme de ces combinaisons 
élhérées (éther éthyltartrique, acide éthyltartrique, 
éthyltartrates. acides glucosotartriques, etc.), dont nous 
avons précédemment fait connaître la nature et le mode 
de production. 

L'acide tartrique libre et l'acide tartrique combiné 
aux bases dans les tartrates, peuvent être immédiate- 
ment manifestés par précipitation et par double décom- 
position, et il n'est pas possible d'établir une distinc- 
tion entre ces deux portions de l'acide tartrique à 
cause de l'existence des autres acides. 

Mais il faut en distinguer l'acide tartrique entré 
dans une de ces combinaisons particulières que nous 
venons de rappeler; car celui-ci n'est pas précipitahle 
sous forme de bitartrate de potasse. Nous aurons à 
revenir sur la détermination de la proportion de l'acide 
tartrique existant sous cette forme, car elle peut s'élever 
jusqu'au tiers de l'acide tartrique ordinaire. 

Ce que nous allons dire maintenant s'applique donc 
seulement à l'acide tartrique libre ou combiné aux 
bases minérales. 

Le mode de dosage employé par MM. Berthelot et 
de Fleurieu repose sur l'insolubilité presque absolue 
du bitartrate de potasse dans un mélange d'alcool ordi- 
naire et d'éther à volumes égaux, et sur la propriété 
que possède ce même mélange de dissoudre toutes les 



DOSAGE DE L* ACIDE TARTRIQUE. 497 

autres substances douées d'une réaction acide que le 
vin peut renfermer. Le mélange d'alcool et d'éther 
employé doit être parfaitement neutre. 

Voici maintenant comment on doit procéder dans 
l'application de la méthode dont nous venons d'indiquer 
le principe. 

On prend 10 centimètres cubes de vin, on les intro- 
duit dans un petit matras, et on y ajoute 20 cc de mé- 
lange éthéro-alcoolique ; on agite le tout, on bouche le 
matras et on abandonne la masse liquide à elle-même 
pendant quarante-huit heures à la température ordi- 
naire. 

La' crème de tartre se précipite, tandis que les acides, 
l'eau et la plupart des autres substances contenues 
dans le vin restent en dissolution. 

On sépare le précipité de la liqueur par décantation, 
puis avec l'aide d'un filtre, et on lave ce précipité avec 
une petite quantité de mélange éthéro-alcoolique. 

Le précipité est ramené dans le matras avec le filtre, 
et additionné d'eau que l'on chauffe de manière à 
dissoudre le bilartrate de potasse. 

Alors on détermine dans le matras le titre acide de 
la liqueur au moyen d'une dissolution alcaline titrée et 
l'on sait ainsi la quantité de crème de tartre qui a été 
précipitée. 

De la proportion trouvée de crème de tartre on dé- 
duit facilement la quantité correspondante d'acide lar- 
trique, mais cette opération est insuffisante pour avoir 
un dosage exact et complet, car il peut arriver que la 

28. 



498 ŒNOLOGIE. 

potasse ne puisse précipiter tout l'acide tar trique à Tétai 
de bitartrate. 

Il faut dès lors faire un second essai en ajoutant au 
vin une petite quantité de potasse qui permettra la pré- 
cipitation complète de l'acide tar trique. 

Voici la règle à suivre dans cette circonstance, et 
l'expérience a montré qu'elle conduisait à des résultats 
exacts. 

On prend 5 CC de vin, et on les sature par de la potasse 
en léger excès; ce liquide neutralisé est mêlé à 20 e du 
même vin et le tout est partagé en deux parties égales 
qui serviront à faire deux essais. Chacun d'eux est 
traité par 25<-' c du mélange éthéro- alcoolique et l'opéra- 
tion se termine comme la précédente, seulement au 
lieu de faire le calcul sur 1Ô CC on le rapporte à 12 cr 5 de 
vin. 

On comprendra facilement les conséquences à déduire 
de ces deux essais. Si la potasse se trouve dans le vin 
en excès suffisant relativement à l'acide tartrique, les 
deux essais donneront des résultats concordants, mais 
s'il y a divergence c'est le second qui donnera exacte- 
ment le poids de l'acide tartrique ; le chiffre trouvé 
dans cet essai étant toujours supérieur à celui donné 
par le premier. 

Dans ces essais on obtient un certain poids de bi- 
tartrate , et d'après la composition de ce sel et de 
l'acide tartrique, le poids de ce dernier acide s'ob- 
tient aisément d'après le rapport de leurs équivalents, 
celui du bitartrate étant 188 et celui de l'acide tar- 
trique 150. 



DOSAGE DE L'ACIDE TAHTRIQUE. 499 

Ce procédé demande une légère modification dans le 
cas des vins qui contiennent une proportion notable de 
chaux, ce qui arrive par exemple pour les vins de 
Champagne produits dans les terrains crayeux. 

On évitera facilement la cause d'erreur résultant de 
la présence de la chaux qui se mêlerait à la crème de 
tartre à l'état de tartrate de chaux, en éliminant d'a- 
bord l'acide carbonique, puis en chauffant légèrement 
le vin après y avoir ajouté quelques gouttes d'oxalate de 
soude; la chaux se précipite à l'état d'oxalate, on 
décante, après avoir laissé déposer pendant quarante- 
huit heures, puis on procède au dosage comme à l'ordi- 
naire. 

Le procédé que nous venons de décrire permettra 
donc dans tous les cas de déterminer la quantité totale 
d'acide tartrique existant dans un vin à l'état d'acide 
tartrique libre ou combiné avec des bases telles que la 
potasse, la soude ou la chaux. Nous allons revenir sur 
ce qu'on appelle ordinairement le dosage du bitartrate 
de potasse existant réellement dans les vins. 

M. Pasteur a donné, pour le dosage de l'acide tar- 
trique, un procédé reposant sur les propriétés parti- 
culières que possède cet acide au point de vue de ses 
caractères optiques (voy. tome I er , page 319), propriétés 
conservées dans les combinaisons auxquelles donnent 
lieu les différentes variétés d'acide tartrique. 

Voici comment doit être conduite cette opération : à 
l 20 c de vin, on ajoute une quantité d'acide tartrique 
gauche correspondant, par exemple, à 3 grammes de 
bitartrate dépotasse droit ordinaire. 



500 ŒNOLOGIE. 

La solution employée pour cet objet contient 10 gr. 
de tartrate gauche d'ammoniaque par litre (1). 

On verse ensuite la quantité d'eau de chaux néces- 
saire pour saturer les 20 cc de vin, cette quantité a été 
déterminée par un essai acidimétrique préalable. 

11 se précipite alors du racémate ou paratartrate de 
chaux, sel formé de proportions équivalentes de tar- 
trate droit et de tartrate gauche. Si la quantité d'eau 
de chaux ajoutée ne suffisait pas pour précipiter tout 
le racémate possible, il faudrait y joindre quelques 
gouttes de chlorure de calcium. Ce sel, qui ne préci- 
pite pas les dissolutions d'acide tartrique, précipite 
celles de l'acide racémique. 

Après quelques minutes d'attente, on filtre et on pré- 
lève deux portions séparées à peu près égales, 15 cc 
environ de la liqueur toujours très limpide qui a passé 
au filtre, et on met chacune d'elles dans un verre. 

Dans un des verres, que nous appellerons le verre de 
droite, on ajoute deux gouttes d'une solution de tartrate 

(1) Les nombres suivants donuent le volume de cette liqueur 
nécessaire pour transformer en racémate tout l'acide tartrique 
contenu clans 20 cc de vin: 

Quantité de bitartrale de potasse Volume de la liqueur 

par litre gauche. 
2gr 3CC9 

26*5 4 CC 89 

36 r 5cc87 

' 39*5 G cc 85 

4gr 7cc83 

Et pour une quantité t de bitartrate : 
184 

V = ; soit t = 26 r 8,V = 5 C <4S. 



DOSAGE DE i/ ACIDE TARTRIOUE. 501 

droit d'ammoniaque au 1/100(1 gramme dans 100 cc 
d'eau distillée), et dans l'autre verre, le verre de gauche, 
on ajoute deux gouttes d'une solution de tartrate gauche 
d ammoniaque également au 1/100. 

Trois cas peuvent se présenter. Après un quart 
d'heure, une heure et même davantage, car il est tou - 
jours utile de conserver les verres un temps assez long, 
il se fait un précipité dans le verre de droite, ou dans 
le verre de gauche, ou Lien il n'y a pas de précipité ni à 
droite ni à gauche. Le précipité ne se fait pas à la fois 
à droite et à gauche. 

Supposons qu'il y ait précipité à droite. Cela prouve 
que la liqueur qui a passé au filtre, renferme du tar- 
trate gauche, et par conséquent on doit en conclure 
qu'il n'y a pas dans le vin, en acide tarlrique, l'équi- 
valent de 3 grammes de bitartrate de potasse. 

Si, au contraire, il y a précipité à gauche, cela prouve 
qu'il y a du tartrate droit dans la li queur filtrée, et par 
conséquent le vin renferme, en acide tartrique, l'équi- 
valent de plus de 3 grammes de bitartrate de potasse. 

Enfin, s'il n'y a point de précipité à droite ni à gauche, 
il en résulte que le vin renferme à très peu près Péqui - 
valent de 3 grammes de bitartrate de potasse par litre. 

Ce dernier cas donne une solution immédiate, pour 
les deux autres, il faut une nouvelle épreuve dont, on 
doit déjà comprendre la nature. 

Supposons que le deuxième cas se soit présenté, il y 
a eu précipité à gauche, et par suite la liqueur passée au 
second filtre contenait du tartrate droit. On procédera 
à un second essai semblable au précédent», et dans 



502 ŒNOLOGIE. 

lequel on ajoutera aux 20 tc de vin, l'équivalent en acide 
tartrique gauche de 3& r 5 de bitartrâte de potasse par 
litre, et on continuera comme il vient d'être dit pour 
la première épreuve. 

M. Pasteur ajoute qu'on arrive, par ce moyen, beau- 
coup plus vite qu'on ne pourrait l'imaginer au premier 
abord, en moins d'une heure, par exemple, à resserrer 
suffisamment les limites entre lesquelles se trouve com- 
prise la quantité totale d'acide tartrique de la liqueur, 
de façon à la connaître facilement à moins d'un déci- 
gramme ou de cinq centigrammes par litre. 

Cette méthode présente surtout un grand avantage, 
lorsqu'il s'agit de comparer, au point de vue de la pro- 
portion d'acide tartrique qu'ils contiennent, deux ou 
plusieurs échantillons de vin de même origine dont les 
uns sont restés sains, tandis que les autres ont subi 
une altération plus ou moins prononcée pouvant avoir 
porté sur l'acide tartrique. 



D'après ce que nous avons dit au sujet de l'impor- 
tance de l'acide tartrique et de la potasse dans les vins, 
on comprend tout l'intérêt qui s'attache à l'étude et au 
dosage du bitartrâte de potasse, forme sous laquelle se 
trouve combinée la majeure partie de ces deux com- 
posés. 

Aussi l'attention a- t-elle été souvent portée sur ce point 
en raison surtout des nombreuses applications indus- 
trielles de ce produit ; malheureusement si les faits sur 



DOSAGE DU BITARTRATE DE POTASSE. 503 

lesquels repose sa détermination sont suffisamment 
établis pour les conséquences qu'on en tire, ils ne sont 
pas très exacts, et les nouvelles observations basées sur 
des données plus précises, ne sont pas encore assez 
multipliées pour nous permettre de donner son histoire 
complète et de suivre ses variations dans les différents 
vins, ou bien aux diverses époques de la conservation 
d'un même vin. Nous ne séparerons pas le dosage du 
bitartrate de potasse, de celui de l'acide tartrique à 
cause de la relation intime qui existe entre ces deux 
déterminations. 

Nous croyons devoir dire un mot des anciennes 
méthodes employées, ce sera le meilleur moyen de 
montrer les causes d'erreur qu'elles présentent et d'ar- 
river à reconnaître les conditions dans lesquelles il est 
possible d'obtenir des résultats conformes à la compo- 
sition réelle des vins, telle que doit la donner une analyse 
exacte. 

M. Masson-Four s'est beaucoup occupé du dosage 
du bitartrate de potasse contenu dans les moûts et dans 
les vins ; il a donné le nom de tartrimètre à l'instru- 
ment qu'il avait proposé pour cet usage. 

Son procédé consistait à verser dans le liquide à ana- 
lyser une dissolution de carbonate de potasse ou de 
carbonate de soude, l'acide tartrique du bitartrate 
chasse alors l'acide carbonique, et au bout d'un certain 
temps la liqueur devient neutre au lieu d'être acide, 
un excès de carbonate donne même une réaction alca- 
line. 

On comprend dès lors qu'il est facile de calculer 



504 ŒNOLOGIE. 

quelle est la proportion de crème de tartre correspon- 
dant à la quantité de carbonate employé. 

Supposons qu'on se serve de carbonate de soude que 
l'on peut obtenir pur et cristallisé ; on prend 10 r de 
ce sel et on les dissout dans de l'eau distillée, do 
manière que la dissolution remplisse une burette divi- 
sée en 100 parties égales, c'est cette burette qui cons- 
titue le tartrimètre. 

Dans un vase à fond plat on verse un décilitre de 
moût ou de vin et on ajoute la dissolution alcaline jus- 
qu'à ce que la réaction acide cesse pour faire place à 
une réaction alcaline. Ce résultat est constaté au moyen 
des papiers réactifs ordinaires. Quand ce but est 
atteint, si on a employé 11 centièmes de la liqueur, on 
n'en compte que 10 centièmes, et on dit qu'il a fallu 
10 degrés du tartrimètre pour saturer l'acide tartrique, 
M. Masson- Four a donné une table fournissant pour 
chaque degré de cet instrument la quantité de bitartrate 
correspondante et qui représente alors la proportion de 
ce sel contenue dans le liquide essayé. On a fait un cal- 
cul spécial pour le carbonate de soude et pour le carbo- 
nate de potasse. 

Il suffit de décrire ce procédé pour en bien montrer 
toute l'inexactitude ; en effet, outra les inconvénients 
résultant de l'emploi d'un carbonate pour amener la 
saturation, celte opération, faite même avec précision, 
ne peut que donner, comme nous l'avons vu, la quan- 
tité d'acide libre existant dans le vin, et nullement la 
proportion de bitartrate de potasse. En effet, l'acide tar- 
trique n'est pas le seul acide existant dans les moûts et 



DOSAGE DU BITARTRATE DE POTASSE. 505 

dans les vins, et on peut dire que l'acidité totale de ces 
liquides n'a aucun rapport avec la quantité de bitar- 
trate dépotasse qu'ils peuvent contenir. 

La crème de tartre peut être estimée bien plus exacte- 
ment en évaporant le liquide jusqu'à siccité, puis en 
incinérant le résidu, en traitant la cendre par l'eau et 
en dosant dans cette dissolution le carbonate de potasse 
au moyen d'un essai alcalimétrique. Ce procédé insuf- 
fisant pour la détermination de l'acide tartrique donne 
des résultats assez exacts et dont on peut se contenter 
dans la pratique industrielle. De la quantité de potasse 
trouvée, on déduit la proportion de bitartrate corres- 
pondante. 

L'évaporation du liquide et la détermination directe 
du bitartrate de potasse par la séparation de ce sel par 
voie de cristallisation peut encore donner de bons résul- 
tats. 

Pour appliquer cette méthode on évapore le vin de 
manière à le réduire au dixième de son volume, puis 
on le laisse refroidir et on l'abandonne dans un endroit 
froid pendant vingt-quatre heures. 

Le bitartrate cristallise, on le sépare par décantation, 
on le lave avec un peu d'alcool étendu, on le fait 
sécher et on le pèse. Il en reste bien une petite quan- 
tité dans l'eau mère, mais on peut la négliger, parce 
que le précipité recueilli contient en même temps quel- 
ques sels étrangers qui donnent un résultat trop élevé, 
et alors il y a compensation. 

A la rigueur on pourrait obtenir la crème de tartre 
restant dans l'eau mère, en la mélangeant avec de l'alcool 

29 



506 ŒNOLOGIE. 

et en laissant cristalliser de nouveau, et pour éviter l'er- 
reur provenant des sels étrangers et notamment du 
tartrate de chaux, on peut déterminer la richesse acide 
des dépôts après les avoir redissous, ou bien procéder 
à un essai alcalimétrique de la cendre fournie par les 
mêmes dépôts. 

Le procédé de MM. Berthelot et de Fleurieu, que 
nous avons précédemment décrit à propos du dosage 
de l'acide tartrique, peut également être appliqué à la 
détermination de la quantité de crème de tartre conte- 
nue dans le vin ; un seul essai fait avec 10 cc de liquide 
Suffit pour obtenir ce résultat avec une grande exacti- 
tude. 

Le chiffre donné par cette opération correspond à la 
quantité de bilartrate de potasse que fournit le liquide 
analysé en vertu de la proportion des différents com- 
posés qu'il renferme à l'état de mélange- 
Mais si des évaluations ayant un but industriel, 
et auxquelles par conséquent doit suffire une appro- 
ximation plus ou moins grande suivant les cas, nous 
voulons passer à une détermination exacte, il faut d'a- 
bord bien s'entendre sur la définition que Ton doit 
donner à cette expression proportion de bitarlrate de 
potasse contenue dans un vin. 

Il y a dans le vin de l'acide tartrique, il y existe éga- 
lement de la potasse, et on peut dire qu'il n'arrive ja- 
mais que ces deux corps se rencontrent dans les mêmes 
proportions que dans le bitartrate de potasse. 

Aussi MM. Berthelot et de Fleurieu dans le travail 
que nous avons déjà cité, ont-ils pensé que la seule 



DOSAGE DU BITARTRATE DE POTASSE. 507 

définition exacte et possible de la proportion de ce sel 
contenue dans le vin était la suivante : 

Proportion maximum de bitartrate qui puisse résul- 
ter de l'union de la potasse totale et de l'acide tartrique 
total existant dans le vin. 

Dès lors le poids du bitartrate doit être proportion- 
nel au poids de celui des composants qui se trouvent 
en moins grande quantité par rapport à l'autre. Ce poids 
peut être facilement calculé lorsque l'on a déterminé pré- 
alablement la proportion de l'acide tartrique d'un côté, 
celle de la potasse de l'autre. 

Toutes ces observations sont les conséquences natu- 
relles de la composition complexe du vin et du perfec- 
tionnement des méthodes qui ont permis d'y reconnaî- 
tre une foule de substances longtemps inconnues, et 
même pour quelques-unes d'en déterminer la quan- 
tité. 

Autrefois on se contentait dans l'étude d'un moût, 
de chercher la proportion d'extrait sec fourni par l'éva- 
poration, on évaluait ensuite au moyen du tartrimètre 
ou par une autre méthode la quantité de bitartrate de 
potasse, puis, négligeant comme étant en proportion 
trop faible les substances non déterminées directement, 
on arrivait par une simple soustraction à trouver, avec 
une approximation que l'on regardait comme suffisante, 
la quantité de sucre. 

Il en était de même pour l'analyse des vins. Mais 
sans nier l'intérêt qui s'attache à des déterminations 
comme celles dont nous avons parlé tout à l'heure rela- 
tivement au bitartrate de potasse, nous devons nous 



508 ŒNOLOGIE. 

demander quelle est la signification précise des résul- 
tats fournis par ces opérations. 

Outre la question de calcul intervenant pour fixer la 
quantité de bitartrate de potasse que l'on peut obtenir 
avec les proportions trouvées dans un vin d'acide tar- 
trique et de potasse, il y a certains faits d'expérience 
qu'il peut être utile de recueillir, dans des cas donnés, 
et qu'il importe de bien définir. 

C'est d'abord la quantité de bitartrate de potasse que 
peut fournir l'évaporation, soit directement, après réduc- 
tion aux neuf dixièmes environ du volume du liquide, 
soit par cette première opération et l'addition d'une 
certaine quantité d'alcool au résidu. 

Il est bon de noter également les proportions de bi- 
tartrate de potasse qui se précipitent naturellement par 
l'abaissement de la température du vin qui diminue le 
degré de solubilité de ce sel, ou par l'augmentation de 
la richesse alcoolique qui produit le même résultat. 
C'est à ces causes que sont dus surtout les dépôts qui 
se produisent dans les tonneaux et y déterminent 
la formation de ce qu'on appelle communément le 
tartre. 

Ces réflexions jointes aux détails que nous avons 
donnés sur le dosage de l'acide tarf rique libre ou combi- 
né aux bases minérales, ainsi qu'aux notions que nous 
possédons sur la présence dans le vin d'autres composés 
pouvant influer sur ceux qui résultent de l'union de la 
potasse et de l'acide tartrique nous permettent de com- 
prendre le rôle delà combinaison qui constitue la crème 
de tartre, son évaluation au point de vue industriel et 



DOSAGE DES ACIDES FIXES. 509 

le sens qu'il faut attribuer à cette détermination et à la 
définition exacte de sa proportion. 



En dehors de l'acide tartrique on a signalé dans les 
vins la présence d'autres acides analogues, présentant 
le même caractère quant à leur origine, c'est-à-dire 
existant dans Je raisin avant toute fermentation et par 
conséquent ne provenant jamais de cette opération. 

Il résulte de ce fait que l'on peut avoir h rechercher 
et à doser ces acides, non-seulement dans le vin, mais 
dans le moût lui-même et par suite dans le raisin aux 
différentes périodes de sa maturation. 

M. Pasteur indique une méthode générale qui per- 
met d'extraire tous les acides contenus dans le moût de 
manière à pouvoir reconnaître leur nature et estimer 
leur proportion. 

Le moût est réduit par évaporation au cinquième de 
son volume, puis on l'agite avec un mélange d'alcool 
et d'éther à diverses reprises, on laisse reposer et on 
décante le liquide alcoolique éthéré. 

On ajoute une nouvelle portion de ce liquide que l'on 
décante à son tour au bout de vingt-quatre heures, et 
on continue jusqu'à ce que le moût ne cède plus d'a- 
cide. Il ne contient plus alors que du bitartrate de 
potasse, du tartrate neutre de chaux et des sels alcalins 
neutres. 

Toutes les liqueurs alcooliques sont évaporées. Après 
concentration on sature par l'eau de chaux et l'on éva- 
pore de nouveau. 



510 ŒNOLOGIE. 

La première cristallisation est ordinairement du tar- 
trate de chaux pur en petite quantité, puis après une 
nouvelle évaporation, on a une cristallisation abon- 
dante de tarlromalate de chaux, sel hydraté formé d'un 
équivalent de tartrate neutre et d'un équivalent de 
malate neutre de chaux. 

Enfin la troisième cristallisation est du malate neutre 
de chaux pur. 

Il est également facile de retirer les sels de chaux qui 
restent dans l'eau mère et que le sucre empêche de 
cristalliser. Il suffit d'étendre la liqueur avec de l'eau, 
de faire fermenter rapidement le sucre par une addi- 
tion suffisante de levûre de bière. Après la fermen- 
tation on évapore le vin et les sels de chaux cristal- 
lisent. 

M. Pasteur a étudié, en suivant la marche que nous 
venons d'indiquer, des moûts de différents cépages 
cultivés aux environs d'Arbois, les acides trouvés dans 
ces moûts sont les acides tartrique et malique. 

On a également signalé dans les vins la présence de 
l'acide citrique. Proust, dont les observations ont porté 
sur des raisins récoltés aux environs de Madrid, a 
reconnu que cet acide existait en grande quantité dans 
le verjus, c'est-à-dire dans les raisins non mûrs, il 
pense même qu'on pourrait l'en extraire avec avantage 
au lieu de le tirer du jus du citron, d'après la méthode 
de Scheele. Le même auteur ajoute que l'acide citrique 
disparaît à mesure que la maturité avance et qu'il en 
a retrouvé à peine des traces dans les raisins complète- 
ment mûrs. 



DOSAGE DE L'ACIDE MALIQUE. 511 

Examinons maintenant comment on devra procéder 
pour doser l'acide malique dont l'existence dans les vins 
a été plus fréquemment constatée. 

On a conseillé, pour arriver à ce résultat, d'utiliser 
l'insolubilité du malate de plomb, ou la solubilité du 
malate de chaux. 

Le vin sera d'abord précipité par l'acétate de plomb, 
on recueille le précipité formé et on le lave. Le dépôt 
séché est repris par de l'eau additionnée du quart de 
son poids d'acide sulfurique. Quand l'action de cet acide 
s'est produite, on sature l'excès d'acide avec du carbo- 
nate de chaux bien pur, puis, au bout d'un certain 
temps, on ajoute du chlorure de calcium et on aban- 
donne le mélange pendant quelques heures. 

On fdtre et on lave le précipité sur le filtre; le liquide 
recueilli contient l'acide malique à l'état de malate de 
chaux. 

On ajoute alors à ce liquide deux fois son volume 
d'alcool, le malate de chaux devenu insoluble se préci- 
pite et peut être séparé et pesé. On conclut du chiffre 
obtenu le poids de l'acide malique. 

Au lieu de doser cet acide à l'état de malate de chaux, 
on peut redissoudre ce sel par une petite quantité d'eau, 
puis traiter la liqueur par l'acétate de plomb, qui re- 
donne un précipité de malate de plomb. Celui-ci est re- 
cueilli, lavé et décomposé par l'hydrogène sulfuré. 

La dissolution d'acide malique, séparée par filtration 
du sulfure de plomb, est ensuite évaporée, et on peut 
isoler cet acide ou le doser au moyen d'une liqueur 
normale alcaline. 



512 ŒNOLOGIE. 

L'équivalent de l'acide malique, dont la formule est 
C 8 H 6 O l0 , est égal à 434. 

M. Robinet donne, d'après M. Berthelot, le procédé 
suivant pour le dosage de ce même acide : 

a On évapore le vin jusqu'à réduction à un dixième; 
on ajoute au résidu un volume égal d'alcool à 90° et on 
laisse reposer. 

« L'acide tar trique se sépare ainsi que tous les 
tartrates et la plus grande partie des sels calcaires. On 
décante et on ajoute, dans la liqueur, de l'eau de chaux 
en léger excès. 

« Le malate de chaux se précipite, mêlé avec un 
excès de chaux. On le recueille et on le fait cristalliser 
dans l'acide azotique étendu de dix parties d'eau. 

« On obtient ainsi un bimalate de chaux dont la 
proportion conduit à trouver le poids d'acide malique 
correspondant. » 

La composition de ce bimalate de chaux est repré- 
sentée par la formule, C 8 H 5 CaO^°,8HO, par conséquent 
ls r de ce corps correspond à 0s r 59 d'acide malique. 



Nous avons joint aux acides fixes contenus dans les 
vins et qui préexistaient dans le raisin, un autre acide 
qui en diffère cependant sous ces deux points de vue de 
l'origine et de la volatilité, c'est l'acide succinique solide 
jusqu'à 185° et dont le point d'ébullition est 235°. 

Cet acide succinique est un produit constant de la 
fermentation alcoolique, il ne paraît pas exister dans 



DOSAGE DE L'ACIDE SUCCINIQUE. 513 

le moût avant cette opération, ou du moins sa présence 
n'a jamais été constatée dans le jus du raisin. 

Nous avons déjà dit un mot sur la marche à suivre 
pour reconnaître son existence dans une liqueur fer- 
mentée, et déterminer sa proportion. D'après les obser- 
vations de M. Pasteur, la production de cet acide serait 
de O r 6 à 0*'7 pour 100 gr. de sucre. 

Pour le séparer du vin et le doser dans ce liquide, il 
faut évaporer une certaine quantité de vin, un litre par 
exemple. Cette évaporation doit être faite avec beau- 
coup de soin, on la commence au bain-marie à une 
température peu élevée, puis on l'achève dans le vide 
sec. 

Le résidu obtenu est traité à plusieurs reprises par 
l'éther qui dissout l'acide succinique (1). Les dissolu- 
tions éthérées sont réunies, filtrées et évaporées len- 
tement. On voit alors se déposer au fond du vase où se 
fait cette évaporation des petites aiguilles cristallisées 
qui sont de l'acide succinique. 

Ces cristaux peuvent être recueillis et pesés, mais il 
est préférable de les redissoudre et de les doser au 
moyen d'un essai acidimétrique. 

L'équivalent de l'acide succinique étant égal à 118, 
et celui du succinate neutre de soude (C 8 H 5 Na 2 0 8 ),àl62, 
on aura 0* r 118 de cet acide pour chaque double centi- 
mètre cube employé de soude normale définie p. 481. 

(1) Page 111, à propos de l'acide succinique, il faut lire, à la 
lib r ue 22, assez soluble dans l'éther, au lieu de : très peu soluble. 



29. 



514 ŒNOLOGIE. 

De même que nous n'avons pas séparé le dosage 
du bitartrate de potasse de celui des acides, nous devons 
également ajouter quelques mots au sujet de la déter- 
mination de la proportion totale de potasse contenue 
dans un vin. 

Cette détermination présente un grand intérêt, car si 
l'acide tartrique est le plus important des acides du 
vin, on doit en dire autant de la potasse parmi les 
bases qui peuvent s'y rencontrer. On peut dans tous 
les cas y procéder avec exactitude par les méthodes 
ordinaires d'analyse. 

Il suffît d'évaporer à sec un certain volume de vin 
d'incinérer le résidu avec précaution à la plus basse 
température possible, et en ayant soin d'ajouter suc- 
cessivement quelques gouttes d'acide nitrique ou sulfu- 
rique, puis de doser la potasse dans le résidu par le 
bichlorure de platine en suivant les principes indiqués 
pour la séparation et le pesage du précipité.] 

On a ainsi toute la potasse contenue dans le vin; 
souvent on se contente d'incinérer le résidu au rouge 
jusqu'à complète destruction du charbon ; puis de 
reprendre par l'eau, et de déterminer la quantité 
d'alcali par une liqueur acide titrée. 

Ce procédé suffisant pour certaines applications 
industrielles est loin d'être exact; car il ne tient 
compte que du carbonate de potasse et d'un autre côté 
il évalue en potasse les autres bases, telle que la soude, 
qui peuvent se trouver également dans le résidu à 
l'état de carbonate. 

Nous avons vu du reste que Ton ne peut déterminer 



DOSAGE DE LA POTASSE. 515 

la potasse en partant de la proportion de bitartrate de 
potasse fournie par l'évaporation du vin et par consé- 
quent le premier procédé est le seul qui donne des 
résultats exacts : mais il est long, pénible et exige 
qu'on opère sur une assez grande quantité de liquide. 

MM. Berthelot et de Fleurieu, emploient un procédé 
fondé sur le même principe que celui qu'ils ont ap- 
pliqué au dosage de l'acide tartrique. 

Seulement dans ce cas, on ajoute préalablement au 
vin une certaine quantité d'acide tartrique, afin d'être 
certain qu'on a séparé toute la potasse à l'état de bitar- 
trate. 

La marche à suivre est la même que celle indiquée 
à propos du dosage de l'acide tartrique. On prend 
10 e du vin à essayer, on y ajoute 5 CC d'une solution 
renfermant 1 centième d'acide tartrique, puis 30 cc du 
mélange d'alcool et d'éther. L'opération se termine par 
un essai alcali m étriqué. 

Un calcul très simple donne alors le poids de la 
potasse ; à chaque équivalent d'acide libre trouvé dans 
cet essai, ou, ce qui revient au même, à 188 de bitartrate 
correspondent 47 de potasse. Le poids de la potasse est 
donc exactement égal au quart du poids du bitartrate. 

La correction relative à la solubilité du bitartrate 
dans le mélange d'alcool et d'éther s'élève à environ 
1/2 milligramme pour 30 à 40 e de ce mélange em- 
ployé. 

Des analyses comparatives faites par ce procédé et 
par le dosage de la potasse au moyen de l'incinérationt 
et de la précipitation avec le bichlorure de platine on 



516 



ŒNOLOGIE. 



montré son exactitude, de telle sorte qu'on peut être 
certain en présence d'un excès d'acide tartrique d'a- 
voir précipité toute la potasse sous forme de bitar- 
trate. 



L'étude que nous venons de faire serait incomplète si 
nous ne parlions pas des composés formés par l'union 
des acides avec les divers alcools contenus dans les vins, 
et dont les uns échappent à la détermination de l'aci- 
dité totale, parce qu'ils constituent des combinaisons 
neutres, comme l'éther tartrique, tandis que les autres 
sont encore compris dans le titre acide par suite de 
leur réaction , tels que l'acide éthyltartrique, l'acide 
glucosotartrique , l'acide éthylmalique, l'acide éthyl- 
succinique, etc. 

Nous citerons d'abord une expérience faite sur une 
liqueur contenant de l'eau, de l'alcool et de l'acide tar- 
trique, dans les rapports où ces substances se trouvent 
dans un grand nombre de vins. La discussion de cette 
expérience et d'autres analogues, nous conduira à 
l'intelligence des procédés à employer pour la reconnais- 
sance de ces produits et l'évaluation de leur quantité. 

La composition de cette liqueur correspond aux 
chiffres suivants ; 

Eau 90.9 

Alcool 8.1 

Acide tartrique. 1. 



100.0 



ANALYSE DES COMPOSÉS ÉTHÉRÉS. 517 

Au moment de la préparation de cette liqueur, 10 cc 
titrent 78 divisions d'eau de baryte; elle ne renferme 
alors aucun composé éthéré. 

Pour déterminer l'éthérifïcation, il suffit d'en chauffer 
une certaine quantité dans un tube scellé, à 135°, pen- 
dant quarante-quatre heures ; le titre acide tombe alors 
à 65, et cet abaissement ne varie pas à la suite d'un 
échauffement plus prolongé. 

Ainsi, l'éthérifïcation a produit la neutralisation de 
13 parties d'acide sur 78, c'est-à-dire de 16 pour cent 
de l'acide primitif. Cette neutralisation répond surtout 
à la formation de l'acide éthyltartrique (C 8 H y 0 l2 .C''EP), 
la quantité d'éther tartrique (CTO 12 . 2C'H 5 ) qui prend 
naissance dans ces conditions est très faible. 

Mais dans l'acide éthyltartrique la capacité de satu- 
ration de l'acide tartrique n'a pas entièrement disparu, 
elle a été seulement réduite à moitié, de sorte que c'est 
32 pour cent, c'est-à-dire un tiers de l'acide tartrique 
primitif qui se trouve transformé dans la liqueur en 
acide éthyltartrique. 

La proportion de 1 pour cent d'acide tartrique con- 
tenue dans cette liqueur dont nous venons d'indiquer la 
composition se trouve donc après l'éthérification divisée 
en deux parties dans un rapport bien déterminé : 

Acide tartrique libre 0.68 

Acide tartrique combiné à l'alcool. . 0.32 

1,00 

Examinons maintenant un cas dans lequel il va nous 



518 ŒNOLOGIE. 

être possible d'apprécier la proportion relative d'éther 
tartrique et d'acide éthyltartrique formés par suite de 
l'éthérification. 

Supposons une liqueur plus riche que la précédente 
en alcool et en acide tartrique et dont la composition 
serait la suivante : 

Eau 60.2 

Alcool 28.0 

Acide tartrique. 11.3 

dOO.O 

Le titre acide de ce mélange, aussitôt après sa for- 
mation, correspond à 190 divisions d'eau de baryte 
pour 2 CC . 

On y déterminera la formation des éthers possibles 
en chauffant la liqueur à 135° jusqu'à ce que le titre 
acide cesse de diminuer. Cette opération dure quarante- 
quatre heures, et on trouve alors le titre acide abaissé 
à 128 divisions. 

Il en résulte que sur 100 parties d'acide tartrique 
existant primitivement à l'état libre, 32.5 ont été neu- 
tralisés par l'éthérification . 

Il s'est formé par suite de cette action de Téther tar- 
trique et de l'acide éthyltartrique ; mais tandis que 
dans le cas précédent la proportion du premier com- 
posé était très faible par rapport à celle du second, elle 
devient ici bien plus appréciable , quoique cependant 
toujours inférieure. 

S'il s'était produit uniquement de l'acide éthyltar- 



ANALYSE DES COMPOSÉS ÉTHÉRÉS. 519 

trique, la proportion d'acide tartrique réel qui subsis- 
terait serait égale à 35 pour cent du titre acide conservé. 
On a, en effet : 

400 — 2 X 32.5 =z 100 — 65 = 35 

Au contraire s'il ne s'était formé que de l'éther tar- 
trique, il resterait 67.5 d'acide tartrique réel en vertu 
de l'équation : 

100 — 32.5 = 67.5 

Or, on trouve que la proportion d'acide tartrique 
réel est intermédiaire. Pour la déterminer, on cherche 
cette proportion par précipitation à l'état de bitartrale 
de potasse, et on obtient un titre correspondant à 82 
divisions c'est-à-dire à 64 pour cent de l'acidité après 
l'éthérifîcation. 

Nous concluons de ce dernier résultat que si l'acide 
artrique réel entre pour 82 dans les 128 divisions de 
liqueur alcaline, l'acide éthyltartrique y entre pour la 
différence de ces deux nombres, 128 — 82 = 46, et par 
conséquent l'acide éthyltartrique formé équivaut en 
acide tartrique à 92 divisions. 

Si nous remontons maintenant à la diminution totale 
du chiffre acide produite par réthérification, laquelle 
est égale à 190 — 128 = 62, nous reconnaîtrons, que 
l'acide éthyltartrique entrant dans cette diminution 
pour 46, l'éther tartrique neutre doit y entrer pour la 
différence 62 — 46 = 16. 

Ainsi, sur 192 parties d'acide tartrique, 16 ont été 
changées en éther tartrique, et 92 en acide éthyltar- 



520 ŒNOLOGIE. 

trique, tandis que 82 parties ont conservé leur état de 
combinaison primitif. 

Si nous calculons les proportions correspondantes au 
chiffre 11.8 qui représentait dans la liqueur primi- 
tive la quantité d'acide tartrique libre, nous trouvons 
que cet acide, par suite de l'éthérification s'est partagé 
en trois parties : 



Acide tartrique resté libre 5^ 

Acide tartrique sous forme d'acide éthyltartrique 5.7 

Acide tartrique sous forme d'élher tartrique . . ].0 

Acide tartrique primitif 11.8 



Les détails dans lesquels nous venons d'entrer vont 
nous permettre de faire au point de vue des quantités 
d'acides ayant pris part au phénomène de l'éthérifica- 
tion, l'analyse d'un produit contenant un grand nombre 
des principes naturels du vin. 

Une liqueur obtenue par voie de mélange contenait 
sur un litre les proportions suivantes de ses éléments : 



Acide tartrique libre 9.2 

Acide succinique ^5 

Tartrate de potasse neutre 1.1 

Phosphate de soude cristallisé ... 1.85 

Glycérine 92 

Alcool I 



Le titre acide de cette liqueur évalué entièrement en 
acide tartrique est égal à 116*1. 
La liqueur préparée au mois de janvier 1863, a été 



ANALYSE DES COMPOSÉS ÉTHÉRÉS. 521 

conservée pendant vingt mois, et on a procédé à son 
examen au mois d'août 1864. 

Le titre acide à cette époque a été trouvé égal à î O r l . 
Il avait donc diminué de 1 dixième par suite de la for- 
mation des acides éthérés. 

D'après ce que nous savons sur la nature de ces der- 
niers, et en admettant une répartition de l'alcool pro- 
portionelle entre les acides donnés, on voit que le poids 
de ces acides éthérés répond à 2 grammes environ des 
acides primitifs, le poids de ces acides subsistant sans 
modification est égal à 9s r l. De plus en ajoutant à 
l'acide tartrique libre celui qui est neutralisé par la 
potasse on trouve 'pour cet acide total 9s r 9, dont ls r 8 
seraient à l'état d'acide éthérifié et le reste 8s r l à l'état 
d'acide tartrique non éthérifié. 

Nous avons une vérification de ce résultat dans le 
dosage de ce dernier acide à l'état de bitarlrate de 
potasse. Pour cela nous saturons exactemment 10 cc de 
la liqueur par la potasse, nous y mélangerons 40 cc non 
saturés, puis nous ajoutons le mélange éthéro-alcoo- 
lique et nous déterminons le titre acide du bitarlrate 
précipité. On a trouvé dans l'expérience actuelle un 
chiffre correspondant à 1* T 8 d'acide, nombre très voisin 
du précédent. Rappelons-nous que dans cette précipi- 
tation de bitartrate de potasse, l'acide tartrique engagé 
dans des combinaisons éthérées ne concourt pas à sa 
formation. 

Pour compléter les observations précédentes, nous 
en appliquerons les conséquences à l'analyse d'un vin 
naturel, en nous reportant aux développements que 



522 œlnologie. 

nous avons donnés dans le chapitre 15, relativement à la 
formation des éthers. 

Soit le vin de Formichon (Beaujolais) 1858, ce vin 
analysé par M. Berthelot en 1864 était, dès cette époque, 
assez vieux pour qu'on pût regarder la formation des 
éthers possibles comme à peu près terminée, et il y 
avait lieu de lui appliquer les formules relatives à l'état 
d'équilibre. 

Dans ce vin le rapport en poids de l'alcool à l'eau a 
été trouvé celui de 11 à 89, et le titre acide équivalent 
pour 100 grammes de vin à 0.483 d'acide sulfurique 
(SO''H), c'est-à-dire à 0.45 d'alcool ordinaire. 

L'application des formules donne pour le coefficient 
d'éthérifîcation dans ce cas 15.7, et on en déduit que 
l'alcool combiné est égal à 0?'071 pour 100 grammes 
de vin, ou bien 0& r 7i par litre, en identifiant le litre 
avec le kilogramme. 

L'acide combiné à ce poids d'alcool et neutralisé par 
lui équivaut à 03 r 076 d'acide sulfurique par 100 gr. de 
vin, ou à 06 r 76 par litre. 

Il en résulte que le rapport entre l'acide neutralisé 
dans les combinaisons éthérées et l'acide actuellement 
libre est celui de 

76 . 16 

—-ou environ 

483 100 

Tel est le résultat auquel nous permet d'arriver l'ap- 
plication des lois relatives à réthérification. 

Voyons maintenant comment on peut procéder par 
l'analyse directe du vin. 

La détermination de l'acidité totale de ce vin a fait 



ANALYSE DES COMPOSÉS ÉTHÉRÉS. 523 

reconnaître que 50 cc exigeaient pour être saturés 32 cc 5 
d'eau de baryte. 

Cette constatation faite, on introduit dans un matras 
dont le col était étranglé à l'avance 50 rc de vin et 50 cc 
de la même eau de baryte, on lave le col avec de Peau 
distillée, puis on ferme le verre à la lampe, et quand il 
est scellé on le chauffe pendant deux jours à la tempé- 
rature de 100°. 

Après ce temps, on laisse refroidir, on ouvre le tube 
et on trouve que la quantité totale de baryte neutralisée 
s'élève à 38-6. 

La réaction qui s'est produite par l'élévation de tem- 
pérature à 100° a donc mis en liberté une certaine 
quantité d'acide qui a neutralisé 6 tc l de baryte. 

Or celte réaction est due principalement à la des- 
truction des éthers existant dans le vin, et il est facile 
d'évaluer par ce qui précède la quantité d'acide sulfu- 
rique qui lui correspond, on trouve que cette propor- 
tion d'acide équivaut à 0.090 d'acide sulfurique. 

Par conséquent le rapport entre la quantité d'acide 
mise en liberté par la décomposition des éthers et la 

1 8 

quantité d'acide libre est égal à-j^-, chiffre bien peu 
différent de celui que nous venons de trouver en par- 
tant des formules données par l'éthérification. 

Cette concordance sera considérée comme bien suf- 
fisante, si Ton réfléchit que le vin contient, mais en 
proportion très faible dans le cas actuel, d'autres prin- 
cipes altérables par les alcalis à la température de 100°. 

Ainsi l'analyse de ce vin au point de vue de l'acidité 



524 ŒNOLOGIE. 

totale se trouvera complétée par cette nouvelle ob- 
servation. 

Le titre acide, tel que nous l'avons défini, corres- 
pond à 4§ r 83 d'acide sulfurique par litre, il faut y ajouter 
en acide combiné sous forme d'éther une quantité 
d'acide correspondant à Os'9 d'acide sulfurique par litre. 

Les considérations dans lesquelles nous venons d'en- 
trer montrent dans quelle voie il faut engager l'analyse 
des vins pour arriver à reconnaître les quantités de 
leurs éléments qui s'y trouvent sous forme de ces com- 
binaisons qui jouent, comme nous l'avons vu, un rôle 
si important dans leur constitution. 



MM. Berthelot et de Fleurieu, à la suite de leurs 
études sur les méthodes pouvant servir à déterminer 
les proportions d'acide tartrique, de potasse et de bitar- - 
trate de potasse dans les vins, ont fait connaître les ré- 
sultats qu'ils avaient obtenus par l'application de leurs 
procédés à des vins naturels en bon état et conservés 
depuis plus d'un an et moins de huit ans. Nous allons 
résumer les plus importants. Lès observations ont 
porté sur divers vins rouges de Bourgogne et du Beau- 
jolais et sur quelques vins de Bordeaux et du Midi. 

Les vins d'un même crû offrent, suivant les années, 
des compositions bien différentes au point de vue des 
divers éléments que nous venons de citer. On en peut 
juger en comparant les nombres compris dans le 
tableau suivant et qui correspondent à un litre de 
vin : 



ACIDIMÉTRIE. 



525 



ORIGINE 
des Vins 




DEGRÉ 
alcoolique 


ACIDITÉ 
totale 
rapportée 
a t'équira- 

lent de 

l'acide 
tartrique 

C s U rt O w 


POIDS 


de l'acide 
tartrique 
total 

C'fl'O" 


de la 
potasse 
totale 
KO 


de la 

crème de 

tartre 
CII'RO' 2 


Formichon. . . . 


1857 


10.7 


6.51 


» 


0.74 


2.16 




1858 


11 6 


7.39 


2 05 


0.44 


1.76 




1859 


11.9 


7.50 


2 42 


0.45 


1.80 




1860 


10.2 


8.10 


1.47 


0.62 


1.84 




1861 


12 2 


6.46 


1.41 


0.76 


1.77 


ia 


1862 


11. 


7.5'» 


2.30 


0.76 


2.90 




1S59 


12 o 


4.68 


0.88 


0.78 


1.12 


fd. 


1860 


8.3 


6 89 


1.25 


1.02 


1.57 


Id. pinot ronge. 


1862 


12 2 


5 35 


1.40 


0.85 


1.76 


Id. pinol hlanc. 


1862 


13.7 


5.05 


1.25 


0.47 


1.58 



Dans toutes les observations faites par MM. Berthelot 
et de Fleurieu, le poids de l'acide tartrique contenu 
dans un litre de vin n'a jamais dépassé 2s r 42, il n'est 
jamais tombé au dessous de 0s r 88. 

Le poids de l'acide tartrique n'a jamais dépassé celui 
qui répondrait à une solution de bitartrate de potasse 
saturée en tenant compte de la richesse alcoolique du 
vin et de la température des caves. Dans plus de la 
moitié des cas cette limite pouvait être considérée 
comme atteinte, tandis que souvent l'acide tartrique 
est demeuré au-dessous de cette même limite. 

En général le poids de l'acide tartrique n'est pas 
proportionnel à l'acidité totale du vin. Les rapports 
entre l'acide total libre et l'acide tartrique, varient 
entre 6 : 1 et 3 : 1. 

Dans la moitié des vins examinés la potasse a oscillé 
entre 0s f 7 et 0s r 8, chiffres voisins de ceux qui répon- 



526 ŒNOLOGIE. 

draient à une solution saturée de bitartrate de potasse 
dans les conditions de l'observation. 

Dans certains vins la proportion de bitartrate dissous 
est la même que dans une solution de bitartrate saturée 
dans les mêmes conditions. Ce fait se vérifie le plus 
souvent sur les vins de l'année. Dans les vins un peu 
anciens, la proportion de bitartrate est souvent inférieure 
à celle d'une liqueur saturée, et dans aucun cas la pro- 
portion de crème de tartre n'a été trouvée supérieure 
à celle qui répondrait à une liqueur saturée. 

Les variations du bitartrate de potasse dans les 
moûts et les vins qui en proviennent, ou dans ces vins 
à différentes époques à partir de leur préparation, 
sont intimement liées aux coefficients de solubilité de ce 
sel, qui changent avec la température et suivant les 
proportions d'alcool existant dans ces liquides. 

M. Alluard a donné les quantités de bitartrate de po- 
tasse que l'eau peut dissoudre à diverses températures, 
voici ces chiffres correspondant à un kilogramme d'eau: 



Bitartrate de potasse. 


Tempéi ature. 






4. 


10- 


5.7 


20» 


9. 


30° 


13.1 


40° 


18.1 


50° 


24 


60° 


32. 


70° 


45. 


80° 


57. 


90° 


69. 


100- 



ACIDIMÉTRIE. 527 

D'un autre côté M. Chancel a étudié la solubilité du 
même sel comparativement dans l'eau et dans un liquide 

contenant sur. 1000 parties 10.5 d'alcool et 89.5 d'eau, 
il a donné les nombres suivants : 



niTATtTR/VTF. r>E POTASSR 




Dans l'eau pure. 


Dans l'eau alcoolisée. 


Température. 


2^44 


16141 


o° v 


3. 


1. 75 


5° 


3 70 


2.12 


10° 


4.53 


2.53 


15° 


5.53 


3. 05 


20° 


6. 70 


3. 72 


25° 


8. 95 


4.60 


30° 


9. 60 


5. 70 


35° 


il. 30 


7. 


40° 



Ainsi la solubilité est bien moins grande dans le 
liquide alcoolique que dans l'eau pure, et dans les 
deux cas elle diminue avec la température. 

Après la fermentation, au sortir de la cuve dont la 
température est de 35 à 40°, la proportion de bitartrate 
de potasse contenue dans le vin varie de 5 à 6 gr. par 
litre. 

Elle diminue ensuite rapidement par suite du refroi- 
dissement, et dans le courant de l'année elle s'abaisse 
à 2 ou 3 grammes, et même au-dessous suivant la 
richesse alcoolique du vin. 

Plus tard elle diminuera encore par suite de la for- 
mation de l'acide éthyltarlrique et de la précipitation 
d'une laque ou composé insoluble constitué par le 
bitartrate de potasse et les matières colorantes oxydées. 



528 ŒNOLOGIE. 

Dans un vin gelé la proportion de bitartrate de 
potasse est descendue à 0° r 92, ce fait est dû à l'abais- 
sement de la température, et à l'augmentation de 
richesse alcoolique résultant de la congélation. 

Pour montrer toute l'importance qui s'attache a des 
recherches et des constatations de ce genre, nous cite- 
rons les observations faites sur une cuve pendant l'ac- 
complissement de la fermentation et après son achève- 
ment; le raisin avait été mis en cuve le 3 octobre 1863. 



NATURE DU LIQUIDE 



Moût 

Après trois jours 

Après six jours 

Première pressurée, après 

sept jours 

Quatrième pressurée, a- 

près sept jours 

Vin, le 14 février 1864. . 



ALCOOL 



0. 

2.0 

7 5 

8 3 

9 5 
10.0 



ACIDE 



total 



8.7 
8.9 
7.5 



7.4 
G. 3 



tartrique 
réel 



gr- 
G. 



4. 
3 8 



3. G 
2.7 



gr- 
1.0 

1.6 
1.6 

1.4 

1.4 

0.8 



Nous nous bornerons à ces indications, sans insister 
davantage sur les modifications nombreuses que pré- 
sentent les proportions d'acides et de bitartrate de po- 
tasse soit pendant la fermentation, soit aux différentes 
époques de la conservation du vin. 



CHAPITRE XXVI 



SAGCHARIMÉTRIE 



Nous avons étudié la composition du sucre contenu 
dans le jus du raisin et les propriétés principales de 
cette ' substance ainsi que des autres composés diffé- 
rents compris sous cette dénomination générique de 
sucres. De plus nous avons fait connaître (voy. 1 er vol. 
p. 374) la marche à suivre pour déterminer la propor- 
tion de ces produits en utilisant leurs propriétés opti- 
ques. 

Il existe pour arriver à ce résultat des procédés 
purement chimiques que nous allons examiner et qui 
permettront de doser le sucre contenu dans les moûts 
avant la fermentation ainsi que la quantité de celte 
substance qui restera dans le vin après cette opération. 

Les détails que nous avons donnés sur le rôle du 
sucre dans les diverses phases de la vinification nous • 
montrent toute l'importance de cette détermination 
pour l'étude pratique de la fermentation, et si dans les 
v ms ordinaires, de consommation courante, la pro- 

30 



530 ŒNOLOGIE. 

portion du sucre est très faible il n'en est pas de même 
dans d'autres espèces de vins caractérisées précisé- 
ment par la présence d'une quantité notable de cette 
matière. D'un autre côté nous avons vu combien il était 
utile pour assurer la bonne préparation des vins mous- 
seux de savoir la quantité de sucre contenue dans ces 
liquides aux différentes époques de leur fabrication. 

Nous allons donc étudier les différents points qui se 
rattachent à cette partie de l'analyse des vins afin de 
compléter les renseignements que nous avons précé- 
demment donnés et de permettre d'éclaircir toutes les 
questions qui peuvent se présenter sur ce sujet. 

Nous avons vu combien étaient incertaines les déter- 
minations de la quantité de sucre existant dans les 
moûts au moyen des aréomètres désignés spécialement 
sous le nom de gieucomètres en vue de cette estimation. 

Mais il n'en est pas de même lorsque les liqueurs ne 
contiennent que du sucre en dissolution. Dans ce cas 
on peut très bien passer de la densité à la proportion 
de sucre, et par conséquent déterminer celle-ci par le 
densimètre. 

Le tableau suivant donne le rapport entre les indica- 
tions de cet instrument et les quantités de sucre con- 
tenues dans une dissolution, celles-ci sont évaluées en 
supposant qu'il s'agit du sucre ordinaire de cannes ou 
de betteraves. Or on sait que 100 parties de ce sucre 
(C 12 H M O u ) équivalent 105.26 de sucre de raisin 
(G ,2 H i2 0 1 -) et donnent naissance à cette proportion de 
ce dernier sucre dans la transformation que le sucre 
de raisin éprouve sous l'influence des acides ou des 



S ACCH ARl MÉTR1E . 531 

ferments solubles. Nous avons dans ce tableau ajouté 
le volume d'alcool que fourniraient cent litres de cette 
dissolution par suite de la fermentation. 



indication 

du 

densimètre. 
Densité». Degrés. 



1010 
1020 
1030 
1040 
1050 
1060 
1070 
1080 



S ° 
3 O 



kil. 
2.3 
4.5 
6.7 
9. 
11.3 
13.5 
15.7 
17.8 



lit. 

1.56 
3.05 
4.54 
6.09 
7.65 
9.14 
10.63 
12.05 



INDICATION 




S a 


du 




— ci 


densimètre. 


O O 
3 O 


Î 1 






a 


a t 

s <r* 


Densilés. 


Degrés. 




> s 


1090 


9 


kil, 

20. 


lit. 

13 54 


1100 


10 


22. 


15 10 


1110 


11 


24. g 


16 58 


1120 


12 


26.5 


18.06 


1130 


13 


28.3 


19.49 


1140 


14 


31-8 


20.98 


1150 


15 


33. i 


22.54 



Les gleucomètres ordinaires plongés dans les moûts 
donnent des degrés auxquels se rapportent des den- 
sités qu'il est facile d'obtenir d'après les tables cons- 
truites pour cet objet (voyez cette concordance p. 311), 
mais à ces densités ne correspondent pas les propor- 
tions de sucre que nous venons d'indiquer, puisqu'il 
existe dans ces moûts d'autres substances solides que 
le sucre. On a conseillé comme donnant une approxi- 
mation bien suffisante dans la pratique de diminuer le 
nombre de degrés observés de un sur douze, et de 
considérer la densité correspondante au cbiffre obtenu 
comme pouvant donner au moyen du tableau précé- 
dent la quantité de sucre. Mais ce n'est là qu'une ap- 
proximation dont il est impossible d'évaluer la valeur 
exacte. 



532 ŒNOLOGIE. 

Il en est de même de cette autre méthode qui con- 
siste à déterminer d'abord la totalité des substances 
solides accusées par le gleucomèlre, et à retrancher de 
ce chiffre le poids du bitartrate de potasse dosé directe- 
ment, la différence devant donner le poids du sucre. 

M. Masson-Four avait donné la table suivante pour 
arriver à cette détermination, nous la reproduisons à 
titre de renseignement historique et pour permettre à 
ceux qui voudraient opérer par cette voie et ensuite 
par l'analyse directe de se rendre compte de la diffé- 
rence des résultats dans les divers cas qui peuvent se 
présenter. 



DEGRÉS 


POIDS DE L'HECTOLITRE 


POIDS EN KILOGRAMMES 


de 


de Moût 


de l'Extrait eoc laissé 


Baumé 


on kilogrammes 


par un hectolitro de Moût 




kil. gr. 


kil. gr. 


1 


100.800 


1.128 


2 


101.500 


4. 


3 


102.200 


5.856 


4 


102.900 


7.728 


5 


103.600 


9.600 


6 


104.300 


11.456 


7 


105 100 


13.600 


8 


105.900 


15.728 


9 


106.700 


17.856 


10 


107.500 


20. 


il 


108.300 


22.128 


12 


109.100 


24.256 


13 


109.900 


26.400 


14 


110.700 


28.528 


15 


111.600 


30.928 


10 


112.500 


33.323 


17 


113.400 


35.728 


18 


114.300 


38.128 


19 


115.200 


40.528 


20 


116.100 


42.928 



SACCHARIMÉTRIE. 533 

Ainsi par l'observation du degré on aurait la densité 
et par suite l'extrait sec, il suffirait alors de retrancher 
de celui-ci le poids du bitartrate de potasse, et le reste 
exprimerait approximativement le poids du sucre. 

En Allemagne, M. de Babo a construit un saccharo- 
mètre spécial pour les moûts, dans l'établissement 
duquel il a pris en considération les substances autres 
que le sucre contenues dans ces liquides, telles que le 
tartre, les sels et les matières extractives. 

Une série d'analyses comparatives faites avec tous les 
soins possibles, a montré que, pour 47 0/0 de sucre 
contenu dans un moût, il y avait en moyenne 3 0/0 de 
ces autres substances, de telle sorte que cette propor- 
tion de 17 0/0 de sucre correspondait à l'indication de 
20 0/0 qu'aurait fournie un instrument plongé dans 
une dissolution de sucre pur. 

C'est ce rapport entre la quantité de sucre et celle 
des autres matières existant dans un moût qui sert de 
base aux déterminations faites à Klosterneuburg, près de 
Vienne, et les recherches directes ont montré que cette 
estimation, bien suffisante dans la pratique, conduisait 
rarement à des erreurs s'élevant à un pour cent de la 
quantité de sucre. 

La conséquence de ces observations c'est que pour 
arriver à un résultat précis au sujet de la proportion 
de sucre, dans tous les cas qui peuvent se présenter, 
qu'il s'agisse de moûts ou de vins, il faut procéder à 
l'analyse chimique, et il nous reste à examiner la 
marche qu'il convient de suivre dans cette recherche. 
Nous supposons naturellement dans celte étude qu'il 

30. 



534 ŒNOLOGIE. 

s'agit de doser le sucre de raisin (G 12 H 12 0 ,2 ) ? la réac- 
tion que nous allons employer se produisant avec ce 
sucre, et ne se manifestant pas dans une liqueur ne 
contenant que du sucre cristallisable. 

Le dosage du sucre de raisin repose sur la décom- 
position d'une dissolution alcaline d'un sel de cuivre, 
contenant un acide organique fixe tel que l'acide tar- 
trique. 

Lorsqu'on chauffe une pareille dissolution avec du 
sucre de raisin, la liqueur devient d'abord verdâtre et 
se trouble, puis, si l'on continue à chauffer, la couleur 
change rapidement, en passant par divers tons du vert 
au brun, au rouge foncé et enfin au rouge vif. 

Barreswil employa le premier, pour le dosage du 
sucre, une liqueur de ce genre dont Trommer avait 
indiqué l'usage pour déceler la présence de ce corps. 

Cette méthode a été ensuite étudiée avec beaucoup 
de soin par Fehling, et elle est appliquée aujourd'hui 
en partant de ses indications. 

De là les dénominations de liqueur de Barreswil, 
liqueur de Fehling, sous lesquelles sont connus les 
liquides employés au dosage du sucre. 

Examinons d'abord comment on prépare la liqueur 
de Fehling qui est la plus usitée, et dont la composition 
est basée sur un grand nombre d'expériences et d'ob- 
servations. 

On dissout d'abord 34s r 64 de sulfate de cuivre pur 
dans environ 160 cc d'eau. D'un autre côté dans un 
ballon jaugé de la contenance d'un litre, on dissout 
150 gr. de tartrate neutre de potasse dans 600 à 700 fC 



SACCHARIMÉTRIE. 535 

de soude caustique de densité 1.42 et quand celte dis- 
solution est opérée, on y ajoute peu à peu, en agitant, 
la dissolution du sel de cuivre. 

Le mélange fait, on ajoute de l'eau distillée jusqu'au 
trait indiquant le volume d'un litre, et on obtient ainsi 
la liqueur préparée pour l'analyse. 

Une semblable liqueur se décompose à la longue 
sous l'influence de la lumière ; on évitera cet inconvé- 
nient en la renfermant dans un flacon en porcelaine ou 
en grès, ou bien dans un flacon de verre enveloppé 
dans une feuille de carton ou de papier noir. 

Voici comment on doit opérer pour un dosage de 
sucre dans un liquide donné. 

On prend un volume déterminé de la liqueur de 
Fehling, par exemple 100 cc , et on le porte à l'ébullition 
dans une capsule de porcelaine, la liqueur ne doit pas 
se troubler par cette opération. 

Lorsqu'elle est à l'ébullition on y fait couler la disso- 
lution contenant la matière sucrée au moyen d une 
burette graduée. Le mélange est remué légèrement 
avec une mince règle en verre coupée dans une 
lame. 

La solution sucrée versée le long de la lame de verre, 
vient s'étaler sur la surface de la solution de cuivre, et 
la température est alors maintenue à un point très 
voisin de l'ébullition. 

Dans ces conditions on voit paraître, tant qu'il y a du 
sucrera la surface de la liqueur, de légers flocons vert 
jaunâtre de protoxyde de cuivre hydraté. 

L'agitation les fait disparaître, et on continue dans 



536 ŒNOLOGIE. 

les mêmes conditions, à ajouter de la dissolution sucrée 
jusqu'à ce que les flocons ne se forment plus dans le 
liquide en repos. 

La coloration bleue de la liqueur fait ressortir la cou- 
leur foncée du précipité rouge, lequel est d'un rouge 
d'autant plus vif que la décomposition du sel de cuivre 
est plus avancée. 

S'il s'agissait d'une dissolution de sucre pur, l'obser- 
vation de la décoloration du liquide serait très impor- 
tante, mais, avec des liqueurs plus ou moins colorées 
elles-mêmes et influencées en outre par l'action de 
la soude, le meilleur signe certain pour saisir la fin de 
l'opération est la formation de la couche jaune de pro- 
toxyde de cuivre à la surface du liquide chauffé, et 
en repos. 

Pour ces essais, on pourra mettre directement dans la 
burette le vin et toutes les liqueurs ne renfermant 
qu'une petite quantité de sucre, les moûts sucrés et 
les vins de liqueur seront étendus d'eau dans une pro- 
portion d'autant plus grande qu'ils contiendront plus 
de sucre. 

L'expérience a montré que 180 gr. de sucre de rai- 
sin ou de glucose décomposaient 1246s r 8 de sulfate de 
cuivre, ce qui correspond à 5 gr. de glucose pour 
34s r 64 de sulfate de cuivre. 

Par conséquent la liqueur dont nous avons indiqué 
plus haut la composition renfermant cette quantité de 
sel sous le volume de 1 litre, il en résulte que J00 cc de 
cette liqueur seront décomposés par 0§ r 5 de glu- 
cose etlO ce par O05 de cette même substance. 



SAGCH ARÎMÉTRIE , 537 

Lo^que Ton vient de préparer la liqueur de Fèhlmg 
par/e procédé que nous avons indiqué, ou bien lors- 
qu'on veut se servir d'une liqueur préparée depuis 
longtemps, il importe, avant de l'employer, de la véri- 
fier afin de constater son titre. On y arrive aisément 
au moyen d'une dissolution sucrée contenant 5 gr. de 
glucose par litre, et préparée en dissolvant dans l'eau 
4* r 75 de sucre de cannes et en ramenant la liqueur au 
volume de 1 litre après avoir interverti le sucre par 
l'action de l'acide chlorhydrique. 

On verra ensuite quel est le volume de cette dissolu- 
tion nécessaire pour décomposer 10 Cc de liqueur de 
Fehling, et si ce volume diffère de 10 e on saura quelle 
est la correction à faire dans les essais pour lesquels 
cette liqueur sera employée. 

La marche à suivre pour le dosage du sucre dans 
une liqueur quelconque au moyen de la liqueur de 
Fehling découle naturellement des développements qui 
précédent. 

Avec une pipette graduée on prendra 10 e du réactif, 
on les introduira dans un matras en verre ou dans une 
capsule de porcelaine et on chauffera jusque dans le 
voisinage de l'ébullition, mais sans faire bouillir. 

Le liquide sucré qu'il s'agit d'analyser est placé dans 
une burette que l'on remplit jusqu'au zéro. 

On le versera peu à peu dans la liqueur d'essai, de 
manière à le faire arriver et étendre sur sa surface : dès 
que les flocons vert-jaunâtre de protoxyde de cuivre 
hydraté qui résultent de son action, auront apparu, 
on agitera la liqueur et on la laissera reposer. On con- 



538 ŒNOLOGIE. 

tinuera ainsi jusqu'à ce que l'addition d'une nouvelle 
quantité de liquide sucré ne produise plus ces flocons 
dans la liqueur d'épreuve. 

Alors on lira sur la burette le volume de liquide 
employé et on saura qu'il existe dans ce volume de 
liquide O 05 de sucre de raisin, il sera facile d'en dé- 
duire la richesse de ce liquide en sucre. 

Supposons qu'il a fallu 17 tc 4 de liquide, cela veut 
dire que ces 17 cc 4 contiennent O05 de sucre ; le liquide 
analysé renferme donc 2e r 873 de sucre de raisin par litre. 

Si la liqueur dans laquelle on veut doser le sucre 
est incolore, on pourra observer le moment où dispa- 
raît la coloration bleue pour faire place à une teinte 
iégèrement jaunâtre ; ce changement de couleur indi- 
quera la fin de l'opération. 

On a conseillé de décolorer préalablement les liquides 
colorés et de procéder ensuite comme avec les liqueurs 
incolores. Mais cette méthode est longue et délicate, et 
il est préférable de suivre la marche que nous avons 
indiquée, on arrive facilement à saisir l'instant où 
cesse la formation du précipité par Faddition d'une 
nouvelle goutte de liquide. 

C'est par l'emploi de ce procédé qu'on été faites les 
analyses de M. le docteur Fleurot, dont nous avons 
donné les résultats tome I er , p. 619 et suivantes, ainsi 
que celles que nous avons publiées dans la Revue viti- 
cole, 1863, p. 306 et 493. 

Nous ajouterons, pour compléter ces renseignements, 
les résultats obtenus par M, Robinet sur des moûts et 



SACCHARIMÉTRIE. 539 

• des vins de la Champagne, nous donnons pour les 
vins, outre Tannée de la récolte, l'époque à laquelle a 
été fait le dosage du sucre. Nous avons déjà reproduit 
quelques-uns de ces nombres se rapportant aux moûts 
en parlant de la composition du raisin (V tome I er 
p. 625). 

Richesse en sucre des moûts de quelques vignobles 
de Champagne, 



PROVENANCE 



Verzy 

Epernay 

Ay 

Epernay, via de l'hospice. 

Damery 

Cumières 

Damery 

Ay, vin de propriétaire. . . 
Ay, via de vigneron . . . . 
Epernay, vigue grêlée . . . 

Epernay 

Riily 

Ay, vin de vigneron. . . . 
Ay, vin de propriétaire. . . 

Montbelon 

Epernay 

Vertus 

Verzenay 

Riily. 

£y 

Epernay 

Monthelon 

Mardeuil . . ! 

Cumieres 

Verzy , 

Verzenay 

Riily 



ANNEES 



SUCRE 

PAR LITRE 



1864 


<l2/,gr 


» 


165.70 




157.45 


» 


157-40 


1865 


167.50 


» 


168. 


» 


146. 




202. 




184. 


» 


157. 




172. 




178. 


1860 


101.50 


» 


146. 




131. 




135. 


» 


101.50 


» 


131. 




115. 


1807 


168.70 


» 


167.50 




155. 




146. 


» 


155. 




162.4 0 




162 40 




167.50 



540 ŒNOLOGIE. 



Proportion de sucre dans quelques vins de Champagne 



i 

S PROVENANCE 


ANNÉES 


DATE DE L'ANALYSE 


SUCRE 
par Liii o 


Ay 


1864 


Mai 18G5 


8 r - 

4.57 


Monlhelon . . . 




i.J. 


2 






Avril 1SG3 


1.25 


Epernay .... 




id. 


9.09 


Verzenây. . . . 




Janvier 1865 


25. 




» 


Mars 18 G5 


5.43 


Cornières. . . . 




id. 


8.58 






id. 


7.35 




» 


id. 


G. 40 




18G5 


Noven.bre 18G5 


3.1-2 




» 


id. 


3.83 






Décembre 1865 


4.1 G 


V p i» 7 p n n v 




id. 


3.33 


Ay . . . 




Janvier 1806 


3.57 I 


Rpernny .... 


» 


Février 18G6 


12 50 


Epernay .... 


18CG 


Janvier 1 807 


4.35 




» 


id. 


7.20 II 


Verzenay. . . . 




M. 


5.1-2 i 



Frésénius a fait l'analyse de quelques vins du Rhin 
la première année de leur fabrication; quatre mois après 
la vendange. Les résultats obtenus sont contenus dans 



le tableau suivant : 





VIN 
riohenheim 


VIN 

do 

Ma kobrunn 


VIN do 
1. 


Steînberg 
2. 


Eau 


85.079 


83 681 


84 384 


78 275 


Alcool. . . . 


10.707 


11.141 


10.067 


10.170 


Extrait. . . . 


4.214 


5.178 


5.559 


10 555 




3.580 


4.521 


4.491 


8.628 


Acide libre. . 


0.55G 


0.533 


0.497 


0.424 


Densité. . . . 


0.9959 


1.0012 


1.0070 


1.0323 



SACGHARIMÉTRIE. 541 

Les nombres que nous venons de citer ont été obte- 
nus en appliquant les méthodes que nous avons dévelop- 
pées dans ce chapitre et dans les chapitres précédents. 

Dans les résultats inscrits au dernier tableau, 
l'acide est compté comme acide lartrique, le sucre 
comme sucre de raisin anhydre. Le vin de Steinberg, 
n° 2, est de première qualité. 

M. Frésénius a conclu de ses recherches que le vin. 
est d'autant meilleur qu'il contient moins d'acide libre 
et que la bonté du vin n'est pas en rapport avec la pro- 
portion d'alcool. 

Les vins qu'il a examinés étaient, comme on a pu le 
voir, très riches en sucre; au mois de juillet, ils étaient 
tous devenus mousseux. 

Leur composition montre que les quantités de sucre 
contenues dans les moûts qui les ont fournis peuvent 
être représentées par les nombres suivants 



es : 



Hohenheim 24.5 sur 100 

Markobrunn 26.3 

Steinberg 24 1 

— 28.5 

Les expériences de Fischern, dont les résultats sont 
consignés dans le tableau qui suit, donnent également 
des renseignements intéressants sur les proportions de 
sucre contenues respectivement dans les moûts et dans 
les vins qu'ils produisent. Ces observations se rap- 
portent à des vins de localités différentes et à des vins de 
•a même localité, mais provenant de diverses années. 

31 



542 



ŒNOLOGIE. 



DÉSIGNATION 
des Vins 


ANNÉES 


ALCOOL 


EXTRAIT 


SUCRE 


SUCRE' 
du 
Moût 


Palalinat . . . 


1 


1 834 


9.5 


2.7 


11 


1 Q 7 

i y. / 


Ld 


2 


1 8 il 


9.9 


4.4 


0.1 




Id 


3 


1842 


9.3 


2.7 


1.0 


19 4 




4 


1843 


9.4 


2 3 


1.5 


19 1 


Id 


5 


1846 


9.8 


2.7 


1 .3 


9Q g 


Id 


6 


1 8 4 6 


9.3 


7.3 


3.5 


23 9 


Id 


7 


184 G 


10.5 


2.6 


1.6 


21.3 


Id 


8 


184 0 


10.4 


2.7 


1.0 


21 .2 


Bords du Necker. 


1842 


6.3 


1.9 


0.6 


13.7 


Id 




1845 


5.6 


2 1 


0.2 


12*5 


Id 




1846 


8.4 


2.7 


0.7 


18.0 


Id 




1846 


9.4 


2.4 


1.4 


19.4 






1842 


9.4 


3.0 


0 8 


20.0 






1827 


9.3 


2.6 


1.2 


19.3 


Id 




1834 


11.4 


10 7 


6.1 


30.1 



Les vins du Palatinat désignés sous les numéros 
2, 3. 4, sont des vins de Worms; ils provenaient de 
Liebfrauenberg et sont, comme nous l'avons déjà dit 
(v. tomel, p. 199), désignés sous le nom de Liebfrauen- 
milch. Les numéros 5, 6, 7 et 8 appartiennent à la 
même localité, mais ils ont été produits par des cépages 
différents ; 5 et 6 ont été donnés par des Riesslings, 7 
par des Traminer, et 8 par des Rulander. Les deux 
échantillons de vins des bords du Necker de 1846 appar- 
tiennent, le premier à un vin blanc, le second à un 
vin rouge. 

M. Meyer a fait l'analyse de plusieurs vins de Ma- 
laga. 

Voici les nombres qu'il a trouvés pour l'alcool, le 
sucre et l'extrait : • 



S AGCHARIMÉTR1E . 



543 







ALCOOL 




POIDS 




DENSITÉS 


en volume 
sur 100 


SUCRE 


de l'Extrait 
sur 100 


Vin de Malasa. . 

Id. 

Id 

Id 

Id 

Id 

Id 


1.037 
1.069 
1 .069 
1.057 
1.057 
1.056 
1.070 


15.5 
13 2 
13 5 
14.9 
15.0 
15.3 
IG.l 


9.9 

» 
» 

14.7 
14.5 

n 


14.4 
» 

» 

18.4 
18.7 

» 



Si on part des nombres précédents pour déterminer 
la quantité de sucre contenue primitivement dans le 
moût, on trouve que, pour la dernière variété de ces 
vins, le moût contenait jusqu'à 40 % de sucre ; on l'a- 
vait amené à cet état en le concentrant par la cha- 
leur. 



CHAPITRE XXVII 



DETERMINATION DE LA GLYCÉRINE 
ET DU TANNIN 



La glycérine qui joue un rôle si important dans la 
constitution des corps gras naturels répandus dans les 
deux règnes nous intéresse à un autre point de vue, 
c'est, comme nous l'avons dit précédemment, un pro- 
duit constant de la fermentation alcoolique, le plus 
considérable sous le rapport de la quantité après l'al- 
cool et l'acide carbonique. 

M. Pasteur, après avoir établi très nettement le fait 
de la production de cette substance et de l'acide succi- 
nique, a reconnu par l'analyse directe que 100 grammes 
de sucre donnaient 3&'640 de glycérine et 0 gr 673 d'a- 
cide succinique. 

Le procédé qu'il a suivi pour cette détermination 
peut être appliqué aux liqueurs fermentées ordinaires 
et particulièrement aux vins. 

L'opération est assez délicate et nous croyons devoir 



DOSAGE DE LA GLYCÉRINE. 545 

ajouter quelques détails aux indications que nous 
avons déjà données sur ce sujet page 54. 

Il faut opérer au moins sur 200 ou 250 centimètres 
cubes de vin. Le liquide mesuré est préalablement 
décoloré au moyen de charbon animal bien pur. 

Le mélange, après l'agitation, est versé sur un filtre 
et lavé avec beaucoup de soin Le liquide filtré, auquel 
on a réuni les eaux de lavage, est évaporé à une tempé- 
rature modérée, et quand le volume est amené à 100 
centimètres cubes environ, on sature les acides qu'il 
contient avec un peu de chaux éteinte, puis on achève 
l'évaporation dans le vide sec. 

La masse qui reste est traitée, dans le vase où elle 
se trouve ou mieux encore dans un mortier, par un 
mélange d'alcool et d'éther formé de une partie d'alcool 
à 90 ou 92° et une partie et demie d'éther rectifié 
à 62°. 

L'état du résidu rend ce traitement assez difficile, 
mais peu à peu la matière se grumelle et peut être 
broyée au sein du dissolvant employé. Ce liquide est, 
après son action, jeté sur un filtre, puis on le laisse 
évaporer très lentement à une température douce, et 
la dessiccation s'achève dans le vide sec. 

On peut abréger les détails de cette opération en 
mêlant le vin avec du charbon animal et un peu de 
chaux éteinte pour le décolorer et le saturer, puis en 
faisant évaporer, d'abord au bain-marie à une tempéra- 
ture modérée et ensuite dans le vide, la masse qui en 
résulte. Cette masse est traitée dans le vase où a eu 
Heu l'évaporation par le mélange d'alcool et d'éther, et 



546 ŒNOLOGIE. 

les liquides que Ton obtient par le traitement sont 
évaporés avec toutes les précautions que nous venons 
d'indiquer. Le résidu de cette évaporation est formé 
par la glycérine que Ton obtient ainsi dans une capsule 
tarée où il est facile de déterminer son poids. 

M. Pasteur a donné les résultats suivants fournis par 
l'analyse de plusieurs vins d'origine diverse, l'opéra- 
tion a porté dans chaque cas sur un quart de litre. Les 
chiffres représentant la quantité d'acide succinique 
ont été déduits par le calcul de ceux obtenus par la 
glycérine, d'après le rapport de 0.7 d'acide succinique 
pour 3.5 de glycérine, nombres trouvés dans les expé- 
riences faites sur la fermentation du sucre. 





Quantité 


Quantité 
d'acide 


Quantité 




de glycérine 


d'alcool , 




succinique 


poids pour 




par litre. 


par litre. 


100" do vin. 


Vin vieux de Bordeaux 








( bonne qualité ). . . . 
Vin de Bordeaux ordi- 


78 r 412 


lg'48 


7& r 5 










6.97 


1.39 


7.35 


Vin de Bourgogne vieux 








( bonne qualité ). . . . 


7.34 


1.47 


8.1 


Vin de Bourgogne ordi- 










4.34 


0.87 


7.8 


Viu d'Arbois vieux (bonne 










6.75 


1.35 


9.0 



Dans les études qu'il a faites pour démontrer la pro- 
duction de la glycérine pendant la fermentation alcoo- 
lique, M. Pasteur a reconnu que cette substance s'éva- 
porait même dans le vide sec à la température ordi- 
naire, et lorsqu'elle est entièrement privée d'eau. H 



DOSAGE DE LA GLYCÉRINE. 547 

faut donc tenir compte de cette circonstance qui em- 
pêche qu'on n'arrive, même dans ces conditions, a un 
poids absolument constant. 

Ainsi lorsque la glycérine a été desséchée dans le 
vide, il ne faut pas l'y maintenir longtemps. Si on la 
pèse chaque jour à partir de ce moment, et si on la 
replace dans le vide après chaque pesée, on trouve 
qu'elle diminue sensiblement de la même quantité 
pour un même temps de séjour dans le vide. Cette 
perte s'élève en été à 12 ou 15 milligrammes par vingt- 
quatre heures pour un poids de 3 grammes environ de 
glycérine. La diminution de poids est au contraire 
bien plus rapide pendant la dessiccation. 

On comprend dès lors que c'est à la présence de 
cette substance qu'il faut attribuer les phénomènes 
observés pendant l'évaporation et la dessiccation du vin 
faites en vue d'obtenir l'extrait qu'il laisse après ces 
opérations. 

La glycérine en effet bout vers 285° et peut distiller 
sans altération lorsqu'elle est pure et qu'on opère en 
vase clos et sur de petites quanlités. Elle distille très 
bien dans un courant de vapeur d'eau et dans le vide 
vers 200°. 

A des températures plus basses, la glycérine s'éva- 
pore exactement comme l'eau, qui émet des vapeurs à 
toute température. 

Si donc dans le but de dessécher une certaine quan- 
tité de vin on l'évaporé à une température voisine de 
100°, la glycérine devra disparaître lentement pendant 
l'opération, et cette action empêchera qu'on n'arrive à 



548 ŒNOLOGIE. 

un résultat net au point de vue de la proportion du 
résidu cherché. 

Des expériences directes ont été faites sur ce sujet 
par M. Kcenig qui a opéré sur de la glycérine pure à 
laquelle il avait ajouté une petite proportion d'eau. Le 
poids de la glycérine employée dans ces essais ne 
dépassait pas 0s r 3, afin de le rapprocher des quantités 
sur lesquelles portent les déterminations d'extrait des 
vins. On a également fait varier les températures pour 
se rendre compte de la volatilité dans des conditions 
diverses. 

Voici les résultats obtenus dans une opération faite 
sur un poids de glycérine égal à 0& r 2706. 



POIDS 


DURÉE 




PERTE de POIDS pour 100 


des résidus 
en 


do réchauffe- 
ment 


TEMPÉRATURES 


d'un essai 


depuis 
le commence 


grammes 


en luures 




à l'autre 


ment de 
l'opération 


0-2050 


3.25 


90» à 100» 


24.24 


24 24 


0.1850 


2.50 


100 à 105 


9.75 


31.63 


0.1717 


4. 


85 à 95 


7.19 


36.51 


0.1585 


3.50 


95 à 100 


7.G9 


41.42 


0.1470 


3.50 


95 à 100 


7.25 


45.<i6 


0.1310 


2.75 


98 à 105 


10.89 


51.59 


0.1110 


3. 


100 à 110 


15.26 


58.98 


0.10-20 


3.75 


86 à 90 


8.11 


62.30 


0.0747 


2.50 


100 à 110 


26.74 


72.38 



Ainsi dans l'intervalle de 28 h 75, avec des tempéra- 
tures qui ont varié de 85 à 110°, la perte de la glycé- 
rine a été constamment en croissant, et elle s'est élevée 
après ce temps à 72.38 pour cent de la quantité em- 



DOSAGE DE LA GLYCÉRINE 549 

ployée, Il est probable que, si l'opération avait été pro- 
longée, la perte aurait augmenté et aurait fini par de- 
venir complète, de même qu'une quantité d'eau 
déterminée s'évapore entièrement à une température 
de beaucoup inférieure à 100°. 

Il est à remarquer que la perte a élé bien plus 
grande à la première pesée qu'aux suivantes, cela 
montre que l'eau s'est évaporée d'abord, et que plus 
tard la perte de poids était due à l'évaporation de la 
glycérine. 

En partant de cette idée que la glycérine est un 
produit de la fermentation dont la proportion avec 
l'alcool est constante, on pourrait déduire la quantité de 
la première substance de la richesse alcoolique, mais 
cela ne pourrait donner un résultat suffisamment exact 
que pour les vins nouveaux, car on a reconnu géné- 
ralement qu'en vieillissant les vins perdent une notable 
proportion delà glycérine qu'ils contiennent. L'influence 
des acides et la formation des produits qui en résultent 
doit être pour quelque chose dans cette diminution; 
l'oxygène dont les actions sur la glycérine sont si mul- 
tiples peut bien aussi n'y pas être étranger. 

M. Pohl qui insiste sur cette diminution de la glycé- 
rine, pense que cette substance peut même disparaître 
tout-à-fait dans les vins très vieux, et que c'est à cette 
circonstance qu'on doit attribuer ce qu'on appelle 
Vétat sec des vins. On fait disparaître cette propriété et 
on rend aux vins leur saveur spéciale par l'addition 
d'une petite quantité de glycérine. 

Il semblerait possible d'après ce qui précède d'ar- 

31. 



550 ŒNOLOGIE. 

river à la détermination de la glycérine, en fixant d'a- 
bord le résidu sec, tel que nous l'avons défini, et en 
prolongeant ensuite l'évaporalion jusqu'à élimination 
complète de cette substance. Mais nous manquons de 
données pour pouvoir discuter la question à ce point 
de vue, et dans les conditions actuelles de nos connais- 
sances sur ce sujet, ce procédé ne pourrait nous con- 
duire qu'à une approximation dont il ne nous est pas 
possible d'aprécier la valeur. 

M. Macagno a proposé une autre méthode pour le 
dosage de la glycérine, la même opération donne éga- 
lement l'acide succinique. 

On fait digérer un litre de vin avec de l'hydrate 
d'oxyde de plomb fraîchement précipité et on évapore 
le mélange au bain -marie. 

Après avoir ajouté encore un peu d'hydrate d'oxyde 
de plomb, on épuise par l'alcool absolu, on traite la 
solution alcoolique par l'acide carbonique, on filtre pour 
séparer le carbonate de plomb précipité et par évapo- 
ration on obtient la glycérine presque pure. 

On fait ensuite bouillir avec une solution aqueuse à 
10 % de nitrate d'ammoniaque les sels de plomb 
enlevés par l'alcool et dans la solution on précipite le 
plomb par l'hydrogène sulfuré; après expulsion de ce 
dernier on neutralise la solution par l'ammoniaque et 
l'on précipite par le chlorure de fer. On doit alors 
obtenir tout l'acide succinique sous forme de sel de 
fer ; on brûle le sel et d'après le fer trouvé on calcule 
l'acide succinique. 



DOSAGE DU TANNIN. 551 

Le tannin appelé aussi acide tannique joue un rôle 
important dans la constitution des vins, nous avons fait 
connaître sa composition et ses principales propriétés 
(voy. tom. I er pages 324 et 348),' nous devons ici nous 
occuper de la manière de reconnaître sa présence dans 
le vin et de déterminer sa proportion. 

Cette substance étant acide, nous aurions pu faire 
cette étude à la suite de celle correspondant aux autres 
acides du vin, puisque lorsqu'il existe dans un vin, il 
participe à ce que nous avons appelé le titre acide. 
Mais ce n'est pas un acide comme l'acide tartrique, 
l'acide acétique, l'acide isuccinique, c'est un composé 
analogue à ceux dont nous avons parlé à propos de ces 
acides, tels que l'acide éthyltartrique, l'acide glucoso- 
tartrique et d'autres semblables. 

Le tannin est un acide glucosogallique. Lorsqu'on le 
fait bouillir avec les acides étendus, il se dédouble en 
glucose et en acide gallique, avec l'intervention des élé- 
ments de l'eau. Pour un équivalent de glucose on a 
trois équivalents d'acide gallique, comme l'indique la 
formule suivante que nous avons déjà citée : 

G^H 22 0 3i H-8HO=C l2 H ,2 0 ,2 +3G ,/ 'H c 0 10 

Acide tannique Eau Glucoso Acide gallique. 

Le tannin dont nous parlons ici est celui qui est 
extrait de la noix de galle, c'est le mieux connu, et le 
plus fréquemment employé. Malgré les différences que 
présentent les tannins qui se rencontrent dans d'autres 
plantes, on admet qu'ils possèdent une constitution 
analogue avec celle du tannin du chêne, et c'est presque 



552 ŒNOLOGIE. 

toujours à cette dernière substance que l'on s'adresse 
lorsqu'on a besoin pour la conservation des vins de 
recourir à l'action de l'acide tannique. Nous aurons 
du reste à revenir sur ce point. 

Les proportions de tannin existant dans les vins sont 
très différentes suivant qu'on les examine dans les vins 
rouges et dans les vins blancs. En effet le tannin existant 
surtout dans les éléments solides du raisin, et notam- 
ment dans l'épidémie et les pépins, on comprend pour- 
quoi on en trouve très peu dans le jus. Sa présence 
dans les vins rouges provient de sa dissolution dans le 
liquide pendant la fermentation, et si on en rencontre 
dans les vins blancs, il faut en attribuer la présence 
aux petites quantités de matières solides entraînées 
lors de sa préparation. 

M. Fauré dans ses recherches sur les vins de la 
Gironde a utilisé, pour doser le tannin, Faction qu'il 
exerce sur les dissolutions de gélatine. Il emploie une 
solution titrée de cette substance, préparée dans des 
proportions telles que 100 grammes précipitent 1 gr. 
de tannin pur dissous dans 100 gr. d'eau distillée. 

Pour préparer cette dissolution on introduit 2 gr. de 
gélatine dans un ballon avec environ 500 gr. d'eau 
froide, on porte à l'ébullition, puis on filtre, on laisse 
refroidir et on dose la liqueur avec la solution de 
tannin. 

M. Fauré opérait sur 100 gr. de vin et la quantité 
de solution de gélatine employée pour la précipitation 
complète du tannin était appréciée par la différence de 
poids que présentait le flacon contenant cette solution 



DOSAGE DU TANNIN. 553 

avant et après l'expérience. Ainsi on pèse avec soin la 
solution de gélatine, puis on la verse peu à peu dans le 
vin en agitant continuellement avec une baguette en 
verre. De temps en temps on filtre et on s'assure, à 
l'aide d'une légère solution de tannin qu'il n'y a pas de 
gélatine en excès dans le vin ; on arrive ainsi par tâton- 
nements à verser juste la quantité nécessaire de solu- 
tion de gélatine. Une fois le tannin précipité, on pèse 
de nouveau le flacon de gélatine, et du poids employé 
on déduit la quantité de tannin qui a été précipitée et 
qui correspond à 100 gr. de vin. 

Si l'on examine les nombres donnés par M. Fauré, 
on voit que la quantité de tannin est plus faible dans 
les vins blancs que dans les vins rouges, mais la diffé- 
rence n'est pas en rapport avec l'observation que nous 
venons de faire. La proportion de tannin varie de 4 à 6 
dix-millièmes pour les vins blancs et de 7 à 13 dix- 
millièmes pour les vins rouges. 

M. Mulder pense que les nombres donnés par 
M. Fauré pour exprimer la quantité de tannin con- 
tenue dans les vins blancs, sont trop considérables. Il 
estime d'après ses propres expériences qu'en général 
il y a quatre ou six fois plus d'acide tannique dans les 
vins rouges que dans les vins de liqueur qui en con- 
tiennent le plus. 

Les essais de M. Mulder sur la présence de l'acide 
tannique dans les vins blancs, ont établi que dans tous 
les vins il y a une quantité appréciable de cet acide. Le 
Sauterne lui en a donné des traces à peine sensibles ; 
il en a trouvé davantage dans le vin de Champagne 



554 ŒNOLOGIE. 

et encore plus dans les vins de Madère, de Ténériffe et 
du Rhin. Proportionnellement aux quantités signalées 
dans les vins précédents, il en existe beaucoup dans 
les Muscats et le Lachryma-Christi. 

En Champagne on estime qu'un vin blanc dans de 
bonnes conditions doit contenir de 0* r 6 à 0* r 7 de tannin 
par litre. 

Un grand nombre de procédés ont été successive- 
ment conseillés pour le dosage des tannins, et la con- 
clusion qui résulte de leur étude comparée est que 
jusqu'à présent, aucun de ces procédés n'a répondu 
aux besoins de l'industrie. La raison en est d'abord 
qu'il est difficile dans chaque cas de se procurer une 
matière pure pour fixer le titre des liqueurs employées, 
d'un autre côté si les tannins forment avec les sels mé- 
talliques des précipités, ces mêmes sels agissent égale- 
ment sur d'autres corps existant dans les liquides 
essayés et dont la présence gêne la réaction. 

Si l'on joint à cette considération cet autre fait que 
les tannins de diverses origines ne sont pas identiques, 
on comprendra la difficulté que présente le dosage de 
ces substances. 

Ainsi outre les dissolutions de gélatine, ou de gélatine 
et d'alun, on a proposé successivement pour préci- 
piter et doser le tannin, l'acétate de peroxyde de fer, 
l'acétate de cuivre, le protochlorure d'étain, l'émé- 
tique, la cinchonine ; on a également employé le per- 
manganate dépotasse ou caméléon par voie d'oxydation, 
et utilisé l'absorption de l'oxygène dans une dissolution 
alcaline et la décomposition de l'acide iodique en pré- 



DOSAGE DU TANNIN. 555 

sence de l'acide prussique. Mais tous ces moyens étaient 
successivement rejetés par les inventeurs de procédés 
nouveaux, et aucun d'eux n'a été jusqu'ici générale- 
ment adopté. 

Outre les procédés que nous venons d'énumérer, 
nous citerons celui qui est fondé sur l'observation de 
la densité et l'usage d'une table préparée d'après des 
expériences directes. Il peut être utilisé pour recher- 
cher la proportion de tannin contenue dans certains 
organes, notamment dans les pépins de raisins. 

Avec un volume donné d'eau on fait un extrait de la 
matière à essayer et on en prend la densité. Puis avec 
de la peau râpée, humectée et bien comprimée on 
enlève le tannin, on filtre et on mesure de nouveau la 
densité. A l'aide de ces deux densités et d'une table 
convenable on pourrait suivant les observations de 
Ilammer conclure la proportion de tannin. 

Les quantités de tannin contenues dans les vins sont 
trop faibles pour que ces liquides puissent se prêter à 
une expérimentation de cette nature ; ou bien il faudrait 
procéder à une évaporation préalable qui augmenterait 
la proportion de tannin relativement au volume du 
liquide sur lequel on aurait à opérer. 

La conséquence de ces observations c'est qu'on ne 
pourra arriver à un procédé exact et satisfaisant que 
lorsqu'on connaîtra la nature et les propriétés de ces 
substances différentes que nous réunissons malgré leur 
diversité sous le nom de tannins. 

Une marche rationnelle à suivre serait d'extraire 
d'abord le tannin qu'une substance contient et de doser 



556 ŒNOLOGIE. 

ensuite cette substance par un des procédés connus, 
c'est ainsi que procède M. Grassi dans la méthode qu'il 
a récemment proposée. 

A un certain volume de vin mesuré exactement on 
ajoute une quantité modérée d'alcool. On verse ensuite 
une solution de baryte caustique en excès, puis un peu 
d'azotate ou de chlorhydrate d'ammoniaque. On chauffe 
légèrement le mélange pendant quelques minutes, 
on laisse refroidir, on filtre et on lave le précipité 
tannobarytique, d'abord avec de l'alcool concentré, 
ensuite avec de l'eau froide. 

On le traite enfin par l'acide sulfurique étendu et 
bouillant qui met le tannin en liberté. 

Il ne reste plus qu'à doser celui-ci dans la liqueur, 
soit avec une solution titrée de permanganate de 
potasse, soit par tout autre procédé. 



CHAPITRE XXVIII 



DÉTERMINATION DES MATIÈRES AZOTÉES 
CONTENUES DANS LES VINS 

Nous avons pu apprécier toute l'importance du rôle 
des matières azotées dans les phénomènes qui se pro- 
duisent pendant la végétation de la Vigne et la forma- 
tion du raisin, et plus tard pendant la fermentation qui 
donne naissance au vin. 

Nous avons dit un mot de l'existence de ces matières 
dans les différentes parties de la pulpe du raisin 
(voy. tome 1 er p. 630) et nous avons reconnu par suite 
de diverses observations que le vin pouvait encore en 
renfermer une certaine proportion, la majeure partie 
ayant été utilisée pour l'entretien de la vie des globules 
de levure, et entrainée par suite du dépôt et de la sépa- 
ration de cette substance. 

Les fermentations qui peuvent se développer dans 
les vins aux différentes époques de leur conservation 



558 ŒNOLOGIE. 

suffiraient pour démontrer cette dernière consé- 
quence. 

Il est du reste facile de s'assurer de l'existence dans 
le vin de composés azotés, par le dégagement d'ammo- 
niaque que l'on obtient en chauffant ce liquide dans un 
tube après y avoir ajouté une certaine quantité de 
potasse caustique ou de chaux sodée, mais cette réac- 
tion ne nous dit pas sous quelle forme ces composés 
existent dans les liqueurs fermentées. 

La recherche des matières azotées contenues dans 
les vins au point de vue de leur nature et de leur pro- 
portion peut conduire à la solution de plusieurs ques- 
tions très différentes. 

On peut se demander d'abord et c'est le point de vue 
le plus général, quelle est la quantité totale d'azote 
existant à l'état de combinaison dans un certain volume 
de vin. 

On y arrivera facilement par Tune des méthodes 
employées pour le dosage de l'azote contenu dans les 
matières organiques, mais comme la description com- 
plète de la marche à suivre dans cette détermination 
nous entrainerait trop loin, nous préférons renvoyer 
pour les détails aux traités spéciaux d'analyse chi- 
mique. 

Disons seulement qu'on mesurera un certain volume 
de vin, on le fera bouillir.de manière à le ramener au 
tiers ou au quart de son volume, en ayant soin de con- 
server le liquide distillé. 

La partie qui reste sera évaporée à une température 
douce jusqu'à siccité dans une capsule, où l'on aura 



• 



DOSAGE DE L'AZOTE. 550 

mis une petite quantité de sable fin très pur, et le 
résidu recueilli avec soin sera mêlé avec de la chaux 
sodée et décomposé dans un tube de verre. L'ammo- 
niaque qui en proviendra sera évaluée soit avec une 
liqueur acide normale, soit au moyen du bichlorure de 
platine, et de la quantité trouvée on déduira la propor- 
tion d'azote existant dans le résidu. 

On devra ajouter à ce nombre celui exprimant l'azote 
qui existerait à l'état d'ammoniaque dans le liquide 
distillé. 

Il a été fait peu de recherches dans ce sens, et cepen- 
dant elles présenteraient un grand intérêt. 

Outre cette question générale, on peut se proposer 
de déterminer successivement les quantités d'azote exis- 
tant à l'état de ces combinaisons que nous avons dési- 
gnés sous le nom de matières albuminoïdes, et sous 
forme d'ammoniaque ou de composés analogues. 

Les études dans cette direction spéciale laissent éga- 
lement beaucoup à désirer. 

On sait que la distillation du vin, sans aucune addi- 
tion entraine déjà de l'ammoniaque, et il serait intéres- 
sant de savoir quelle est dans les différentes circons- 
tances la proportion de cette substance existant dans 
un vin. 

M. Maumené a déterminé cette quantité sur les vins 
en nature, puis sur les résidus laissés par la distillation 
soit dans le dosage de l'alcool, où le vin est distillé seu- 
lement à moitié, soit jusqu'à dessiccation complète du 
vin, par la distillation d'abord , à l'aide du vide 
ensuite. 



560 ŒNOLOGIE. 

Voici les résultats obtenus : 





AMMONIAQUE PAR LITRE 


DÉSIGNATION 


(AzII 3 ) 


DES VINS 








dans le vin 


Qcins 1g résidu 




A A / G 1 O 


0.03729 




a n .) K K. 1 


0.0 1846 


Mesuil 1875 


0.02894 


0.02104 




0.06117 


0.05225 


Rilly 1874 


0.08333 


0.05372 


Verzenay, id. . . . 


0.09760 


0.06214 




A A Q O 1 O 

U . Uool 0 


A A A H 1 Cl 

O.Ub7l l 




A A H A A / 

0.U7904 


0.06108 


Clos de Vougeot. . 


0 09227 


0.06975 




0.08719 


0.06903 


MoDtrachet. . . . 


0.08485 


0 07135 


Bordeaux : Château-Lafitte. . . 


0.0471 


0 0326 


Id. Margaux .... 


' 0.0509 


0.0397 




0.0526 


0.0442 




0.0316 


0.0203 




0.0308 


0.0225 




0.0762 


0.0582 


Frontignau (Muscat) 


0.0284 


0.0213 




0 0197 


0.0162 




0.0174 


0.0136 




0.0263 


0.0207 




0.0185 


0.0129 


Vin du Rhin. . . . 


0.1187 


0.0815 



L'opération a porté dans chaque cas sur un litre de 
vin, la distillation a été poussée de manière à ne laisser 
pour résidu que le vingtième du volume du vin, 
ou 50 cc . 

Comme complément de la détermination de l'azote 
existant dans un vin à l'état d'ammoniaque, on peut 
chercher à évaluer la proportion de cette substance qui 
s'y trouve sous forme de matières albuminoïdes. Ce 



DOSAGE DE L'AZOTE. 561 

résultat s'obtiendra facilement par différence, si Ton a 
d'une part l'azote total, de l'autre l'azote à l'état d'am- 
moniaque, alors on aura tous les renseignements sur 
la teneur en azote d'un vin donné. 

Quand on aura, de l'azote total, retranché l'azote 
existant à l'état de composé ammoniacal, il suffira de 
multiplier le reste par 6.452 pour avoir la teneur du 
liquide en matières albuminoïdes. 

Nous ne connaissons aucune recherche spéciale et 
complète sur ce point et nous raisonnons dans l'hypo- 
thèse de la présence dans le vin d'une certaine propor- 
tion de composés azotés à l'état de matières albumi- 
noïdes. Cependant ce fait a été mis en doute par quel- 
ques auteurs, en partant de cette considération que ces 
matières doivent être éliminées à l'état insoluble par le 
tannin et par l'alcool. Mais d'un autre côté en admettant 
que l'absence d'albumine après l'achèvement de la fer- 
mentation soit un fait assez constant, il y a des opéra- 
tions, notamment le collage, qui introduisent dans le 
vin une proportion notable d'albumine, dont la totalité 
peut bien n'être pas coagulée. 

Cette question pour être nettement tranchée demande 
de nouvelles observations, qui permettent de bien dé- - 
terminer l'état sous lequej se trouvent dans les vins les 
composés azotés dont l'existence est certaine. Outre l'am- 
moniaque, on y rencontre des bases qui ressemblent à 
ce corps par leur constitution , et que l'on désigne sous 
le nom d'ammoniaques composées, peut-être existe-t-il 
aussi d'autres alcalis organiques azotés, analogues à ceux 
que l'on rencontre souvent dans les produits végétaux. 



562 ŒNOLOGIE. 

Toutes ces réflexions nous montrent combien l'étude 
de ces composés dans le vin et les autres liqueurs fer- 
mentées laisse encore à désirer. 

M. Blaanderen a cherché à déterminer dans plu- 
sieurs vins la proportion de matière azotée, pour y 
arriver il a dosé l'azote d'après les principes que nous 
venons d'indiquer et en employant le procédé de 
MM. Wrll et Varentrapp. Connaissant le poids de 
l'azote, on calcule celui de la matière azotée en partant 
de ce résultat que les matières albumineuses contiennent 
quinze pour cent de leur poids en azote. On admet 
dans ce mode d'évaluation que tout l'azote du vin 
s'y trouve sous cette forme, ce qui n'est pas exact, 
comme nous l'avons vu précédemment. 



Voici les nombres donnés par M. Blaanderen : 



DÉSIGNATION 

DES VINS 


EXTRAIT 


AZOTE 


MATIÉKE 

albuminoïde 


Benicarlo .... 


2.87 


0.026 


0.17 


Roussillon. . . . 


3.11 


0.029 


0.19 


Saint- Georges. . 


1.81 


0.020 


0.13 


Narbonne. . . . 


2.20 


0.021 


0.14 


Pommard. . . . 


1.80 


0.040 


0 26 



M. Pohl, dans ses études analytiques sur les vins de 
l'Autriche a porté son attention sur ce sujet et il est 
arrivé à cette conclusion, après avoir examiné à ce 



DOSAGE DE L'AZOTE. 563 

point de vue 76 échantillons différents, que ces vins 
tous naturels ne contiennent que des traces à peine 
sensibles, lorsque toutefois ils en renferment, des ma- 
tières albumineuses ayant existé primitivement dans le 
jus du raisin. 

Ces observations ont porté sur des vins nouveaux 
qui devaient contenir une plus forte proportion de ces 
substances que les vins vieux. La recherche des ma- 
tières albumineuses a été faite au moyen de l'eau de 
chlore, procédé employé par Mulder qui a obtenu par 
cette action d'abondants précipités de ces matières 
dans des vins mousseux. 

Mais la présence des matières albumineuses dans ce 
cas s'explique par la fermentation incomplète qui n'a 
pas épuisé les composés azotés que le jus renfermait, 
et aussi par l'absence ou la faible proportion du 
tannin. 



CHAPITRE XXIX 



DÉTERMINATION DES GENDRES 
ET DES MATIÈRES MINÉRALES 

Nous nous contenterons d'indiquer sur ce sujet les 
différents points qu'il peut être intéressant d'examiner, 
chacun pourra trouver, dans les traités d'analyse chi- 
mique, la marche à suivre pour les questions spéciales 
qui se présenteraient dans l'étude d'un vin au point de 
vue des éléments minéraux qu'il contient. 

La proportion totale des éléments inorganiques sera 
déterminée facilement au moyen des cendres. Il suffira 
d'incinérer dans un creuset ou dans une capsule de 
platine une certaine quantité d'extrait provenant d un 
volume de vin donné pour avoir cette proportion très 
exactement. 

L'analyse de ces cendres faite par les procédés ordi- 
naires, suivis pour le cas des mélanges de plusieurs 
sels, en admettant que l'on ait une quantité de cendres 
suffisante, fera connaître leur nature et leur quantité 



ANALYSE DES GENDRES. 565 

qu'il sera facile de rapporter au volume d'un litre de 
vin par exemple. 

Dans le chapitre consacré à l'acidimétrie, nous avons 
examiné ce qui est relatif au dosage de la potasse êt 
par conséquent nous n'avons pas à revenir sur ce point 
sans contredit le plus important des problèmes que 
Ton peut se poser à propos de l'analyse des cendres 
du vin. 

Quant aux autres substances qui s'y rencontrent, 
leur présence et surtout leur proportion pourront dans 
certains cas servir à éclairer bien des questions rela- 
tives à la fabrication des vins et aux modifications que 
l'on a fait subir aux procédés ordinaires, soit dans le 
but avoué de les améliorer, soit avec l'intention de 
tromper sur leur nature et leurs qualités. 

Les produits que Ton retrouve dans les cendres et 
qui constituent les éléments minéraux des vins sont 
des sels dont nous énumérerons successivement les 
bases et les acides, sans qu'il soit possible de dire 
comment et sous quel état ces composés se trouvent 
associés dans les vins, à cause de leur multiplicité et de 
la complication qui en résulte. 

Parmi les bases nous citerons : 

la potasse, 
la soude, 
la chaux, 
la magnésie, 
l'alumine, 
et l'oxyde de fer. 

32 



566 ŒNOLOGIE. 

Et parmi les acides minéraux : 
l'acide sulfurique, 
l'acide phosphorique, 
l'acide azotique, 
l'acide chlorhydrique, 
et l'acide silicique. 

Nous devons ajouter à ces acides l'acide sulfureux et 
l'acide sulhydrique qui peuvent exister accidentelle- 
ment dans les vins par suite d'opérations ou de circons- 
tances spéciales, afin de compléter la liste des éléments 
minéraux, quoique ces derniers ne se retrouvent pas 
dans les produits de l'incinération. 

Enfin, les vins ayant pour point de départ et pour 
origine la végétation de la Vigne qui peut avoir lieu 
dans des conditions de sols très variées , on pourra y 
rencontrer, dans certaines circonstances , des subs- 
tances autres que celles que nous vonons d'énumérer, 
par exemple de l'oxyde de manganèse, du brome et de 
l'iode à l'état de bromures et d'iodures. 

Nous avons fait, dans la première partie de cet 
ouvrage, une étude détaillée des différentes questions 
que soulève l'existence, dans les plantes, des matières 
minérales (voy. 1 er volume, page 1), et nous avons pu 
voir dans l'examen des phénomènes qui s'accomplissent 
pendant la vinification que le rôle de ces matières n'est 
pas moins important dans les diverses périodes de cette 
opération. 

Si plusieurs des substances que nous venons de 
citer ne se trouvent dans le vin qu'en proportions 



ANALYSE DES CENDRES. 567 

excessivement petites et par suite de circonstances tout 
à fait accidentelles, il n'en est pas de même de quelques 
autres qui se rencontrent dans tous les vins, quelle 
que soit leur origine. Tels sont l'acide phosphorique, la 
potasse, la chaux, la magnésie, et ici nous nous retrou- 
vons d'accord avec les conséquences auxquelles nous 
avait conduit l'étude du même point de vue à propos 
des matières contenues dans les cendres de la Vigne. 

Quant aux résultats obtenus, nous renverrons d'abord 
aux chiffres que nous avons publiés dans le premier 
volume de cet ouvrage (voy. page 18 et suiv. ) et dans 
lesquels se trouvent comprises plusieurs détermina- 
tions se rapportant aux moûts et aux vins. 

Le tableau suivant donne les résultats publiés par 
Glœsner sur ce point, ainsi que pour d'autres éléments 
dont nous nous sommes occupés précédemment : 



NOMS DES VINS 


ALCOOL 


SUCRE 

de 
raisin 


ACIDE 

libre 


EITIU1T 


CENDRES 


Hochheim 1865. . . 


9 613 


0.329 


0.461 


2.403 


0.179 


Laubeulieim 18G8. . 


9.994 


0.417 


0 563 


2.736 


0.198 


Markgraff 1868 . . 


8.132 


0.215 


0.515 


1.854 


0.187 


WackeDheitn 1868. 


8.200 


0.491 


0.558 


3.801 


0.192 


Erbacb 1865 .... 


9.927 


0.510 


0.515 


2.628 


0.190 


Bodeoheiin 1868. . 


10.542 


0.333 


0.441 


1.874 


0.186 


Ruiiesheim 1865 . . 


9.989 


0.454 


0 514 


2 916 


0 180 


Dûrkheim 1868. . . 


7.994 


0.260 


0.480 


2.166 


0.171 


Hambach 1868. . . 


7.783 


0.255 


0.579 


2 146 


0.158 


Nierenstein 1868 . . 


8.981 


9.252 


0.479 


3.120 


0-184 


Lac de Zurich 1868. 


7.094 


0.089 


0.650 


1.693 


0.162 


Hallau (Schaffouse) 1S67 


8.700 


0.104 


0 381 


2.505 


0.274 


Jacobsberg 1865 . . 


9,414 


0.128 


0 392 


2.138 


0.279 


Yvorue 1867 .... 


9.207 


0.167 


0.533 


1.824 


0.195 



568 ŒNOLOGIE. 

Nous y ajouterons les nombres trouvés également par 
M. Diez sur des vins provenant des mêmes vignobles ; 



LOCALITÉS 


MINÉES 
de la 
récolte 


DEMSITÉS 


ALCOOL 
en 

volume 


SUCRE 


EXTRAIT 
à 

lOOo 


CFJiDRES 


Forst 


1834 


0.9953 


119 


0.30 


2.1 


0.13 


Id 


1 8 4 


0.99.54 


1 1 6 


0 43 


2.4 


0.14 


ld 


1846 


0:9955 


11 5 


0 57 


2.4 


0.15 


Id 


18*8 


0.9957 


11.4 


0 63 


2.5 


0.13 


Id 


1852 


0.99*4 


1 1.8 


0.65 


2.5 


0.20 


Deidesheim . 


1846 


U.9953 


1:2 1 


0.11 


2.0 


0 14 




1848 


0.9973 


12.0 


0.53 


2.0 


0.13 


Id 


1853 


0.999S 


11.2 


0.78 


3.2 


0.15 


LUïdesheim. . 


1846 


0.9957 


11 6 


0.39 


2.1 


0.15 


ld 


1848 


0. 991.3 


11.4 


0 43 


2.5 


0.18 


Durkheim . . 


184!) 


0 9956 


12.0 


0.58 


*2 1 


0.17 


Id 


1855 


0 9960 


11.4 


6.64 


2.1 


0.13 


Oppenbeim. . 


1848 


0.9951 


11.3 


0.50 


2.1 


0.13 


Stéinberg . . 


1846 


0 9955 


11.6 


0.35 


2.1 


0.15 


Jobapnisberg 


184-2 


0.9917 


10.0 


042 


2 1 


0 12 



M. Fauré, dans ses études analytiques sur les vins 
de la Gironde, s'est occupé du dosage des matières mi- 
nérales; voici le résumé des résultats qu'il a obtenus 
dans l'analyse des vins rouges et des vins blancs. 



Vins ronges, Vins blancs 



Alcool en volume 9 30 11.50 

Alcool en poids 7.30 9.14 

Bitartrate de potasse et traces de 

tartrate de chaux et de fer . . 0.21 0.13 

Chlorures alcalins traces 0.01 

Sulfate de potasse 0.02 0.02 

Phosphate de chaux. . . . - . traces 0.01 

Extrait 0.13 0.13 

Eau 92.25 90.51 



• 



ANALYSE DES CENDRES. 



569 



M. Boussingault a fait l'analyse du vin rouge de Lam- 
pertsloch (récolte de 1846); celte analyse a donné ; 



Sans vouloir faire l'analyse complète des cendres ob- 
tenues par la calcination d'un grand nombre d'échan- 
tillons de vins d'Autriche, M. Pohl a cherché, par des 
réactions précises, à déterminer la présence des prin- 
cipaux éléments qui s'y trouvent. L'intensité de la ré- 
action faisait connaître d'une manière approximative 
la proportion. 

Les observations ont porté sur l'acide sulfurique, 
l'acide phosphorique, l'acide carbonique, l'acide chlor- 
hydrique et la silice pour les acides; et pour les bases, 
sur la potasse, la soude, la chaux, la magnésie, l'alu- 
mine, les oxydes de fer et de manganèse. Les résultats 
constatés sont réunis dans des tableaux où des signes 
particuliers indiquent, pour chaque substance, une 
quantité notable, une quantité appréciable à la balance, 
ou simplement des traces. 

Le tableau suivant donne pour l'ensemble la moyenne 



Alcool . . 

Glucose, matière extractive. . 

Bitartrate de potasse 

Sulfate de potasse 

Chlorure de sodium 

Phosphate de magnésie . . . . 

Phosphate de chaux 

Eau 



8.73 
3 62 
0.29 
0.02 

traces 
0.05 
0.02 

87.27 



100.00 



32. 



570 ŒNOLOGIE. 

des résultats, quant à ce qui concerne le poids total des 
cendres : 



ORIGINE DES VINS 


QUALITÉ DE CENDRIS SDR 180 PARTIES DE VIS 


Moyenne 


Maximum 


Minimum 




0.197 


0.297 


0.128 




0.168 


0.32Î 


0.111 




0,181 


0.269 


0.120 




0.200 


0.233 


0.162 




0 191 


0.286 


0.143 




0.163 


0.305 


0.087 




0.184 


0.228 


0.154 




0.180 


0.250 


0.077 



Nous nous contenterons de ces indications qui suf- 
fisent pour donner une idée de la nature et des quan- 
tités des substances minérales ordinairement contenues 
dans les cendres du vin. 



CHAPITRE XXX 



LA MATIÈRE COLORANTE DES VINS 



Les vins ronges doivent leur coloration à une matière 
colorante spéciale qui préexiste dans le raisin, et pré- 
sente cette particularité, c'est quelle est ordinairement 
localisée dans des cellules spéciales tapissant l'intérieur 
de l'épiderme des grumes ; ce qui explique comment 
on peut obtenir un jus presqu'incolore avec des raisins 
colorés. 

Pendant la fermentation du jus s'opérant dans les 
cuves au contact des parties solides du raisin, cette 
matière colorante se dissout et se répand dans la masse 
du liquide. 

De nombreux travaux ont été faits sur cette matière, 
mais les résultats obtenus par les différents auteurs 
sont loin de conduire à des conséquences identiques, et 
il n'y a guère de bien certain dans son histoire que l'in- 
dication contenue dans les lignes qui précèdent. 

M. Duclaux est arrivé à conclure de tous les résul- 



572 ŒNOLOGIE 

tats contradictoires énoncés jusqu'à présent, que la 
matière colorante du vin était dans un état de trans- 
formation perpétuelle sans qu'on sache bien du reste, 
dans quelles conditions s'opèrent ses modifications. 

M. Duclaux a étudié cette matière après l'avoir 
séparée soit des pellicules du raisin par voie de disso- 
lution, soit d'un vin jeune et fortement coloré exposé 
quelques mois au soleil dans une bonbonne en verre. 
Il l'obtient ainsi sous forme d'une matière rouge, trans- 
parente, à consistance de gelée de groseille un peu 
ferme. 

Cette substance a un goût un peu amer, elle est 
soluble dans l'eau, même acide, et dans l'alcool ; elle 
réduit la liqueur de Fehling. 

Chauffée pendant quelque temps à 100°, elle perd 
quelques-unes de ses propriétés. Elle ne se dissout 
plus aussi facilement dans l'eau et y laisse nager des 
pellicules fortement colorées, analogues à celles qui 
existent quelquefois en suspension dans les vins. Si on 
la chauffe pendant assez longtemps, on peut lui faire 
perdre complètement son état gélatineux, et elle se 
présente alors sous la forme d'un enduit pelliculaire, 
brillant, qui occupe le fond de la capsule où s'est faite 
l'évaporation. 

Cette transformation, rapide sous l'influence de la 
chaleur, se produit plus lentement avec le temps à la 
température ordinaire, elle est favorisée par l'action de 
la lumière. Si on opère en vase clos, on constate qu'il 
y a eu absorption d'oxygène et formation d'acide car- 
bonique. 



MATIÈRE COLORANTE DES VINS. 573 

Cette matière très soluble dans l'alcool éprouve par 
l'action des acides une autre modification par laquelle 
elle devient insoluble dans l'alcool. L'oxygène n'a 
aucune part dans cette transformation qui parait con- 
sister dans un phénomène d'isomérie, dû à une aug- 
mentation de cohérence. 

Ce qui semble le prouver c'est que dans cet état, la 
matière pulvérisée, humectée par L'eau, et traitée par 
un petit fragment de potasse caustique verdit d'abord, 
puis devient rouge brun sous l'influence de la chaleur, 
et si on sature la liqueur alcaline, on obtient un pré- 
cipité grumeleux: qui n'est autre que la matière colo- 
rante redevenue soluble clans l'alcool. 

Lorsque le vin se colore dans la cuve, pendant la fer- 
mentation, cela se produit non pas parce que l'alcool 
est seul capable de dissoudre la matière colorante, mais 
parce que la pellicule cède cette matière en vertu d'un 
pouvoir eudosmotique qu'elle n'avait pas avant cette 
fermentation. 

Voici les conséquences que M. Duclaux a déduites de 
ses observations relativement aux modifications qu'é- 
prouve avec le temps la matière colorante du vin. 

Cette matière soluble dans l'eau alcoolisée et aci- 
dulée, reste inaltérée tant que l'acide carbonique qui 
se dégage la préserve du contact de l'air. 

Aussitôt qu'elle peut avoir le contact de l'oxygène, la 
matière colorante absorbe ce gaz et passe de l'état gé- 
latineux à l'état où elle est précipitable par les acides. 
Si la proportion d'acide et d'alcool est convenable, il 
se peut que rien ne se produise et le vin peut parfaite- 



574 ŒNOLOGIE. 

ment renfermer de la matière colorante oxydée, sans 
que celle-ci se dépose sous forme de feuillets. 

Ce dépôt est donc consécutif à l'action de l'air et non 
pas corrélatif à cette action, ainsi qu'on le croit et il 
n'en est pas la conséquence. Il est vrai pourtant qu'il 
la suit d'ordinaire et que, l'oxydation une fois faite, tout 
ce qui ne peut rester en solution acide, au-delà de la 
limite que comportent la quantité d'alcool et la quantité 
d'acide, se précipite lentement si l'arrivée de l'air est 
difficile, rapidement si l'afflux de l'air est suffisant. 

Dans ce cas le dépôt est volumineux et grumeleux, 
mais il ne tarde pas à se contracter, à prendre plus de 
cohésion par un phénomène tout-à-fait analogue à 
celui que présente la gomme coagulée par l'alcool, qui 
volumineuse au début finit par n'avoir plus qu'un 
volume très faible. 

Des pellicules et des dépôts adhérents se forment 
donc; peu à peu la portion de matière colorante restée 
dans le vin passe à son tour, même en dehors de l'in- 
tervention de l'oxygène, par la même série de transfor- 
mations qui finissent par l'empêcher de rester en solu- 
tion. On ne trouve plus alors dans le vin qu'une petite 
quantité de matière colorante oxydée et passée à l'état 
jaune. 

On a conseillé pour isoler la matière colorante du 
vin de précipiter ce liquide par le sous-acétate de 
plomb, de laver le précipité sur le filtre, puis de dé- 
composer le précipité par l'hydrogène sulfuré après 
l'avoir mis en suspension dans l'eau. 

Le sulfure lavé donne des liquides colorés et acides 



MATIÈRE COLORANTE DES VINS. 575 

d'abord, incolores ensuite même en présence des acides. 
Ces liquides colorés renferment un sel de plomb et 
donnent par évaporation une laque bleue qui se dépose 
sur les parois de la capsule et qui se dissout en rouge 
sous l'influence des acides. 

Cette matière bleue est une laque à la formation de 
laquelle concourt la matière colorante du vin, elle ne 
la constitue donc pas à l'état de pureté comme on l'a- 
vait cru, lorsqu'on lui a donné le nom d'œnocyanine. 

Nous ajouterons aux détails qui précèdent et qui 
résument ce que nous savons aujourd'hui de plus positif 
sur la matière colorante du vin les observations publiées 
en 1858 par M. Glénard, de Lyon, qui parait avoir 
obtenu cette matière suffisamment pure et l'avait 
appelée œnoline. 

Voici comment M. Glénard procédait, pour sa prépa- 
ration, il opérait sur dix bouteilles de vin environ. 
* Le vin est versé dans une grande terrine et additionné 
de sous-acétate de plomb jusqu'à cessation du précipité. 

Le précipité coloré en bleu est lavé plusieurs fois par 
décantation, puis récolté sur des filtres où on achève de 
le laver. 

Ce précipité est séché avec soin à la température de 
400 à 110% puis pulvérisé finement. 

Cette poudre introduite dans un appareil à déplace- 
ment est traitée lentement par de Péther chargé de gaz 
acide chlorhydrique lequel sature l'oxyde de plomb 
contenu dans le précipité. 

Lorsque tout l'oxyde de plomb est passé à l'état de 
chlorure, on lave avec de l'éther pur, de manière à 



576 ŒNOLOGIE. 

enlever l'excès d'éther chlorlïydrique employé et jusqu'à 
ce que la liqueur qui passe ne présente plus de réac- 
tion acide. 

Le précipité bien lavé à l'éther, est séché à l'air pour 
le débarrasser de l'éther libre qu'il relient, puis mis en 
digestion dans un matras avec de l'alcool à 36°6. 

L'alcool se colore aussitôt en un rouge vif d'une 
grande intensité, tandis que le précipité se décolore. 

On jette sur un filtre, on lave avec de l'alcool tant 
que celui-ci passe coloré, puis on distille au bain- 
marie jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une petite 
quantité de liquide. On laisse refroidir et on mêle le 
résidu avec 4 ou 5 fois son volume d'eau distillée. 

La matière colorante se sépare alors presqu'entière- 
ment sous la forme de flocons rouges, car elle est à 
peine soluble dans l'eau, C'est cette matière qui est le 
principe colorant du vin. 

Humide elle est d'un rouge brun foncé, sans éclat; 
si elle est séchée en masse, elle paraît presque noire ; 
mais si on la réduit en poudre elle est d'un beau rouge 
violacé. 

À peine soluble dans l'eau, elle est assez soluble 
dans l'alcool qu'elle colore en un beau rouge cramoisi. 

Elle est insoluble dans l'éther. 

Chauffée dans un petit tube elle ne se volatilise pas, 
elle se boursouffle et se décompose. Elle brûle sur une 
lame de platine sans laisser de résidu. 

Cette matière sèche paraît inaltérable dans l'air et 
dans l'oxygène. Mêlée avec un peu d'eau et abandonnée 
dans un tube plein d'oxygène sur le mercure, au bout 



MATIÈRE COLORANTE DES VINS. 577 

de quelques heures, elle n'avait pas absorbé trace de ce 
gaz. Mais en introduisant sous la cloche un fragment de 
potasse caustique, elle s'altère immédiatement et passe 
au brun foncé, en absorbant de l'oxygène. 

Une ébullition un peu prolongée avec l'eau l'altère 
fortement. L'eau se couvre de pellicules irisées, la 
matière colorante perd sa belle teinte rouge pour 
virer au brun jaunâtre, elle n'est plus aussi soluble dans 
l'alcool. Les pellicules rougeâtres que l'on obtient ainsi 
ressemblent tout-à-fait à celles qui se déposent dans 
les bouteilles, dans lesquelles on a laissé vieillir du vin 
qui s'est décoloré peu à peu. 

M. Glénard a donné à cette substance le nom d'œno- 
line, son analyse conduit à la formule : 

C 20 H ,0 O 10 , 

établie d'après la composition du sel qu'elle forme 
avec l'oxyde de plomb. Elle contient par conséquent 
les proportions suivantes de ses divers éléments : 

Trouvé Calculé. 

Carbone 57.02 57.1 

Hydrogène .... 4.89 4.8 
Oxygène 37.89 38.1 

Le composé résultant de l'union de cette substance 
avec l'oxyde de plomb a pour formule : 

C 20 H 9 O 9 .PbO. 



33 



CHAPITRE XXXI 



ÉTUDE DES MODIFICATIONS 

APPORTÉES A LA FABRICATION DU VIN DANS UN BUT 
D'AMÉLIORATION 



L'étude que nous avons faite de la vinification et des 
principales questions qui s'y rattachent, nous a permis 
de nous rendre compte des différentes opérations né- 
cessaires pour préparer le vin et assurer sa conserva- 
tion jusqu'au moment où il doit être consommé. 

Ces opérations varient, comme nous l'avons vu, sui- 
vant l'espèce de vin que l'on veut obtenir, mais elles 
nous offrent constamment ce caractère important, c'est 
que le raisin fournit seul les matériaux employés et 
que le vin est simplement le résultat des transforma- 
tions que l'on a fait subir à ses éléments. 

La fermentation vineuse, première période de l'alté- 
ration naturelle que le jus du raisin éprouve, après 
que le fruit de la Vigne a été soustrait à l'influence de 
la végétation, constitue l'opération capitale, c'est elle 
qui fait le vin. Plus tard, l'influence de l'oxygène con- 
tinue et poursuit cette altération, mais cette influence 



AMÉLIORATION DES VINS. 579 

est dès lors parfaitement réglée, limitée à l'action lente 
de l'air, par suite des précautions prises, soit pour ar- 
rêter la fermentation première , soit pour empêcher le 
développement d'autres fermentations du même genre. 

Souvent cet ensemble de manipulations est modifié 
et nous nous proposons d'examiner successivement les 
principaux changements qu'on peut y apporter dans le 
but d'améliorer le produit, en faisant disparaître ses 
défauts ou en développant ses qualités. 

Cet important problème de l'amélioration des vins 
se divise en deux parties, tantôt on veut seulement 
dans une localité donnée, améliorer le vin qu'elle pro- 
duit; tantôt on cherche à préparer des vins spéciaux 
dans des circonstances qui ne réunissent pas les condi- 
tions indispensables pour que leur fabrication soit pos- 
sible. Nous examinerons d'abord la première partie, 
puis dans la seconde nous établirons les principes sur 
lesquels repose la préparation de ces vins que Ton dé- 
signe sous le nom de vins d'imitation. 

Dans l'étude des procédés d'amélioration, on peut se 
placer à deux points de vue, dont nous n'avons pas à 
faire ressortir les caractères. Dans l'un on considère 
seulement la base même du procédé, le principe sur 
lequel il repose, les résultats généraux qu' il produit, 
c'est le côté théorique, c'est le seul que nous étudie- 
rons en réservant la question pratique, dans laquelle 
on s'occupe particulièrement des conditions diverses 
d'application suivant le but que l'on se propose. Toutes 
ces questions trouveront naturellement leur place dans 
l'Art de faire le vin. 



580 ŒNOLOGIE. 

Le mélange de différents vins que l'on désigne indus- 
triellement sous le nom de coupage, nous permet de 
comprendre comment on peut donner à un vin ce qui 
lui manque en l'associant à un autre qui possède sura- 
bondamment les éléments que l'on cherche à intro- 
duire dans le premier. 

Cette manière de procéder est aussi naturelle que 
celle qui consiste à réunir dans une même cuve des 
raisins de différents cépages dont le mélange produit 
le même effet. 

Mais supposons un moût dont la composition ne soit 
pas conforme aux proportions qui doivent exister entre 
ces divers éléments pour qu'on puisse en obtenir un vin 
dont la qualité corresponde à la moyenne de ce qu'il doit 
fournir. Est-il possible de l'améliorer de manière à 
lui faire toujours produire ce vin de qualité moyenne? 

Les procédés qui ont été proposés pour répondre à 
cette question, se rapportent à trois méthodes géné- 
rales. On les désigne, en Allemagne surtout, où leurs 
effets ont été plus particulièrement étudiés, sous les 
noms de Chaptalisation, Gallisation et Petiotisation, dé- 
nominations rappelant les noms des personnes qui ont 
inventé ou vulgarisé ces différents procédés, Chaptal, 
Gall et Petiot, de même qu'on appelle aujourd'hui Pas- 
teurisation, le traitement des vins parla chaleur, dans 
le but d'empêcher leur altération. 

Examinons sucessivement les principes sur lesquels 
repose chacun de ces procédés. 

Dans la composition d'un moût, nous pouvons distin- 
guer trois éléments importants dont nous avons appré- 



AMÉLIORATION DES VINS. 581 

cié le rôle dans la vinification. Ces éléments sont le 
sucre , les acides exprimés par l'acidité totale et 
l'eau. 

Dans une bonne année, où la maturité du raisin est 
convenable, il existe entre ces trois éléments une cer- 
taine proportion que chaque vigneron intelligent doit 
avoir déterminée sur les produits de sa récolte par 
suite de ses observations annuelles. Le problème qu'il 
se pose naturellement dans les années mauvaises ou 
médiocres, où il ne peut obtenir qu'un vin de qualité 
inférieure, consiste à trouver ce qu'il faut faire pour 
ramener le moût tel qu'il est à ce qu'il aurait été si la 
maturité avait été convenable. 

Cette simple réflexion nous montre que la base de 
l'amélioration rationnelle d'un moût c'est la détermi- 
nation de sa composition, et par suite la connaissance 
de ce qui lui manque pour en faire un moût de bonne 
qualité. 

Relativement aux éléments que nous- venons de citer, 
il faut donc savoir quelles sont dans un moût, avant toute 
fermentation, la proportion de sucre, l'acidité totale et 
la quantité d'eau. Ces données peuvent être facilement 
obtenues, ou d'une manière approchée ou bien exacte- 
ment, par les méthodes que nous avons précédemment 
développées. Cette marche, toute rationnelle qu'elle 
paraît au premier abord, est cependant incomplète, 
car en dehors des substances que nous venons de citer, 
il en existe d'autres également très importantes et dont 
on ne tient pas compte, mais elle doit être considérée 
comme suffisante dans la pratique ordinaire. 



582 ŒNOLOGIE. 

Examinons maintenant avec quelques détails les dif- 
férentes manières de procéder que nous venons d'indi- 
quer. 

La chaptalisation consiste à débarrasser le moût d'un 
excès d'acide libre et à lui donner, par une addition de 
sucre, la proportion de cette matière qui lui manque. La 
quantité de vin produite n'est pas accrue sensiblement 
par cette opération , mais la richesse alcoolique est 
augmentée et l'acidité est diminuée. Le plus souvent 
même on ne cherche qu'à augmenter la richesse alcoo- 
lique par l'addition du sucre, sans s'occuper de l'aci- 
dité dont la diminution peut introduire dans le vin des 
éléments que l'on aime autant n'y pas rencontrer. 

Quoiqu'il en soit, si on se contente d'ajouter du sucre, 
il ne faut pas oublier que 100 grammes de sucre don- 
neront environ 50 grammes d'alcool absolu et par con- 
séquent, il sera facile de calculer le poids de sucre qu'il 
faut ajouter a une quantité connue de vendange pour 
augmenter sa richesse alcoolique dans une proportion 
déierminée. 

11 convient de n'employer pour cet usage que du 
sucre pur de cannes ou de betteraves. 

Si on veut en même temps diminuer l'acidité du 
moût, on conseille d'employer le carbonate de chaux 
à l'état de marbre réduit en poudre fine. Alors on mé- 
lange à ce moût la proportion de cette substance né- 
cessaire pour diminuer son titre acide.de la quantité 
voulue. 

On déterminera facilement cette proportion en par- 
tant de ce fait que l'équivalent du carbonate de chaux 



AMÉLIORATION DES VINS. 583 

(C0 2 CaO) étant égal à 50, et l'acidité étant évaluée en 
acide tartrique, 100 parties de ce sel satureront 175 
parties d'acide tartrique. 

Dans la gallisation, méthode due au Dr Gall, outre 
la diminution du titre acide, et l'augmentation de la 
richesse alcoolique, on a pour but un accroissement 
notable de la quantité de vin produite. 

On part de cette idée que pour donner un vin de 
bonne qualité, un moût doit contenir les proportions 
suivantes de ses principaux éléments : 

Sucre 24.0 

Acide libre 0.6 

Eau . 75.4 

100. 0 

Ces chiffres varieront nécessairement suivant les 
localités, et la qualité de vin que l'on veut obtenir ; 
en admettant ceux qui précèdent, le moût sur lequel 
on doit opérer pour faire du vin devra donc être modi- 
fié de manière à être ramené à cette composition. 

Supposons un moût contenant : 

Sucre 16.7 

Acide ' 0.8 

Eau 82.5 

100.0 

Ces chiffres ont été déterminés par l'analyse directe 
du moût. Ici, comme dans le cas précédent, l'eau est 
évaluée d'après les proportions du sucre et d'acide sans 
tenir compte des autres éléments du moût. 



584 



ŒNOLOGIE. 



Il est facile de reconnaître qu'on ramènera ce moût 
à la composition admise comme type, en y ajoutant du 
sucre et de l'eau, de manière qu'il présente la composi- 
tion suivante : 



ce qui produira une augmentation de 33 %. 

Le troisième procédé que nous avons indiqué et que 
l'on désigne sous le nom de petiotisation, rappelant les 
observations faites à ce sujet par M. Petiot de Cha- 
mirey (Saône-et-Loire), repose sur ce principe que le 
marc qui reste dans la cuve après le décuvage, ren- 
ferme encore une proportion notable des éléments du 
vin. L'eau et le sucre qui ont disparu peuvent facile- 
ment être remplacés par une dissolution d'eau sucrée 
qui mêlée avec le marc provoquera une nouvelle fer- 
mentation et donnera lieu à une nouvelle quantité de 
vin. Cette opération pourra même être répétée plu- 
sieurs fois, et permettra ainsi d'augmenter dans une 
forte proportion la quantité de vin produite. 

On a observé dans l'emploi de ce procédé que le vin 
de la deuxième cuvée était plus foncé en couleur que 
celui de la première. Ce fait s'explique par la solubi- 
lité de la matière colorante non oxydée dans l'eau. 

M. Duclaux remarque, en effet à ce sujet, que l'eau 
ajoutée, arrivant au contact des cellules des pellicules 
gonflées d'un liquide qui est devenu alcoolique par la 



Sucre 
Acide 
Eau . 



32.0 
0.8 
100.5 



133.3 



AMÉLIORATION DES VINS. 585 

première fermentation, les rompt et la matière colo- 
rante se répand dans le liquide aqueux où elle se dis- 
sout en grande quantité. 

Lorsqu'on voudra recourir à l'emploi de ce procédé, 
on déterminera la richesse en sucre du moût ; si on 
trouve de 20 à 24 % on n'en ajoutera pas, mais si la 
quantité de sucre est moindre on l'amènera à ce chiffre 
par une addition convenable. 

Lorsque la fermentation sera sur Je point de se ter- 
miner, on décuvera, puis on versera sur le marc une 
quantité d'eau sucrée égale à la quantité de vin obtenue, 
et contenant la même proportion de sucre que le moût 
primitif. 

La fermentation se rétablira bientôt, et quand elle 
arrivera au même point que lors du premier décuvage, 
on tirera de nouveau le vin produit. 

On répète cette opération par une seconde addition 
d'eau sucrée toujours au même titre, et on tire après 
la fermentation comme dans les cas précédents. 

Les marcs sont alors pressés, et peuvent être après 
le pressurage soumis à une nouvelle fermentation 
après addition d'eau sucrée. 

Les liquides provenant de ces quatre opérations sont 
mélangés et abandonnés ensuite dans les tonneaux 
jusqu'au moment, du soutirage. 

Le vin sera alors essayé, et s'il ne contient pas de 
5 à 6 °/ 0 d'acide, on y ajoutera la quantité d'acide tar- 
trique nécessaire pour arriver à ce chiffre. 

Nous nous contenterons de ces indications générales, 

33, 



586 ŒNOLOGIE. 

elles suffisent pour permettre de comprendre les effets 
produits par chacune de ces méthodes, qui, lorsqu'on 
n'en abuse pas dans le but d'obtenir un bénéfice illicite, 
peuvent rendre dans certaines circonstances de grands 
services. 



Nous devons dire un mot du plâtrage des vins 
quoique nous n'ayons pas l'intention de discuter cà 
fond cette question complexe et sur laquelle on est loin 
d'être d'acccrd. 

Cette opération pratiquée dans le midi de la France 
et dans plusieurs vignobles d'Espagne et d'Italie, se 
fait le plus ordinairement avant la fermentation. Elle 
consiste à mêler du plâtre en poudre à la masse du 
raisin qui doit fermenter dans la cuve. 

Le brevet de Sérane, pris en 1849, porte que la ven- 
dange doit être saupoudrée de plâtre dans la propor- 
tion de 2 à 3 kil. par hectolitre, dans le but d'aviver la 
couleur, de réduire les lies et de prévenir les altéra- 
tions ultérieures du vin. 

Le plâtrage des vins est une opération ancienne, du 
temps des Romains on employait le plâtre clans l'île de 
Crète, mais on ne s'est guère préoccupé de ses effets en 
France qu'en 1853, probablement à la suite d'une 
introduction beaucoup plus étendue des vins du Midi 
dans la consommation générale. 

On a recours également à un autre mode d'emploi 
du plâtre qui consiste à le mêler directement au vin 
après sa préparation. 



PLATRAGE DES VINS. 587 

Quoi qu'on ait pu dire sur ce sujet, l'usage habituel 
des vins plâtrés n'est pas inoffensif, que ce fait tienne à 
l'opération elle-même ou qu'il soit le résultat d'une 
pratique mauvaise et exagérée ; et par conséquent il 
est à désirer qu'on renonce à ce procédé d'améliora- 
tion qu'il serait facile de remplacer par un mode de 
vinification rationnel et appliqué à la nature particu- 
lière du moût de certains cépages, en même temps 
qu'on tiendrait compte des conditions météorologiques 
des localités où le plâtrage a été reconnu néces- 
saire. 

Il nous parait impossible d'accepter sans réserve une 
méthode dont les effets peuvent devenir très dange- 
reux, et doivent être mesurés par les règlements de 
manière à rester dans les limites où l'on suppose qu'ils 
ne seront pas nuisibles. 

Ce qu'il y a de certain c'est que le plâtrage modifie 
profondément la composition du vin relativement à ses 
éléments essentiels. Ainsi M. Gautier a reconnu, par 
suite d'analyses comparatives faites sur des vins natu- 
rels et des vins plâtrés, que ceux-ci donnaient en 
moyenne près de 3? r 5 à 4 gr. d'extrait sec de plus par 
litre. 

Ce résultat est du reste conforme à la théorie. Les 
expériences de M. Ghancei ont montré que le plâtrage 
employé avant la fermentation, ce qui est le cas le plus 
ordinaire, enlevait à la pulpe environ deux fois encore 
autant de crème de tartre, que celle que contenait le 
vin primitif. 

D'après ces données le plâtrage introduit environ 



588 



ŒNOLOGIE. 



par litre de vin 6s r 2 de sulfate de potasse et d'acide 
tartrique et 0 S '25 de plâtre à la place de 2& r 5 de 
crème de tartre qui s'y seraient trouvés sans cette opé- 
ration. Il doit donc y avoir environ par litre un excès 
de 3s r 95 de résidu fixe. 

Poggiale a déduit les conclusions suivantes d une 
série d'observations sur des vins plâtrés : 

1° La dégustation ne permet pas de distinguer les 
vins plâtrés des vins naturels ; 

2° Le plâtre diminue l'intensité de la couleur du 
vin ; 

3° Le bitartrate de potasse est décomposé par le 
plâtre, il en résulte du sulfate de potasse qui reste en 
dissolution et du tartrate de chaux qui se préci- 
pite ; 

4° Le phosphate de potasse est également décom- 
posé par le plâtre ; 

5° Le plâtrage modifie la nature du vin en substi- 
tuant au bitartrate de potasse un sel qui est purgatif à 
la dose de 8 à 12 gr. 

"Voici les résultats fournis par l'incinération des vins 
plâtrés et non plâtrés de même provenance, l'opération 
a été faite sur un litre : 

Montpellier, Var, Pyrénées-Orientales. 

Vins non plâtrés 2s f 912 3^808 2s'422 
Vins plâtrés. . . 4s r 480 5§ r 638 1(M04 

Nous avons signalé (voy. p. 499), en parlant du 
dosage de l'acide tartrique par le procédé de MM. Ber- 
thelot et de Fleurieu , la modification qu'il faut y 



VINAGE. 589 

introduire lorsque les vins contiennent une proportion 
notable de chaux. Il ne faudra pas manquer de 
prendre cette précaution lorsqu'il s'agira de vins plâ- 
trés, car dans ce cas l'erreur serait très sensible. Elle 
se ferait également sentir sur la séparation de la crème 
de tartre par évaporation ; l'élimination préalable de 
la chaux à l'état d'oxalate fera disparaître cet incon- 
vénient. 



Nous dirons également peu de chose du procédé qui 
consiste à employer pour l'amélioration des vins ce 
qu'on appelle le vinage, c'est-à-dire l'addition au vin, 
après sa préparation, d'une certaine proportion 
d'alcool. 

On comprend facilement en quoi consiste cette opé- 
ration quia pour but d'augmenter la richesse alcoolique 
des vins, et par suite, d'assurer leur conservation. 

Elle peut se faire par l'addition d'une certaine quan- 
tité d'alcool dans la cuve, mais le plus souvent l'alcool 
n'est mêlé au vin qu'après sa mise en tonneaux. 

La proportion d'alcool ainsi ajoutée dans certaines 
localités donne des vins très alcooliques, qui sont plus 
tard employés pour être coupés avec des vins trop 
faibles en alcool et amener ces mélanges à la richesse 
moyenne des vins de consommation courante. 

Les détails dans lesquels nous sommes entrés sur 
l'action réciproque des différents éléments du vin et 
notamment de l'alcool et des acides nous font prévoir 
les conséquences de cette addition d'alcool sur les vins 



590 ŒNOLOGIE. 

et par conséquent les bons effets de cette pratique 
pour leur amélioration. 

Nous n'avons du reste rien à ajouter sur la marche à 
suivre pour déterminer la proportion d'alcool qu'il 
faut ajouter à une certaine quantité de vin pour aug- 
menter dans un rapport donné sa richesse alcoolique. 
Il suffit pour cela de connaître la richesse du vin et la 
force de l'alcool employé, un calcul très simple conduit 
au résultat cherché, et il sera facile de le vérifier en 
analysant de nouveau le vin après le vinage, au point 
de vue de l'alcool qu'il renferme. 

L'addition d'alcool dans les cuves avant la fermenta- 
tion est préférable au mélange de ce liquide avec le vin 
tout fait et déjà soutiré. Dans tous les cas, on ne devrait 
employer pour cette opération que de l'alcool provenant 
du vin. Malheureusement, ce produit devient de plus 
en plus rare, et il est toujours remplacé par les alcools 
de betteraves, de grains ou de pommes de terre, qui 
renferment, outre l'alcool ordinaire (G v H 6 0-), des al- 
cools d'un ordre plus élevé, tels que les alcools propy- 
lique, butylique, amylique, etc. (Voy. p. 120.) 

Or, ces derniers exercent sur l'économie une action 
des plus fâcheuses, et cette raison est bien suffisante 
pour qu'on cherche à en supprimer complètement 
l'usage dans cette circonstance, ou du moins qu'on le 
restreigne autant que possible, et qu'on n'ait recours 
qu'à des produits bien rectifiés et débarrassés de tous 
ces composés. 

Le mieux serait certainement, lorsque l'alcoolisation 
d'un vin est nécessaire, de la déterminer dans une me- 



AMÉLIORATION DES VINS. 591 

sure raisonnable par l'addition du sucre au moût de 
raisin avant la fermentation. Le mélange de l'alcool 
ainsi produit, avec les éléments du vin, se ferait d'une 
manière plus intime et aurait moins d'inconvénients 
que l'emploi de l'alcool tout fait ajouté au vin après 
sa fermentation. La congélation peut encore servir à 
augmenter la richesse alcoolique par suite de la sépa- 
ration de la glace formée pendant le refroidissement. 

Nous pouvons résumer en peu de mots l'ensemble 
des procédés que nous venons de passer en revue, 
et dont nous avons sommairement indiqué les prin- 
cipes. 

Le vin, tel que nous l'avons étudié, est un produit 
essentiellement variable chaque année dans un même 
vignoble et pour un même cépage, par suite des con- 
ditions très diverses dans lesquelles s'est accomplie la 
végétation de la Vigne. Il varie également la même 
année suivant le climat et la nature du cépage. 

Tous ces procédés ont pour but de remédier aux 
inconvénients qui peuvent se présenter dans ces di- 
verses conditions. 

On y arrive par une addition de sucre ou d'alcool qui 
augmente la richesse alcoolique, ou l'emploi de sub- 
stances qui ont pour effet de masquer les mauvaises 
qualités du vin. Dans d'autres cas on rétablit par une 
addition simultanée de sucre et d'eau l'équilibre entre^ 
les éléments principaux du moût. Enfin dans un but 
d'économie on cherche à utiliser les matières perdues 



592 ŒNOLOGIE. 

qui restent dans le marc et ne sont pas utilisées pen- 
dant la fermentation et les manipulations qui la suivent. 

Toutes ces opérations exigent, pour pouvoir être bien 
conduites, une connaissance complète de l'état primitif 
du moût et des changements qu'elles apportent dans la 
composition du vin qui va en résulter. 

Une condition indispensable , pour qu'elles soient 
acceptées et permises, c'est qu'elles seront faites sans 
dissimulation, et que le consommateur saura commenta 
été obtenu le vin qui lui est livré ; et rien ne s'oppose 
à ce qu'il en soit ainsi toutes les fois que ces opéra- 
tions n'ont pas été pratiquées avec une arrière pensée 
de fraude, ou avec l'idée bien arrêtée de tromper sur 
la nature et les qualités du produit. 

Malheureusement, même en écartant toute intention 
frauduleuse, l'application de ces procédés n'est pas 
toujours appuyée sur des données sérieuses et établie 
sur les résultats d'une analyse complète. Les méthodes 
que nous avons développées , pour permettre de se 
rendre compte de la composition des moûts et des vins, 
ne sont encore ni assez répandues, ni assez appréciées 
des propriétaires , pour faire la base des réactions qui 
le plus souvent ne reposent que sur des données in- 
exactes et tout à fait insuffisantes. Il en résulte des 
accidents et des déboires que l'on met sur le compte 
des méthodes et qui ne doivent être attribués qu'à 
l'ignorance quand ils ne sont pas dus à l'amour du gain 
et à la mauvaise foi. 

Au contraire une application raisonnée et sérieuse 
des mêmes procédés, faite dans les limites indiquées 



vins d'imitation. 593 

par l'expérience, conduirait à des résultats certains et 
ne manquerait pas de provoquer des améliorations 
dont on connaîtrait parfaitement la portée et qui ne 
pourraient avoir aucune conséquence fâcheuse pour 
les relations commerciales et pour la santé publique. 



Nous avons distingué des vins obtenus par suite de 
la modification des méthodes ordinaires toute une ca- 
tégorie de produits que l'on désigne sous le nom de vins 
d'imitation, et qui comprennent les vins dont le centre 
de fabrication est dans le département de l'Hérault, à 
Cette et à Mèze. 

Ces vins, dont la production dépasse trois cent mille 
hectolitres par an, sont surtout destinés à l'exportation. 
On imite dans leur préparation les vins de Xérès, de 
Porto, de Madère, de Malaga. 

La base de cette fabrication, sur laquelle on a 
cherché bien à tort à jeter de la défaveur, est le raisin 
récolté dans le pays, et vendangé dans les conditions 
ordinaires. Les neuf dixièmes des raisins employés 
sont des raisins blancs, et il n'est fait usage d'aucune 
matière colorante étrangère. 

Aux vins du pays on applique les procédés employés 
dans les vignobles dont on veut imiter les produits, 
seulement il faut reconnaître que ces procédés ont été 
très perfectionnés et les résultats qu'ils donnent aujour- 
d'hui d'une manière régulière sont vraiment remar- 
quables. 

Les vins sur lesquels on opère n'ont guère que 



594 ŒNOLOGIE. 

8 à 9 °/o d'alcool, après leur préparation on peut les 
rendre sucrés par une addition de moût concentré. Ce 
procédé qui a l'inconvénient de donner un goût de cuit, 
ne peut être appliqué à tous les vins. Quand on ne 
veut pas l'employer, on conserve au moût sa douceur 
naturelle et sa saveur sucrée par le mutage au moyen 
de l'acide sulfureux, et de cette façon on a des vins 
doux préférables à ceux obtenus par la concentration. 

Ces vins sont exposés au soleil dans des tonneaux 
dont la bonde est incomplètement fermée On y laisse 
un vide de 15 à 20 litres par futaille, de telle sorte 
qu'il y a en même temps échauftement par l'action 
directe du soleil, et oxydation des éléments du vin par 
l'influence de l'oxygène de l'air. 

On observe que pendant un été, dans ces conditions, 
le vin vieillit de quatre ou cinq ans. Cette même action 
peut être produite par le chauffage, mais les résultats 
sont moins avantageux, la sève du vin est plus dimi- 
nuée par ce procédé que par l'exposition au soleil. 

Un point qu'il importe de bien surveiller, c'est le 
vinage ou l'addition d'alcool. Cette addition se fait len- 
tement, par degrés, car si on ajoutait à un moût une 
trop forte proportion d'alcool en une seule fois on au- 
rait formation d'un précipité. 

11 faut éviter avec soin que le vin ne s'aigrisse par 
suite de l'action de Pair, on arrive à empêcher ce ré- 
sultat par l'addition d'alcool en quantité convenable. 
Un vin qui serait viné dans une trop faible proportion, 
courrait risque de se changer en vinaigre. D'un autre 
côté, si le vin était trop viné, on n'aurait qu'une 



vins d'imitation. 595 
conserve qui ne présenterait plus les caractères du 
vin. 

A quinze pour cent d'alcool on peut déjà ne plus 
avoir à craindre l'acidification, mais à ce point il faut 
encore une grande surveillance. L'addition d'alcool au- 
dessus de ce point se fera lentement, et par petites 
portions. La limite supérieure de la richesse alcoolique 
est ordinairement de 18 à 20 %. 

On arriverait à une certitude plus grande d'une 
action régulière et exempte d'altération, en procédant 
préalablement au chauffage des vins qui doivent être 
traités. 

Dans cette opération importante du vieillissement des 
vins, on peut opérer sur chaque vin séparément, et 
faire ensuite les mélanges convenables des différents 
vins vieillis, ou bien on mélange les vins nouveaux 
dans des proportions déterminées suivant leur nature, 
et on fait vieillir les vins ainsi préparés. 

Lorsque le vin est viné au point convenable, il s'af- 
faiblit par suite de son exposition au soleil et de l'action 
de l'air. De temps en temps on le soutire et on le 
ramène au point de départ par une nouvelle addition 
d'alcool. 

Le froid est très préjudiciable a ces vins pendant 
cette opération du vieillissement, il les trouble et y 
forme un précipité. Aussi faut-il avoir grand soin de 
les rentrer en magasin pendant l'hiver. 

Les manipulations nécessaires pour achever un vin, 
le rendre sec, exigent cinq ou six ans. Il y a des vins 
qui peuvent être obtenus en trois ans, ils sont encore 



596 ŒNOLOGIE. 

un peu doux, et on comprend facilement qu'on peut 
varier pour ainsi dire à volonté les résultats. 

Les vins fabriqués dans ces conditions, dont la pré- 
paration dure cinq ou six années, prennent naturelle- 
ment au soleil un goût d'amandes. Mais il arrive sou » 
vent qu'on opère plus vite pour avoir du vin à bon 
marché, et on leur donne ce goût au moyen des coques 
d'amandes. Celles-ci doivent être chauffées au four, ce 
qui en développe l'arôme, et on les met chaudes dans 
l'alcool. 

Les détails qui précèdent nous montrent en quoi 
consistent les procédés suivis à Cette pour la prépara- 
tion des vins d'imitation. Il n'y a dans leur emploi rien 
qui puisse présenter le moindre inconvénient, ni pour 
la conservation du vin, ni pour la santé du consomma- 
teur, et d'un autre côté, tout se fait au grand jour, et 
par conséquent les produits sont livrés pour ce qu'ils 
sont, deux conditions qui ne sont pas toujours réalisées 
dans les opérations du même genre dont nous avons 
parlé précédemment. 



CHAPITRE XXXII 



MALADIES DES VINS 



Les maladies des vins sont des altérations qui résul- 
tent du développement au sein de ces liquides de fer- 
mentations autres que la fermentation alcoolique. 

Il résulte de cette définition, dont nous allons dé- 
montrer l'exactitude, que tout ce que nous avons dit 
sur les fermentations en général s'applique à ces affec- 
tions, et il nous sera facile de rappeler et de résumer 
leurs caractères. 

Dans la fermentation vineuse, une des formes de la 
fermentation alcoolique, nous avons reconnu l'exis- 
tence d'un ferment spécial, être organisé, vivant, qui 
végète et se développe au sein du moût pendant sa 
transformation en vin. 

Les modifications que le liquide éprouve dans sa 
nature, sa composition, ses propriétés, sont la consé- 
quence de l'accomplissement des actes fonctionnels de 
ce ferment, et les détails dans lesquels nous sommes 



598 ŒNOLOGIE. 

entrés, nous permettent parfaitement d'isoler ces phé- 
nomènes de ceux qui les accompagnent ou leur succè- 
dent, et qui sont dus à des actions purement chi- 
miques. 

De même la maladie d'un vin est la conséquence de 
la présence au sein de ce liquide, d'un ferment d'une 
autre espèce que celui qui produit la fermentation 
vineuse. 

Ce ferment vit, se développe, se reproduit dans le 
vin ; et l'étude que nous avons faite des fermentations 
nous fait comprendre que, par suite de l'accomplisse- 
ment de ses fonctions, il doit se produire des change- 
ments de composition dans le vin malade. Certains 
éléments disparaissent, d'autres substances les rem- 
placent, et ce sont ces changements qui déterminent 
les propriétés et les caractères des vins altérés. 

Nous ajouterons que chaque maladie différente est 
produite par un ferment spécial, facile à distinguer 
quant à sa forme, et toujours très nettement caracté- 
risé par la nature des modifications qui accompagnent 
sa végétation. 

Arrêtons-nous un instant à ces deux propositions : 
les maladies des vins sont des fermentations , chaque 
maladie est caractérisée par un ferment spécial, et exa- 
minons d'abord comment on peut en démontrer l'exac- 
titude. 

Toutes les fois qu'un vin est malade, il est trouble 
et cet état est l'indice certain d'un mouvement inté- 
rieur, qui existe dans toute la masse. 

Cet état du liquide est accompagné d'un dépôt plus 



MALADIES DES VINS. 599 

ou moins abondant qui tend en vertu de sa densité à 
gagner les parties inférieures. 

L'examen de ce vin, au point de vue du diagnostic 
de son altération, doit être fait au moyen du micros- 
cope et cette observation microscopique nous suffira 
pour établir les deux propositions que nous venons 
d'énoncer. 

Outre les cristaux et les matières amorphes que l'on 
trouve toujours dans le dépôt d'un vin, on y rencon- 
trera, si le vin est malade, des corpuscules organisés, 
tantôt plus ou moins ovoïdes ou sphériques, isolés ou 
réunis en chapelets, tantôt allongés ou filiformes. 

Ce sont ces corps qui constituent les ferments des 
vins malades, et comme le ferment alcoolique, ils sont 
d'une ténuité extrême. 

L'étude microscopique du dépôt des vins malades 
conduit donc à y reconnaître constamment des orga- 
nismes inférieurs, plus ou moins analogues au ferment 
de la fermentation vineuse. Si la maladie est nettement 
caractérisée et si elle a envahi la masse totale du vin, 
on y trouve un ferment unique, ou du moins il y a une 
forme qui prédomine tellement que les autres organis- 
mes doivent être considérés comme accessoires. 

Pour toutes les altérations identiques on retrouvera 
le même individu, de même que dans les différen- 
tes conditions où nous produisons la fermentation 
alcoolique nous retrouvons, au sein de liqueurs très 
diverses, le même ferment. 

Le second point sera tout aussi facile à établir que le 
premier et il ressort également de l'observation micros- 



600 ŒNOLOGIE. 

copique des dépôts. En effet pour chacune des maladies 
que les vins peuvent éprouver, on trouve un ferment 
spécial facile à distinguer par sa forme. 

Ce double résultat a été clairement établi par l'étude 
que M. Pasteur a faite d'une nombreuse série de vins 
malades atteints des affections les mieux connues et les 
plus répandues. 

M. Pasteur a passé successivement en revue les vins 
acides, les vins amers, les vins tournés, les vins filants 
et pour chacune de ces catégories de vins malades, il a 
trouvé et décrit un ferment différent, cause de la fer- 
mentation qui produit leur altération. 

A la suite de cette discussion se présentent deux 
questions très importantes et que nous devons exa- 
miner. 

Peut-on empêcher l'apparition et le développement 
dans les vins de ces végétations qui causent leurs 
maladies? Dans le cas où ces végétations se sont pro- 
duites et ont envahi des vins, est-il possible de les 
détruire et par conséquent de guérir le vin malade? 

La réponse à la seconde question est facile et c'est 
par elle que nous commencerons; les faits que nous 
aurons à rappeler en la discutant serviront à éclairer 
la première, et nous permettront de jeter un peu de 
jour sur quelques phénomènes qui s'y rattachent. 

Nous savons que si on expose les liquides fermen- 
tescibles et les liqueurs en voie de fermentation à la 
température de l'ébullition, et même seulement à une 
température un peu supérieure à 75°, on arrête d'une 



MALADIES DES VINS. 601 

manière complète l'accomplissement de tous les phé- 
nomènes qui, dans ces liquides, étaient sous la dépen- 
dance d'une action vitale. 

Non seulement l'action est suspendue pendant cette 
élévation de température, mais la vitalité du ferment 
est détruite, et la fermentation ne se reproduira que 
par suite de l'introduction d'un nouveau ferment ou 
tout au moins de germes capables de lui donner nais- 
sance. 

Par cette opération, on ne régénère pas les éléments 
du vin qui ont disparu, on n'enlève pas les substances 
qui ont pris naissance à leurs dépens, mais on arrête 
la maladie elle même. 

Le dépôt qui existait dans le vin malade et qui con- 
tenait des matières inoffensives mélangées avec un fer- 
ment actif, ne contiendra plus après l'élévation de 
température que des substances inertes, incapables 
de reproduire par elles-mêmes, lorsque le vin sera 
revenu à la température ordinaire, la maladie qu'elles 
avaient produite et développée. 

Des études pratiques répétées dans des conditions 
très diverses ont démontré l'efficacité de ce procédé, 
auquel la théorie nous conduit naturellement. Après le 
refroidissement du vin, et la réunion du dépôt, il suf- 
fira de séparer celui-ci par voie de soutirage, et l'alté- 
ration dont la cause a été supprimée, se trouvera com- 
plètement suspendue. 

Voyons maintenant quelles sont les mesures à prendre 
pour empêcher l'apparition et le développement de ces 
maladies. 



602 ŒNOLOGIE. 

Nous savons que les ferments qui produisent les ma- 
ladies des vins, pas plus que celui qui détermine la 
fermentation alcoolique, ne se développent pas spon- 
tanément. Par conséquent si un vin, ne contenant 
aucune trace de ferment, est mis en bouteilles dans un 
verre bien propre, puis bouché hermétiquement, il 
devra se conserver indéfiniment, sans contracter de 
maladies, dans le sens que nous avons donné à cette 
expression. 

S'il devient malade après quelque temps, c'est qu'il 
aura conservé quelques germes de ferments, ou que ces 
germes se seront introduits dans le vin par suite d'un 
bouchage imparfait, ou d'une altération du bouchon 
employé. 

Le point important pour qu'une maladie ne se déve- 
loppe pas, c'est donc d'abord que le vin ne contienne 
au moment de sa mise en bouteilles aucun germe d'al- 
tération. Or l'expérience a montré qu'on arrivait à ce 
résultat, en prenant pour la conservation des vins 
toutes les précautions que nous avons indiquées, et en 
les portant ensuite pendant un temps même très court 
a une température ne dépassant pas 50°. 

Cette précaution assure leur inaltérabilité pendant 
un temps suffisant, dont la durée sera d'autant plus 
grande que l'on prandra ensuite plus de précaution 
pour empêcher l'arrivée dans le vin de nouveaux 
germes de maladies. 

Le bon choix des bouchons, leur longueur, le perfec- 
tionnement du bouchage, l'emploi des matières pour 
préserver les bouchons, et aussi la bonté et la bonne 



MALADIES DES VINS. 603 

tenue des caves permettront de donner aux vins une 
résistance, en vertu de laquelle on les conservera très 
longtemps sans aucune altération, si on a eu soin de 
prendre les précautions relatives à la nature propre de 
ces vins. 

A ces considérations générales sur les causes des 
maladies des vins et les moyens de les empêcher ou de 
les guérir, nous ajouterons quelques indications rela- 
tives aux altérations les plus usuelles et les mieux 
connues. 

Ce qu'on appelle vulgairement la fleur du vin est une 
végétation peu dangereuse qui se développe à la surface 
du liquide, vit et respire en absorbant l'oxygène de 
l'air, et n'est autre chose qu'un ensemble de cellules 
appartenant à une espèce particulière de Saccharo- 
myces. 

La fermentation acétique se développe lorsqu'il vient 
s'y mêler des cellules d'un végétal particulier, tout-à- 
fait différent du précédent. Celui-ci est constitué par 
des chapelets d'articles, légèrement étranglés vers le 
milieu, dont la largeur un peu variable est en moyenne 
de 1 .5 millièmes de millimètre. La longueur de l'ar- 
ticle est un peu plus du double et comme il est étran- 
glé à son milieu, on dirait quelquefois une réunion de 
deux petits globules. M. Pasteur insiste sur cette dispo- 
sition afin qu'on ne confonde pas ce ferment spécial 
avec des ferments en chapelets de grains de môme dia- 
mètre qui en différent essentiellement par leur fonction 
chimique. 



604 ŒNOLOGIE. 

Les vins tournés, qui ont la pousse, sont troubles, 
ils présentent sous l'influence de l'agitation des ondes 
soyeuses qui se déplacent et se meuvent dans tous les 
sens. Le trouble de ces vins est dû à l'existence de fila- 
ments d'une extrême ténuité, qui ont souvent moins de 

— de millimètre de diamètre, de longueurs très 
1000 ' & 

variables. Le dépôt existant dans les tonneaux est 
formé par ces filaments enchevêtrés les uns dans les 
autres et constituant une masse noirâtre, glutineuse. 

La production de ce ferment s'accompagne d'un 
dégagement d'acide carbonique qui donne lieu au phé- 
nomène de la pousse. 

Une maladie rare dans les vins rouges, très fréquente 
au contraire dans les vins blancs, est celle de la graisse. 
Les vins perdent leur limpidité, deviennent plats et 
fades, et quand on les transvase, ils filent comme de 
l'huile. 

Le ferment observé par M. Pasteur dans ces vins est 

constitué par des chapelets de petits globules sphéri- 

l . . 

ques dont le diamètre souvent inférieur à— de milli- 

^ 1000 

mètre, varie sensiblement suivant les espèces de vins 
présentant les caractères de cette maladie. 

La maladie de l'amertume qui atteint les vins rouges 
et particulièrement les vins de haute qualité présente 
également son ferment spécial. Il offre au microscope, 
des espèces de branchages rameux, avec des nodosiîés 
de diamètres plus ou moins larges, plus ou moins arti- 
culés, incolores ou faiblement colorés en rouge, d'une 
teinte claire vive ou d'une teinte brune très foncée. 



MALADIES DES VINS. Wo 

Ces apparences bizarres et complexes sont dues à la 
matière colorante du vin, qui oxydée sous l'action de 
l'air, se dépose à la surface ou dans l'intérieur des 
organes du ferment et détermine: ces nodosités ayant 
l'apparence de bourgeons, mais n'offrant rien d'orga- 
nisé. On peut dissoudre ces malières-jincrustantes au 
moyen des acides et de l'alcool et alors les filaments 
ont un diamètre réduit, régulier, sans nodosités, ni co- 
loration. 

Ces renseignements confirment ce que nous avons 
dit précédemment sur la nature des maladies des vins 
et sur leur origine, et nous font comprendre la cause 
de l'efficacité du procédé général que l'on peut appli- 
quer à leur traitement, soit curatif, soit préventif. Ce 
procédé est basé sur l'action que la chaleur exerce sur 
les organismes développés et disséminés dans un liquide 
de composition complexe et variable, et sur les germes 
de ces organismes que ce liquide peut renfermer. 

Les ferments une fois détruits et tués sous l'influence 
de cette action, se déposeront par suite du repos et il 
sera facile d'éliminer le dépôt qui se formera, par sou- 
tirage ou décantation. 

On a conseillé dans chaque cas particulier des mé- 
thodes empiriques pour guérir les vins ou prévenir 
leur altération. Nous citerons le remède employé par 
M. François, pharmacien à Châlons-sur-Marne, dans 
le cas de la maladie de la graisse ; il consiste à ajouter 
au vin une dissolution de tannin. 

Le tannin arrête les effets produits par la graisse des 

34. 



606 ŒNOLOGIE. 

vins, et il empêche cette altération de se manifester. Il 
suffit d'ajouter du tannin au vin un mois ou six 
semaines avant de le mettre en bouteilles pour le pré- 
server de la graisse. 

Ce que nous avons dit de la diversité des matières 
désignées sous le nom de tannins nous montre qu'au 
lieu d'employer pour cette opération le tannin ordi- 
naire de la noix de galle, il serait bien préférable de 
préparer avec les éléments du raisin, notamment avec 
les pépins, l'espèce de tannin particulière au vin et de 
se servir de ce produit pour combattre la graisse. En 
tout cas, il faudra toujours employer du tannin très 
pur, préparéavec de l'alcool très fort et renfermant dès 
lors le moins possible d'une matière étrangère qui l'ac- 
compagne dans la noix de galle. 

Nous donnerons le procédé indiqué par M. Maumené 
pour extraire le tannin contenu dans les pépins de 
raisins. 

On fait tomber des pépins broyés dans de l'eau bouil- 
lante aiguisée de 25 grammes d'acide tartrique par 
litre. Après une demi-heure d'ébullition, on neutralise 
une moitié de la liqueur par du carbonate de potasse, 
et on ajoute l'autre moitié de manière h changer l'acide 
tartrique en bitartrafe de potasse. 

On fait évaporer à sec et on traite le résidu par 
l'alcool. La solution d'un beau jaune-clair donne un 
tannin brillant, précipitant faiblement la gélatine en 
flocons solubles dans un peu d'acide acétique et colo- 
rant les sels de peroxyde de fer en vert sombre, mais 
sans former de précipité. 



MALADIES DES VINS. C07 

Le tannin ainsi obtenu diffère du tannin de la noix 
de galle par une insolubilité complète dans Téther, son 
action sur la gélatine montre qu'il agira très faiblement 
sur les parois de l'estomac. Sous tous les rapports, son 
emploi serait bien préférable à celui des autres espèces 
végétales différentes de la Vigne. 

Un point important de l'étude des vins malades, 
c'est la détermination des composés nouveaux formés 
au sein du vin par suite de l'affection dont ils sont 
atteints. 

Ainsi, dans cette maladie particulière caractérisée 
par la fermentation acétique, l'alcool du vin disparait, 
et avec l'intervention de l'oxygène de l'air, il se change 
en acide acétique. Celte altération est la base de la 
préparation du vinaigre et nous nous contenterons 
de la caractériser; la discussion des faits qui s'y rat- 
tachent nous entraînerait au delà des limites dans 
lesquelles nous devons rester dans cette étude gé- 
nérale. 

M. Duclaux, dans son mémoire sur les acides volatils 
du vin a examiné un grand nombre de vins malades 
qu'il a comparés aux vins de même origine, restés 
exempts d'altération et préservés par l'influence d'un 
chauffage préalable. 

La comparaison du titre acide des vins malades et 
des vins sains, dans le cas des vins tournés, a montré 
tantôt une augmentation très notable de ce titre pour 
les premiers, tantôt une augmentation très faible et 
presque insignifiante. Mais si on distingue les acides 



608 ŒNOLOGIE. 

volatils et les acides fixes, on trouve que les premiers 
ont toujours augmenté dans une forte proportion, 
tandis que les seconds ont également constamment 
diminué. 

. Quant à la nature des acides volatils formés, on a 
constaté la production d'acide acétique, d'acide méta- 
cétique, d'acide butyrique etc. 

Ainsi, un vin en voie d'altération, mais dont la ma- 
ladie avait été suspendue par le chauffage, contenait 
par litre 0o r 706 d'acide acétique et 0s r 150 d'acide méta- 
cétique. Le même vin, dont on a laissé l'altération con- 
tinuer, a donné par litre ls r 420 d'acide acétique et 
O390 d'acide métacétique. 

L'examen des gaz produits dans cette maladie a mon- 
tré qu'il ne se formait que de l'acide carbonique; ce 
gaz est seulement accompagné de l'azote que le vin a 
pu absorber pendant les soutirages. 

Dans certains vins tournés, la proportion d'acide 
acétique s'est élevée à ^55 d'acide acétique et 2s r 60 
d'acide métacétique par litre. 

Dans un vin de Bourgogne tourné, on a trouvé Os'615 
d'acide acétique et 0 J, 610 d'acide métacétique. 

M. Duclaux a été conduit à cunclure de l'ensemble 
de ses observations et en tenant compte de ce fait que 
dans tous les vins il y a normalement un peu d'acide 
acétique, que dans la maladie de la pousse il se formait 
des quantités équivalentes d'acide acétique et d'acide 
métacétique. 

M. Pasteur avait reconnu que dans la maladie de 
l'amertume il se développait à la fois des acides fixes 



MALADIES DES "VINS. OUy 

et des acides volatils. M. Duclaux a complètement con- 
firmé ce résultat sur un vin de Pommard 1863. 

Le via conservé sain renfermait par litre 0s r 970 d'a- 
cide acétique et O040 d'acide butyrique; le même vin 
malade a donné 1«- 830 d'acide acétique et 0s r 190 d'acide 
butyrique. Il s'est donc formé beaucoup d'acide acé- 
tique et un peu d'acide butyrique. 

L'augmentation des acides volatils correspond à390 c 
d'eau de chaux de 30.8 (1). On a trouvé en outre une 
augmentation des acides fixes équivalente à 580 cc de la 
même liqueur. 

Des vins amers d'une autre origine ont donné des 
résultats analogues. 

Il résulte de ces recherches que les maladies de 
Famer et de la pousse ne produisent pas les mêmes 
effets chimiques sur la composition du vin, fait complè- 



(1) M. Duclaux a employé comme liqueur alcaline, dans 3es 
expériences, une eau de chaux titrée au moyen de l'acide sul- 
furique. On saisit très bien, au moyen de cette liqueur, le pas- 
sage du bleu ûolacé au bleu franc qui marque la fin de l'opéra- 
tion La dernière goutte d'eau de chaux qui produit cet effet est 
toujours ajoutée en trop et on doit la retrancher du volume 
versé. Cette petite correction est évitée en employant une tein- 
ture de tournesol très peu alcaline, de telle sorte que le nombre 
de gouttes que l'on en verse pour teinter la liqueur, soit exac- 
tement l'équivalent de la goutte d'eau de chaux qu'on est oblige 
d'employer en plus. Ou n'a plus daus ce cas de correction à 
faire et l'on peut inscrire immédiatement le nombre lu sur la 
burette. 

L'eau de chaux est titrée de telle sorte que 31 « correspondent à 
0.075 d'acide acétique, elle est par conséquent un peu plus 
étendue que celle de M. Pasteur citée précédemment. 



610 ŒNOLOGIE. 

tement d'accord avec ce que nous avons dit sur la dif- 
férence de ces deux affections. 

Nous nous contenterons de l'indication de ces inté- 
ressants résultats, ils suffisent pour établir, avec ce qui 
précède, ce que nous savons jusqu'à présent de plus 
positif sur l'origine, la nature, et les effets des maladies 
des vins. 

Toutes ces constatations montrent la justesse de l'ob- 
servation suivante faite par M. Pasteur : « Un excellent 
moyen de connaître les altérations que les vins ont pu 
éprouver, serait de déterminer la proportion des acides 
volatils à un moment donné » Cette détermination 
fournit des résultats très nets et ne présente aucune 
difficulté. 



CHAPITRE XXXIII 



FALSIFICATION DES VLNS 



L'étude des falsifications pratiquées sur les vins et 
des moyens à employer pour les reconnaître, deman- 
derait pour être complète des détails et des développe- 
ments que le cadre de cet ouvrage ne comporte pas. Nous 
devons nous contenter comme pour la question précé- 
dente, de poser les bases de la discussion et d'en indi- 
quer les points les plus importants. 

On est loin du reste d'être Lien d'accord sur ce 
que l'on doit considérer comme une falsification dans 
l'art de la vinification, et beaucoup de personnes re- 
gardent comme parfaitement permises certaines mani- 
pulations, parce qu'elles n'exposent pas toujours ceux 
qui les pratiquent aux rigueurs de la police correc- 
tionnelle. 

La falsification n'existerait d'après cette idée que dans 
le cas où les matières introduites dans les vins au- 



612 FALSIFICATION DES VINS. 

raient une action funeste et dangereuse pour la santé 
des consommateurs. 

Cette théorie ne nous paraît guère admissible, elle 
conduirait à l'approbation complète de toutes les ma- 
nœuvres plus ou moins occultes auxquelles on se livre 
à peu près partout dans le commerce des vins. 

Nous croyons donc qu'il est utile d'apprécier les dif- 
férentes opérations introduites généralement dans la 
pratique et de bien définir les circonstances dans les- 
quelles elles prennent un caractère frauduleux. 

Nous ne voulons certainement pas aller jusqu'à dire 
avec quelques auteurs que tout procédé qui modifie la 
constitution du vin, tel que le donnerait la fermentation 
du jus naturel du raisin, constitue une falsification, en 
y comprenant même la clarification produite au moyen 
des blancs d'œufs ou de la colle de poisson, mais nous 
sommes assez portés à considérer comme une fraude 
toute manipulation non avouée ayant pour résultat de 
changer la nature d'un vin, de manière à permettre sa 
mise en vente sous un nom qui ne lui appartient pas, et 
avec des apparences de qualité qui disparaîtront rapide- 
ment et ne laisseront ensuite qu'un produit facilement 
altérable, et tout-à-fait ordinaire quoique complètement 
inoffensif. 

Parmi les vins tels que la nature du raisin récolté 
nous permet de les obtenir, il en est certainement beau- 
coup qui ont besoin, pour satisfaire aux exigences du 
commerce et de la consommation, de manipulations spé- 
ciales ne présentant au point de vue de leur action sur 
économi e aucune influence fâcheuse. Les vins sont au 



FALSIFICATION DES VINS. 613 

contraire améliorés par suite de leur emploi, leur 
valeur en est augmentée, et il est tout naturel que l'au- 
teur de ces procédés de perfectionnement en tire profit. 
Mais il faut en même temps que l'acquéreur de ces vins 
soit complètement édifié sur leur origine, le caractère 
et l'effet des opérations auxquelles ils ont été soumis 
afin qu'il puisse savoir à quoi s'en tenir sur leur durée, 
leur conservation et les altérations qu'ils éprouveront 
plus tard. 

Avec cette condition, le champ des améliorations est 
vaste, et d'après les détails que nous avons donnés 
précédemment on peut facilement en apprécier toute 
l'étendue. 

Ce qui, suivant nous, dans les opérations de toute 
nature pratiquées sur les vins, en dehors Lien entendu 
des sophistications ayant un caractère nuisible, doit 
constituer la fraude, c'est la dissimulation de ce qui est 
fait en dehors de la fabrication naturelle, dans le but de 
masquer les défauts d'un vin, de cacher son origine, de 
lui donner l'apparence de qualités qu'il ne possède pas 
réellement, en un mot de tromper, comme on dit vul- 
gairement, l'acheteur sur la nature et la qualité de la 
marchandise vendue. 

Lorsque vous achetez, moyennant un prix relative- 
ment peu élevé, un vin d'imitation qui, au lieu d'origine, 
vous coûterait quatre fois davantage, vous savez ce que 
vous faites, et dans ces conditions, le fabricant ne sau- 
rait être taxé de falsification. Mais si dans le centre de 
la production d'un vin de haute qualité, vous payez très 
cher un produit soi-disant amélioré, auquel on a pu 



614 ŒNOLOGIE. 

donner pour un temps des propriétés qui vous ont 
trompé sur sa véritable nature, vous êtes dupe d'une 
véritable fraude, quoique ce produit ne conlienne au- 
cune matière nuisible à la santé, 

On a quelquefois accusé la science d'avoir perfec- 
tionné et multiplié les méthodes de falsification des vins 
et de beaucoup d'autres liqueurs employées dans l'ali- 
mentation, mais il faut bien reconnaître que la science 
ne peut être rendue responsable de l'abus qui est fait 
de méthodes tout-à-fait rationnelles par elles-mêmes, 
et qui ne deviennent mauvaises que parce que certaines 
personnes veulent en tirer un bénéfice illicite. Déplus, 
les gens trompés ne doivent la plupart du temps s'en 
prendre qu'à eux-mêmes, à leur ignorance, et aussi, 
souvent, à la préférence qu'ils ont accordée à un bon 
marché qui les a séduit. 

La conséquence des observations qui précèdent, c'est 
que la fraude dans l'industrie des vins, résulte moins 
de l'ensemble des opérations ou manipulations prati- 
quées sur ces vins, que des manœuvres employées pour 
tirer parti de ces opérations, en donnant comme vin 
d'un vignoble déterminé, un produit qui n'aura de ce 
vignoble que le nom, et dont les qualités factices dispa- 
raîtront bientôt pour donner lieu à des mécomptes et à 
des altérations plus ou moins profondes. 

Les arrêts rendus à différentes époques et dans les 
divers vignobles dans le but de punir la fraude, sont in- 
téressants à consulter pour montrer combien ont été 
multipliés de tout temps les procédés employés pour 
falsifier les vins, et de nos jours encore nousjpouvons 



FALSIFICATION DES VINS. 615 

lire dans de nombreux jugements les considérants qui 
caractérisent et flétrissent justement les manœuvres 
frauduleuses trop fréquemment employées. De même 
nous trouvons souvent indiqués, dans les circulaires de 
l'administration supérieure, les principes qui devraient 
servir de guide dans l'appréciation des opérations pra- 
tiquées sur ces produits. 

Ainsi, la circulaire du 18 octobre 1876 établit net- 
tement les distinctions entre les manipulations per- 
mises, si elles ne sont pas dissimulées à l'acheteur, 
et celles qui au contraire constituent par elles-mêmes 
une falsification. 

« La pratique des coupages, est-il dit dans cette cir- 
culaire, ne doit pas être considérée comme constituant 
par elle-même une falsification dans le sens de la loi 
du 27 mars 1851, rendue applicable aux boissons par 
la loi du 5 mai 1855. 

« Mais dans le cas où il serait prouvé que l'acheteur 
a complètement ignoré la manipulation subie parles 
vins, l'action publique pourrait être mise en mouvement 
contre le vendeur coupable de tromperie. 

« Au contraire, le procédé qui consiste à relever la 
couleur des vins ou à la modifier au moyen de subs- 
tances colorantes autres que celles fournies par la 
grappe, constitue par lui-même une falsification qui doit 
être réprimée indépendamment de toute tromperie de 
la part du vendeur. Parmi ces substances, les unes peu- 
vent être inoffensives, tandis que d'autres présentent 
un véritable danger. » 

Dans l'indication que nous venons de donner des 



616 ŒNOLOGIE. 

principes qui doivent guider le fabricant honnête et 
consciencieux, nous avons signalé le genre de fraude le 
plus répandu pour les vins ordinaires et de consomma- 
tion courante, la coloration artificielle, dont le but est 
surtout de permettre une addition considérable d'eau à 
ces produits foncés en couleur qui conserveront encore 
après ce mélange une teinte suffisante. 

Cette pratique de la coloration artificielle, même avec 
des substances inofïensives, devrait être absolument in- 
terdite, à plus forte raison il faut proscrire et poursui- 
vre énergiquement les procédés de coloration dans les- 
quels on a recours à l'emploi de substances nuisibles 
à la santé. Outre l'influence fâcheuse de ces procédés 
sur la santé publique, on doit encore considérer les 
conséquences qui en résultent pour notre commerce 
d'exportation, car on ne manquerait pas d'arriver par 
leur emploi à tarir une des sources les plus fécondes de 
notre richesse nationale. 

On ne saurait donc être trop sévère dans la répres- 
sion des fraudes que la loi prévoit et peut toujours at- 
teindre sûrement toutes les fois que l'on veut se donner 
la peine de le faire. Malheureusement il existe sous ce 
rapport des tolérances que Ton s'explique difficilement 
quand on examine à quel point est arrivée la falsifica- 
tion sur le sujet qui nous occupe. 

Sur quel principe, en effet, pourra-t-on s'appuyer 
pour condamner ceux qui auront ajouté de Teau à une 
substance alimentaire telle que le lait, si un négociant 
peut impunément reconnaître devant les tribunaux 
qu'il a mis en vente du vin additionné d'une notable 



FALSIFICATION DES VINS. 617 

proportion d'eau, sans préjudice encore des coupages 
non avoués, ou de l'emploi des matières colorantes aux- 
quelles il a eu recours pour la confection de ce vin. 

Pour montrer toute l'extension donnée à ces procé- 
dés de coloration artificielle, nous citerons les matières 
les plus importantes qui sont aujourd'hui employées. 

Ces matières sont d'origine très diverse, on a utilisé 
dans ce Lut. des matières colorantes tirées des végé- 
taux, des animaux et des produits minéraux. 

Les fleurs de l'Althea rosea, les baies du sureau, de 
l'hièble, du troène, du Phytolacca decandra, de l'ai- 
relle myrtille, la betterave rouge, le bois de Campêche, 
le bois de Brésil ; telles sont les substances végétales 
usitées pour colorer les vins. 

Au règne animal, on emprunte le carmin, matière 
colorante de la cochenille. 

Enfin la fuchsine , les sels de rosaniline , et d'au- 
tres substances analogues ont été récemment employées 
sur une grande échelle. 

Parmi ces substances, il en est qui renferment sou- 
vent des matières toxiques, telles sont les fuchsines ar- 
senicales, d'autres exercent sur l'organisme une action 
très caractérisée et ont été quelquefois employées en 
médecine, quelques-unes sont fortement purgatives à 
des doses peu élevées. Souvent même, pour aviver la 
teinte qu'elles donnent, on y ajoute des substances par- 
ticulières telles que l'alun, dont les effets peuvent être 
très dangereux. 

Ces renseignements suffisent pour montrer tous les 
inconvénients que présente l'emploi de ces substances; 



618 ŒNOLOGIE. 

et pour celles que l'on serait porté à tolérer, parce 
qu'elles sont inoffensives, nous devons ajouter que les 
matières colorantes qu'elles renferment ne sont nulle- 
ment identiques à celle que contiennent les raisins, et 
leur présence peut amener des altérations que les vins 
colorés naturellement ne présenteront pas. 

Outre les opérations dontlebut est d'introduire dans 
le vin une matière colorante artificielle, il en est d'au- 
tres qui consistent à mélanger à ces vins des substances 
de diverse nature dans un but déterminé, pour faci- 
liter leur clarification, leur donner du montant, dimi- 
nuer leur acidité. Ici, nous trouverons également des 
substances dont l'emploi n'offre aucun inconvénient 
comme l'acide tarlrique, le tannin, etc.; d'autres, au 
contraire, sont excessivement dangereuses, telles que 
l'acide sulfurique, le sulfate de fer, l'alun dont nous 
avons déjà parlé, les sels de plomb, etc. Nous avons vu 
que l'emploi du plâtre ou sulfate de chaux n'était pas 
toujours sans inconvénient. 

Nous répéterons à ce sujet ce que nous avons déjà dit 
plus haut, si l'emploi de cette dernière catégorie de 
matières doit être proscrit à cause du caractère dange- 
reux que présente leur action sur l'économie, l'usage 
des autres ne devrait être toléré qu'à la condition d'être 
pratiqué ouvertement, et surtout de ne pas être dissi- 
mulé dans une intention frauduleuse. 

Aussi, en résumant les observations générales qui 
précèdent au sujet de la falsification des vins, nous 
croyons qu'il faut être très large dans l'acceptation de 
tous les procédés ayant pour but et pour résultat d'a- 



FALSIFICATION DES VINS. 619 

méliorer ces produits , d'assurer leur durée , et per- 
mettant d'y arriver en leur conservant tous les carac- 
tères d'une boisson hygiénique, salubre et fortifiante. 
L'application des données fournies par la science doit 
être encouragée dans cette direction éminemment favo- 
rable aux intérêts des populations et à ceux de l'indus- 
trie viticole. 

Mais ces produits ne doivent être vendus et acceptés 
que pour ce qu'ils sont réellement, et il est impossible 
d'admettre que l'amélioration d'un vin ordinaire pro- 
duit dans une localité par un cépage déterminé, puisse 
autoriser à lui faire donner le nom d'un vin d'une 
autre localité et provenant d'un cépage différent. De 
même dans les vignobles produisant des vins fins clas- 
sés dans plusieurs catégories , un traitement quel 
qu'il soit appliqué à un vin, ne peut le faire clas- 
ser dans une catégorie supérieure à celle à laquelle il 
appartient naturellement ; pas plus que dans un mé- 
lange fait à la cuve ou par voie de coupage, on n'a le 
droit de donner au vin qui en résulte le nom du vin que 
produirait le raisin de meilleure qualité ayant participé 
à la préparation de ce mélange. 

On comprend donc comment l'application de procé- 
dés parfaitement réguliers peut conduire à une ma- 
nœuvre frauduleuse, si leur emploi n'est pas nettement 
reconnu, et si on donne aux vins qui en proviennent 
des noms qui ne leur appartiennent pas. 

Quant aux opérations basées sur l'usage de matières 
pouvant avoir sur la santé une influence fâcheuse, ou 
amener la prompte altération des vins qui, au moment 



620 ŒNOLOGIE. 

de leur acquisition, paraissent sains et naturels, elles 
doivent être à plus forte raison interdites, et leur em- 
ploi suffit pour constituer une véritable falsification. 

Les connaissances des négociants et des propriétaires 
relativement à la nature, aux propriétés, à la composi- 
tion du produit qu'ils sont appelés à préparer et à con- 
server, ne sont malheureusement pas toujours suffisan- 
tes, et c'est la routine Lien plus souvent que le raison- 
nement qui sert de guide dans le choix des méthodes et 
leur application. C'est en développant leur instruction 
professionnelle qu'on pourrait arriver à diminuer les 
inconvénients que présente l'état de choses actuel, et 
qu'on donnerait à chacun les moyens de se rendre 
parfaitement compte de ce qu'il doit faire pour atteindre 
un but déterminé. 

Aujourd'hui celui qui fait le commerce des vins est 
en général très au courant de tout ce qui touche h la 
partie commerciale et industrielle de sa profession, 
mais pour ce qui regarde la conduite de ses caves, la 
surveillance et le traitement de ses vins, les manipu- 
lations auxquelles il doit se livrer, ses connaissances 
sont très incomplètes. Souvent môme il est à la merci 
d'agents qui se tireront parfaitement d'affaire relative- 
ment aux vins de la localité, mais qui n'ont pas à leur 
disposition les moyens de se reconnaître au milieu des 
caractères si variés qu'offrent les vins des contrées éloi- 
gnées que le commerce utilise pour les coupages et 
ses diverses opérations. 

L'aspect d'un vin, sa dégustation quelque soignée 
qu'elle soit, sont insuffisants pour éclairer complète- 



FALSIFICATION DES VINS. 621 

ment sur sa nature, sa valeur, ses qualités. L'analyse 
est, dans tous les cas, indispensable pour qu'on puisse 
avoir tous les éléments dont il est nécessaire de tenir 
compte, et ici, comme nous l'avons fait remarquer, 
des opérations simples , faciles à conduire et à com- 
prendre, sont la plupart du temps bien suffisantes. 
Nous aurons, du reste, bientôt à revenir sur cette im- 
portante question. 

La crise qui depuis quelques années pèse si lourde- 
ment sur certains vignobles et menace de s'étendre 
encore davantage, fera mieux sentir la nécessité d'une 
instruction plus sérieuse sur toutes les questions qui se 
rattachent à la culture de la Vigne et à la préparation 
des vins, et comme nous en avons été déjà témoins 
dans des conditions analogues, d'un mal extrême et 
sans précédents pourront naître une régénération et une 
amélioration que nous aurions vainement attendues de 
la continuation d'une prospérité toujours croissante et 
que rien ne semblait devoir arrêter. 



35. 



CHAPITRE XXXIV 



CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE 
BOUQUET DES VINS 



Tout le monde est parfaitement d'accord sur ce qu'on 
appelle le bouquet d'un vin ; en effet, on désigne par 
cette expression l'odeur agréable, le parfum qui s'exhale 
de ce liquide récemment versé dans un verre, à une 
température convenable ; pour des vins similaires et 
de môme origine, cette odeur se développe plus ou 
moins, suivant la qualité du liquide et les soins qui lui 
ont été donnés pendant sa conservation et au moment 
de sa mise en bouteilles. 

La perception du bouquet au moment de la dégus- 
tation d'un vin, constitue la première sensation qu'il 
nous procure, bientôt suivie par celle due à la saveur 
qui la prolonge et la complète. 

Ces jouissances du goût et de l'odorat si hautement 
appréciées des gourmets sont produites par des subs- 
tances plus ou moins volatiles existant en dissolution 
dans les vins, et on comprend sans peine toute l'impor- 



BOUQUET DES VINS. 623 

tance que nous présenterait la connaissance précise de 
leur nature et de leur composition. 

Malheureusement, malgré tout ce qui a été déjà dit 
sur ce sujet, nous sommes encore loin de posséder tous 
les renseignements nécessaires pour la solution scien- 
tifique de cet intéressant problème. 

On a découvert dans les vins un grand nombre de 
composés volatils, odorants et sapides qui jouent un 
grand rôle dans le développement de leur odeur et de 
leur saveur. Mais la question particulière du bouquet 
est plus restreinte et moins générale que celle qui em- 
brasse dans leur ensemble l'étude des éléments volatils 
du vin, et il est facile de l'établir par une réflexion bien 
simple. 

Tous les vins, quelle que soit leur origine, renferment 
des alcools, tous contiennent également des acides de 
nature diverse, par conséquent, dans tous ces vins, il 
doit se produire les réactions particulières, qui donnent 
naissance aux élhers, et la formation de ces composés 
au sein du vin est aussi générale que la production 
des phénomènes qui caractérisent la fermentation vi- 
neuse. 

Cependant si tous les vins ont une odeur spéciale 
due à la présence des combinaisons volatiles qui s'y 
trouvent, tous n'ont pas de bouquet, et cette qualité 
constitue le caractère exceptionnel des vins de haute 
qualité et d'un prix élevé. 

Si nous cherchons à déterminer quelle est la cause 
qui influe sur cette importante propriété qu'ont les 
bons vins d'acquérir du bouquet, nous trouvons que 



624 ŒNOLOGIE. 

le cépage est, dans les conditions servant à établir la 
caractéristique des vins, celle qui est dominante. 

On dit souvent que le cépage fait le vin et détermine 
ses qualités particulières, cela est surtout vrai à propos 
du bouquet, tel cépage donnera toujours des vins à 
bouquet, celui-ci pouvant être plus ou moins déve- 
loppé. De plus, la nature du bouquet varie considéra- 
blement avec les différents cépages. 

Nous sommes donc ainsi naturellement conduits à 
admettre que le point de départ de la formation de cet 
élément si précieux de certains vins réside dans la 
constitution du raisin, et que c'est dans le fruit de la 
Vigne qu'il faut aller chercher les substances dont 
les modifications ultérieures , produites certainement 
sous l'influence d'autres composés du vin, dévelop- 
peront le bouquet à un moment donné de leur con- 
servation. Cette idée n'exclut pas le rôle que doivent 
jouer, dans le développement du bouquet d'un vin 
donné, les autres circonstances de sol, d'exposition, 
de climat, ainsi que l'application des méthodes de vi- 
nification. 

Il est très probable que les réactions qui se mani- 
festeront pour amener ce résultat sont tout-à-fait du 
même ordre que celles que nous avons définies et étu- 
diées, et les substances odorantes qui prennent nais- 
sance au sein du vin sont très certainement de nature 
très complexe. L'action réciproque des différents al- 
cools, des divers acides, celle de ces mêmes acides sur 
les matières provenant du raisin, modifiées déjà elles- 
mêmes sous l'influence de l'oxygène de l'air, contri- 



BOUQUET DES VINS. 625 

hueront à la formation des combinaisons auxquelles 
est dû le parfum qui constitue le bouquet. 

Il semble dès lors que Ton ne doit pas considérer 
cette qualité comme étant due à une substance unique 
qu'il serait possible d'isoler et d'analyser à la manière 
d'un composé défini et bien caractérisé chimiquement. 
C'est plutôt une résultante produite par une harmonie 
parfaite entre plusieurs composés de nature et d'origine 
très diverses, et parmi les corps qui la déterminent, 
tous ne sont pas dûs à la fermentation, quelques-uns 
se trouvent déjà dans le raisin avant les modifications 
qu'il éprouve pendant la préparation du vin. 

De plus, l'arôme spécial développé par les vins à 
bouquet, varie essentiellement avec l'espèce de cépage 
qui Leur a donné naissance, et par suite, les substances 
qui en sont le point de départ, doivent également va- 
rier dans leur nature et leur composition. 

La mise en bouteilles est essentiellement favorable 
à la formation du bouquet, l'oxygène de l'air n'interve- 
nant plus après cette opération, il s'établit un équilibre 
de réaction entre les éléments constitutifs du vin, et le 
parfum qui s'échappe au moment où ce liquide est 
versé est dû aux combinaisons éthérées et volatiles qu'il 
renferme dans ces conditions. 

Nous sommes, d'après ces observations, bien loin de 
l'idée qui a guidé certains auteurs ayant cru trouver la 
cause du bouquet des vins dans l'existence d'un com- 
posé chimique, susceptible d'être séparé de ces vins 
par des opérations plus ou moins complexes. 

L'étude de cette question ne pourra être faite com- 



626 ŒNOLOGIE 

plètement et d'une manière sûre que lorsqu'on aura 
multiplié les observations sur les composés volatils que 
le raisin et plus tard le vin renferment, ainsi que sur la 
formation de ces composés produits sous l'influence des 
réactions dont nous avons déjà parlé. L'action de l'oxy- 
gène de l'air doit jouer un grand rôle dans la produc- 
tion de ces composés, les phénomènes que nous avons 
cités précédemment en sont la preuve. 

Un fait important, dans les recherches ayant eu pour 
objet la détermination des principes odorants contenus 
dans les vins, est la découverte faite par Liebig etPe- 
louze de ce composé particulier qu'ils ont appelé éther 
œnanthique. 

Ce produit a une odeur très forte et très désagréable, 
il est volatil, mais il ne bout qu'à une température très 
élevée, au-dessus de 200°. Aussi ne le trouve-t-on pas 
dans les premières parties du liquide distillé, il faut au 
contraire le séparer des liqueurs qui passent à la fin 
de la distillation. 

Le meilleur procédé pour l'obtenir consiste à distiller 
la lie mélangée d'eau qui donne un alcool faible, avec 
lequel on procède à une nouvelle distillation, et le pro- 
duit cherché se trouve dans les dernières portions re- 
cueillies. 

Cet éther œnanthique existe dans tous les vins. C'est 
lui qui avec l'alcool leur communique l'odçur vineuse 
générale et caractéristique, c'est un des produits de la 
fermentation, et on le retrouve dans d'autres liqueurs 
fermentées autres que le vin. Il n'est pour rien, comme 
on l'avait cru d'abord, dans la production du bouquet, 



BOUQUET DES VINS. 627 

son odeur désagréable et son peu de volatilité le prou- 
vent du reste suffisamment. 

Nous donnerons une idée de la faible proportion de 
ce produit dans les vins, en disant que, d'après les au- 
teurs qui se sont occupés sérieusement de son étude, 
les vins n'en contiennent que -^5- en poids. Il existe 
dans les vins des substances élhérées qui s'y trouvent 
en proportions encore plus faibles. 

Nous avons signalé quelques-uns des composés 
éthérés qui ont été le sujet d'observations ou de recher- 
ches spéciales dans l'étude des différentes questions 
que nous avons passées en revue. Nous croyons devoir 
ajouter ici quelques mots au sujet de ceux de ces com- 
posés qui, après avoir été reconnus dans les vins, ont 
été quelquefois employés, à cause de leur volatilité ou 
de leur odeur agréable, pour introduire dans le vin des 
éléments parfumés destinés à en masquer l'origine, ou 
tout au moins à en améliorer les qualités. 

Ainsi on emploie, à cet effet, l'éther acétique, l'éther 
butyrique, l'éther caproïque, l'éther caprylique, l'éther 
pélargonique, l'éther caprique, etc., et comme la pré- 
sence de tous ces produits, ainsi que celle des acides et 
des alcools correspondants, a été constatée avec beau- 
coup d'autres encore dans des vins déterminés, cela 
nous montre que l'on peut trouver dans le vin la plu- 
part des composés dont nous avons indiqué la compo- 
sition générale, pages 118 et 120. 

Cette indication suffit pour montrer toutes les varié- 
tés et le nombre considérable de ces combinaisons qui 
peuvent exister dans les vins. S'il y en a quelques-unes 



628 ŒNOLOGIE. 

qui se trouvent dans tous, d'autres paraissent être spé- 
ciales aux vins de certaines contrées, ou du moins 
elles n'ont été jusqu'ici reconnues que dans ceux-là, et 
par conséquent quelques-unes ont certainement pour 
point de départ des substances préexistant dans les rai- 
sins avant toute fermentation. Les matières nouvelles 
dues à la fermentation agissent à leur tour pour les 
transformer et les modifier, et on comprend d'après ce 
que nous avons dit leur mode d'action et leur influence. 

La liste des acides que nous avons donnée, p. 118, 
nous montre l'analogie qui existe entre les acides acé- 
tique, butyrique, valérianique, etc., et les acides gras 
solides, tels que l'acide margarique, l'acide stéarique 
que l'on rencontre dans les corps gras naturels. Or, nous 
savons qu'il existe dans le raisin des composés de cette 
nature ; nous avons parlé à propos de la composition 
du raisin (voy. tome i tr , p, 629), de l'huile contenue 
dans les pépins. 

Une partie de cette huile passe dans le vin et sa pré- 
sence doit certainement provoquer la formation des 
composés qui peuvent dériver de ses éléments constitu- 
tifs, ou des modifications que ceux-ci peuvent éprou- 
ver par suite de leur oxydation. 

Outre cette matière grasse des pépins, nous devons 
admettre que le jus même du raisin, ainsi que les par- 
ties solides qui forment la rafle, contiennent également 
une petite proportion de ces mômes matières, comme 
tous les produits végétaux quelle que soit leur origine. 

Les raisins, comme beaucoup d'autres fruits, présen- 
tent souvent sur la surface extérieure de leurs baies., à 



BOUQUET DES VINS. 629 

l'époque de la maturité, une matière pulvérulente, blan- 
che qui n'est autre chose que de la cire, et qui mélan- 
gée au vin pendant la fermentation doit y déterminer 
des phénomènes analogues. 

Enfin certains raisins présentent également dans l'é- 
piderme de ces mêmes baies des cellules remplies 
d'huile essentielle qui se mêlera au liquide pendant la 
fermentation et éprouvera des modifications du même 
genre , contribuant ainsi pour sa part à la formation 
de substances volatiles et odorantes. 

Nous nous expliquons, par les détails qui précèdent, 
combien sont nombreuses et variées les sources qui, en 
dehors de la fermentation, introduisent dans le vin des 
substances pouvant prendre part à ces actions spéciales 
que nous avons définies d'une manière générale à pro- 
pos de la formation des éthers et des autres composés 
qui se produisent dans les mêmes circonstances. 

Nous ne devons pas oublier ici de mentionner l'un 
des produits constants de la fermentation, la glycérine, 
espèce particulière d'alcool qui participe d'une manière 
incessante à ces mêmes réactions, à la manière de l'al- 
cool ordinaire. Les changements qui se manifestent 
avec le temps dans la proportion de cette substance 
montrent toute l'énergie de cette intervention. 

Nous avons dit tout-à-l'heure que l'on ajoutait quel- 
quefois au vin des produits d'une odeur agréable pour 
les améliorer, tels que l'éther acétique et autres. Il 
existe une autre pratique tout- à-fait semblable et qui 
montre bien l'influence qu'exercent ces matières en- 
core mal connues , donnant à certains raisins leur 



630 ŒNOLOGIE. 

saveur caractéristique, comme celle du Muscat, par 
exemple, 

On a du reconnaître, par l'analogie et l'observation, 
que certaines plantes contenaient des matières sembla- 
bles à celles que renferment quelquefois les raisins, et 
delà l'origine de l'emploi de fleurs, de feuilles, de raci- 
nes spéciales qui, ajoutées au moût avant la fermenta- 
tion, donnent au vin qui en résulte un goût particulier. 
On sait tout le parti que l'on tire également de la fleur 
de la Vigne dans le même but. 

Nous terminerons ces réflexions sur la nature et le 
rôle de tous ces produits volatils dans le vin, en mon- 
trant combien ces substances sont altérables et peuvent 
être facilement détruites par l'élévation de température 
nécessaire à leur séparation par voie de distillation. 
En même temps, nous aurons la preuve de leur mode 
de formation, en reconnaissant comment elles peuvent 
se régénérer avec le temps après avoir été détruites et 
décomposées par la chaleur. 

Supposons un vin ayant un bouquet agréable et bien 
développé, soumettons-le à la distillation dans les con- 
ditions ordinaires et dans un appareil en verre bien 
propre. 

L'eau-de-vie recueillie aura une odeur agréable, ne 
rappelant nullement celle du vin. Quant au liquide qui 
reste dans le ballon, il aura perdu son parfum et n'of- 
frira plus que l'odeur désagréable de l'éther œnanthi- 
que. 

Mélangeons alors l'eau-de-vie obtenue à la distilla- 
tion et le résidu qui a bouilli sans distiller, nous ne 



BOUQUET DES VINS. 634 

reproduirons pas dans ce mélange l'odeur primitive du 
vin. 

Mais si nous prenons ce liquide, et si, après l'avoir 
laissé refroidir, nous le mettons dans des flacons bien 
bouchés que l'on conservera clans les conditions ordi- 
naires de température pendant un temps assez long, 
une ou deux années, nous trouverons que le bouquet 
se sera développé de nouveau pendant cet intervalle, 
et le vin aura repris au point de vue de son odeur 
les qualités qu'il possédait a vaut l'expérience. Il n'y aura 
certainement pas identité entre les deux produits, mais 
ou aura, par le nouveau développement d'un bouquet 
très semblable au bouquet primitif, la meilleure dé- 
monstration que Ton puisse donner de la cause de ce 
parfum, de son origine, de l'influence du temps dans 
sa production, et de sa facile destruction sous l'influence 
de la chaleur. 



CHAPITRE XXXV 



COMPOSITION DES VINS 



Nous sommes arrivés aux termes de l'étude que 
nous avons entreprise sur les différentes questions qui 
se rattachent à la préparation et à la conservation des 
vins, non pas que nous considérions cette étude comme 
tout à fait complète, mais elle nous paraît suffisante 
pour donner une idée de l'ensemble des connaissances 
œnologiques, et si tous les problèmes que celles-ci com- 
portent ne sont pas résolus, ils sont au moins nettement 
posés, et il est facile de comprendre ce qu'il reste à 
faire pour la solution et le développement de chacun 
d'eux. 

La voie scientifique et certaine dans laquelle on est 
entré pour l'étude de toutes ces questions, promet à 
l'avenir des résultats exacts et parfaitement compa- 
rables, et les matériaux nombreux que l'on a déjà pu 
recueillir dans ces conditions vont se multiplier rapi- 
dement et faire progresser sûrement les différentes 
branches de l'industrie viticole. 



COMPOSITION DES VINS 633 

Le complément des considérations que nous avons 
développées sur les différents points de la vinification 
et de l'analyse des vins serait l'exposé de tout ce que 
l'on sait sur leur composition, le rapport de leurs 
divers éléments, donnée qui servirait de base à une 
classification rationnelle des vins de tous les vignobles. 

Nous avons commencé cet important travail et réuni 
déjà pour l'établir des documents nombreux et très 
variés, nous le trouvons encore trop incomplet pour en 
publier ici les résultats. Dans sa préparation nous avons 
dû écarter une foule de renseignements, certainement 
très intéressants, mais n'offrant pas assez de certitude 
pour entrer dans une étude comparée dont tous les élé- 
ments doivent avoir été obtenus sinon par les mêmes 
méthodes, du moins par des procédés rigoureux et bien 
définis. 

11 se fait du reste en ce moment dans différents centres 
viticoles des travaux considérables sur l'ensemble des 
vins produits par une même contrée, et on peut espé- 
rer que leur publication exercera une grande influence 
sur nos connaissances en matière d'œnologie. 

L'étude la plus complète et la plus considérable sera 
certainement celle qui a été décidée, à la suite de l'Ex- 
position de Paris de 1878, par le Ministre de l'Agricul- 
ture et du Commerce, et dont l'exécution se fait sous 
la direction de M. Boussingault, membre de l'Académie 
des sciences. Plus de trois mille échantillons, formant 
la plupart des types, et provenant de tous les vignobles 
du monde sont soumis à un travail d'ensemble, par 
des méthodes exactes , semblables pour tous et four- 



634 ŒNOLOGIE. 

laissant par conséquent des chiffres essentiellement 
comparables. Toutes les analyses sont exécutées par 
M. Boussingault fils, chimiste déjà connu par d'impor- 
tantes publications. 

Les expositions antérieures avaient été déjà l'occa- 
sion de recherches analogues, et dans beaucoup de 
localités les commissions d'organisation avaient fait 
analyser les vins et beaucoup d'autres produits envoyés 
à Paris, à Londres, à Vienne, etc. 

Ainsi M. Briosi vient de publier les résultats de 
l'analyse chimique comparative des vins italiens 
qui ont figuré à l'Exposition internationale de Paris 
de 1878. Un travail semblable avait déjà été fait pour des 
expositions antérieures. 

Les déterminations portent sur la densité, l'alcool, 
l'acidité totale, l'acide tannique, le résidu sec, le glu- 
cose et les matières minérales. 

Dans ces vins on a reconnu d'une manière générale 
que les vins rouges étaient moins alcooliques, plus 
acides et plus riches en matière extractive que les vins 
blancs comme l'indiquent les moyennes suivantes 
sur 100 : 

Alcool, Acidité, Extrait. 

Vins rouges. . . 12. G9 0.68 2.36 
Vins blancs. . . 14.18 0.59 2.11 
Tout récemment M. Briosi a également publié un 
travail analogue et très complet sur tous les vins de la 
Sicile, et d'autres études du même genre ont été faites, 
il y a quelques années, sur les autres vignobles d'Italie. 
Nous trouverions dans chacune de ces séries des détails 



COMPOSITION DES VINS. 635 

intéressants sur les vins d'une région déterminée, mais 
nous signalerons particulièrement le travail plus com- 
plet publié par M. Cerletti en 1874. 

Aux recherches connues à cette époque sur les vins 
du Piémont, de la Lombardie, de la Vénétie et d'autres 
provinces de l'Italie, M. Cerlelti a réuni tous les docu- 
ments qu'il avait rassemblés sur les vins d'Autriche, 
de France, d'Allemagne, de Suisse, d'Espagne, de 
Portugal, de Russie, de Grèce, d'Asie mineure, 
d'Afrique, d'Autriche et de l'Amérique du Nord, de 
manière à former un ensemble de plus de cinq mille 
échantillons. 

Quoique ces résultats aient été rapprochés sans tenir 
compte de toutes les considérations qui devaient influer 
sur la préparation et l'établissement des moyennes, ils 
fournissent déjà quelques conséquences importantes à 
cause de leur nombre et pour permettre d'en juger 
nous donnerons dans le tableau inséré dans les deux 
pages qui suivent ce qui se rapporte à la richesse alcoo- 
lique des échantillons comparés, en signalant seule- 
ment leur origine, et le nombre des vins analysés de 
chaque contrée. 

On peut juger par cet aperçu, tout incomplet qu'il 
est, des renseignements intéressants que pourra fournir 
une étude raisonnée de l'ensemble des analyses con- 
nues, par rapport à chacun des éléments constitutifs du 
vin. Mais comme nous l'avons fait observer, nous devons 
ajourner la publication d'une pareille étude à cause de 
sa longueur et des lacunes qu'elle présenterait néces- 
sairement dans l'état actuel de nos connaissances. 



636 



ŒNOLOGIE. 





RICHESSE ALCOOLIQUE ESTIMÉE EN VOLUMES 








»a 






xO 




:0 








iO 








o 


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co 


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o 




G© 




o 










CM 


CM 


cm 


CM 


CM 


CM 
























— 

'1 


2 


1 0 


7 


1 0 


7 


4 




™* 




















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l 




















6 


7 


3 


1 










1 


1 




2 


3 


6 


1 1 


22 


35 


4G 


74 


91 


13 


Asie-Mineure. . . . 


















3 


3 




3 


























J 


2 




Italie 






'J 




G 


G 


14 


22 


29 


50 


71 


1 32 


21 


Russie 




















7 


17 


30 


5 
















1 






2 


0 


18 


2 


Amérique du Nord. 




















2 


3 


8 


























1 


5 
























1 


3 


14 


2 
































1 


1 


1 


8 


10 


16 


42 


58 


82 


LI9 


181 


303 


3 



68' 





RICHESSE ALCOOLIQUE ESTIMÉE EN VOLUMES 


is Vins | 
es j 






•Si 


iC 




ta 








art 


îO 










isse ui 
mojen 


ralure 
annuel 


co 


G"' 




o 


ci 


cô 










ce 


GÏ 


H S 


Riche 


Tempe 


























41 


18.87 


1G°. 


























5 


15.46 




























21 


19.06 


14». 


108 


76 


40 


10 


G 


1 


2 








3 


2 


1 679 


14.92 


14». 


2 


2 


1 


1 

2 


















16 
8 


15.50 
13.83 


12o. 
12o. 


270 


329 


209 


177 


129 


95 


40 


19 


8 


3 


1 




1890 


12.73 


120. 


52 


49 


50 


62 


23 


14 


6 


1 










362 


12.54 


9°. 9 


56 


99 


128 


97 


62 


20 


4 




1 








517 


11.70 


10o. 


8 


a 


i 


1 1 




4 


4 


3 


2 


3 




4 


7G 


11 .12 


1 0°. 




147 


240 


227 


142 


45 


11 


8 


1 






1 


911 


11.08 


10o. 


56 


0 / 


102 


188 


2 1 7 


119 


45 


30 


14 


2 


1 




895 


10.49 


10o. 


1 




3 


20 


17 


16 


8 


/, 










69 


9. 


10». 


II 


775 


840 


795 


000 


314 


120 


65 


26 


8 


5 


7 


1 5490 


12.34 



































30 



638 ŒNOLOGIE. 

M. Goppelsrœder a présenté en 1877 à la Société 
industrielle de Mulhouse un mémoire sur l'analyse des 
vins comprenant les observations faites sur 112 échan- 
tillons provenant de la Suisse, de l'Alsace, de la France, 
du Margraviat et de la Valteline. 

L'analyse a porté sur la matière colorante, la densité, 
l'alcool, l'acide fixe, l'acide volatil, le sucre, le résidu, 
les cendres, etc. L'ensemble de ces recherches a con- 
duit aux conséquences suivantes : 



Poids des 
corps solides 

contenus 
dans un litre 
de vin 


SUCRE 


ÀCI 

Acétique 


DES 

Tartrique 


Cendres 


ALCOOL 

dans 
1000 gr. 
de vin 


Quantité 
de corps 
solides 
sur une 
partie de 
cendres 


grammes 










69 




13—14 


0.6 


0.4 


4.4 


1.3 


8.8 


15—16 


1.1 


0.3 


4.4 


1.9 


73 


8.2 


16-17 


0.6 


0.3 


3.8 


2.1 


79 


8.1 


17-18 


0.9 


0.4 


4.2 


2.3 


76 


8.5 


18—19 


0.6 


0.4 


3 9 


2.5 


67 


8.3 


19—20 


0 9 


0.4 


4.6 


2.1 


80 


9.7 


20—21 


1.1 


0.3 


4-4 


2.6 


81 


8. 
8.5 


21-22 


0.8 


0.3 


4.1 


2.6 


80 


22—23 


0.8 


0.3 


4.5 


2.3 


88 


9.3 


23—24 


1. 


0.6 


3.9 


2.7 


83 


9. 



Les limites dans lesquelles ont varié les quantités 
des différents corps contenus dans les vins étaient donc 
pour un litre : 

Moyenne. 

Corps solides 13. à 24 gr. 18.30 

Sucre 0.6 à 1.1 0.84 

Acide acétique 0.3 à 0.6 0.37 

Acide tartrique 3.8 à 4.6 4.20 

Gendres 1.3 à 2.7 2.24 

Alcool dans 1000 gr. . . 67. à 88 77.60 



COMPOSITION DES VINS. 639 

Ces différents nombres montrent que les quantités 
des diverses substances dans les vins examinés, ne 
varient qu'entre des limites assez rapprochées, et l'en- 
semble des observations faites a prouvé qu'il n'était 
pas possible de tirer une conclusion précise sur l'ori- 
gine d'un vin par la détermination quantitative de plu- 
sieurs de ces substances ou même de toutes. 

L'étude analytique des vins présente encore beau- 
coup d'intérêt au point de vue des changements qu'ils 
éprouvent pendant leur conservation, lorsqu'elle porte 
sur des échantillons préparés depuis longtemps. Des 
observations de ce genre remplacent, lorsque les vins 
sont bien authentiques, celles qu'il n'est pas possible 
de faire dans d'autres conditions , c'est-à-dire en opé- 
rant sur les mêmes vins à de longs intervalles. 

M. Berthelot a comparé récemment deux vins de 
Porto, préparés l'un en 1780, l'autre vers 1834. Voici 
les résultats obtenus : 





DENSITÉ 

à 

10 


ALCOOL 

en 
volumes 


HÉSIDU 

sec 
à 100° 


SUCUE 

sur 100 
parties 


ACIDE 

par lilre en 

acide 
tarlriqne 


CUÊME 

de 
tartre 


Via de 100 ans 
Via de 45 aos . 


0.988 
0.991 


19.8 
20.1 


3.36 
5.50 


1.29 
3.G8 


58 r 17 
58^46 


0 27 
0.42 



Dans le vin de 45 ans, le sucre réducteur était ac- 
compagné d'une petite quantité de sucre de cannes. 
Nous ajouterons la composition du résidu sec sur 



cent : 



640 



ŒNOLOGIE. 




Sucre réducteur 
Sucre de cannes 



1.25 3.45 

0.04 (?) 0.53 

0.51 0.52 

0.27 0.28 

0.03 0.04 

1.16 0.98 



Acides libres non éthérifiés. . 
Acides éthérés 



Bitartrate de potasse 

Glycérine et matières diverses 



Nous devons également à M. Berthelot l'analyse d'un 
vin beaucoup plus ancien. Ce liquide était renfermé 
dans un vase de verre scellé par fusion, trouvé il y a 
quelques années aux Aliscamps, près d'Arles, et dont 
l'antiquité était parfaitement authentique. 

Il avait une odeur franchement vineuse et très sen- 
siblement aromatique. La matière colorante était dé- 
truite, et il n'y avait plus que des traces de sucre. La 
proportion des acides fixes évalués en acide tartrique 
s'élevait à 3- r 6 par litre, celle du bitartrate de potasse 
à 0s r 6. Au même volume de liquide correspondait 45 cc 
d'alcool. 

L'existence d'une petite quantité d'acide acétique 
montre que c'était un vin faiblement alcoolique et qui 
avait subi, avant son introduction dans le tube qui le 
contenait, un commencement d'acétiilcation. 



FIN 



BIBLIOGRAPHIE 



Nous nous contenterons dans cet article bibliographique de mention- 
ner les ouvrages et les mémoires récents dans lesquels sont développées 
et discutées les principales questions relatives aux fermentations, ainsi 
que celles qui ont trait aux différentes périodes de la vinification, ou 
qui se rapportent à l'analyse des vins. 

Bécliamp. — Sur l'acide acétique et les acides gras volatils de la fermentation 
alcoolique. Coraptes-rendus de l'Académie des Sciences, 1863, 56, 969, 1086, 1231* 
— Sur la fermentation alcoolique. Id., 1872, 75, 1036. 

Bcrt (Paul). — Influence de l'air comprimé sur les fermentations. Aun. de Ch. 
et de Phys., 5 e série, 1876, 7, 145. 

Berthelot. — Sur la fermentation alcoolique. Ann. de Ch. et de Phys., 
3 e série, 1857, 50, 322. — Essai sur la formation des élhers dans les vins et autres 
liquides alcooliques; id., A" série, 1864, 1, 327. — Id., et «le Fleurleu. — Sur 
le dosage de l'acide tartrique, de la potasse et de la crème de tartre contenus dan s 
les liqueurs vineuses, 5, 4 e série 1 865 , 5, 177. — Id. et Péan de Saint-Gilles. 
Recherches sur les affinités. De la formation et de la décomposition des éthers. — 
Id., 3 e série, 1862, 65, 385. — Id., 65, 5. — Id., 1863, 68, 225. 

Ciianiberlaiicl et Joubert. — Fermentation des fruits plongés dans l'acide 
carbonique. C. R. 1876, 83, 354. 

Cochin. — Sur la non-existence du ferment alcoolique soluble. C. R. 1879 
89, 31 5. 

Dcllfs. — Composition de l'acide et de l'éther œnantbiques. Ann. de Ch. et de 
Phys., 3» série, 1850,34, 328. 

Duclaux. — Eludes relatives à l'absorption de l'ammoniaque et à la production 
d'acides gras volatils pendant la fermentation alcoolique. Paris, 1865. — Recher- 
ches sur les vins : 1 er mémoire, sur le dosage de l'alcool dans les vins. Ann. de 
Ch. et de Phys., 5e série, 1871, 2, 233. — Id., 2 e mémoire, sur les acides volatils 
du vin ; id., 289. — Id., 3* mémoire, sur la matière colorante du vin ; id., 3, 108. 

36. 



642 BIBLIOGRAPHIE. 

Dumas, — Recherches sur la fermentation alcoolique. Ann. de Ch. et de 
Phys., 5* série 4874, 3, 57. 

EîîgeJ. — Sur les ferments alcooliques. Paris, 4872. 

Frémy. — Origine des ferments. Paris, 1874. 

Fr^senius. — Etudes analytiques sur les vins du Rhin. Ann. der Ch. und 
Pharm., 63, 381. 

Gautier. — La sophistication des vins. Paris, 1877. 

Goppelfcrœder. — Mémoire sur l'analyse des vins. Bull, de la Société indus- 
trielle de Mulhouse, novembre 1877. 557. 

Kouriart. — Nouvelle méthode pour le dosage de l'extrait sec des vins. Ta- 
ris, 4877. 

Lecîiartier et Bellamy. — De la fermentation des fruits. C. R. 1875, 
81, 11*27. 

Lfebig. — Sur la fermentation. Ann. de Ch. et de Phys., 4 e série, 1871, 23, 5. 

IVlaumené. — Mémoire sur la nouvelle méthode alcoométrique pour la distil- 
lation des spiritueux alcalisés. ADn.de Ch. et de Phys., 5 e série, 1876, 9, 496, 

Mttntz. — Recherches sur la fermentation intracellulaire des végétaux. Ann. 
de Ch. et de Phys., 5* section, 1878, 13, 5ï3. 

Pasteur. — Mémoire sur la fermentation alcoolique. Ann. de Ch. et de Phys., 
3 e série 1850, 58, 364. — Etu'les sur le vin, Paris. 1873. — Etudes sur la bière, 
Paris, 1876. — Examen ciitique d'un écrit posthume de Cl. Bernard, sur la fer- 
mentation. Paris, 1879. 

Rces. — Sur les ferments alcooliques. Bolanischc Zeilung. Décembre 1869. 

Scliutzcm berger. — Les fermentations. Pari?, 1875. 

TSi^nard. — Rapport sur un appareil à titrer l'alcool des vins, présenté par 
M. Maligand. C. R. 4875, 80. 



TABLE DES MATIÈRES 



CONTENUES DANS LE SECOND VOLUME 



Avant-Propos ' V 

CHAPITRE PREMIER. 

Le Vin 4 

Origine du Vin. — Des différentes sortes de Vins. — Opérations qui se succè- 
dent pendant la vinification. — Importance de la fermentation. — Sou caractère 

général * CHAPITRE II. 

La fermentation alcoolique -° 

Caractère de la fermentation alcoolique. — Rôle et nature de la levûre. - Défi- 
nition de cette espèce de fermentation. 

CHAPITRE III. 

Les fermentations en geneiul 

Caractères des fermentations. — Phénomèues qui les distinguent des faits pure- 
ment chimiques souvent confondus avec elles. 

CHAPITRE IV. 

Étude chimique de la fermentation alcoolique. (Première partie) . . 48 
Ancienne théorie de la fermentation alcoolique. — Dédoublement du sucre 
eu alcool et en acide carbonique. — Autres substances formées aux dépens 
du sucre. — Modifications accessoires qui accompagnent la formation a 3 ces 

substances. . „ .-. 

CHAPITRE V. 

Étude physiologique de la fermentation alcoolique 66 

Caractères du genre Saccharomyces. - Nature de la levûre de bière et des 
autres levures alcooliques. CHAPITRE VI. 

Étude chimique de la fermentation alcoolique. (Deuxième partie) . . 78 
Production de l'acide acétique et d'autres acides volatils pendant la fermentation 
alcoolique. — Du rôle de l'ammoniaque pendant cette fermentation. 

CHAPITRE VII. 

ÉTUDE DES MATIÈRES QUI SE FORMENT PENDANT LA FERMENTATION ALCOO- 
LIQUE 

Acide carbonique. - Alcool. - Glycérine. — Acide succinique. — Cellulose. 
- Acide acétl^e. - Série des acides gras. - Série des alcools et des 

ald,îhideS - CHAPITRE VIIL 

Origine du ferment qui se développe pendant la fermentation vi- 

NEUSE 

CHAPITRE IX. 

INFLUENCE DES AGENTS PHYSIQUES ET DES COMPOSÉS CHIMIQUES SUR LA FERMBN- 



644 TABLE DES MATIÈRES. 

CHAPiTRE X. 

Théories de la fermentation 174 

CHAPITRE XI. 

Les fermentations indirectes 190 

CHAPITRE XII. 

Action de l'oxygène dans la fermentation 206 

CHAPITRE XIII. 

Équation de la fermentation alcoolique 220 

CHAPITRE XIV. 

Conservation des vins. Première période : Mise en tonneaux 228 

Ouillage ou remplissage. — Soutirages. 

CHAPITRE XV. 

Action réciproque des substances contenues dans l*?s vins 241 

Formation et constitution des éthprs. — Limite et équilibre d'élhérification dans 
les vins. — Influences qui peuvent faire varier cet état d'équilibre. — Décompo- 
sition des gluccsides après la fermentation. 

CHAPITRE XVI. 

Action de l'oxygène sur les vins 259 

Action physiologique de l'air et de l'oxygène. — Action chimique de l'oxygène. 
CHAPITRE XVII. 

Conservation des vins. Deuxième période : Mise en bouteilles . ... 269 
Collage. — Des substances différentes employées pour cette opération. — Con- 
servation des vins en bouteilles. 

CHAPITRE XVIII. 

Des différentes sortes de vins 283 

Vins de tables, rouges et blancs. — Vins fins, vins ordinaires — Vins mous- 
seux. — Vins de liqueurs. — Caractères des différents vins. 

CHAPITRE XIX. 

Essais pratiques des moûts , 297 

CHAPITRE XX. 

Analyse des vins. Considérations générales. 320 

CHAPITRE XXI. 

Recherche de la densité , . 327 

CHAPITRE XXII. 

Étude des gaz dissous dans les vins 336 

CHAPITRE XXIII. 

Alcoométrie ^Vl 

Détermination de l'alcool dans les mélanges d'alcool et d'eau. — Alcoomètre 
centésimal. — Correction relative à la température. — Dosage de l'alcool dans les 
vins. — Procédé de Gay Lussac. — Ebullioscope. — Dilatoraètre alcoométrique — 
Lmpioi du compte gouttes. — Liquomùtre. — Méthode Tabarié. - Proportion 
d alcool en poids. — Richesse alcoolique des vins de la Côte-d'Or. — Pro- 
cédés suivis à l'étranger pour l'estimation des richesses alcooliques. — Hydro- 
melre de Sikes. - Aréomètre de Bories. — Alcoomètre de Tagliabue — 
AlcoomèLre de Tralles. — Appareil de Richter. — Avantages que présen- 
terait la vérification des alcoomètres. — Comparai on des thermomètres cen- 
tigrade, Réaumur et Fahrenheit. 



TABLE DES MATIÈRES. 645 
CHAPITRE XXIV. 

DÉTERMINATION DE L'EAU ET DE L'ENSEMBLE DES MATIERES FIXES CONTENUES 
DANS LE3 VINS 457 

Dosage de l'extrait des vins. — Résidu sec. -— Méthodes approchées pour la dé- 
termination de l'extrait des vins. 

CHAPITRE XXV. 

Acidimétrie 474 

Détermination de l'acidité totale. — Titre acide. — Emploi des liqueurs titrées 
normales. — Dosage des acides volatils. — Dosage de l'acide tartrique. — Dosage 
du bitartrate de potasse. — Méthode générale de séparation des acides fixes. — 
Dosage de l'acide malique. — Dosage de l'acide succinique. — Dosage de la po- 
tasse. — Analyse des composés éthérés. — Résultats obtenus. 

CHAPITRE XXVI. 

Saccharimétrie 529 

Emploi du saccharimètre. — Analyse chimique. — Résultats divers. 

CHAPITRE XXVII. 

Détermination de la glycérine et du tannin 54i 

Dosage de la glycérine. — Dosage du tannin. 

CHAPITRE XXVIII. 
Détermination des matières azotées contenues dans les vins . . . 557 

Dosage de l'azote total. — Détermination des matières albumineuses. — Dosage 
des composés ammoniacaux. 

CHAPITRE XXIX. 

Détermination diîs cknores et des matières minérales 564 

Préparation et dosage des cendres. — Analyse et composition des matières 
qu'elles coniienDent. 

CHAPITRE XXX. 

La matière colorante des v.ns. 571 

CIRPITRE XXXI. 

Étude des modifications apportées a la fabrication du vin dans un but 

d'amélioration 578 

Des différents procédés pour l'amélioration des vins. — Chaptalisation. — Gal- 
lisation. — l'etiolisation. — Plâtrage des vins. — Ses effets et ses inconvénients. 
— Du vinage. — Considérations générales sur ces diflérents procédés et leur appli- 
cation. — Préparation des vins d'imitation. 

CHAPITRE XXXlï. 

Maladies des vins S96 

Caractères des maladies. — Étude microscopique des dépôts des vins malades.— 
MéLhode générale employer pour guérir les vins malades. — Mesures à prendre 
pour empêcher le développement des maladies. — Description des ferments pro- 
pres à chacune des maladies des vins. — Traitement spécial de la maladie de la 
g r ai sse> _ Etude des composés qui se produisent au sein des vins pendant leurs 
maladies. — Maladie des vins tournés. — Maladie de l'amertume. 

CHAPITRE XXXIÏI. 

Falsification des vins 611 

Ce que l'on doit entendre par falsification. — Caractère frauduleux de certaines opé- 
rations pouvant ne présenter par elles-mêmes aucun inconvénient.— Coloration ar- 
tificielle des vins. — Matières diverses employées pour cette coloration. — Néces- 
sité de remédier à l'état de choses actuel par le développement de l'instruction pro- 
fessionnelle. 



646 TABLE DES GRAVURES. 

CHAPITRE XXXIV. 

Considérations générales sur le bouquet des vins 622 

CHAPITRE XXXV. 

Composition des vins 632 

Bibliographie , 641 



TABLE DES GRAVURES 



TOME PREMIER 

1° Carie indiquant les- limites de la culture de la Vigne dans l'ancien con- 
tinent , 

2° Coupes de terrains dans les vignobles de la Cote d'Or 80 

3° Coupe de la dune allant du Cap-Breton à l'Océan 157 

4° Vue d'un champ de Vigne disposé sur le versant des dunes 159 

5° Vue des terrasses naturelles existant sur les bords de la Niangua. . . . 227 

6° Appareil pour l'étude de la lumière polarisée 362 

7° Même appareil dans une position différente 363 

8° Tableau réprésentant les époques de l'ouverture de la vendangea Volnay 

de 1689 à 1872. 583 

TOME i SECOND 

1° Appareil pour l'observation des phénomènes généraux de la fermentation 

alcoolique 25 

2° Globules de levure de bière vus au microscope 31 

3° Ballons servant à l'étude des théories de la fermentation 185 

4° Aréomètre à poids constant et à volume variable 299 

5° Densimètres : 1° appareil pour les liquides plus denses que l'eau; 2° ap- 
pareil pour les liquides plus légers que l'eau-, 3» appareil à échelle double 

pouvant servir dans les deux cas . 303 

6° Flacon à densité 329 

7° Alcoomètre centésimal 351 

8° Concordance de l'échelle Gay-Lussac et de l'échelle Cartier 360 

9° Alambic Salleron pour l'essai des vins 377 

10° Pièces accessoires de l'appareil précédent 378 

11° Alambic Salleron, grand modèle 380 

12° Ebulliosco()c Malligarul -Vidal 395 

13° Hydromètre Sikes, et poids additionnels qui l'accompagnent 428 

H° Concordance de l'échelle centigrade et de l'échelle Fahrenheit 451 



LIBRAIRIE F. SÀVY 

BOULEVARD SMNT-GERMAIN, 77, A PARIS 



OUVRAGES DE G. LAD RE Y 

La Bourgogne, Revue œnologique et viticole. 

La Revue viticole, Annales de la Viticulture et de l'OEnologie 
française et étrangère. 

Ces deux ouvrages comprennent 6 volumes grand in-8°, avec 
planches et carte. 

La Revue viticole et la Bourgogne, qui ont paru de 1859 a 1864, 
forment dans leur ensemble le recueil le plus complet qui ait été pu- 
blié sur la Viticulture et l'Œnologie. Ce recueil renferme les documents 
les plus variés sur l'histoire de tous les vignobles et sur toutes les 
questions qui intéressent la culture de la Vigne et la préparation des 
vins. 



Le Phylloxéra, histoire de la nouvelle maladie de la Vigne 
et des moyens employés pour la guérir. Études pratiques 
à l'usage des vignobles menacés. 1 vol. in-18, 1875, avec 
carte coloriée et figures dans le texte. 

Cet ouvrage comprend l'étude et la discussion de toutes les ques 
tions soulevées par la maladie de la Vigne produite par le Phylloxéra 
Il est indispensable aux propriétaires de vignobles qui tiennent à se 
mettre au courant des observations nouvelles, et à pouvoir apprécier 
la valeur des procédés conseillés pour combattre la maladie. 



Le Phylloxéra dans le département de la Côte-d'Or. Rappor 
au Ministre de l'Agriculture et du Commerce. Bro 
chure in-8° avec une carte et 5 planches coloriées, 1878. 



Les Etablissements industriels et l'hygiène publique, 

•1 vol. in-8°. 1867. 

Ce volume contient l'exposé complet de la législation qui régit les 
établissements incommodes, dangereux et insalubres, avec la nomen- 
clature des établissements classés. C'est un guide indispensable pour 
les industriels et pour toutes les personnes qui ont pour mission de 
veiller au bon état de la salubrité publique. 



Étude sur le Phosphore, brochure in-8°, 1868. 

Cette étude comprend l'histoire complète du Phosphore, non-seule- 
ment au point de vue de sa préparation, de ses propriétés chimiques et 
physiques, mais aussi sous le rapport des applications physiologiques, 
industrielles et agricoles dont ce corps et ses nombreux composés 
sont susceptibles. 



Programme d'un cours de Pharmacie, 1 vol. in-4 8, 4 868. 

Ouvrage utile aux étudiants pour les guider daus leurs études, et 
aux praticiens pour mettre rapidement sous Leurs yeux un ensemble de 
connaissances qu'ils ne doivent jamais perdre de vue. 



L'Art de faire le vin, 4 e édition, entièrement refondue et 
considérablement augmentée, I vol. in-18 avec de nom- 
breuses ligures dans le texte. 

Cours de Pharmacie, Leçons professées à l'École de Mé- 
decine et de Pharmacie *de Dijon, de 4 867 à 4 879. 4 fort 
vol. in-48, avec des figures et des planches gravées. 



SOUS PRESSE 




DIJON, IMPRIMERIE DÀRANTIERE .